Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme I... E..., M. A... K..., M. D... M..., M. et Mme R..., S... F... et M. B... C..., M. et Mme Q..., M. H... N..., M. G... L..., ainsi que M. et Mme T... P... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 13 avril 2015 par lequel le préfet de la Mayenne a délivré à la société Ferme éolienne de la Lande une autorisation d'exploiter, sur le territoire des communes de Commer et de Martigné-sur-Mayenne, une installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent, comprenant trois éoliennes et un poste de livraison.
Par un jugement n° 1508391 du 24 novembre 2017, le tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté du 13 avril 2015 du préfet de la Mayenne.
Par un arrêt n°s 18NT00248, 18NT00325 du 23 mai 2019, la cour administrative d'appel de Nantes a, sur appels de la société Ferme éolienne de la Lande et du ministre de la transition écologique et solidaire, annulé ce jugement et rejeté la demande de Mme E... et autres devant le tribunal administratif de Nantes.
Par une décision n° 432865 du 16 octobre 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt et renvoyé à la cour administrative d'appel de Nantes ces deux affaires, qui portent désormais les nos 20NT03337 et 20NT03339.
Procédure devant la cour :
I-Sous le n° 20NT03337
Avant cassation :
I. Par une requête et un mémoire enregistrés les 22 janvier et 5 juillet 2018, la société Ferme éolienne de la Lande, représentée par Me Gélas, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 24 novembre 2017 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme E... et autres devant ce tribunal, à titre subsidiaire, de sursoir à statuer dans l'attente de la régularisation des vices tirés de l'insuffisance de ses capacités financières et de ce que l'avis de l'autorité environnementale a été rendu dans des conditions qui ne répondent pas aux exigences de la directive du 13 décembre 2011, à titre infiniment subsidiaire, de prononcer l'annulation partielle de l'arrêté du 13 avril 2015 du préfet de la Mayenne limitée, d'une part, à la suffisance des capacités financières, d'autre part, à l'avis de l'avis de l'autorité environnementale, et d'ordonner une reprise d'instruction limitée à la phase concernée de la procédure d'instruction ;
3°) de mettre à la charge de chacun des requérants la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, les pièces du dossier permettaient d'apprécier la suffisance des capacités financières ; en outre elle peut justifier de ses capacités financières jusqu'à la mise en service de l'installation, la présentation de ces capacités étant suffisante au stade de la présentation du dossier ; par ailleurs la prétendue insuffisance de ses capacités financières n'a pas été de nature à exercer une influence sur le sens de la décision prise ou à priver les intéressés d'une garantie ;
- l'avis du 6 décembre 2013 de l'autorité environnementale n'est pas entaché d'irrégularité ; il a été émis par une autorité disposant d'une autonomie réelle répondant aux exigences de l'article 6 de la directive du 13 décembre 2011 ; en tout état de cause, ce vice, à le supposer établi, peut être neutralisé ; l'avis de l'autorité environnementale ne constitue pas un avis conforme mais un avis simple informatif, qui s'ajoute aux autres nombreux avis rendus sur le projet ; il ne porte que sur la question technique de la suffisance de l'étude d'impact et non sur l'appréciation concrète des impacts du projet ; le préfet apprécie lui-même la suffisance de l'étude d'impact mise à la disposition du public, il peut donc porter sa propre appréciation sur le document et n'est ainsi pas privé d'une garantie ; enfin, la Cour de céans ne pourra que faire une application de la jurisprudence du Conseil d'Etat, lequel a conclu, dans sa décision du 26 juin 2015 " Association France Nature Environnement ", à la neutralisation de cette illégalité pour les contentieux en cours à la date de sa décision ;
- les autres moyens soulevés en première instance par les demandeurs n'étaient pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 25 juin 2018, Mme E... et autres, représentés par Me Echezar, concluent au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société Ferme éolienne de la Lande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir que :
- le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité ; c'est au titre de la question procédurale et de l'insuffisance du dossier de demande d'autorisation que le tribunal administratif a annulé l'arrêté préfectoral ; le tribunal n'a pas analysé l'illégalité interne de l'arrêté, mais bien sa légalité externe et la suffisance ou non des éléments apportés par le pétitionnaire pour prouver ses capacités financières ; l'insuffisance des capacités financières ne peut être régularisée par un document postérieur à l'enquête publique ; le montant de 50 000 euros par éolienne pour le démantèlement est insuffisant ; de surcroît le montant du capital de la société ABO Wind SARL, qui détient 99% de la société pétitionnaire, est seulement de 100 000 euros ; la régularité externe de l'autorisation doit être appréciée à la date de sa délivrance ;
- l'arrêté préfectoral contesté est entaché d'une autre illégalité, tirée de l'irrégularité de l'avis de l'autorité environnementale ; cette irrégularité est de nature à exercer une influence sur la décision prise et à nuire à l'information du public, de sorte que l'arrêté d'autorisation encourt l'annulation pour ce motif ;
- les moyens soulevés par la société Ferme éolienne de la Lande ne sont pas fondés.
Après cassation :
Par lettre enregistrée le 7 décembre 2020, M. et Mme Q... ont été désignés par leur mandataire, Me Echezar, représentant unique, destinataire de la notification de la décision à venir.
Par des mémoires en défense enregistrés les 16 décembre 2020 et 21 juin 2021 (non communiqué), Mme E..., Mme F..., M. N..., M. et Mme T... P..., M. et Mme R..., M. et Mme Q..., représentés par Me Echezar, concluent au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société Ferme éolienne de la Lande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les moyens soulevés par la société Ferme éolienne de la Lande ne sont pas fondés ;
- l'avis de l'autorité environnementale est entaché d'irrégularité ; cette irrégularité est de nature à exercer une influence sur la décision prise et à nuire à l'information du public de sorte que l'arrêté d'autorisation encourt l'annulation pour ce motif ;
- le 13 avril 2020, le projet autorisé par la décision contestée n'avait pas été entrepris ; il semble qu'aucune décision de prorogation de la durée de validité de l'enquête publique n'a été prise avant cette date ; le projet litigieux ne pourrait, en application de l'article R. 123-24 du code de l'environnement, être autorisé sans que la cour n'impose la réalisation d'une nouvelle enquête publique.
Par un mémoire enregistré le 6 avril 2021, la société Ferme éolienne de la Lande, représentée par Me Gélas, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme E... et autres devant ce tribunal, à titre subsidiaire, de sursoir à statuer dans l'attente de la régularisation des vices tirés de l'insuffisance de ses capacités financières et de ce que l'avis de l'autorité environnementale a été rendu dans des conditions qui ne répondent pas aux exigences de la directive du 13 décembre 2011, à titre infiniment subsidiaire, de prononcer l'annulation partielle de l'arrêté du 13 avril 2015 du préfet de la Mayenne limitée, d'une part, à la suffisance des capacités financières, d'autre part, à l'avis de l'avis de l'autorité environnementale, et d'ordonner une reprise d'instruction limitée à la phase concernée de la procédure d'instruction ;
3°) de mettre à la charge de chacun des requérants le versement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'avis du 6 décembre 2013 émis par l'autorité environnementale présente les garanties d'indépendance requises ; il a été rendu au nom du préfet de la région Pays de la Loire par Mme Sandrine Godfroid, secrétaire générale pour les affaires régionales, siégeant à Nantes ; l'autorisation d'exploiter, quant à elle, est signée par M. O... J..., le préfet de département de la Mayenne, siégeant à Laval ; le service instructeur du dossier de demande d'autorisation est la direction de la réglementation et des libertés publiques de la préfecture de la Mayenne ; cette unité est en charge de l'instruction des demandes d'autorisation ICPE pour le compte des préfets de département de leur ressort territorial, à savoir, ici, la préfecture de la Mayenne ; ces services sont distincts de la division évaluation environnementale (DEE) de la DREAL Pays de la Loire qui a préparé l'avis de l'autorité environnementale ; en tout état de cause, ce vice, à le supposer établi, peut être neutralisé ; enfin, l'avis de l'autorité environnementale a mis en lumière les lacunes qui entachaient, selon elle, l'étude d'impact, contribuant ainsi à l'information du public et mettant l'autorité compétente à même de se prononcer sur la demande d'autorisation ;
- dès lors qu'une autorisation environnementale relative à un projet de parc éolien fait l'objet d'un recours devant la juridiction administrative, le délai de mise en service de l'installation est suspendu jusqu'à la notification au bénéficiaire de l'autorisation environnementale d'une décision devenue définitive dans le cadre du recours, et la durée de validité de l'enquête publique est suspendue jusqu'à la notification ; le recours contre l'arrêté du 13 avril 2015 ayant été introduit avant l'expiration du délai de trois ans à compter de la notification de cet arrêté pour procéder à la mise en service du parc éolien, elle bénéficie d'une suspension du délai de mise en service et d'une suspension de la durée de validité de l'enquête publique tant qu'une décision devenue définitive dans le cadre du présent recours ne lui a pas été notifiée ; au surplus, elle a sollicité et obtenu le 9 juin 2020 du préfet de la Mayenne, la prorogation du délai de mise en service des installations ainsi que du délai de validité de l'enquête publique jusqu'au 13 avril 2025, en application de l'article R. 123-24 du code de l'environnement.
II-Sous le n° 20NT03339
Avant cassation :
II. Par un recours et un mémoire enregistrés les 25 janvier et 5 juillet 2018, le ministre de la transition écologique et solidaire demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 24 novembre 2017 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme E... et autres devant le tribunal administratif de Nantes ;
Il soutient que :
- saisi d'un moyen, de légalité externe, tiré de l'irrégularité de la procédure en tant que le dossier de demande contenait des précisions insuffisantes sur les capacités financières de la société pétitionnaire, le tribunal a annulé l'arrêté préfectoral litigieux au motif que celle-ci ne disposait pas des capacités financières et techniques suffisantes pour assumer l'ensemble des exigences susceptibles de découler du fonctionnement, de la cessation éventuelle de l'exploitation et de la remise en état du site au regard des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, et a ainsi retenu un moyen de la légalité interne, qui n'avait pas été soulevé devant lui ; le jugement attaqué est ainsi entaché d'irrégularité ;
- s'agissant de la composition du dossier, la demande d'autorisation présente de façon suffisante les capacités techniques et financières de la société pétitionnaire ;
- sur le fond, au titre de la légalité interne, et bien que le moyen n'a pas été soulevé devant le tribunal, les capacités techniques et financières de la société sont suffisantes ; le préfet n'a donc pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que le pétitionnaire a suffisamment justifié de sa capacité financière à exploiter les installations dans le respect des intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement ;
- l'avis du 6 décembre 2013 émis par l'autorité environnementale présente les garanties d'indépendance requises et n'est pas entaché d'irrégularité ; l'autorisation litigieuse a été délivrée par le préfet du département de la Mayenne tandis que l'avis de l'autorité environnementale a été rendu par le préfet de la région des Pays-de-la Loire.
Par un mémoire enregistré le 12 juillet 2018, la société Ferme éolienne de la Lande, représentée par Me Gélas, a présenté des observations.
Par des mémoires en défense enregistrés le 25 juin 2018 et le 20 mars 2019, Mme E... et autres, représentés par Me Echezar, concluent au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir que :
- le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité ; c'est au titre de la question procédurale et de l'insuffisance du dossier de demande d'autorisation que le tribunal administratif a annulé l'arrêté préfectoral ; le tribunal n'a pas analysé l'illégalité interne de l'arrêté, mais bien la légalité externe et la suffisance ou non des éléments apportés par le pétitionnaire pour prouver ses capacités financières ; l'insuffisance des capacités financières ne peut être régularisée par un document postérieur à l'enquête publique ; le montant de 50 000 euros par éolienne pour le démantèlement est insuffisant ; de surcroît, le montant du capital de la société ABO Wind SARL, qui détient 99% de la société pétitionnaire, est de 100 000 euros ; la régularité externe de l'autorisation doit être appréciée à la date de sa délivrance ;
- les atteintes à cette complète information et la possibilité pour le pétitionnaire de ne pas démontrer ses capacités financières pour mener un projet minorent ainsi l'importance de l'enquête publique environnementale et porte atteinte au principe de non-régression ;
- la régularisation du vice ne pourra se faire que par le biais de l'organisation d'une nouvelle enquête publique entière et complète ;
- l'arrêté préfectoral est entaché d'une autre illégalité tirée de l'irrégularité de l'avis de l'autorité environnementale ; l'arrêté d'autorisation encourt l'annulation pour ce motif.
Après cassation :
Par lettre enregistrée le 3 décembre 2020, M. et Mme Q... ont été désignés par leur mandataire, Me Echezar, représentant unique, destinataire de la notification de la décision à venir.
Par deux mémoires en défense enregistrés les 16 décembre 2020 et 20 mai 2021, Mme E..., Mme F..., M. N..., M. et Mme T... P..., M. et Mme R..., M. et Mme Q..., représentés par Me Echezar, concluent au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société Ferme éolienne de la Lande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés.
- l'avis de l'autorité environnementale est entaché d'une irrégularité de nature à entrainer l'illégalité de l'arrêté d'autorisation;
- le projet autorisé par cette décision n'avait pas été entrepris à la date du 13 avril 2020 ; le projet litigieux ne pourrait, en application de l'article R. 123-24 du code de l'environnement, être autorisé sans que la cour n'impose la réalisation d'une nouvelle enquête publique.
Par un mémoire enregistré le 28 janvier 2021, la ministre de la transition écologique demande, dans le dernier état de ses écritures :
- à titre principal d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes et de de rejeter la demande présentée par Mme E... et autres devant ce tribunal ;
- à titre subsidiaire, de sursoir à statuer dans l'attente de la régularisation du vice tiré de ce que l'avis de l'autorité environnementale a été rendu dans des conditions qui ne répondent pas aux exigences de la directive du 13 décembre 2011 en application du 2° du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement ;
Elle soutient que :
- l'avis de l'autorité environnementale qui a été rendu dans des conditions satisfaisant aux exigences de la directive n° 2011/92/UE du 13 décembre 2011, s'agissant de l'autonomie du service chargé de le préparer vis-à-vis du service instructeur de la demande, n'est pas entaché d'irrégularité ;
- en réponse à la demande présentée le 7 avril 2020 par la société Ferme éolienne de la Lande, fondée sur les dispositions de l'article R. 123-24 du code de l'environnement, le préfet de la Mayenne a prorogé par une décision du 9 juin 2020 le délai de mise en service de l'installation et le délai de validité de l'enquête publique jusqu'au 13 avril 2025.
Par deux mémoires enregistrés les 6 avril et 17 juin 2021 (non communiqué), la société Ferme éolienne de la Lande, représentée par Me Gélas, a présenté des observations.
Par courrier du 14 octobre 2021, la cour a informé les parties de ce qu'elle était susceptible de surseoir à statuer, en application des dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, dans l'attente de la délivrance d'une autorisation modificative régularisant les vices tirés, d'une part, de ce que l'autorisation contestée du 13 avril 2015 n'a pas été précédée d'un avis régulièrement émis par l'autorité environnementale, d'autre part, de ce que le public n'a pas été suffisamment informé des capacités financières de la société pétitionnaire.
Par des mémoires enregistrés le 15 octobre 2021, la société Ferme éolienne de la Lande a présenté des observations en réponse au courrier du 14 octobre 2021 de la cour.
Elle soutient que :
- l'avis de l'autorité environnementale n'est pas entaché d'irrégularité ; en tout état de cause, le prétendu vice allégué serait régularisable ;
- le dossier de demande présentait de façon suffisante les capacités financières ; cette prétendue insuffisance n'a pu, à elle seule, être de nature à exercer une influence sur le sens de la décision prise ou à priver les intéressés d'une garantie ; en tout état de cause, la cour pourra surseoir à statuer temps de le régulariser en application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 ;
- la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ;
- le code de l'environnement ;
- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;
- l'arrêté du 26 août 2011 relatif à la remise en état et à la constitution des garanties financières pour les installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent ;
- l'arrêté du 22 juin 2020 portant modification des prescriptions relatives aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Buffet,
- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,
- et les observations de Me Kerjan-Gauducheau, pour la société Ferme éolienne de la Lande, et de Me Echezar, pour Mme E... et autres.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 13 avril 2015, le préfet de la Mayenne a autorisé la société Ferme éolienne de la Lande à exploiter une installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent comprenant trois éoliennes et un poste de livraison sur le territoire des communes de Commer et de Martigné-sur-Mayenne. Par un jugement du 24 novembre 2017 le tribunal administratif de Nantes a, sur la demande de Mme E... et autres, annulé l'arrêté du 13 avril 2015 du préfet de la Mayenne. Par un arrêt du 23 mai 2019 la cour administrative d'appel de Nantes a, sur appels de la société Ferme éolienne de la Lande et de la ministre de la transition écologique et solidaire, annulé le jugement du 24 novembre 2017 du tribunal administratif de Nantes et rejeté la demande de Mme E... et autres tendant à l'annulation de cet arrêté. Par une décision du 29 juin 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Nantes.
2. Les requêtes de la société Ferme éolienne de la Lande et de la ministre de la transition écologique sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur le cadre juridique du litige :
3. Aux termes de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale : " Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le 1er mars 2017, sous réserve des dispositions suivantes:/1° Les autorisations délivrées au titre du chapitre IV du titre 1er du livre II ou du chapitre II du titre 1er du livre V du code de l'environnement dans leur rédaction antérieure à la présente ordonnance, (...), avant le 1er mars 2017, (...) sont considérées comme des autorisations environnementales relevant du chapitre unique du titre VIII du livre 1er de ce code, avec les autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments énumérés par le 1 de l'article L. 181-2 du même code que les projets ainsi autorisés ont le cas échéant nécessités ; les dispositions de ce chapitre leur sont dès lors applicables, notamment lorsque ces autorisations sont contrôlées, modifiées, abrogées, retirées, renouvelées, transférées, contestées ou lorsque le projet autorisé est définitivement arrêté et nécessite une remise en état ".
4. L'autorisation du 13 avril 2015 est considérée, en application de ces dispositions, comme une autorisation environnementale.
5. Par ailleurs, en vertu de l'article L. 181-17 du code de l'environnement, issu de l'article 1er de la même ordonnance du 26 janvier 2017 et applicable depuis le 1er mars 2017, l'autorisation environnementale est soumise à un contentieux de pleine juridiction.
6. Il appartient au juge du plein contentieux des installations classées pour la protection de l'environnement d'apprécier le respect des règles relatives à la forme et à la procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation et celui des règles de fond régissant le projet en cause au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce, sous réserve du respect des règles d'urbanisme, qui s'apprécie au regard des circonstances de fait et de droit applicables à la date de l'autorisation. Les obligations relatives à la composition du dossier de demande d'autorisation d'une installation classée relèvent des règles de procédure. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances affectant ce dossier ne sont susceptibles de vicier la procédure et ainsi d'entacher d'irrégularité l'autorisation que si elles ont eu pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.
Sur la régularité du jugement attaqué :
7. Pour demander l'annulation de l'arrêté du 13 avril 2015 du préfet de la Mayenne, Mme E... et autres ont soutenu devant le tribunal administratif de Nantes que le dossier de demande d'autorisation présenté par la société Ferme éolienne de la Lande ne comportait pas de précisions suffisantes sur les capacités financières de cette société et était donc entaché d'irrégularité au regard des règles de procédure tenant à la composition du dossier de demande d'autorisation. Toutefois, le tribunal a annulé l'arrêté préfectoral litigieux au motif que la société pétitionnaire ne disposait pas des capacités financières et techniques suffisantes pour assumer l'ensemble des exigences susceptibles de découler du fonctionnement, de la cessation éventuelle de l'exploitation et de la remise en état du site au regard des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement et a, ainsi, retenu un moyen de la légalité interne tenant aux conditions de fond régissant les capacités financières de l'exploitant. Ce faisant, pour annuler l'arrêté du 13 avril 2015 du préfet de la Mayenne, le tribunal administratif de Nantes s'est, ainsi que le soutient le ministre de la transition écologique et solidaire, fondé sur un moyen qui n'était pas soulevé et n'était pas d'ordre public, de sorte que son jugement est entaché d'irrégularité et doit, pour ce motif, être annulé.
8. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme E... et autres devant le tribunal administratif de Nantes.
Sur la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance :
9. En application des dispositions de l'article R. 514-3-1 du code de l'environnement, il appartient au juge administratif d'apprécier si les tiers personnes physiques qui contestent une décision prise au titre de la police des installations classées justifient d'un intérêt suffisamment direct leur donnant qualité pour en demander l'annulation, compte tenu des inconvénients et dangers que présente pour eux l'installation en cause, appréciés notamment en fonction de la situation des intéressés et de la configuration des lieux.
10. Il résulte de l'instruction que les trois éoliennes projetées du parc éolien autorisé, dont la hauteur totale atteindra près de 150 mètres, se situent à une distance comprise entre 500 mètres et un kilomètre environ des habitations de certains des requérants, notamment de Mme E..., ou présenteront des co-visibilités avec certaines propriétés, notamment, le château de Bourgon, monument historique classé propriété de M. et Mme Q..., le château de Thuré et la " Cour de Bourgon ", monuments historiques inscrits, qui sont, respectivement, la propriété de M. et Mme P... et de M. et Mme R.... Les requérants justifient ainsi, compte tenu de leur situation et de la configuration des lieux, d'un intérêt suffisant pour demander l'annulation de l'arrêté du 13 avril 2015 du préfet de la Mayenne. La fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance par la société Ferme éolienne de la Lande ne peut donc qu'être écartée.
Sur la légalité de l'arrêté du 13 avril 2015 du préfet de la Mayenne :
En ce qui concerne le plan d'ensemble figurant dans le dossier de demande d'autorisation :
11. Aux termes de l'article R. 512-6 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable au litige : " A chaque exemplaire de la demande d'autorisation doivent être jointes les pièces suivantes : (...) 3° Un plan d'ensemble à l'échelle de 1/200 au minimum indiquant les dispositions projetées de l'installation ainsi que, jusqu'à 35 mètres au moins de celle-ci, l'affectation des constructions et terrains avoisinants ainsi que le tracé de tous les réseaux enterrés existants. Une échelle réduite peut, à la requête du demandeur, être admise par l'administration ; (...) ".
12. Le dossier de demande comprend sept plans de situation à l'échelle 1/1000 sur lesquels sont indiqués les emplacements des éoliennes et du poste de livraison. En raison de la configuration du site et de l'étendue du projet, le pétitionnaire a sollicité, par courrier du 15 mai 2012, de l'administration, comme le permet le 3° de l'article R. 512-6 précité du code de l'environnement, l'autorisation de présenter un plan d'ensemble à l'échelle 1/1000 au lieu de l'échelle réglementaire de 1/200. Cette demande été admise par l'administration qui a déclaré le dossier complet, dans le rapport du 4 juillet 2014 de l'inspection des installations classées. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit donc être écarté.
En ce qui concerne l'étude d'impact :
13. Aux termes de l'article R. 122-3 du code de l'environnement, dans sa version applicable au litige " (...) II. - L'étude d'impact présente successivement : / 1° Une analyse de l'état initial du site et de son environnement, portant notamment sur les richesses naturelles et les espaces naturels agricoles, forestiers, maritimes ou de loisirs, affectés par les aménagements ou ouvrages ; / 2° Une analyse des effets directs et indirects, temporaires et permanents du projet sur l'environnement, et en particulier sur la faune et la flore, les sites et paysages, le sol, l'eau, l'air, le climat, les milieux naturels et les équilibres biologiques, sur la protection des biens et du patrimoine culturel et, le cas échéant, sur la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses) ou sur l'hygiène, la santé, la sécurité et la salubrité publique ; / 3° Les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue des préoccupations d'environnement, parmi les partis envisagés qui font l'objet d'une description, le projet présenté a été retenu ; / 4° Les mesures envisagées par le maître de l'ouvrage ou le pétitionnaire pour supprimer, réduire et, si possible, compenser les conséquences dommageables du projet sur l'environnement et la santé, ainsi que l'estimation des dépenses correspondantes ; / 5° Une analyse des méthodes utilisées pour évaluer les effets du projet sur l'environnement mentionnant les difficultés éventuelles de nature technique ou scientifique rencontrées pour établir cette évaluation ; / 6° Pour les infrastructures de transport, l'étude d'impact comprend en outre une analyse des coûts collectifs des pollutions et nuisances et des avantages induits pour la collectivité ainsi qu'une évaluation des consommations énergétiques résultant de l'exploitation du projet, notamment du fait des déplacements qu'elle entraîne ou permet d'éviter. (...) ". Aux termes de l'article R. 512-8 du même code, l'étude doit indiquer : " 5° Les conditions de remise en état du site après exploitation ".
14. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur le sens de la décision de l'autorité administrative.
S'agissant de l'étude paysagère :
15. L'analyse paysagère comporte de nombreuses prises de vue sur les périmètres proche, rapproché et éloigné. Elle comprend, pages 74 à 77, plusieurs photomontages réalisés depuis le château de Bourgon, classé monument historique, situé à 2,8 kilomètres du projet, sur le territoire de la commune de Montourtier. Si les requérants soutiennent qu'elle ne comporte pas de photographies portant spécifiquement sur " la Cour de Bourgon ", monument inscrit, celle-ci fait partie du château de Bourgon, la circonstance que la cour et le château appartiennent à des propriétaires différents étant sans incidence à cet égard. En tout état de cause, compte tenu de l'impact majeur de l'implantation des éoliennes E4 à E6 du projet initial sur le château, révélée notamment et précisément par les photomontages réalisés, leur installation n'a pas été autorisée.
16. Le dossier de demande comprend, pages 78 et suivantes, un tableau et de nombreux photomontages permettant d'apprécier de manière satisfaisante l'impact visuel du projet depuis, notamment, les hameaux et les habitations les plus proches, tels que les hameaux dit de " la Hactière " et de " la Rouerie ", distants de 525 mètres, dans lesquels résident plusieurs des requérants, la seule circonstance que les photomontages n'auraient pas été réalisés depuis leurs maisons d'habitation n'étant pas de nature à établir l'insuffisance de l'étude paysagère.
S'agissant de l'étude acoustique :
17. Il résulte de l'instruction que l'étude acoustique réalisée par la société Gamba acoustique éolien a été menée conformément aux dispositions règlementaires de 1'arrêté du 26 août 2011 visé ci-dessus et aux dispositions de la norme NF31-114. Cette étude se fonde sur neuf points de mesure et un point de contrôle situés dans les propriétés les plus proches des éoliennes et conclut à des dépassements en période nocturne sur 9 des 10 points de mesures, notamment pour certaines vitesses de vent entre 4 et 5 m/s. Si les requérants soutiennent que l'étude acoustique n'aurait pas été réalisée selon ces dispositions réglementaires, ils n'apportent aucun élément précis à l'appui de leurs dires. Par ailleurs, il n'est ni établi que les appareils de mesure, à supposer même qu'ils auraient été placés près de la pompe à chaleur de Mme F..., auraient minimisé le bruit résiduel dans le secteur concerné, ni en tout état de cause, qu'ils auraient été de nature à fausser les résultats d'ensemble de cette étude, laquelle, ainsi qu'il vient d'être dit, relève des dépassements en période nocturne. Enfin, le moyen tiré de ce que " l'étude acoustique et l'étude d'impact ne permettent pas de renseigner sur " l'effectivité du bridage " des appareils, de sorte que l'autorisation " ne serait pas conforme à l'arrêté du 26 août 2011 " n'est pas assorti de précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé, l'étude d'impact, contrairement à ce qui est soutenu, ne renvoyant pas sur ce point à des études ultérieures.
S'agissant des études sur les chiroptères et l'avifaune :
18. L'étude d'impact comprend un volet spécifique dédié à la faune, à la flore et aux milieux naturels. Selon cette étude, quatre soirées d'observations ont été effectuées pour l'écoute des chiroptères sur 13 points et durant les trois heures qui suivent le coucher du soleil, les 11 septembre 2009, 12 octobre 2009, 25 avril 2010 et le 21 juillet 2010. Ces observations ont été réalisées sur un cycle annuel ainsi que le préconise le guide sur l'étude d'impact sur l'environnement des parcs éoliens réalisé par le ministère de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, qui précise que l'étude de la faune, et notamment de l'avifaune, couvre un cycle biologique représentatif et intègre les saisons optimales d'observation. S'agissant des chauves-souris, le protocole de la société française pour l'étude et la protection des mammifères prévoit des observations d'avril à octobre. Par suite, les requérants, qui ne peuvent utilement arguer de la méconnaissance, par les auteurs de l'étude d'impact présentée à l'appui de la demande d'autorisation, des recommandations d'organismes tels le groupe de travail " Eurobats ", qui sont dépourvues de valeur réglementaire, n'établissent pas que l'étude d'impact réalisée serait entachée d'insuffisances, alors au demeurant qu'il résulte de l'instruction que le projet se situe dans une zone de grandes cultures et de bocage dégradé peu favorable au gite des chiroptères.
S'agissant des mesures de réduction et de compensation :
19. L'étude d'impact a répertorié dans un tableau récapitulatif l'ensemble des mesures préventives, réductrices et compensatoires du projet. Il est notamment prévu un aménagement paysagé du poste de livraison ainsi que la possibilité de procéder, à la demande des habitants situés dans un rayon de 1 000 mètres des éoliennes, à la plantation de haies bocagères à la charge de la société à hauteur de 21 000 euros. Par ailleurs il ne résulte pas de l'instruction que le projet, limité aux éoliennes E1 à E3, aurait un impact sur des monuments historiques, lesquels ne sont d'ailleurs pas précisés par les requérants dans leurs écritures, rendant ainsi nécessaires des mesures de compensation ou des mesures de réduction spécifiques. Enfin, s'agissant des chiroptères et des oiseaux, l'étude comporte, pages 149 et suivantes, des mesures de réduction et de compensation. Elle comporte, également, certains engagements de la part de l'exploitant en vue de limiter les impacts paysagers et de préserver les espèces protégées. L'étude d'impact n'est donc pas entachée d'insuffisance sur ces points.
S'agissant de l'analyse des effets du projet sur la sécurité publique :
20. S'il n'est pas contesté qu'elles se situent dans une secteur d'entrainement de très basse altitude, il ne résulte pas de l'instruction que les éoliennes E1 et E2 seraient implantées dans une zone de servitude aéronautique où serait interdite toute construction de nature à gêner la circulation aérienne, le ministère de la défense ayant en outre émis le 25 février 2011 un avis favorable à la réalisation du parc, avis qui vise l'arrêté du 13 novembre 2009 relatif au balisage des éoliennes situées en dehors de zones grevées de servitudes aéronautiques. Dans ces conditions le moyen tiré de ce que l'étude d'impact aurait procédé à une analyse erronée de l'absence d'impact sur la sécurité en ce qui concerne les éoliennes E1 et E2 doit être écarté.
En ce qui concerne la présentation des capacités techniques et financières de la société pétitionnaire :
21. Les articles L. 181-27 et D. 181-15-2 du code de l'environnement modifient les règles de fond relatives aux capacités techniques et financières de l'exploitant d'une installation classée pour la protection de l'environnement antérieurement définies à l'article L. 512-1 de ce code. Il en résulte qu'une autorisation d'exploiter une installation classée ne peut légalement être délivrée, sous le contrôle du juge du plein contentieux des installations classées, si les conditions qu'ils posent ne sont pas remplies. Lorsque le juge se prononce sur la légalité de l'autorisation avant la mise en service de l'installation, il lui appartient, si la méconnaissance de ces règles de fond est soulevée, de vérifier la pertinence des modalités selon lesquelles le pétitionnaire prévoit de disposer de capacités financières et techniques suffisantes pour assumer l'ensemble des exigences susceptibles de découler du fonctionnement, de la cessation éventuelle de l'exploitation et de la remise en état du site au regard des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, ainsi que les garanties de toute nature qu'il peut être appelé à constituer à cette fin en application des articles L. 516-1 et L. 516-2 du même code. En revanche, le respect des règles de procédure régissant la demande d'autorisation est apprécié au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation.
22. En vertu du 5° de l'article R. 512-3 du code de l'environnement, alors en vigueur, la demande d'autorisation mentionne " les capacités techniques et financières de l'exploitant ". Il résulte de ces dispositions que le pétitionnaire est tenu de fournir, à l'appui de sa demande, des indications précises et étayées sur ses capacités techniques et financières. Si cette règle a été ultérieurement modifiée par le décret du 26 janvier 2017 relatif à l'autorisation environnementale, qui a créé l'article D. 181-15-2 du code de l'environnement en vertu duquel le dossier comprend une description des capacités techniques et financières dont le pétitionnaire dispose, ou, lorsque ces capacités ne sont pas constituées au dépôt de la demande d'autorisation, les modalités prévues pour en justifier, l'exploitant devant, dans ce dernier cas, adresser au préfet les éléments justifiant de ses capacités techniques et financières au plus tard à la mise en service de l'installation, cette évolution de la règle de droit ne dispense pas le pétitionnaire de l'obligation de régulariser une irrégularité dans la composition du dossier au vu des règles applicables à la date de délivrance de l'autorisation dès lors que l'irrégularité en cause a eu pour effet de nuire à l'information complète du public.
23. S'agissant de la présentation des capacités financières, le dossier de demande fait apparaître que la société Ferme éolienne de la Lande, dont le capital est de 100 euros, est une société de projet détenue à 99 % par la société ABO Wind France, dont le capital est de 100 000 euros, filiale de ABO Wind AG, société par actions allemande, elle-même actionnaire à hauteur de 1% de la société pétitionnaire. Le dossier présente le bilan et le compte de résultats, au cours des années 2008 à 2010, du groupe formé par ABO Wind AG et ses filiales dont la société ABO Wind France. Il mentionne que " les capacités financières pour exploiter " sont " apportées a minima " par ce groupe et qu'après " obtention des autorisations, les capacités inhérentes au projet lui-même permettent d'en effectuer la construction et la mise en exploitation ", que la société Ferme éolienne de la Lande " apporte également par elle-même au groupe ABO Wind sa capacité financière pour son exploitation ", que " l'acceptation par la banque est aussi une confirmation de cette capacité car il a lieu suite à l'analyse financière du projet ", que " la capacité financière pour la construction se décompose entre capital et financement bancaire ", que le capital " sera apporté soit par le groupe ABO Wind soit par un investisseur tiers " et que le financement bancaire sera apporté " par une banque de premier rang, sous la forme de financement de projet ". Toutefois le dossier ne comporte pas d'engagement financier des sociétés citées ci-dessus, ni d'engagement bancaire quant au financement du projet, dont la répartition entre capital et emprunt bancaire n'est pas précisée. Le dossier de demande ne comprend d'ailleurs qu'un courrier du 2 avril 2012, adressé à la société Abo Wind France, par lequel une banque se borne à indiquer être " disposée à examiner une demande de crédit en vue de la réalisation et l'exploitation du parc éolien développé par Abo Wind, objet de cette demande d'autorisation d'exploiter ", sans désigner le parc éolien dont il s'agit. Enfin si, par courrier du 13 mars 2017, la société ABO Wind France et la société ABO Wind AG indiquent qu'elles " mettront tout en œuvre pour concevoir le financement du projet éolien de la Lande tant d'un point de vue financement en fonds propres qu'en dette ", cette lettre d'engagement n'a pas été jointe au dossier soumis à l'enquête publique, laquelle s'est déroulée du 16 janvier au 15 février 2014. Par suite, le dossier de demande d'autorisation ne peut être regardé comme suffisamment précis et étayé quant aux capacités financières dont la société pétitionnaire serait effectivement en mesure de disposer. Compte tenu des indications particulièrement imprécises figurant dans le dossier, cette insuffisance a eu pour effet de nuire à l'information complète du public et donc d'entacher la décision contestée d'un vice de procédure de nature à entacher d'illégalité l'arrêté litigieux, ainsi que le soutiennent Mme E... et autres. En revanche, leur moyen tiré de la méconnaissance du principe de non-régression n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.
En ce qui concerne l'avis de l'autorité environnementale :
24. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 6 de la directive du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement : " Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que les autorités susceptibles d'être concernées par le projet, en raison de leurs responsabilités spécifiques en matière d'environnement, aient la possibilité de donner leur avis sur les informations fournies par le maître d'ouvrage et sur la demande d'autorisation. À cet effet, les États membres désignent les autorités à consulter, d'une manière générale ou au cas par cas. (...) ". L'article L. 122-1 du code de l'environnement, pris pour la transposition des articles 2 et 6 de cette directive, dispose, dans sa rédaction applicable en l'espèce, que " I. - Les projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements publics et privés qui, par leur nature, leurs dimensions ou leur localisation sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine sont précédés d'une étude d'impact. (...) / III. - Dans le cas d'un projet relevant des catégories d'opérations soumises à étude d'impact, le dossier présentant le projet, comprenant l'étude d'impact et la demande d'autorisation, est transmis pour avis à l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement. (...). / IV.- La décision de l'autorité compétente qui autorise le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage à réaliser le projet prend en considération l'étude d'impact, l'avis de l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement et le résultat de la consultation du public (...) ". En vertu du III de l'article R. 122-6 du même code, dans sa version issue du décret du 29 novembre 2011 portant réforme des études d'impact des projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagement, applicable au litige, l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement mentionnée à l'article L.122-1, lorsqu'elle n'est ni le ministre de l'environnement, dans les cas prévus au I de cet article, ni la formation compétente du Conseil général de l'environnement et du développement durable, dans les cas prévus au II de ce même article, est le préfet de la région sur le territoire de laquelle le projet de travaux, d'ouvrages ou d'aménagement doit être réalisé.
25. L'article 6 de la directive du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement a pour objet de garantir qu'une autorité compétente et objective en matière d'environnement soit en mesure de rendre un avis sur l'évaluation environnementale des projets susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement, avant leur approbation ou leur autorisation, afin de permettre la prise en compte de ces incidences. Eu égard à l'interprétation de l'article 6 de la directive du 27 juin 2001 donnée par la Cour de justice de l'Union européenne par son arrêt rendu le 20 octobre 2011 dans l'affaire C-474/10, il résulte clairement des dispositions de l'article 6 de la directive du 13 décembre 2011 que, si elles ne font pas obstacle à ce que l'autorité publique compétente pour autoriser un projet soit en même temps chargée de la consultation en matière environnementale, elles imposent cependant que, dans une telle situation, une séparation fonctionnelle soit organisée au sein de cette autorité, de manière à ce que l'entité administrative concernée dispose d'une autonomie réelle, impliquant notamment qu'elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui soient propres, et soit ainsi en mesure de remplir la mission de consultation qui lui est confiée en donnant un avis objectif sur le projet concerné.
26. Lorsqu'un projet est autorisé par un préfet de département autre que le préfet de région, l'avis rendu sur le projet par le préfet de région en tant qu'autorité environnementale doit, en principe, être regardé comme ayant été émis par une autorité disposant d'une autonomie réelle répondant aux exigences de l'article 6 de la directive du 13 décembre 2011, sauf dans le cas où c'est le même service qui a, à la fois, instruit la demande d'autorisation et préparé l'avis de l'autorité environnementale. En particulier, les exigences de la directive, tenant à ce que l'entité administrative appelée à rendre l'avis environnemental sur le projet dispose d'une autonomie réelle, impliquant notamment qu'elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui soient propres, ne peuvent être regardées comme satisfaites lorsque le projet a été instruit pour le compte du préfet de département par la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement et que l'avis environnemental émis par le préfet de région a été préparé par la même direction, à moins que l'avis ait été préparé, au sein de cette direction, par le service mentionné à l'article R. 122-21 du code de l'environnement qui a spécialement pour rôle de préparer les avis des autorités environnementales.
27. Il résulte de l'instruction, notamment de la lettre du 25 mars 2021 du préfet des Pays de-la-Loire, produite par la société pétitionnaire, que la même direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement des Pays de la Loire a, à la fois, instruit la demande d'autorisation (Unité territoriale de la Mayenne), pour le compte du préfet de la Mayenne, et préparé l'avis du 6 décembre 2013 de l'autorité environnementale (Division Evaluation Environnementale), signé par le préfet de région. Par suite, l'avis de l'autorité environnementale a été émis dans des conditions qui ne répondent pas aux exigences de la directive déjà mentionnée du 13 décembre 2011.
28. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.
29. Les circonstances que le préfet de la Mayenne ne s'est pas fondé sur le seul avis de l'autorité environnementale pour autoriser le projet litigieux et que cet avis est un avis simple ne sont pas de nature à établir que le vice relevé au point 27 du présent arrêt n'aurait pas été susceptible d'exercer une influence sur le sens de l'arrêté contesté. Par ailleurs, alors même que, selon la société pétitionnaire, l'avis de l'autorité environnementale a relevé " les lacunes " qui entachaient, selon elle, l'étude d'impact, ce vice a été de nature à priver le public de la garantie tendant à ce qu'un avis objectif soit émis sur les projets susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement par une autorité disposant d'une autonomie réelle. Par suite, Mme E... et autres sont fondés à soutenir que l'irrégularité de l'avis de l'autorité environnementale entache d'illégalité l'arrêté contesté.
En ce qui concerne la consultation des conseils municipaux intéressés :
30. L'article R. 512-20 du code de l'environnement, alors en vigueur, dispose que " Le conseil municipal de la commune où l'installation projetée doit être implantée et celui de chacune des communes mentionnées au III de l'article R. 512-14 sont appelés à donner leur avis sur la demande d'autorisation dès l'ouverture de l'enquête. Ne peuvent être pris en considération que les avis exprimés au plus tard dans les quinze jours suivant la clôture du registre d'enquête ".
31. Il résulte de l'instruction que le préfet a sollicité l'avis des 18 communes à consulter en application de ces dispositions, que trois communes ont émis un avis favorable, trois communes un avis défavorable et que les 12 autres communes ne se sont pas prononcées, en dépit des lettres de rappel adressées par le préfet. Par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions précitées auraient été méconnues ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la prise en compte du schéma régional éolien des Pays de la Loire approuvé le 8 janvier 2013 :
32. Aux termes de l'article L. 553-1 du code de l'environnement, dans sa version alors en vigueur : " (...) L'autorisation d'exploiter tient compte des parties du territoire régional favorables au développement de l'énergie éolienne définies par le schéma régional éolien mentionné au 3° du I de l'article L. 222-1, si ce schéma existe. ".
33. La seule circonstance que l'arrêté litigieux mentionne, sans autre précision, que " l'installation faisant l'objet de la demande se situe dans une zone favorable du schéma régional éolien des Pays de la Loire " n'est pas de nature à entacher cet arrêté d'illégalité, ni à établir que le préfet n'aurait " pas apprécié la compatibilité de l'implantation et de l'exploitation de ces éoliennes avec les prescriptions " de ce schéma, lequel, en tout état de cause a été annulé par un jugement du 31 mars 2016, du tribunal administratif de Nantes, confirmé par un arrêt du 13 avril 2018 de la cour. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté serait " entaché d'une erreur d'appréciation quant à la prise en compte des prescriptions de ce schéma ", en méconnaissance des dispositions de l'article L. 553-1 du code de l'environnement ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement :
34. Aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas ". L'article L. 511-1 du même code énonce que : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique ". Selon l'article L. 512-1 du même code : " Sont soumises à autorisation préfectorale les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l'article L. 511-1. (...) ".
35. S'agissant des effets sur la commodité du voisinage, si le projet apporte des modifications à l'environnement proche dans lequel il s'insère, il ne résulte pas de l'instruction que les éoliennes E1 à E3, seules autorisées par l'arrêté attaqué, auraient " un effet d'écrasement " sur les maisons d'habitation les plus proches, qui n'ont qu'une vue partielle sur le projet et sont implantées à une distance de plus de 500 mètres du parc, respectant sur ce point les dispositions de l'article L. 515-44 du code de l'environnement qui reprend celles de l'article L. 553-1 du code de l'environnement. S'agissant des nuisances sonores, le projet est soumis au respect des normes réglementaires en vigueur, des mesures de bridage étant prévues en période nocturne où un dépassement des émergences a pu être constaté. Par ses articles 10-1-3 et 11, l'arrêté litigieux impose, en outre, à l'exploitant, dans les six mois qui suivront la mise en service du parc, puis dans les douze mois suivant, soit sur une période totale de dix-huit mois, la réalisation d'un contrôle, de jour et de nuit, des émergences sonores, dans les zones les plus exposées au bruit ainsi que la mise en œuvre de mesures, notamment de bridage, adaptées, lesquelles seront soumises à un contrôle de conformité. L'arrêté attaqué prescrit également que des actions correctives doivent, dans le cas de dépassement des seuils d'émergence réglementaires en termes de bruit, être engagées par l'exploitant durant l'exploitation du parc, sous le contrôle de l'inspection des installations classées. S'agissant des risques allégués liés à un secteur d'entraînement à très basse altitude, le projet a fait l'objet, ainsi qu'il a été dit au point 20, le 25 février 2011 d'un avis favorable du ministère de la défense, avis dont il ne résulte pas de l'instruction qu'il serait entaché d'une erreur d'appréciation. Il est également prévu la mise en place du balisage prescrit par les dispositions réglementaires applicables en la matière.
36. Si le projet de la société pétitionnaire portait, à l'origine, sur un parc éolien de 6 éoliennes, l'installation de trois d'entre elles, E4 à E6, a été refusée compte tenu de leur impact sur le château de Bourgon et de la cour du château, impact relevé, notamment, par l'inspection des installations classées dans son rapport du 4 juillet 2014, et par la commission d'enquête publique. S'agissant des trois autres éoliennes E1 à E3, il ne résulte pas de l'instruction qu'elles auraient un impact sur ces monuments, l'extrémité des pâles de deux éoliennes n'étant visible que depuis la partie éloignée du chemin d'accès. Par ailleurs, il n'est pas contesté que le parc n'a qu'un faible impact sur le Château de Thuré, distant de 3,2 kilomètres, compte tenu des boisements existants.
37. S'agissant des effets du projet sur les chiroptères et l'avifaune, il ne résulte pas de l'instruction que le projet serait de nature à porter atteinte à des espèces protégées, ni que les emplacements des éoliennes et des postes techniques seraient compris dans une zone humide. Si la Pie-Grièche écorcheur a été observée au sud de la zone d'étude, les éoliennes autorisées ne seront pas construites dans cette zone. Par ailleurs, l'arrêté attaqué prescrit des mesures d'évitement lors de la construction des éoliennes, qui devra avoir lieu en dehors de la période de couvaison et d'élevage. Il impose de prendre en compte, lors de la création des chemins d'accès et de la pose des câbles, les matrices boisées et de limiter la destruction des haies. Il prescrit également des mesures de compensation consistant en la plantation de haies bocagères d'essence locale et prévoit un suivi environnemental du projet comprenant, notamment, des mesures de la mortalité de l'avifaune et des chiroptères, dès la première année de fonctionnement du parc, et la réalisation de mesures correctives adaptées, sous le contrôle de l'inspection des installations classées, ainsi que l'entretien en haie bocagère basse de toute les haies situées à moins de 50 mètres d'une éolienne en vue de préservation des espèces et de leur habitat. Compte tenu du caractère limité du projet, il ne résulte pas de l'instruction que ces mesures ne seraient pas suffisantes pour assurer la protection de l'environnement naturel. Par suite les moyens tirés de ce que les dispositions des articles L. 110-1 relatif au principe de précaution, L. 411-1 relatif à la protection des espèces animales et de leurs habitats, L. 511-1 et L. 512-1 du code de l'environnement seraient méconnues doivent être écartés.
S'agissant du montant des garanties de démantèlement et de remise en état du site :
38. Si Mme E... et autres soutiennent que " le montant de 50 000 euros par éolienne pour le démantèlement est largement insuffisant ", ils n'assortissent pas leur moyen de précision suffisante pour permettre au juge d'en apprécier la portée.
Sur l'application des dispositions du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement :
39. Aux termes du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement : " I. - Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés : / 1° Qu'un vice n'affecte qu'une phase de l'instruction de la demande d'autorisation environnementale, ou une partie de cette autorisation, peut limiter à cette phase ou à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et demander à l'autorité administrative compétente de reprendre l'instruction à la phase ou sur la partie qui a été entachée d'irrégularité ; / 2° Qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. ".
40. Le I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement prévoit que le juge peut, après avoir constaté que les autres moyens dont il est saisi ne sont pas fondés, soit surseoir à statuer pour permettre la régularisation devant lui de l'autorisation environnementale attaquée lorsque le ou les vices dont elle est entachée sont susceptibles d'être régularisés par une décision modificative, soit limiter la portée ou les effets de l'annulation qu'il prononce si le ou les vices qu'il retient n'affectent qu'une partie de la décision ou une phase seulement de sa procédure d'instruction. Le 2° du I de l'article L. 181-18 permet au juge, même pour la première fois en appel, lorsqu'il constate un vice qui entache la légalité de la décision mais qui peut être régularisé par une décision modificative, de rendre un jugement avant-dire droit par lequel il fixe un délai pour cette régularisation et sursoit à statuer sur le recours dont il est saisi. Cette faculté relève d'un pouvoir propre du juge qui n'est pas subordonné à la présentation de conclusion en ce sens. Le juge peut préciser, par son jugement avant dire droit, les modalités de cette régularisation. Ces dispositions peuvent trouver à s'appliquer lorsque le vice constaté entache d'illégalité l'ensemble de l'autorisation environnementale ou une partie divisible de celle-ci. Rien ne fait par ailleurs obstacle à un sursis à statuer dans le cas où le vice n'affecte qu'une phase de l'instruction, dès lors que ce vice est régularisable. Dans tous les cas, le sursis à statuer a pour objet de permettre la régularisation de l'autorisation attaquée. Cette régularisation implique l'intervention d'une décision complémentaire qui corrige le vice dont est entachée la décision attaquée. S'il constate que la régularisation a été effectuée, le juge rejette le recours dont il est saisi.
41. Lorsqu'un vice de procédure entache un avis qui a été soumis au public, notamment dans le cadre d'une enquête publique, préalablement à l'adoption de la décision attaquée, la régularisation implique non seulement que la procédure de consultation soit reprise, mais aussi que le nouvel avis soit porté à la connaissance du public. Il revient au juge, lorsqu'il sursoit à statuer en vue de la régularisation, de rappeler ces règles et de fournir toute précision utile sur les modalités selon lesquelles le public devra être informé et, le cas échéant, mis à même de présenter des observations et des propositions, une fois le nouvel avis émis et en fonction de son contenu.
42. Ainsi qu'il a été dit aux points 23 et 29 ci-dessus, l'autorisation délivrée par l'arrêté du 13 avril 2015 du préfet de la Mayenne est entachée d'illégalité, d'une part, en ce qu'elle n'a pas été précédée d'un avis régulièrement émis par l'autorité environnementale, d'autre part, en ce que le public n'a pas été suffisamment informé quant aux capacités financières de la société pétitionnaire. De tels vices peuvent être régularisés par une décision modificative.
En ce qui concerne l'avis de l'autorité environnementale :
43. Un vice de procédure, dont l'existence et la consistance sont appréciées au regard des règles applicables à la date de la décision attaquée, doit en principe être réparé selon les modalités prévues à cette même date. Si ces modalités ne sont pas légalement applicables, notamment du fait de l'illégalité des dispositions qui les définissent, il appartient au juge de rechercher si la régularisation peut être effectuée selon d'autres modalités qu'il lui revient de définir en prenant en compte les finalités poursuivies par les règles qui les ont instituées et en se référant, le cas échéant, aux dispositions en vigueur à la date à laquelle il statue.
44. L'irrégularité de l'avis émis le 6 décembre 2013 par l'autorité environnementale peut être régularisée par la consultation d'une autorité environnementale présentant les garanties d'impartialité requises. Pour que cette régularisation puisse être effectuée, ce nouvel avis devra être rendu dans les conditions définies aux articles R. 122-6 à R. 122-8 et R. 122-24 du code de l'environnement, applicables à la date de l'émission de cet avis ou de la constatation de l'expiration du délai requis pour qu'il soit rendu, par la mission régionale de l'autorité environnementale du conseil général de l'environnement et du développement durable compétente pour la région des Pays-de-la-Loire.
45. Lorsque ce nouvel avis aura été rendu, ou lorsqu'il sera constaté que la mission régionale de l'autorité environnementale du conseil général de l'environnement et du développement durable compétente pour la région des Pays de la Loire n'aura pas émis d'observations dans le délai qui lui est imparti par les dispositions du code de l'environnement mentionnées au point précédent, ce nouvel avis ou l'information relative à l'absence d'observations émises par la mission régionale sera mis en ligne sur un site internet suffisamment accessible et ayant une notoriété suffisante, tels que le site de la préfecture de la région ou celui de la préfecture de la Mayenne, de manière à ce qu'une information suffisante du public soit assurée et que celui-ci ait la possibilité, par des cadres définis et pouvant accepter un nombre suffisant de caractères, de présenter ses observations et propositions. L'accessibilité de cet avis implique également qu'il soit renvoyé à son contenu intégral par un lien hypertexte figurant sur la page d'accueil du site en cause.
46. Dans l'hypothèse où ce nouvel avis indiquerait, après avoir tenu compte d'éventuels changements significatifs des circonstances de fait, que, tout comme l'avis irrégulier émis le 6 décembre 2013, le dossier de création du parc éolien envisagé par la société Ferme éolienne de la Lande est assorti d'une étude d'impact de bonne qualité permettant la prise en compte des enjeux environnementaux et paysagers du projet, le préfet de la Mayenne pourra décider de procéder à l'édiction d'un arrêté modificatif régularisant le vice initial lié à l'irrégularité de l'avis du 6 décembre 2013. Le préfet pourra procéder de manière identique en cas d'absence d'observations de l'autorité environnementale émises dans le délai requis par les dispositions du code de l'environnement mentionnées ci-dessus.
47. Dans l'hypothèse où, à l'inverse, le nouvel avis émis par la mission régionale de l'autorité environnementale diffèrerait substantiellement de celui qui avait été émis le 6 décembre 2013, une enquête publique complémentaire devra être organisée à titre de régularisation, selon les modalités prévues par les articles L. 123-14 et R. 123-23 du code de l'environnement, dans le cadre de laquelle seront soumis au public, outre l'avis recueilli à titre de régularisation, tout autre élément de nature à régulariser d'éventuels vices révélés par le nouvel avis, notamment une insuffisance de l'étude d'impact. Au vu des résultats de cette enquête complémentaire organisée comme indiqué précédemment, le préfet de la Mayenne pourra décider de procéder à l'édiction d'un arrêté modificatif régularisant le vice entachant la procédure initiale d'enquête publique. Ainsi qu'il vient d'être dit, le vice entachant l'arrêté litigieux sur ce point, qui ne nécessite pas la reprise de l'intégralité de l'enquête publique, implique seulement la mise en œuvre d'une enquête publique complémentaire distincte de l'enquête publique initiale. Le moyen, tiré de ce que les dispositions de l'article R. 123-24 du code de l'environnement, aux termes duquel les projets ayant fait l'objet d'une enquête publique qui n'ont pas été entrepris dans un délai de cinq ans à compter de l'adoption de la décision soumise à enquête doivent donner lieu à une nouvelle enquête, sauf décision de prorogation prise entretemps par le préfet, imposent qu'une nouvelle enquête publique soit diligentée, ne peut donc qu'être écarté. En tout état de cause, il résulte de l'instruction que par arrêté du 9 juin 2020, le préfet de la Mayenne a, sur la demande de la société Ferme éolienne de la Lande, prorogé jusqu'au 13 avril 2025 le délai de mise en service des installations ainsi que le délai de validité de l'enquête publique, en application de l'article R. 123-24 du code de l'environnement.
En ce qui concerne l'information du public quant aux capacités financières de la société :
48. Les éléments relatifs aux capacités financières de la société Ferme éolienne de la Lande, qui n'ont pas été portés à la connaissance du public, seront portés à sa connaissance selon les modalités prévues aux points 45 et 46 ou, si une enquête publique complémentaire est organisée, dans le cadre de celle-ci, selon les modalités prévues au point 47 du présent arrêt, sans que la mise en œuvre de cette procédure complémentaire puisse être regardée comme contraire aux dispositions de l'article R. 123-24 code de l'environnement, compte tenu de ce qui a été dit au même point.
49. Dans l'hypothèse où, comme dit précédemment, le préfet devrait organiser une simple procédure de consultation publique des éléments relatifs aux capacités financières de la société Ferme éolienne de la Lande et du nouvel avis émis par la mission régionale de l'autorité environnementale avant de décider de prendre un arrêté de régularisation, il sera sursis à statuer sur la présente requête pendant un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt, jusqu'à ce que le préfet de la Mayenne ait transmis à la cour l'arrêté de régularisation pris à la suite de cette procédure.
50. Dans l'hypothèse où le préfet devrait organiser une enquête publique complémentaire, il sera sursis à statuer sur la présente requête pendant un délai de dix mois à compter de la notification du présent arrêt, jusqu'à ce que le préfet de la Mayenne ait transmis à la cour l'arrêté de régularisation pris à la suite de cette procédure d'enquête publique.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du 24 novembre 2017 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : Il est sursis à statuer sur les requêtes présentées par la société Ferme éolienne de la Lande et par la ministre de la transition écologique jusqu'à ce que le préfet de la Mayenne ait procédé à la transmission d'un arrêté de régularisation édicté après le respect des différentes modalités définies aux points 44 à 50 du présent arrêt, ce jusqu'à l'expiration, soit d'un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt lorsqu'il n'aura été fait usage que de la procédure définie au point 46, soit d'un délai de dix mois lorsque l'organisation d'une enquête publique complémentaire sera nécessaire comme indiqué au point 47.
Article 3 : Le préfet de la Mayenne fournira à la cour, au fur et à mesure de leur accomplissement, les actes entrepris en vue de la régularisation prévue à l'article précédent.
Article 4 : Tous droits et conclusions des parties, sur lesquels il n'a pas été statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'à la fin de l'instance.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Ferme éolienne de la Lande, à M. et Mme Q..., représentants uniques désignés par Me Echezar mandataire, et à la ministre de la transition écologique.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Mayenne.
Délibéré après l'audience du 22 octobre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Francfort, président de chambre,
- Mme Buffet, présidente assesseure,
- M. Frank, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2021.
La rapporteure,
C. BUFFETLe président,
J. FRANCFORT
Le greffier,
C. GOY La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT03337,20NT03339