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17/11/2021 | FRANCE | N°20NT02167

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 17 novembre 2021, 20NT02167


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F..., M. C..., M. B..., M. A... et M. E... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 18 avril 2014 par lequel le préfet des Côtes-d'Armor a autorisé l'association " Equipage de la Hardouinais " à exploiter un chenil à Saint-Launeuc (Côtes-d'Armor).

Par un jugement nos 1403548, 1403549, 1403551, 1402552, 1403554 du 17 mars 2017, le tribunal administratif a fait droit à cette demande et annulé l'arrêté du 18 avril 2014.

Par un arrêt nos 17NT01515, 17NT01540

du 21 décembre 2018, la cour administrative d'appel de Nantes a, sur appel de l'associat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F..., M. C..., M. B..., M. A... et M. E... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 18 avril 2014 par lequel le préfet des Côtes-d'Armor a autorisé l'association " Equipage de la Hardouinais " à exploiter un chenil à Saint-Launeuc (Côtes-d'Armor).

Par un jugement nos 1403548, 1403549, 1403551, 1402552, 1403554 du 17 mars 2017, le tribunal administratif a fait droit à cette demande et annulé l'arrêté du 18 avril 2014.

Par un arrêt nos 17NT01515, 17NT01540 du 21 décembre 2018, la cour administrative d'appel de Nantes a, sur appel de l'association " Equipage de la Hardouinais " et du ministre chargé de l'environnement, annulé ce jugement et rejeté la demande de M. F..., M. C..., M. B..., M. A... et M. E... devant le tribunal administratif de Rennes.

Par une décision no 428253 du 8 juillet 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt de la cour et a renvoyé à celle-ci l'affaire, qui porte désormais les nos 20NT02167, 20NT02168.

Procédure devant la cour :

Avant cassation :

I- Par une requête, enregistrée le 16 mai 2017 sous le n° 1701515, l'association " Equipage de La Hardouinais ", représentée par Me Buffet, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1403548, 1403549, 1403551, 1402552, 1403554 du 17 mars 2017 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) de mettre conjointement et solidairement à la charge de l'ensemble des requérants de première instance, une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

L'association " Equipage de La Hardouinais " soutient que :

- la demande de première instance n'était pas recevable ; les requérants de première instance ne justifiaient pas d'un intérêt à agir suffisant contre l'arrêté contesté ;

- le fonctionnement du chenil ne génère aucune gêne excessive vis-à-vis de son voisinage en matière sonore, olfactive et visuelle ;

- il est justifié à hauteur d'appel de ces capacités ;

- la modification du plan d'épandage intervenue après l'enquête publique n'a pas bouleversé l'économie générale du projet et n'a pas privé la population d'une garantie ;

- le système finalement retenu de roselière a été choisi pour tenir compte des craintes exprimées lors de l'enquête publique, en accord avec les services de l'Etat, et ses caractéristiques techniques procurent un résultat supérieur en termes d'odeurs et de performances opératoires ; un tel changement ne modifiait pas substantiellement la physionomie du projet.

Par un mémoire enregistré le 13 juillet 2017, M. F... a informé la cour de ce qu'il entend " se désister de la procédure d'appel ".

Par un mémoire enregistré le 29 septembre 2017, M. E... a informé la cour de ce qu'il entend " se désister de la procédure d'appel ".

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 octobre 2017, M. B... et M. A..., représentés par Me Toumi, concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 500 euros soit mise à la charge de l'association " Equipage de La Hardouinais ", au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B... et M. A... font valoir que :

- la demande de première instance était recevable ;

- aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.

II - Par une requête et un mémoire, enregistrés les 18 mai et 22 juin 2017 sous le n° 1701540, le ministre de la transition écologique demande à la cour d'annuler le jugement nos 1403548-1403549-1403551-1402552-1403554 du 17 mars 2017 du tribunal administratif de Rennes.

Le ministre soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier, en ce que le rapporteur public n'a pas été régulièrement désigné ;

- la demande de première instance n'était pas recevable ; les requérants de première instance ne justifiant pas d'un intérêt à agir suffisant contre l'arrêté contesté ;

- le pétitionnaire dispose de capacités techniques suffisantes ;

- la modification du plan d'épandage postérieurement à l'enquête publique n'a pas porté atteinte à l'économie générale du projet et n'a pas eu pour effet de restreindre le niveau de protection attendu contre les effets négatifs des effluents ;

- la quantité d'azote à épandre n'a pas été modifiée ; il n'existe aucun risque d'impact supplémentaire du projet.

Par un mémoire enregistré le 13 juillet 2017, M. F... a informé la cour de ce qu'il entend " se désister de la procédure d'appel ".

L'association " Equipage de La Hardouinais ", représentée par Me Buffet, a présenté un mémoire en observations enregistré le 17 octobre 2017.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 29 octobre 2017 et le 1er novembre 2017, M. B... et M. A..., représentés par Me Toumi, concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 500 euros soit mise à la charge de l'association " Equipage de La Hardouinais " au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B... et M. A... font valoir qu'aucun des moyens d'annulation soulevés par la requérante n'est fondé.

Après cassation :

Par des mémoires, enregistrés dans chacune des deux instances le 7 janvier 2021, l'association " Equipage de La Hardouinais ", représentée par Me Le Derf-Daniel, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1403548-1403549-1403551-1402552-1403554 du 17 mars 2017 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) de rejeter les demandes de première instance, ou subsidiairement, de faire application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement ;

3°) de mettre conjointement et solidairement à la charge de l'ensemble des requérants de première instance, une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

L'association " Equipage de La Hardouinais " soutient que :

- la demande de première instance n'était pas recevable ; les requérants de première instance ne disposaient pas d'un intérêt à agir suffisant contre l'arrêté contesté ;

- la modification du plan d'épandage intervenue après l'enquête publique n'a pas bouleversé l'économie générale du projet et n'a pas privé la population d'une garantie ;

- le fonctionnement du chenil ne génère aucune gêne excessive vis-à-vis de son voisinage en matière sonore, olfactive et visuelle ;

- le système " de roselière " finalement retenu a été choisi pour tenir compte des craintes exprimées lors de l'enquête publique, en accord avec les services de l'Etat, et ses caractéristiques techniques procurent un résultat supérieur en termes d'odeurs et de performances opératoires ; un tel changement ne modifiait pas substantiellement la physionomie du projet.

- le pétitionnaire a justifié de ses capacités techniques et financières ; ces capacités doivent être appréciées à la date où le juge administratif statue ;

- il est justifié à hauteur d'appel de ces capacités.

Par des mémoires, enregistrés dans chacune des deux instances les 26 novembre 2020 et 23 février 2021 (non communiqué), M. B... et M. A..., représentés par Me Boutet, concluent au rejet des requêtes et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de l'association " Equipage de La Hardouinais " au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir qu'aucun des moyens d'annulation soulevés par la requérante n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frank,

- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,

- et les observations de Me Le Derf-Daniel, représentant l'association " Equipage de La Hardouinais ", ainsi que celles de Me Tocco-Perrin, représentant M. B... et M. A....

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 18 avril 2014, le préfet des Côtes-d'Armor a autorisé l'association " Equipage de la Hardouinais " à exploiter un chenil de 180 chiens, composé notamment d'un bâtiment d'élevage, d'un parc d'ébats pour les chiots, d'un parc d'ébats pour les chiens adultes de 4 800 m², d'une fosse de 1 383 m² de capacité utile et d'une fumière couverte de 50 m². Par un jugement du 17 mars 2017, le tribunal administratif de Rennes a, à la demande de M. B... et d'autres requérants, annulé cet arrêté. Par un arrêt nos 17NT01515, 17NT01540 du 21 décembre 2018, la cour administrative d'appel de Nantes, saisie par l'association " Equipage de la Hardouinais " et le ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire, a annulé ce jugement et rejeté la requête de M. B... et autres au motif que les requérants ne pouvaient être regardés comme justifiant d'un intérêt suffisamment direct leur donnant qualité pour demander l'annulation de l'autorisation attaquée. Par une décision no 428253 du 8 juillet 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour.

2. Les requêtes d'appel de l'association " Equipage de la Hardouinais " et du ministre chargé de l'environnement sont dirigées contre un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article R. 222-23 du code de justice administrative : " Dans chaque tribunal administratif, selon ses besoins, un ou plusieurs premiers conseillers ou conseillers sont chargés, par arrêté du vice-président du Conseil d'Etat pris sur proposition du président de la juridiction et après avis conforme du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, d'exercer les fonctions de rapporteur public. / Lorsque le fonctionnement du tribunal administratif l'exige, un premier conseiller ou conseiller qui exerce les fonctions de rapporteur public peut être rapporteur dans les affaires sur lesquelles il n'est pas ou n'a pas été appelé à conclure " ;

4. Par un arrêté du vice-président du Conseil d'Etat en date du 1er août 2011, M. G... H... a été désigné pour exercer, à compter du 1er août 2011, les fonctions de rapporteur public au tribunal administratif de Rennes. M. H... a fait l'objet d'un arrêté portant cessation de ses fonctions à compter du 18 mars 2017, postérieur à la date d'audience du jugement attaqué, le 10 février 2017. Par suite le moyen tiré de ce que le jugement est irrégulier, en ce qu'il n'est pas établi que le rapporteur public aurait été régulièrement nommé, doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :

5. Aux termes des dispositions de l'article L. 515-27 du code de l'environnement : " Pour les installations d'élevage, les décisions mentionnées à l'article L. 514-6 peuvent être déférées à la juridiction administrative par les tiers, personnes physiques ou morales, les communes intéressées ou leurs groupements, en raison des inconvénients ou des dangers que le fonctionnement de l'installation présente pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1, dans un délai de quatre mois à compter de la publication ou de l'affichage de ces décisions ". Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique ".

6. En application de ces dispositions, il appartient au juge administratif d'apprécier si les tiers personnes physiques qui contestent une décision prise au titre de la police des installations classées justifient d'un intérêt suffisamment direct leur donnant qualité pour en demander l'annulation, compte tenu des inconvénients et dangers que présente pour eux l'installation en cause, appréciés notamment en fonction de la situation des intéressés et de la configuration des lieux.

7. Il résulte de l'instruction que M. B..., M. F... et M. E..., demandeurs en première instance, ont établi, avec une précision suffisante, que leurs habitations étaient situées à 600 mètres environ du chenil. Ils invoquent en outre une pollution par des eaux usées d'un chemin et d'un ruisseau alimentant un étang de baignade, proches de leur lotissement, produisant un constat d'huissier et plusieurs analyses de laboratoire en ce sens. Dans ces conditions, l'installation projetée est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de leurs biens respectifs.

8. Il résulte de ce qui précède que l'association " Equipage de la Hardouinais " et le ministre chargé de l'environnement ne sont pas fondés à soutenir que la demande de première instance n'était pas recevable au motif que M. B..., M. F... et M. E... ne justifieraient pas d'un intérêt leur donnant qualité pour contester l'arrêté contesté.

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté contesté :

S'agissant des modifications apportées à l'issue de l'enquête publique :

9. En premier lieu, aux termes du II de l'article L. 123-14 du code de l'environnement, dans sa version applicable : " Au vu des conclusions du commissaire enquêteur ou de la commission d'enquête, la personne responsable du projet, plan ou programme visé au I de l'article L. 123-2 peut, si elle estime souhaitable d'apporter à celui-ci des changements qui en modifient l'économie générale, demander à l'autorité organisatrice d'ouvrir une enquête complémentaire portant sur les avantages et inconvénients de ces modifications pour le projet et pour l'environnement. ". Il résulte de ces dispositions qu'il est possible de modifier les caractéristiques du projet à l'issue de l'enquête publique, sous réserve, d'une part, que ne soit pas remise en cause l'économie générale du projet et, d'autre part, que cette modification procède de l'enquête. Doivent être regardées comme procédant de l'enquête les modifications destinées à tenir compte des réserves et recommandations de la commission d'enquête, des observations du public et des avis émis par les collectivités et instances consultées et joints au dossier de l'enquête.

10. Il résulte de l'instruction que le projet prévoit la construction d'un chenil " en dur " pouvant accueillir 180 chiens sur le territoire de la commune de Saint-Launeuc, au lieu-dit " le foeil ", ainsi que les modalités de gestion des déjections par épandage sur les terres d'un prêteur, le groupement forestier de la Hardouinais. A l'issue de l'enquête publique un complément de dossier a été demandé à l'exploitant afin d'obtenir des informations supplémentaires. Le document complémentaire, transmis aux services de la préfecture le 11 décembre 2013, a apporté des modifications au dossier soumis à enquête publique, portant notamment, et d'une part, sur la mise en place d'une roselière composée d'un regard de collecte des eaux usées en remplacement de la fosse géo-membrane de stockage, d'autre part, sur un nouveau plan d'épandage désormais prévu sur les terres agricoles de la SCEA " Potier Lainé " jouxtant le chenil. Si le rapport du commissaire enquêteur mentionne une observation n°6, sur les 38, portant sur une " inquiétude sur le plan d'épandage ", sans autre précision, le même document indique que les " 23 hectares mis à disposition par le groupement forestier suffisent amplement à absorber les unités limitées azotes et phosphore de ce projet ". Le rapport du commissaire enquêteur et les avis émis par les collectivités et instances consultées et joints au dossier de l'enquête ne mentionnent pas de réserves ou de recommandations sur le plan d'épandage. Dans ces conditions, les modifications du plan d'épandage ne peuvent être regardées comme procédant de l'enquête publique. Par ailleurs, et en tout état de cause, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport du conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques, que le nouveau plan d'épandage, élément essentiel du dossier de demande d'exploitation d'un chenil, a été modifié dans son intégralité en raison du transfert total des parcelles d'accueil, initialement prévu sur le domaine forestier de la Hardouniais, vers les parcelles agricoles de la SCEA " Potier Lainé ". Dans ces conditions, ces modifications postérieures à l'enquête publique sont de nature à bouleverser l'économie générale du projet, notamment dans l'analyse qui doit être faite de ses effets sur l'environnement, et ont privé d'une information essentielle la population appelée à prendre connaissance du projet durant l'enquête publique. La circonstance, à la supposer établie, que les changements opérés réduiraient considérablement les pollutions de toute nature est sans incidence sur la teneur insuffisante des informations délivrées au public. Dès lors, l'arrêté du 18 avril 2014 du préfet des Côtes-d'Armor est entaché d'irrégularité pour ce motif.

S'agissant de l'appréciation des conditions de fond relatives aux capacités techniques et financières de l'association pétitionnaire :

11. Les articles L. 181-27 et D. 181-15-2 du code de l'environnement modifient les règles de fond relatives aux capacités techniques et financières de l'exploitant d'une installation classée pour la protection de l'environnement antérieurement définies à l'article L. 512-1 de ce code. Il en résulte qu'une autorisation d'exploiter une installation classée ne peut légalement être délivrée, sous le contrôle du juge du plein contentieux des installations classées, si les conditions qu'ils posent ne sont pas remplies. Lorsque le juge se prononce sur la légalité de l'autorisation avant la mise en service de l'installation, il lui appartient, si la méconnaissance de ces règles de fond est soulevée, de vérifier la pertinence des modalités selon lesquelles le pétitionnaire prévoit de disposer de capacités financières et techniques suffisantes pour assumer l'ensemble des exigences susceptibles de découler du fonctionnement, de la cessation éventuelle de l'exploitation et de la remise en état du site au regard des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, ainsi que les garanties de toute nature qu'il peut être appelé à constituer à cette fin en application des articles L. 516-1 et L. 516-2 du même code.

12. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'il convient de faire application des dispositions de l'article L. 181-27 du code de l'environnement issues de l'ordonnance du 26 janvier 2017 pour apprécier les conditions de fond relatives aux capacités financières de l'exploitant.

13. Aux termes de l'article L. 181-27 du code de l'environnement : " L'autorisation prend en compte les capacités techniques et financières que le pétitionnaire entend mettre en œuvre, à même de lui permettre de conduire son projet dans le respect des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 et d'être en mesure de satisfaire aux obligations de l'article L. 512-6-1 lors de la cessation d'activité. ". Selon l'article D. 181-15-2 du même code : " Lorsque l'autorisation environnementale concerne un projet relevant du 2° de l'article L. 181-1, le dossier de demande est complété dans les conditions suivantes. / I. - Le dossier est complété des pièces et éléments suivants : / (...) / 3° Une description des capacités techniques et financières mentionnées à l'article L. 181-27 dont le pétitionnaire dispose, ou, lorsque ces capacités ne sont pas constituées au dépôt de la demande d'autorisation, les modalités prévues pour les établir. Dans ce dernier cas, l'exploitant adresse au préfet les éléments justifiant la constitution effective des capacités techniques et financières au plus tard à la mise en service de l'installation (...) ".

14. Il résulte de l'instruction que le pétitionnaire responsable de l'exploitation du chenil projeté est une association dotée de la personnalité morale. Le dossier de demande d'autorisation d'exploiter soumis à enquête publique se limite à indiquer, au point 1.3 intitulé " capacités techniques et financières ", d'une part que l'équipage de La Bourbansais existe depuis 1967 et a remporté de nombreux prix, notamment celui de la " Nationale d'élevage " à Fontainebleau en juin 2012 et, d'autre part, que le responsable de l'équipage, M. D..., est titulaire d'un diplôme de la société centrale canine et justifie d'une expérience de 14 ans. D'une part, ces considérations sont insuffisantes pour justifier des capacités techniques de l'association. D'autre part, et en tout état de cause, elles ne concernent pas les capacités financières lui permettant de conduire son projet dans le respect des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement précité. Si l'association exposante a produit en cours d'instance une attestation de l'établissement " banque privée 1818 ", certifiant que la société Demeter, propriétaire du groupement forestier de la Hardouinais, détenait sur ses comptes des liquidités suffisantes afin de permettre un investissement en compte courant d'un montant de 500 000 euros dans le groupement forestier, cette seule pièce ne suffit pas à justifier de ce que l'association pétitionnaire, dont le lien avec le groupement forestier ou les engagements pris à son égard ne sont pas précisés, disposerait effectivement de capacités financières suffisantes pour mener à bien son projet, ou pour assumer les obligations mentionnées au point 13. Par suite, le moyen tiré par les requérants de ce que le pétitionnaire ne justifie pas des capacités techniques et financières lui permettant d'exploiter le chenil projeté et que l'arrêté contesté méconnaît ainsi les règles de fond issues de l'article L. 181-27 du code de l'environnement précité doit être accueilli.

Sur l'application des dispositions du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement :

15. Aux termes de l'article L. 181-18 du code de l'environnement : " I. - Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés : / 1° Qu'un vice n'affecte qu'une phase de l'instruction de la demande d'autorisation environnementale, ou une partie de cette autorisation, peut limiter à cette phase ou à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et demander à l'autorité administrative compétente de reprendre l'instruction à la phase ou sur la partie qui a été entachée d'irrégularité ; / 2° Qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. II. - En cas d'annulation ou de sursis à statuer affectant une partie seulement de l'autorisation environnementale, le juge détermine s'il y a lieu de suspendre l'exécution des parties de l'autorisation non viciées. ".

16. En l'espèce, le vice relevé au point 10, relatif aux modifications substantielles apportées au projet à l'issue de l'enquête publique, est susceptible d'être régularisé par une autorisation modificative. Toutefois le vice relevé au point 14, à savoir l'insuffisance des capacités techniques et financières de l'association pour la réalisation du projet, affecte les qualités du pétitionnaire lui-même et implique que le projet soit repris, le cas échéant, globalement. Il entache ainsi l'arrêté contesté dans sa totalité. La décision contestée est, par suite, insusceptible d'être régularisée par une autorisation modificative. Dès lors, il n'y a pas lieu de surseoir à statuer en vue d'une régularisation.

17. Il résulte de tout ce qui précède que l'association " Equipage de La Hardouinais " et la ministre chargée de l'environnement ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du 18 avril 2014 par lequel le préfet des Côtes-d'Armor a autorisé l'association " Equipage de la Hardouinais " à exploiter un chenil de 180 chiens.

Sur les frais liés au litige :

18. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. F..., M. C..., M. B..., M. A... et M. E..., qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, le versement de la somme demandée par l'association " Equipage de La Hardouinais " au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. D'autre part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association " Equipage de La Hardouinais ", le versement d'une somme globale de 1 500 euros à M. B... et M. A... au titre des mêmes frais.

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes de l'association " Equipage de La Hardouinais " et du ministre chargé de l'environnement sont rejetées.

Article 2 : L'association " Equipage de La Hardouinais " versera à M. B... et M. A... une somme globale de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à MM. F..., A..., E..., B... et C..., à la ministre de la transition écologique et à l'association " Equipage de La Hardouinais ".

Copie en sera adressée, pour information, au préfet des Côtes d'Armor.

Délibéré après l'audience du 22 octobre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président de chambre,

- Mme Buffet, présidente-assesseure,

- M. Frank, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 novembre 2021.

Le rapporteur,

A. FRANKLe président,

J. FRANCFORT

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

9

Nos 20NT02167, 20NT02168


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT02167
Date de la décision : 17/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: M. Alexis FRANK
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : SCP ARES GARNIER DOHOLLOU SOUET ARION ARDISSON GREARD COLLET LEDERF-DANIEL LEBLANC

Origine de la décision
Date de l'import : 23/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-11-17;20nt02167 ?
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