Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Cabinet Yamba a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du
1er janvier 2014 au 31 octobre 2016 ainsi que des rappels de taxe sur les véhicules des sociétés auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2015.
Par un jugement n° 1801858 du 17 mars 2020, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 8 juin 2020, la SELARL Cabinet Yamba, représentée par Me Mabouana-Boungou, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer cette décharge ;
3°) d'annuler les avis à tiers détenteur des 5 et 16 janvier 2018 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les opérations de contrôle, lors de la vérification de comptabilité de la société du 20 janvier au 5 mai 2017, sont irrégulières ; des contradictions entre ses déclarations et celles du contrôleur sont apparues sur plusieurs points ; le contrôle a porté sur une période ayant déjà fait l'objet d'un précédent contrôle ; ce n'est que dans son courrier du 20 mars 2018 que l'administration a apporté de façon détaillée la créance qu'elle estime détenir à son encontre en détaillant entre le principal et les intérêts ; les décisions antérieures ne la mettaient pas en mesure de pouvoir relever la composition exacte de la créance ;
- les créances ne sont pas exigibles du fait de l'imprécision des mises en demeure et des avis de mise en recouvrement ;
- tout ou partie de la créance est prescrite dès lors que le directeur départemental des finances publiques d'Indre-et-Loire a indiqué dans un mémoire en défense que : " il est notable de relever que le bordereau fiscal arrêté au 14 juin 2018 fait état d'un solde de créance de 97 295,48 euros, dont les plus anciennes, restant dues à la caisse du Pôle de Recouvrement Spécialisé d'Indre et Loire, ont été mises en recouvrement en 2011 " ;
- en application de l'article L. 622-26 du code de commerce, les créances fiscales qui trouvent leur source dans les exercices 2011 à 2013 ont dû faire l'objet d'une production dans le cadre de la procédure collective ouverte le 9 octobre 2012 par le tribunal de grande instance d'Angers et, à défaut, soit elles sont prescrites, soit elles sont forcloses ;
- la créance contestée n'était ni certaine ni liquide au moment où le pôle spécialisé exigeait son paiement dès lors qu'un acte de cautionnement a été signé pour garantir la créance contestée pour la somme de 39 490 euros alors que l'administration poursuit une créance de 51 239 euros ; il résulte du jugement du 14 janvier 2020 que le directeur départemental des finances publiques d'Indre-et-Loire admet que l'administration est à jour de ses obligations fiscales postérieures à l'adoption du plan de redressement en 2013 et justifie de garantie pour le paiement des créances fiscales qui demeurent contestées ;
- les mises en demeure comportent une date d'édition qui a été manuellement modifiée ou surchargée et font référence à un avis de mise en recouvrement dont la date du 8 novembre 2017 comporte une surcharge ;
- les avis à tiers détenteur sont irréguliers dès lors que les impositions ne sont pas dues.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 décembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les conclusions sont irrecevables au-delà de la somme de 39 490 euros ;
- les moyens soulevés par la SELARL Cabinet Yamba ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Geffray,
- les conclusions de Mme Chollet, rapporteure publique,
- et les observations de Me Mabouana-Boungou, représentant la Selarl Cabinet Yamba.
Considérant ce qui suit :
1. La société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Cabinet Yamba, qui exerce l'activité d'avocat, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les années 2014 et 2015, étendue jusqu'au 31 octobre 2016 en matière de taxe sur la valeur ajoutée. Par une proposition du 16 mai 2017, l'administration a procédé notamment à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en droits et pénalités auxquels elle a été assujettie au titre de la période du
1er janvier 2014 au 31 octobre 2016 ainsi qu'à des rappels de taxe sur les véhicules des sociétés en droits et pénalités auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2015. Elle a émis un avis de mise en recouvrement de ces rappels le 31 octobre 2017, rendu exécutoire le 8 novembre 2017, puis trois mises en demeure de payer le
27 novembre 2017 et informé la société de la notification de deux avis à tiers détenteur des 5 et 16 janvier 2018 d'un même montant de 54 856 euros. La société a demandé au tribunal administratif d'Orléans la décharge des rappels des deux taxes et de l'obligation de payer la somme de 54 856 euros résultant des deux avis à tiers détenteur. Par un jugement du 17 mars 2020, le tribunal a rejeté sa demande. La société relève appel de ce jugement.
Sur le contentieux d'assiette :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, le moyen soulevé par la SELARL Cabinet Yamba et tiré de l'existence de contradictions entre ses déclarations et celles du contrôleur n'est pas assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.
3. En deuxième lieu, un précédent contrôle sur pièces portant sur un rappel de taxe sur la valeur ajoutée a été effectué pour la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011.
Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige portent sur la période du 1er janvier 2013 au
31 octobre 2016. Dès lors, la SELARL Cabinet Yamba n'est pas fondée à soutenir que le présent litige porte sur une période ayant fait l'objet d'un précédent contrôle.
4. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales : " A l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu, d'une vérification de comptabilité ou d'un examen de comptabilité, lorsque des rectifications sont envisagées, l'administration doit indiquer, avant que le contribuable présente ses observations ou accepte les rehaussements proposés, dans la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou dans la notification mentionnée à l'article L. 76, le montant des droits, taxes et pénalités résultant de ces rectifications. Lorsqu'à un stade ultérieur de la procédure de rectification contradictoire l'administration modifie les rehaussements, pour tenir compte des observations et avis recueillis au cours de cette procédure, cette modification est portée par écrit à la connaissance du contribuable avant la mise en recouvrement, qui peut alors intervenir sans délai. (...). ".
5. La proposition de rectification du 16 mai 2017 est suffisamment détaillée et motivée en droit et en fait. En particulier, elle précise les conséquences financières en matière de taxe sur la valeur ajoutée et de taxe sur les véhicules des sociétés et a permis à la SELARL Cabinet Yamba de connaître précisément les sommes dues, en droits, intérêts et majorations. Dans sa réponse aux observations du contribuable du 13 septembre 2017, par laquelle l'administration a procédé à une réduction des rehaussements des bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés, qui au demeurant n'a donné lieu à aucun droit supplémentaire, elle a confirmé les rappels en matière de taxe sur la valeur ajoutée et de taxe sur les véhicules des sociétés. Dès lors, la société n'est pas fondée à soutenir que l'administration n'a présenté de façon détaillée ses créances fiscales que le 20 mars 201, et qu'elle n'a donc pas été en mesure de les connaître avec exactitude, en méconnaissance de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales.
En ce qui concerne l'exigibilité des créances fiscales :
6. Aux termes de l'article L. 622-26 du code de commerce : " A défaut de déclaration dans les délais prévus à l'article L. 622-24, les créanciers ne sont pas admis dans les répartitions et les dividendes à moins que le juge-commissaire ne les relève de leur forclusion s'ils établissent que leur défaillance n'est pas due à leur fait ou qu'elle est due à une omission du débiteur lors de l'établissement de la liste prévue au deuxième alinéa de l'article L. 622-6. Ils ne peuvent alors concourir que pour les distributions postérieures à leur demande. / Les créances non déclarées régulièrement dans ces délais sont inopposables au débiteur pendant l'exécution du plan et après cette exécution lorsque les engagements énoncés dans le plan ou décidés par le tribunal ont été tenus. Pendant l'exécution du plan, elles sont également inopposables aux personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie. (...) ".
7. La société requérante se prévaut des dispositions de l'article L. 622-26 du code de commerce, pour soutenir que les créances fiscales litigieuses auraient dû faire l'objet d'une production dans le cadre de la procédure collective, ouverte le 9 octobre 2012 par le tribunal de grande instance d'Angers et qu'à défaut, elles doivent être regardées comme prescrites ou forcloses. Toutefois, cette procédure concerne les exercices 2009 à 2011 et non les périodes d'imposition en litige. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 622-26 du code de commerce doit être écarté.
8. La SELARL Cabinet Yamba reprend en appel, sans apporter d'éléments nouveaux en fait et en droit, le moyen invoqué en première instance et tiré de ce que l'acte de cautionnement, destiné à garantir une créance d'un montant de 39 490 euros, a pour effet de rendre la créance ni certaine ni liquide. Il y a lieu d'adopter le motif retenu à bon droit par le tribunal pour écarter ce moyen.
9. L'avis de mise en recouvrement du 31 octobre 2017 a été rendu exécutoire le
8 novembre 2017. A la date d'émission des avis à tiers détenteurs, en janvier 2018, les créances fiscales litigieuses étaient bien exigibles.
Sur le contentieux de recouvrement :
10. Aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. / Les contestations relatives au recouvrement ne peuvent pas remettre en cause le bien-fondé de la créance. Elles peuvent porter : / 1° Soit sur la régularité en la forme de l'acte ; / 2° A l'exclusion des amendes et condamnations pécuniaires, sur l'obligation au paiement, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués et sur l'exigibilité de la somme réclamée. / Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés dans le cas prévu au 1° devant le juge de l'exécution. Dans les cas prévus au 2°, ils sont portés : / a) Pour les créances fiscales, devant le juge de l'impôt prévu à l'article L. 199 (...) ". Il résulte de ces dispositions que le juge de l'impôt n'est pas compétent pour connaître du contentieux de la régularité en la forme d'un acte de poursuite. En conséquence, un moyen relatif à cette régularité ne peut être utilement soulevé à l'appui d'une contestation de l'obligation de payer portée devant le juge administratif.
11. Au soutien de ses conclusions tendant à la décharge de l'obligation de payer procédant des trois mises en demeure de payer les créances litigieuses émises le 27 novembre 2017 à l'encontre de la SELARL Cabinet Yamba par le comptable public en vue du recouvrement ainsi que des avis à tiers détenteur, la SELARL soutient que, d'une part, ces mises en demeure sont irrégulières dans la mesure où elles comportent une date d'édition qui a été manuellement modifiée ou surchargée et font référence à un avis de mise en recouvrement dont la date du 8 novembre 2017 comporterait elle-même une surcharge et, d'autre part, les avis à tiers détenteur sont irréguliers. Ces conclusions ont, ainsi, la nature d'une contestation en la forme des actes de poursuite qui ne ressortit pas à la juridiction administrative.
12. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'économie, des finances et de la relance, que la SELARL Cabinet Yamba n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SELARL Cabinet Yamba est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Cabinet Yamba et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 21 octobre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- Mme Picquet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2021.
Le rapporteur,
J.E. GeffrayLe président,
F. Bataille
La greffière,
A. Marchais
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT01598