La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/11/2021 | FRANCE | N°20NT01899

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 09 novembre 2021, 20NT01899


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen de procéder à la liquidation de la somme de 100 euros par jour de retard au titre de l'astreinte prononcée par le jugement du 29 mai 2019 pour la période du 12 septembre 2019 jusqu'à la date à laquelle lui sera notifié un nouvel arrêté et d'enjoindre au Garde des sceaux, ministre de la justice de prendre sous 8 jours un nouvel arrêté reconnaissant l'imputabilité au service de son état de santé sur la base d'un taux d'invalidité de 60 %, à to

ut le moins supérieur à 20 %, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen de procéder à la liquidation de la somme de 100 euros par jour de retard au titre de l'astreinte prononcée par le jugement du 29 mai 2019 pour la période du 12 septembre 2019 jusqu'à la date à laquelle lui sera notifié un nouvel arrêté et d'enjoindre au Garde des sceaux, ministre de la justice de prendre sous 8 jours un nouvel arrêté reconnaissant l'imputabilité au service de son état de santé sur la base d'un taux d'invalidité de 60 %, à tout le moins supérieur à 20 %, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1902304 du 3 juin 2020, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 juin 2020, Mme A..., représentée par Me Labrusse, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 3 juin 2020 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 100 euros par jour entre le 12 septembre 2019 et la date à laquelle sera pris par le Garde des sceaux, ministre de la justice, un nouvel arrêté reconnaissant en tout ou partie l'imputabilité au service de son état de santé en retenant un taux d'invalidité supérieur à 20 % ;

3°) d'enjoindre, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, au Garde des sceaux, ministre de la justice de prendre sous 8 jours un nouvel arrêté reconnaissant l'imputabilité au service de son état de santé en retenant un taux d'invalidité de 60 %, à tout le moins supérieur à 20 % ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le versement de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés en première instance ainsi que la somme de 1 500 euros au titre des mêmes frais exposés en appel.

Elle soutient que :

- le Garde des sceaux, ministre de la justice n'a pas pris de nouvel arrêté statuant sur sa situation dans le délai de trois mois fixé par le jugement du 29 mai 2019 ; le tribunal était par suite tenu de liquider l'astreinte ; il ne pouvait en modifier le montant qu'en cas d'inexécution liée à un cas fortuit ou un cas de force majeure ;

- elle est fondée à solliciter la liquidation de l'astreinte prononcée par ce jugement dès lors que l'expertise sollicitée par le ministre ne présente aucun caractère d'utilité et a pour effet de la maintenir dans une précarité financière alors qu'elle demande l'exécution d'un jugement du 2 mars 2017.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 mars 2021, le Garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gélard,

- et les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... exerçait les fonctions de greffière au tribunal de grande instance de Coutances lorsqu'elle a été placée, en 2010, en congé de longue durée pour un syndrome dépressif. Par un jugement du 2 mars 2017 le tribunal administratif de Caen a annulé l'arrêté du 17 août 2015 du Garde des sceaux, ministre de la justice, l'admettant à la retraite pour invalidité, en tant qu'il ne reconnaissait pas l'imputabilité au service de sa pathologie et retenait un taux d'invalidité de 20 %. Saisi par l'intéressée d'une demande d'exécution, ce même tribunal a par un jugement du 29 mai 2019 enjoint, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à ce ministre de prendre, dans un délai de trois mois, un nouvel arrêté reconnaissant en tout ou partie l'imputabilité au service de son état de santé en retenant un taux d'invalidité supérieur à 20 %. Mme A... relève appel du jugement du 3 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la liquidation de cette astreinte.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 911-7 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive, la juridiction procède à la liquidation de l'astreinte qu'elle avait prononcée/ Sauf s'il est établi que l'inexécution de la décision provient d'un cas fortuit ou de force majeure, la juridiction ne peut modifier le taux de l'astreinte définitive lors de sa liquidation. / Elle peut modérer ou supprimer l'astreinte provisoire, même en cas d'inexécution constatée. ". Il résulte des dispositions du livre V du code de justice administrative, combinées avec celles des articles L. 911-1, L. 911-2, L. 911-3 et L. 911-7 du même code, qu'il appartient au juge de se prononcer sur la liquidation d'une astreinte précédemment prononcée par lui. Il en est de même, le cas échéant, du juge statuant en appel. Si le juge de l'exécution, saisi aux fins de liquidation d'une astreinte précédemment prononcée, peut la modérer ou la supprimer, même en cas d'inexécution constatée, compte tenu notamment des diligences accomplies par l'administration en vue de procéder à l'exécution de la chose jugée, il n'a pas le pouvoir de remettre en cause les mesures décidées par le dispositif de la décision juridictionnelle dont l'exécution est demandée.

3. Par une décision du 4 juillet 2019, le premier président de la cour d'appel de Caen et le procureur général près ladite cour ont reconnu l'imputabilité au service de l'invalidité de Mme A..., en exécution du jugement du 29 mai 2019. Le service des retraites du ministère de l'action et des comptes publics, saisi en exécution du même jugement par le ministère de la justice d'une proposition de révision de la pension civile d'invalidité de l'intéressée, a cependant estimé, le 13 janvier 2020, que le taux de 20 % proposé par le ministre de la justice n'était pas conforme aux jugements rendus et qu'en conséquence une nouvelle expertise médicale était nécessaire. Le ministre de la justice ne justifie, depuis cette date, d'aucune diligence tendant, soit à diligenter cette expertise afin de déterminer le taux d'invalidité de Mme A... imputable au service, lequel ne doit pas être inférieur à 20 %, soit à retenir au vu des différentes expertises déjà réalisées un taux répondant à cette exigence. Il n'établit pas davantage que la crise sanitaire l'aurait empêché de prendre ces mesures, ni même que Mme A..., qui justifie de la précarité de sa situation financière, aurait refusé de se soumettre à une nouvelle expertise. Dans ces conditions, le ministre de la justice doit être regardé comme n'ayant pas, à la date du présent arrêt, exécuté totalement le jugement du 29 mai 2019.

4. Le Garde des sceaux, ministre de la justice ayant accompli certaines diligences en vue de l'exécution du jugement du 29 mai 2019, le montant de l'astreinte fixé à 100 euros par jour de retard sera réduit à 50 euros par jour de retard. Il y a lieu, dès lors, de procéder, au bénéfice de Mme A..., à la liquidation de l'astreinte pour la période du 30 août 2019 inclus, compte tenu de la mise à disposition immédiate du jugement sur l'application Télérecours et du délai de trois mois laissé au ministre pour l'exécution, au 9 novembre 2021 inclus, date de mise à disposition du présent arrêt, au taux de 50 euros par jour, soit 40 050 euros.

5. Il résulte de tout ce qui précède, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme A... d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés en appel et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1902304 du tribunal administratif de Caen en date du 3 juin 2020 est annulé.

Article 2 : L'Etat (Garde des sceaux, ministre de la justice) est condamné à verser la somme globale de 40 050 euros à Mme A....

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.

Article 4 : L'Etat versera à Mme A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au Garde des sceaux, ministre de la justice.

Une copie en sera adressée au ministre de l'action et des comptes publics (direction régionale des finances publiques de Seine-Maritime).

Délibéré après l'audience du 15 octobre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 novembre 2021.

La rapporteure,

V. GELARDLe président,

O. GASPON

La greffière,

I. PETTON

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 20NT01899 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT01899
Date de la décision : 09/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Action en astreinte

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : LABRUSSE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-11-09;20nt01899 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award