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09/11/2021 | FRANCE | N°20NT01315

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 09 novembre 2021, 20NT01315


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La fondation Asile-de-Marie a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 13 août 2018 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement de Mme A..., la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique ainsi que la décision du 6 mars 2019 du ministre chargé du travail de rejet de son recours hiérarchique.

Par un jugement n°1900872 du 30 janvier 2020, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La fondation Asile-de-Marie a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 13 août 2018 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement de Mme A..., la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique ainsi que la décision du 6 mars 2019 du ministre chargé du travail de rejet de son recours hiérarchique.

Par un jugement n°1900872 du 30 janvier 2020, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 avril 2020 et 18 février 2021, la fondation Asile-de-Marie, représentée par Me Blin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande à l'aune des dispositions de l'article L. 1226-9 du code du travail ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) d'enjoindre au ministre du travail de statuer à nouveau sur la demande d'autorisation de licencier Mme A... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de cinquante euros par jour de retard ;

4°) à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour estime que l'autorisation de licenciement est conditionnée au sort contentieux des recours introduits par Mme A... à l'encontre des refus de prise en charge des accidents et/ou maladie par la CPAM, surseoir à statuer, avant dire droit, dans l'attente des jugements du pôle social du tribunal judiciaire de Caen ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de l'erreur de droit dans l'application de l'article L. 1226-9 du code du travail alors que Mme A... ne peut se prévaloir du statut de victime d'un accident de travail ou d'une maladie professionnelle ; aucun texte n'interdit à l'employeur d'envisager la rupture du contrat de travail au motif qu'un recours a été initié devant le tribunal des affaires de sécurité sociale et la contestation d'un refus de prise en charge ne peut en tout état de cause mener à une décision contraire opposable à l'établissement ; il n'était pas justifié au moment du licenciement d'une procédure de contestation de refus de prise en charge par la CPAM de l'accident ou de la maladie professionnelle alléguée par Mme A... ;

- c'est à juste titre que le tribunal a censuré les autres motifs fondant les décisions contestées dès lors que, d'une part, l'absence prolongée de Mme A... perturbe gravement le bon fonctionnement de l'EHPAD et plus spécifiquement la direction de l'établissement et qu'aucune mesure provisoire ne permet de pallier à cette situation et que, d'autre part, Mme A... ne se trouvait pas dans une période de suspension du contrat de travail à laquelle elle a droit au titre du congé de maternité à la date à laquelle la demande d'autorisation de licenciement a été présentée, ne justifiait pas d'un arrêt de travail pour une pathologie liée à son état de grossesse et son licenciement était envisagé pour un motif étranger à sa grossesse ;

- les informations liées au caractère professionnel de la maladie et à l'état de grossesse de Mme A... ont été portées à la connaissance du comité d'entreprise ; en toute hypothèse, la consultation du comité d'entreprise n'était pas obligatoire.

Par un mémoire, enregistré le 15 mai 2020, Mme A..., représentée par Me Cagnol, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de la fondation Asile-de-Marie la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle doit, comme l'a jugé le tribunal administratif, bénéficier des dispositions protectrices des articles L. 1226-7 à L. 1226-9 du code du travail applicable aux victimes de maladie professionnelle et accident de travail dès lors que son employeur a été informé des recours exercés pour faire reconnaître le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie ;

- c'est à bon droit que le ministre chargé du travail a écarté l'impossibilité prétendue de maintenir le contrat de travail au motif que l'absence de Mme A... perturberait gravement le fonctionnement de l'établissement ;

- elle bénéficie, compte tenu de l'article 12.01.1 alinéa 3 de la convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951, de la protection applicable à la salariée en congé maternité ; compte tenu de cet état, elle ne pouvait être licenciée pour absence prolongée qui perturbe le fonctionnement de l'entreprise ; c'est à tort que le tribunal administratif a pris en compte le fait que la décision de licenciement n'est pas en lien avec son état de grossesse ;

- le comité d'entreprise n'a pas reçu de l'employeur toutes les informations nécessaires de sorte que la procédure de consultation est irrégulière ;

- la fondation Asile-de-Marie ne démontre pas avoir procédé à un remplacement provisoire comme le prévoit l'article 15.02.1.3 de la convention collective du 31 octobre 1951 et avoir été contrainte de procéder à son remplacement définitif.

Par un mémoire, enregistré le 18 février 2021, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion professionnelle conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens tirés de l'erreur de droit dans l'application des articles L. 1226-7 du code du travail et L. 1225-4 du code du travail ne sont pas fondés et s'en rapporte, pour le surplus, aux observations produites par l'inspectrice du travail dans le cadre du recours hiérarchique formé par la fondation Asile-de-Marie.

Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de soulever d'office un moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité, en l'absence de moyen d'appel propre, des conclusions tendant à l'annulation du jugement du 30 janvier 2020 en tant qu'il a rejeté les conclusions à fin d'annulation de la décision du 13 août 2018 de l'inspecteur du travail.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Malingue,

- et les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un courrier du 9 juillet 2018, la fondation Asile-de-Marie, qui gère un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes de 87 lits, a demandé à l'administration du travail de l'autoriser à licencier Mme A..., employée en contrat à durée indéterminée depuis le 1er décembre 2012 pour exercer les fonctions de directrice d'établissement et, par ailleurs, conseillère prud'homale auprès du conseil des prud'hommes de Caen, pour un motif en rapport avec sa personne, tiré de ce que son absence prolongée depuis le 12 août 2017 pour cause de maladie perturbe le bon fonctionnement du service et qu'il est nécessaire de pourvoir à son remplacement. Cette demande a été rejetée par décision du 13 août 2018 de l'inspecteur du travail aux motifs qu'il n'était pas justifié de ce que l'absence prolongée pour maladie de Mme A... perturbait gravement le bon fonctionnement de la structure et de la nécessité de la remplacer de manière définitive et que la licencier, alors même qu'elle est enceinte, est constitutif d'une violation du statut protecteur attaché à l'état de grossesse. La fondation a saisi le ministre chargé du travail d'un recours hiérarchique contre cette décision. Postérieurement à la décision implicite de rejet née le 15 février 2019, le ministre a rejeté ce recours par une décision du 6 mars 2019 en confirmant la décision du 13 août 2018 aux motifs que la fondation ne justifiait pas de son impossibilité de maintenir le contrat de travail de Mme A... pour un motif étranger, d'une part, à l'accident du travail ou à la maladie et, d'autre part, à la grossesse. La fondation a sollicité auprès du tribunal administratif de Caen l'annulation de ces décisions. Elle relève appel du jugement du 30 janvier 2020 en tant que le tribunal a rejeté sa demande à l'aune des dispositions de l'article L. 1226-9 du code du travail.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. D'une part, la méconnaissance des dispositions de l'article L. 1226-9 du code du travail n'étant pas au nombre des motifs de la décision du 13 août 2018 de l'inspecteur du travail, la fondation Asile-de-Marie, en circonscrivant expressément son appel à l'une de ces dispositions, ne développe aucun moyen d'appel propre dirigé contre cette décision. Par suite, ses conclusions tendant à l'annulation du jugement du 30 janvier 2020 en tant qu'il a rejeté les conclusions à fin d'annulation de la décision du 13 août 2018 de l'inspecteur du travail, irrecevables, ne peuvent qu'être rejetées.

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 1226-7 du code du travail : " Le contrat de travail du salarié victime d'un accident du travail, autre qu'un accident de trajet, ou d'une maladie professionnelle est suspendu pendant la durée de l'arrêt de travail provoqué par l'accident ou la maladie (...) ". Aux termes de l'article L. 1226-9 du même code : " Au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie ".

4. Il ressort des pièces du dossier qu'après les refus opposés par la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados le 27 février 2018 à sa demande de reconnaissance du caractère professionnel de sa maladie et le 21 mars 2018 à sa demande de reconnaissance d'accident de travail, Mme A..., qui a été convoquée le 14 mai 2018 à l'entretien préalable au licenciement, a informé la fondation Asile-de-Marie, par un courrier du 18 mai 2018, de son intention d'engager des recours contre ces décisions de rejet auprès du tribunal des affaires de sécurité sociale. Elle a introduit ces recours le 28 juin 2018, ce dont la fondation Asile-de-Marie a été avisée par l'intéressée le 3 juillet 2018 et par le tribunal des affaires de sécurité sociale le 30 juillet 2018. Dans ces conditions, les dispositions de l'article L. 1226-9 du code du travail lui étaient applicables et son contrat de travail ne pouvait être rompu que s'il est justifié d'une faute grave ou de l'impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la maladie ou à l'accident. L'autorisation de licenciement ayant été sollicitée en raison de la désorganisation liée à l'absence prolongée depuis le 12 août 2017 de Mme A... pour cause de maladie, l'impossibilité de maintenir le contrat de l'intéressée n'était pas étrangère à l'accident ou la maladie dont le caractère professionnel est allégué. Par suite, c'est à bon droit que le ministre chargé du travail a retenu ce motif pour refuser d'autoriser le licenciement de Mme A....

5. Dès lors, et alors au demeurant que le licenciement envisagé méconnaissait également les dispositions de l'article L. 1225-4 du code du travail en raison de l'état de grossesse de Mme A..., la fondation Asile-de-Marie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de décision du 6 mars 2019 du ministre chargé du travail rejetant son recours hiérarchique. Par conséquent, sa requête, en toutes ses conclusions aux fins d'annulation et d'injonction, doit être rejetée.

Sur les frais liés au litige :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, le versement à la fondation Asile-de-Marie de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande présentée par Mme A... et de mettre à la charge de la fondation Asile-de-Marie le versement à cette dernière de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la fondation Asile-de-Marie est rejetée.

Article 2 : La fondation Asile-de-Marie versera, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros à Mme A....

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la fondation Asile-de-Marie, à Mme B... A... et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.

Délibéré après l'audience du 15 octobre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président assesseur,

- Mme Malingue, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2021.

La rapporteure,

F. MALINGUELe président,

O. GASPON

La greffière,

I. PETTON

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°20NT01315

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT01315
Date de la décision : 09/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: Mme Fanny MALINGUE
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : BOUTHORS-NEVEU

Origine de la décision
Date de l'import : 23/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-11-09;20nt01315 ?
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