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05/11/2021 | FRANCE | N°20NT01057

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 05 novembre 2021, 20NT01057


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... D... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 18 janvier 2017 par laquelle le préfet de la Région Bretagne a refusé d'enregistrer sa déclaration préalable de reprise pour exploitation des terres d'une surface de

12 hectares 41 ares et 74 centiares situées à Pordic (Côtes-d'Armor).

Par un jugement n°1701260 du 20 janvier 2020, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une

requête enregistrée le 20 mars 2020, Mme C... A... D... épouse B..., représentée par SCP Avocatslibe...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... D... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 18 janvier 2017 par laquelle le préfet de la Région Bretagne a refusé d'enregistrer sa déclaration préalable de reprise pour exploitation des terres d'une surface de

12 hectares 41 ares et 74 centiares situées à Pordic (Côtes-d'Armor).

Par un jugement n°1701260 du 20 janvier 2020, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 mars 2020, Mme C... A... D... épouse B..., représentée par SCP Avocatsliberté Glon - Gobbé - Brouillet - Aubry, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n°1701260 du 20 janvier 2020 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) d'annuler la décision du préfet de la Région Bretagne du 18 janvier 2017 ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision contestée est entachée d'un vice de procédure, au regard des dispositions de l'article R. 331-5 du code rural et de la pêche maritime, dès lors qu'elle a été prise avant même que l'avis de la commission départementale d'orientation de l'agriculture soit recueilli et que la composition de cette commission n'était pas conforme aux dispositions de l'article

R. 313-2 du même code ;

- la personne qui a signé la décision litigieuse, qui n'était pas le préfet des Côtes-d'Armor, n'avait pas compétence pour ce faire ;

- la décision contestée a fait une application inexacte des dispositions du II de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime, dès lors que la mise en valeur des terres agricoles en litige qui appartiennent à ses parents était soumise à déclaration préalable et non à autorisation.

Par un mémoire enregistré le 13 août 2020, l'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) Michel, représentée par Me Devilliers, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 500 euros soit mise à la charge de Mme A... D... au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par Mme A... D... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 décembre 2020, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les moyens tirés du vice de procédure et de l'incompétence de l'auteur de la décision contestée qui relève d'une cause juridique distincte de celles des moyens, uniquement de légalité interne, soulevés en première instance, sont irrecevables ;

- l'autre moyen soulevé par Mme A... D... n'est pas fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de pêche maritime ;

- l'arrêté du préfet de la région Bretagne du 28 juin 2016 portant schéma directeur régional des exploitations agricoles de Bretagne ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Catroux,

- et les conclusions de M. Berthon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A... D... sont propriétaires de terres d'une surface de

12 hectares 41 ares et 74 centiares situés à Pordic (Côtes-d'Armor) et loués à l'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) Michel auquel ils ont signifié, le 4 septembre 2013, un congé prenant effet le 29 septembre 2015. Le 11 décembre 2013, l'EARL Michel a demandé l'annulation de ce congé au tribunal paritaire des baux ruraux de Saint-Brieuc qui a rejeté sa demande. La cour d'appel de Rennes a confirmé ce jugement par un arrêt du 3 novembre 2016 devenu définitif. L'EARL Michel a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux d'une demande d'autorisation de maintien dans les lieux sur le fondement des dispositions de l'article

L. 411-66 du code rural et de la pêche maritime. Mme A... D... épouse B..., fille de M. et Mme A... D..., propriétaires des terres en litige, a effectué auprès du préfet d'Ille-et-Vilaine une déclaration préalable d'exploitation de ces terres. Par une décision du 18 janvier 2017, le préfet de la région Bretagne a refusé d'enregistrer cette déclaration. Par un jugement n°1701260 du 20 janvier 2020, dont Mme A... D... épouse B... relève appel, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 18 janvier 2017.

Sur l'intervention volontaire de l'EARL Michel :

2. L'EARL Michel, en sa qualité d'exploitant des terres en litige, a intérêt au maintien du jugement attaqué et de la décision contestée. Par suite, son intervention en défense doit être admise.

Sur la légalité de la décision du 18 janvier 2017 :

3. En premier lieu, le moyen de légalité externe, tiré du vice de procédure au regard des articles R. 331-5 et R. 313-2 du code rural et de la pêche maritime, présenté pour la première fois en appel et qui n'est pas d'ordre public, procède d'une cause juridique différente de celle des moyens de légalité interne soulevés en première instance et constitue, par suite, ainsi que le relève le défendeur, une demande nouvelle, qui doit être écartée comme irrecevable en appel.

4. En deuxième lieu, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée, qui est d'ordre public, n'est pas irrecevable en appel, contrairement à ce que fait valoir le ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Toutefois, la requérante, qui se borne à alléguer que cette décision n'est pas signée par le préfet des Côtes-d'Armor et n'a pas produit la page de la décision contestée où figurent la signature, le nom et la qualité du signataire de cette décision, ne verse pas aux débats les éléments nécessaires pour apprécier le bienfondé de ce moyen, qui doit, dès lors, être écarté. Au demeurant, le préfet de la région Bretagne était compétent pour prendre l'acte litigieux depuis l'entrée en vigueur du schéma directeur régional des exploitations agricoles de Bretagne, en vertu des dispositions de l'article R. 331-7 du code rural et de la pêche maritime.

5. En troisième lieu, d'une part, aux termes du II de l'article L. 331-2 du code rural et de pêche maritime : " Les opérations soumises à autorisation en application du I sont, par dérogation à ce même I, soumises à déclaration préalable lorsque le bien agricole à mettre en valeur est reçu par donation, location, vente ou succession d'un parent ou allié jusqu'au troisième degré inclus et que les conditions suivantes sont remplies : / 1° Le déclarant satisfait aux conditions de capacité ou d'expérience professionnelle mentionnées au a du 3° du I ; /

2° Les biens sont libres de location ; / 3° Les biens sont détenus par un parent ou allié, au sens du premier alinéa du présent II, depuis neuf ans au moins ; / 4° Les biens sont destinés à l'installation d'un nouvel agriculteur ou à la consolidation de l'exploitation du déclarant, dès lors que la surface totale de celle-ci après consolidation n'excède pas le seuil de surface fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles en application du II de l'article

L. 312-1. (...). ". L'article 4 du schéma directeur régional des exploitations agricoles, défini par l'arrêté préfectoral du 28 juin 2016 visé ci-dessus, a fixé les seuils de contrôle pour l'ensemble des exploitations à 20 hectares pour l'ensemble de la région Bretagne.

6. D'autre part, aux termes de l'article L. 331-1 du code rural et de la pêche maritime : " Le contrôle des structures des exploitations agricoles s'applique à la mise en valeur des terres agricoles ou des ateliers de production hors sol au sein d'une exploitation agricole, quels que soient la forme ou le mode d'organisation juridique de celle-ci, et le titre en vertu duquel la mise en valeur est assurée. / Est qualifié d'exploitation agricole, au sens du présent chapitre, l'ensemble des unités de production mises en valeur directement ou indirectement par la même personne, quels qu'en soient le statut, la forme ou le mode d'organisation juridique, dont les activités sont mentionnées à l'article L. 311-1. / L'objectif prioritaire du contrôle des structures est de favoriser l'installation d'agriculteurs, y compris ceux engagés dans une démarche d'installation progressive. (...) ". Aux termes de l'article R. 331-1 du même code : " Pour l'application des dispositions du 1° de l'article L. 331-1-1, une personne associée d'une société à objet agricole est regardée comme mettant en valeur les unités de production de cette société si elle participe aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l'importance de ces unités de production. ". Dès lors, pour déterminer la superficie totale mise en valeur, il doit être tenu compte des superficies mises en valeur par le demandeur quel que soit le mode d'organisation juridique de son exploitation, une personne associée d'une société à objet agricole devant, à ce titre, être regardée comme mettant en valeur les unités de production de cette société si elle participe effectivement aux travaux et de façon permanente.

7. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision contestée, Mme A... D... était l'unique gérante et associée de l'EARL Les Longs Champs, qui s'était vue consentir par un arrêté du préfet de la Région Bretagne du 7 septembre 2016 une autorisation d'exploiter des terres agricoles d'une surface de 100 hectares 5 centiares, ainsi que l'unique associée de la SARL " Station avicole de la Ville au Doré ". Il ne ressort pas de ces mêmes pièces que Mme A... D... ne participerait pas de façon effective et permanente aux travaux de ces deux sociétés à objet agricole, dont elle assume la gestion. Par suite, le préfet de la Région Bretagne a fait une exacte application des dispositions du II de l'article L. 331-2 du code rural et de pêche maritime, en refusant d'enregistrer sa déclaration préalable d'exploitation des terres en litige, au motif que la surface totale de l'exploitation résultant de la reprise envisagée excédait le seuil de 20 hectares fixé par l'article 4 du schéma directeur régional des exploitations agricoles.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 18 janvier 2017.

Sur les frais de l'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme A... D... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

10. Ces dispositions font également obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A... D..., la somme que l'EARL Michel, qui n'a pas la qualité de partie à la présente instance, demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : L'intervention de l'EARL Michel est admise.

Article 2 : La requête de Mme A... D... est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de l'EARL Michel présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... D... épouse B..., à l'exploitation agricole à responsabilité limitée Michel et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

Délibéré après l'audience du 14 octobre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe 5 novembre 2021.

Le rapporteur,

X. CATROUXLe président,

D. SALVI

La greffière,

A. MARTIN

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 20NT01057


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT01057
Date de la décision : 05/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: M. Xavier CATROUX
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS PROXIMA

Origine de la décision
Date de l'import : 16/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-11-05;20nt01057 ?
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