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05/11/2021 | FRANCE | N°19NT02610

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 05 novembre 2021, 19NT02610


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Avenir et Environnement en Pays d'Iroise et l'association Eau et Rivières de Bretagne ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté en date du 1er avril 2016 par lequel le préfet du Finistère a autorisé la SARL Avel Vor à procéder à l'extension de son élevage porcin sur les sites de Kervizinic, de Kervéléoc et de Kerincuff en Landunvez pour le porter à 12 090 animaux équivalents, soit 850 porcs reproducteurs, 8 700 porcs de plus de 30 kg (hors reproducteurs) et 4 20

0 porcs de moins de 30 kg.

Par un jugement no 1603452 du 17 mai 2019, le tri...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Avenir et Environnement en Pays d'Iroise et l'association Eau et Rivières de Bretagne ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté en date du 1er avril 2016 par lequel le préfet du Finistère a autorisé la SARL Avel Vor à procéder à l'extension de son élevage porcin sur les sites de Kervizinic, de Kervéléoc et de Kerincuff en Landunvez pour le porter à 12 090 animaux équivalents, soit 850 porcs reproducteurs, 8 700 porcs de plus de 30 kg (hors reproducteurs) et 4 200 porcs de moins de 30 kg.

Par un jugement no 1603452 du 17 mai 2019, le tribunal administratif de Rennes a annulé cet arrêté du 1er avril 2016 du préfet du Finistère.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 3 juillet 2019, 8 avril 2020 et 12 février 2021, la SARL Avel Vor, représentée par Me Barbier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par l'association Avenir et Environnement en Pays d'Iroise et l'association Eau et Rivières de Bretagne devant le tribunal administratif de Rennes ainsi que leurs conclusions d'appel ;

3°) de mettre à la charge solidaire de l'association Avenir et Environnement en Pays d'Iroise, l'association Eau et Rivières de Bretagne et l'association pour la protection et la promotion de la Côte des Légendes une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier car insuffisamment motivé ;

- le moyen d'annulation retenu par le tribunal n'est pas fondé dès lors que l'étude d'impact jointe à la demande d'autorisation n'était pas affectée d'erreurs ou d'omissions substantielles ;

- le tribunal a retenu à tort que l'exploitation de l'élevage porcin de la SARL Avel Vor aurait des conséquences importantes sur l'environnement et la commodité du voisinage ;

- les autres moyens invoqués par les demandeurs de première instance sont infondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 25 février 2020, 25 janvier 2021 et 26 février 2021, ainsi qu'un mémoire en défense non communiqué enregistré le 1er septembre 2021, l'association Avenir et Environnement en Pays d'Iroise, l'association Eau et Rivières de Bretagne et l'association pour la protection et la promotion de la Côte des Légendes, représentées par Me Le Briero, concluent au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la SARL Avel Vor une somme de 2 500 euros à verser à chacune d'elles au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la SARL Avel Vor ne sont pas fondés.

La ministre de la transition écologique a présenté des observations, enregistrées le 15 février 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bréchot,

- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,

- et les observations de Me Barbier, représentant la SARL Avel Vor, ainsi que les observations de M. A... pour l'association Eau et rivières de Bretagne.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Avel Vor exploite, depuis le début des années 1970, des installations d'élevage porcin situées aux lieux-dits Kervizinic, Kervéléoc et Kerincuff, sur le territoire de la commune de Landunvez (Finistère). En 2008, elle s'est dotée d'une station de traitement biologique du lisier, permettant de traiter 85 % des effluents de l'élevage et de réduire les quantités d'azote et de phosphore organiques faisant l'objet d'un épandage. Par un arrêté du 6 juin 2013, le préfet du Finistère a autorisé la SARL Avel Vor à exploiter son élevage porcin pour un cheptel de 8 965 animaux-équivalents. Souhaitant moderniser ses installations et améliorer sa compétitivité, la SARL Avel Vor a déposé, en décembre 2014, auprès des services du préfet du Finistère, un dossier de demande d'autorisation de porter son cheptel à 12 090 animaux-équivalents, l'augmentation des effectifs ne concernant que le site de Kervizinic. Le projet implique la construction d'une nouvelle lagune pour le stockage des eaux issues du traitement des effluents de l'élevage ainsi que l'ajout au plan d'épandage de 21,50 hectares de terres mises à disposition par des exploitations tierces, en complément des 125,40 hectares de terres d'épandage exploitées en propre par la société. Une enquête publique a été organisée et s'est tenue du 7 septembre au 7 octobre 2015. Le préfet du Finistère a autorisé, par arrêté du 1er avril 2016, la SARL Avel Vor à procéder à l'extension de son élevage porcin. La SARL Avel Vor relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Rennes, à la demande de l'association Avenir et Environnement en Pays d'Iroise et de l'association Eau et Rivières de Bretagne, a annulé cet arrêté du 1er avril 2016 du préfet du Finistère.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. "

3. Il ressort des motifs du jugement attaqué que le tribunal administratif de Rennes, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties ni d'identifier l'ensemble des insuffisances substantielles de l'étude d'impact, a précisé aux points 6 à 9 de son jugement les raisons pour lesquelles il a considéré que l'autorisation critiquée avait été délivrée à l'issue d'une procédure irrégulière, faute pour le pétitionnaire d'avoir joint à son dossier de demande d'autorisation une étude d'impact suffisamment précise et proportionnée. Par suite, ce jugement est suffisamment motivé.

4. En second lieu, si la SARL Avel Vor soutient que le jugement attaqué repose sur une confusion entre les dispositions du 4° du II de l'article R. 122-5 du code de l'environnement et les anciennes dispositions du II de l'article R. 512-6 du code de l'environnement et ne permet pas de comprendre si le tribunal a entendu sanctionner l'application de l'une ou l'autre de ces dispositions, un tel moyen, qui a trait au bien-fondé du jugement attaqué, ne peut être utilement invoqué pour en contester la régularité.

5. Dès lors, la SARL Avel Vor n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

6. Comme il a été dit au point 3, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'autorisation contestée au seul motif qu'elle avait été délivrée à l'issue d'une procédure irrégulière, faute pour le pétitionnaire d'avoir joint à son dossier de demande d'autorisation une étude d'impact suffisamment précise et proportionnée. Contrairement à ce que soutient la société requérante, le tribunal administratif, qui n'a pas examiné les autres moyens de la demande de première instance, ne s'est pas prononcé sur la question de savoir si l'exploitation de l'élevage porcin de la SARL Avel Vor aurait des conséquences importantes sur l'environnement et la commodité du voisinage.

7. Aux termes de l'article R. 122-4 du code de l'environnement, dans sa version applicable au litige : " (...) / Dans sa demande, le pétitionnaire fournit au minimum les éléments dont il dispose sur les caractéristiques principales du projet et, dans la zone qui est susceptible d'être affectée : / - les principaux enjeux environnementaux ; / - ses principaux impacts ; / - quand le projet s'insère dans le cadre d'un programme de travaux, ses liens fonctionnels avec d'autres travaux, ouvrages ou aménagements. / L'autorité compétente pour prendre la décision d'autorisation, d'approbation ou d'exécution consulte sans délai l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement et, pour ce qui concerne les aspects liés à la santé humaine, le ministre chargé de la santé pour les projets mentionnés aux I et II de l'article R. 122-6 ou le directeur général de l'agence régionale de santé pour les autres projets. / Dans son avis, l'autorité compétente précise les éléments permettant au pétitionnaire ou maître d'ouvrage d'ajuster le contenu de l'étude d'impact à la sensibilité des milieux et aux impacts potentiels du projet sur l'environnement ou la santé humaine, notamment le degré de précision des différentes thématiques abordées dans l'étude d'impact. / L'avis de l'autorité compétente indique notamment : / - les zonages, schémas et inventaires relatifs à la ou aux zones susceptibles d'être affectées par le projet ; / - les autres projets connus, tels que définis au 4° du II de l'article R. 122-5, avec lesquels les effets cumulés devront être étudiés ; / (...). / Cet avis peut également préciser le périmètre approprié pour l'étude de chacun des impacts du projet. ".

8. Selon l'article R. 122-5 du même code : " I. - Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, ouvrages et aménagements projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. / II. - L'étude d'impact présente : / 1° Une description du projet comportant des informations relatives à sa conception et à ses dimensions, y compris, en particulier, une description des caractéristiques physiques de l'ensemble du projet et des exigences techniques en matière d'utilisation du sol lors des phases de construction et de fonctionnement et, le cas échéant, une description des principales caractéristiques des procédés de stockage, de production et de fabrication, notamment mis en œuvre pendant l'exploitation, telles que la nature et la quantité des matériaux utilisés, ainsi qu'une estimation des types et des quantités des résidus et des émissions attendus résultant du fonctionnement du projet proposé. (...) / 2° Une analyse de l'état initial de la zone et des milieux susceptibles d'être affectés par le projet, portant notamment sur la population, la faune et la flore, les habitats naturels, les sites et paysages, les biens matériels, les continuités écologiques telles que définies par l'article L. 371-1, les équilibres biologiques, les facteurs climatiques, le patrimoine culturel et archéologique, le sol, l'eau, l'air, le bruit, les espaces naturels, agricoles, forestiers, maritimes ou de loisirs, ainsi que les interrelations entre ces éléments ; / 3° Une analyse des effets négatifs et positifs, directs et indirects, temporaires (y compris pendant la phase des travaux) et permanents, à court, moyen et long terme, du projet sur l'environnement, en particulier sur les éléments énumérés au 2° et sur la consommation énergétique, la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses), l'hygiène, la santé, la sécurité, la salubrité publique, ainsi que l'addition et l'interaction de ces effets entre eux ; / 4° Une analyse des effets cumulés du projet avec d'autres projets connus. Ces projets sont ceux qui, lors du dépôt de l'étude d'impact : / - ont fait l'objet d'un document d'incidences au titre de l'article R. 214-6 et d'une enquête publique ; / - ont fait l'objet d'une étude d'impact au titre du présent code et pour lesquels un avis de l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement a été rendu public. / Sont exclus les projets ayant fait l'objet d'un arrêté au titre des articles R. 214-6 à R. 214-31 mentionnant un délai et devenu caduc, ceux dont la décision d'autorisation, d'approbation ou d'exécution est devenue caduque, dont l'enquête publique n'est plus valable ainsi que ceux qui ont été officiellement abandonnés par le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage ; / 5° Une esquisse des principales solutions de substitution examinées par le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage et les raisons pour lesquelles, eu égard aux effets sur l'environnement ou la santé humaine, le projet présenté a été retenu ; / 6° Les éléments permettant d'apprécier la compatibilité du projet avec l'affectation des sols définie par le document d'urbanisme opposable, ainsi que, si nécessaire, son articulation avec les plans, schémas et programmes mentionnés à l'article R. 122-17, et la prise en compte du schéma régional de cohérence écologique dans les cas mentionnés à l'article L. 371-3 ; / 7° Les mesures prévues par le pétitionnaire ou le maître de l'ouvrage pour : -éviter les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine et réduire les effets n'ayant pu être évités ; / -compenser, lorsque cela est possible, les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine qui n'ont pu être ni évités ni suffisamment réduits. S'il n'est pas possible de compenser ces effets, le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage justifie cette impossibilité. / La description de ces mesures doit être accompagnée de l'estimation des dépenses correspondantes, de l'exposé des effets attendus de ces mesures à l'égard des impacts du projet sur les éléments visés au 3° ainsi que d'une présentation des principales modalités de suivi de ces mesures et du suivi de leurs effets sur les éléments visés au 3° ; / 8° Une présentation des méthodes utilisées pour établir l'état initial visé au 2° et évaluer les effets du projet sur l'environnement et, lorsque plusieurs méthodes sont disponibles, une explication des raisons ayant conduit au choix opéré ; (...) ".

9. Aux termes des dispositions de l'article R. 512-6, alors en vigueur, du code de l'environnement : " I. - A chaque exemplaire de la demande d'autorisation doivent être jointes les pièces suivantes : / (...) / 4° L'étude d'impact prévue à l'article L. 122-1 dont le contenu est défini à l'article R. 122-5 et complété par l'article R. 512-8 ; / (...) ". Aux termes des dispositions du I de l'article R. 512-8, alors en vigueur, de ce code : " Le contenu de l'étude d'impact mentionnée à l'article R. 512-6 doit être en relation avec l'importance de l'installation projetée et avec ses incidences prévisibles sur l'environnement, au regard des intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1. ".

10. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur le sens de la décision de l'autorité administrative.

11. Il résulte de l'instruction que le projet de la SARL Avel Vor consiste principalement à augmenter de façon substantielle les effectifs de son élevage porcin, déjà très important, pour le porter de 8 965 animaux-équivalents à 12 090 animaux-équivalents. Cette concentration de porcs prendra place à 2 kilomètres environ du littoral, au sein d'une commune où l'activité d'élevage est très marquée. Le site principal de l'élevage se trouve en rive gauche du ruisseau côtier de Landunvez, bordé de landes et de prairies humides. Un secteur habité se situe à 200 mètres au nord-ouest de la station de traitement du lisier de l'exploitation. Le plan d'épandage est, pour l'essentiel, inclus dans le bassin versant du ruisseau côtier de Landunvez et dans celui d'un petit cours d'eau qui se jette dans la mer un peu plus au nord. Ces bassins versants font partie des bassins versants prioritaires définis par le SAGE (schéma d'aménagement et de gestion de l'eau) du Bas-Léon, approuvé le 18 février 2014, pour les actions relatives à l'azote et au phosphore. En effet, comme l'a relevé l'autorité environnementale dans son avis du 7 août 2015, les teneurs en nitrate des masses d'eau superficielles et souterraines de ce secteur sont particulièrement élevées - avec des concentrations relevées dans le forage de l'élevage de l'ordre de 100 mg/l - et les sols sont fortement chargés en phosphore. Les plages les plus proches du littoral ont d'ailleurs fait l'objet au cours des dernières années de plusieurs arrêtés préfectoraux de fermeture en raison de pollutions bactériennes.

12. En premier lieu, comme l'a relevé l'autorité environnementale dans son avis du 7 août 2015, l'extension de l'élevage porcin pour laquelle le dossier de demande d'autorisation a été déposé en décembre 2014 faisait suite à une extension récente, autorisée par un arrêté du 6 juin 2013 du préfet du Finistère. Cet avis relève que " peu de détails sont donnés à ce sujet dans le dossier, mais il semble que ces deux extensions successives conduisent ensemble sensiblement à un doublement de la capacité de production de l'élevage ", lequel s'avère particulièrement important en termes d'animaux exploités. L'avis de l'autorité environnementale ajoute que " au vu des investissements mentionnés dans le dossier, le projet porte également sur la mise à niveau de la station d'épuration, sur le stockage des céréales, l'automatisation de la fabrique d'aliments et la machine à soupe, et sur la construction d'un silo tour et la destruction de certains bâtiments vétustes ". L'avis se conclut par une première recommandation " de décrire plus précisément l'historique récent de l'élevage et de clarifier la présentation du projet, dans un souci de bonne information du lecteur quant à la nature et l'ampleur des évolutions attendues et de leurs effets sur l'environnement. " Il résulte de l'instruction que l'étude d'impact initiale était lacunaire sur l'historique de l'exploitation de la SARL Avel Vor, limité à quelques dates en page 19 de la demande, et ne comportait aucune indication sur l'état de l'exploitation avant sa précédente et très récente extension. De même, cette étude d'impact ne fait pas apparaître avec clarté et précision les aménagements et travaux qui seront effectués sur le site, notamment s'agissant de " la mise en place de bâtiments neufs ", lesquels ne sont pas identifiés à l'exception de la construction d'une nouvelle lagune. Cette étude ne permet pas davantage de savoir quels bâtiments seront détruits. Or le mémoire en réponse du pétitionnaire à l'avis de l'autorité environnementale, daté d'août 2015, n'a comblé aucune de ces lacunes en se bornant pour l'essentiel à renvoyer à l'historique insuffisant du dossier de demande, à indiquer que l'extension autorisée le 6 juin 2013 " a été mise en œuvre au cours des années 2013 et 2014 " sans fournir le détail des bâtiments construits dans ce cadre, ou encore à indiquer que " de nouveaux bâtiments seront construits sur le site de Kervezenic pour contenir ces effectifs en augmentation. Les constructions s'effectueront dans le prolongement des bâtiments existants ", sans identifier aucun de ces bâtiments existants ou à construire.

13. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que, comme l'a relevé à raison l'autorité environnementale, l'étude d'impact du pétitionnaire était lacunaire en ce qu'elle ne prenait pas en compte l'incidence de la mise en place d'une canalisation entre le site principal de Kervizinic et celui d'implantation de la future lagune de stockage d'effluents au nord sur le site de Kerincuff, alors que son tracé traverse le ruisseau et les zones humides rivulaires. En particulier, l'étude d'impact n'indiquait pas les mesures prévues pour éviter tout dommage au cours d'eau et aux zones humides traversées, notamment vis-à-vis du risque de drainage ou de pollution, en phase de travaux puis d'exploitation. Dans son mémoire en réponse, le pétitionnaire s'est borné à indiquer que " afin de prendre en compte la remarque de la DREAL l'emplacement de la canalisation sera décalé afin de ne pas traverser la zone humide. Elle sera réalisée en longeant les voies d'accès déjà empruntées par l'exploitant et à proximité du chemin rural. Deux cours d'eau permanents seront franchis par voie aérienne en accotement des ponts existants. (...) Le nouveau tracé n'aura pas d'impact sur le cours d'eau et la zone humide. " Or il résulte de l'instruction que ces énonciations sont inexactes dès lors que ce " nouveau tracé " de la canalisation traverse toujours la zone humide. En outre, ce mémoire en réponse n'a pas complété l'omission initiale de l'étude d'impact, notamment quant aux risques que présente cette canalisation pour le cours d'eau et la zone humide traversée.

14. En troisième lieu, comme l'a relevé à juste titre l'autorité environnementale, l'état initial de l'environnement, bien qu'en apparence exhaustif quant aux différents aspects examinés, s'avère insuffisant quant aux impacts de l'élevage sur l'environnement dans sa configuration et son fonctionnement antérieurs à l'autorisation contestée. Ainsi, notamment, les éventuelles nuisances existantes occasionnées par l'élevage pour les riverains dans sa configuration d'alors ne sont pas détaillées, par exemple s'agissant de l'air ou du bruit, qui sont traités de façon extrêmement succincte en pages 90 à 92 de l'étude d'impact. D'autres éléments, tels que ceux relatifs aux équilibres biologiques, se bornent à des considérations générales sans comporter aucun développement relatif à l'état initial du site du projet.

15. En quatrième lieu, il résulte de l'instruction que l'étude d'impact ne comporte aucun élément circonstancié sur les incidences du projet en termes de nuisances olfactives ou sonores ressenties ou susceptibles d'être ressenties par les riverains. Dans son mémoire en réponse, le pétitionnaire n'a pas comblé cette lacune en se bornant, pour l'essentiel, à rappeler les éléments de l'étude d'impact ou à indiquer les mesures qu'il compte prendre pour limiter ces nuisances, sans les avoir préalablement caractérisées. De même, l'étude d'impact se borne à indiquer que " le projet n'a pas d'effet sur les équilibres biologiques locaux ", sans fournir aucune explication, alors que, comme il a été dit au point précédent, l'état initial des équilibres biologiques propres au site du projet n'a pas été exposé.

16. En cinquième lieu, comme l'a relevé l'autorité environnementale, les principaux enjeux environnementaux du projet de la SARL Avel Vor, eu égard à l'importance de la concentration de porcs projetée et des effluents qui y sont liés, incluent la prévention des pollutions diffuses liées aux pertes d'azote et de phosphore dans le milieu provenant de la fertilisation des cultures et aux retombées atmosphériques d'azote émis sous forme d'ammoniac.

17. D'une part, comme il a été dit au point 11, les teneurs en nitrate des masses d'eau superficielles et souterraines du secteur du projet sont particulièrement élevées et les sols fortement chargés en phosphore. Malgré l'importance de cet enjeu, les développements de l'étude d'impact relatifs à l'état initial de la qualité des eaux (partie 2.12.5 de l'étude d'impact) et, plus encore, des effets du projet sur celle-ci (partie 3.12), sont particulièrement succincts et lacunaires. Cela a conduit l'autorité environnementale à recommander, à juste titre, " d'apporter, dans la mesure du possible, des indications sur l'évolution passée des teneurs en phosphore des sols et des concentrations en nitrates dans les eaux de surface et souterraines issues des parcelles d'épandage de l'élevage, et de définir et mettre en place un suivi permettant de constater ces évolutions à l'avenir, y compris sur les teneurs en potassium ". Dans son mémoire en réponse, le pétitionnaire s'est borné à indiquer, s'agissant du suivi des nitrates dans les eaux, qu'il était réalisé sur les forages de l'élevage et qu'un suivi des nitrates et du potassium dans les eaux de surface et les eaux souterraines " pourra être effectué " " en cas de nécessité ", tandis que, s'agissant du suivi du phosphore dans les sols, les analyses régulières de sol auxquelles il procède ne sont pas réalisées en des points géolocalisés et portent seulement sur " le phosphore assimilable (Olsen) et non 'sur' le phosphore total ", pour en conclure que " le suivi et la comparaison interannuelle des résultats sur une même parcelle n'est donc pas envisageable ". Dès lors, le pétitionnaire n'a pas comblé les lacunes de son étude d'impact initiale.

18. D'autre part, alors que l'autorité environnementale a recommandé " de donner une estimation des retombées d'azote provenant des émissions d'ammoniac et de la sensibilité à ces retombées des milieux naturels à proximité ", qui ne figuraient pas dans l'étude d'impact initiale, la SARL Avel Vor s'est bornée, dans son mémoire en réponse, à indiquer dans un tableau les " retombées d'azote ammoniacal en fonction de la distance " de façon générale, sans donner d'informations sur les retombées d'azote propres à son projet et leurs éventuels effets sur l'environnement. De même, ce mémoire en réponse précise que " les retombées d'azote ammoniacal s'effectuent principalement dans un rayon de 1 000 m, elles représentent 20 % des retombées totales. Dans cette zone, il n'existe pas de milieux naturels sensibles ". Or l'autorité environnementale a relevé que " localement, les milieux humides proches du site au nord peuvent être sensibles aux retombées proches ". Enfin, ni l'étude d'impact initiale, ni le mémoire en réponse de la SARL Avel Vor ne mentionnent les effets éventuels des retombées d'ammoniac sur les riverains, alors qu'il résulte de l'instruction que de nombreuses habitations et des équipements publics se situent à moins d'un kilomètre, et même pour certains à moins de 200 mètres, du site du projet.

19. En dernier lieu, et en revanche, il ne résulte pas de l'instruction que l'étude d'impact était insuffisante en ce qui concerne l'analyse des effets cumulés du projet avec d'autres projets connus, dès lors qu'il n'est pas contesté qu'aucun autre projet connu n'avait, à la date du dépôt de l'étude d'impact, soit fait l'objet d'un document d'incidences au titre de l'article R. 214-6 du code de l'environnement et d'une enquête publique, soit fait l'objet d'une étude d'impact au titre du même code pour lequel un avis de l'autorité environnementale avait été rendu public, qui sont les seuls autres projets pour lesquels les dispositions alors applicables du 4° du II de l'article R. 122-5 du code de l'environnement imposaient une analyse des effets cumulés avec ceux du projet.

20. Il résulte de l'instruction que, compte tenu de la nature et de l'ampleur particulièrement importante du projet d'élevage porcin, ainsi que du contexte environnemental local rappelé au point 11 du présent arrêt, les nombreuses inexactitudes, omissions et insuffisances de l'étude d'impact de la SARL Avel Vor mentionnées aux points 12 à 18 ont eu pour effet de nuire à l'information complète de la population et, en tout état de cause, ont été de nature à exercer une influence sur le sens de la décision de l'autorité administrative.

21. Dès lors, l'arrêté contesté du 1er avril 2016 du préfet du Finistère est entaché d'un vice de procédure justifiant son annulation.

22. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Avel Vor n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du 1er avril 2016 du préfet du Finistère.

Sur les frais liés au litige :

23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des associations intimées, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, la somme que la SARL Avel Vor demande au titre des frais exposés par elle à l'occasion du litige soumis au juge.

24. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SARL Avel Vor la somme globale de 1 500 euros à verser à l'association Avenir et Environnement en Pays d'Iroise, l'association Eau et Rivières de Bretagne et l'association pour la protection et la promotion de la Côte des Légendes, au titre des frais liés à l'instance.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Avel Vor est rejetée.

Article 2 : La SARL Avel Vor versera à l'association Avenir et Environnement en Pays d'Iroise, l'association Eau et Rivières de Bretagne et l'association pour la protection et la promotion de la Côte des Légendes une somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Avel Vor, à l'association Avenir et Environnement en Pays d'Iroise, l'association Eau et Rivières de Bretagne et l'association pour la protection et la promotion de la Côte des Légendes et à la ministre de la transition écologique.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Finistère.

Délibéré après l'audience du 19 octobre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- Mme Douet, présidente-assesseure,

- M. Bréchot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 novembre 2021.

Le rapporteur,

F.-X. BréchotLe président,

A. Pérez

La greffière,

A. Lemée

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 19NT02610


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT02610
Date de la décision : 05/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. François-Xavier BRECHOT
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : SELARL BARBIER

Origine de la décision
Date de l'import : 16/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-11-05;19nt02610 ?
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