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21/10/2021 | FRANCE | N°20NT01636

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 21 octobre 2021, 20NT01636


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

D'une part, M. et Mme C... B... ont demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu mises à leur charge au titre des années 2012 et 2013 et, d'autre part, M. B... a demandé au même tribunal de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013 par avis de mise en recouvrement du 17 juillet 2017.

Par un jugement n°s 1801195, 18

01200 du 17 mars 2020, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leurs demandes.
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

D'une part, M. et Mme C... B... ont demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu mises à leur charge au titre des années 2012 et 2013 et, d'autre part, M. B... a demandé au même tribunal de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013 par avis de mise en recouvrement du 17 juillet 2017.

Par un jugement n°s 1801195, 1801200 du 17 mars 2020, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 juin 2020, M. et Mme C... B..., représentés par Me Hery, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer ces décharges ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement rendu en première instance est irrégulier dès lors que les premiers juges ne se sont pas prononcés sur le bien-fondé du rejet de la comptabilité et qu'il est dépourvu de toute motivation concernant la reconstitution de chiffre d'affaires ;

- l'administration n'a pas soulevé suffisamment d'anomalies lui permettant de rejeter la comptabilité de l'entreprise et ils peuvent se prévaloir des instructions administratives publiées au BOI BIC DECLA-30-10-20-50 n°s 20, 40 et 50, au BOI-CF-IOR-10-20 n°s 60 et 70 ;

- la reconstitution de recettes opérée par le service vérificateur ne saurait être regardée comme suffisamment fiable et précise.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 décembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour de rejeter la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Picquet,

- les conclusions de Mme Chollet, rapporteure publique,

- et les observations de Me Hery, représentant les requérants.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite de deux avis de mise en recouvrement tirant les conséquences en matière de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur le revenu d'une proposition de rectification du chiffre d'affaires de l'activité du restaurant à Chinon (Indre-et-Loire) dont M. B... est l'exploitant, d'une part, M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu mises à leur charge au titre des années 2012 et 2013 et, d'autre part, M. B... a demandé au même tribunal de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013 par avis de mise en recouvrement du 17 juillet 2017. Par un jugement du 17 mars 2020, le tribunal a rejeté leurs demandes. M. et Mme B... font appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort du jugement attaqué que les premiers juges n'ont ni visé ni répondu au moyen tiré de ce que c'est à tort que la comptabilité du restaurant de M. B... a été rejetée par l'administration. Dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen soulevé à l'encontre de la régularité du jugement et tiré de l'insuffisante motivation quant à la reconstitution du chiffre d'affaires, le jugement attaqué est entaché d'irrégularité et doit être annulé.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par M. et Mme B... devant le tribunal administratif d'Orléans.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne le rejet de la comptabilité de M. B... :

S'agissant de l'application de la loi fiscale :

4. L'article 54 du code général des impôts dispose que : " Les contribuables mentionnés à l'article 53 A sont tenus de représenter à toute réquisition de l'administration tous documents comptables, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des résultats indiqués dans leur déclaration (...) ". Le paragraphe I de l'article 286 du même code dispose que : " Toute personne assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée doit : (...) 3° Si elle ne tient pas habituellement une comptabilité permettant de déterminer son chiffre d'affaires tel qu'il est défini par le présent chapitre, avoir un livre aux pages numérotées sur lequel elle inscrit, jour par jour, sans blanc ni rature, le montant de chacune de ses opérations, en distinguant, au besoin, ses opérations taxables et celles qui ne le sont pas. Chaque inscription doit indiquer la date, la désignation sommaire des objets vendus, du service rendu ou de l'opération imposable, ainsi que le prix de la vente ou de l'achat (...) Toutefois, les opérations au comptant peuvent être inscrites globalement en comptabilité à la fin de chaque journée lorsqu'elles sont inférieures à

76 euros pour les ventes au détail et les services rendus à des particuliers. Le montant des opérations inscrites sur le livre est totalisé à la fin du mois (...) ".

5. Le vérificateur a considéré la comptabilité en cause comme dépourvue de valeur probante dès lors que M. B... procédait à un enregistrement global des recettes en fin de journée, qu'il a produit des doubles de notes clients non numérotées, extraites de carnets à souche non numérotés également, ne permettant donc pas de s'assurer que les doubles de toutes les notes émises ont été conservés, et qu'il n'utilisait pas de caisse enregistreuse. De plus, les notes clients, si elles comportaient la date, le numéro de table, le nombre de menus et leur prix, les boissons et leur prix, les plats à la carte, le total de l'addition et le mode de règlement, ne mentionnaient pas l'entrée et le dessert choisis à la carte et l'entrée, le plat et le dessert choisis dans le menu. Dès lors, ne comportant pas la désignation des articles vendus, elles ne permettaient pas la vérification de la concordance des ventes avec les achats comptabilisés. Etaient agrafés aux notes, non pas des tickets de caisse, en l'absence de caisse enregistreuse, mais uniquement, le cas échéant, des tickets de paiement par carte bancaire. Si M. et Mme B... invoquent la tolérance prévue au paragraphe I de l'article 286 qui admet la comptabilisation globale quotidienne des recettes inférieures à 76 euros, l'administration fait valoir sans être contredite que plus de 73 % des notes des deux années vérifiées portaient sur un montant supérieur à 76 euros et, en tout état de cause, cette tolérance ne saurait dispenser M. B... A... la justification des recettes de la journée. En outre, le vérificateur a indiqué de manière précise, sans être utilement contredit, que pour l'année 2013, les notes de 10 journées n'avaient pas été présentées. Enfin, le centre de gestion agréé a relevé, dans un document d'analyse financière remis aux contribuables et sans que cela soit utilement remis en cause par M. et Mme B..., que la rentabilité du restaurant, avec 8,4 euros de bénéfice pour 100 euros de ventes, restait inférieure à la moyenne de la profession qui est de

12,1 euros. Ainsi, les éléments précités, ne permettant de s'assurer ni de l'exhaustivité des recettes ni de la nature des produits vendus, ne peuvent être regardés comme des pièces comptables établissant la recette journalière de l'établissement.

S'agissant de l'interprétation administrative de la loi fiscale :

6. Les requérants se prévalent, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'instruction publiée au BOI BIC DECLA-30-10-20-50 n° 50, laquelle indique qu' " il va de soi que, si l'entreprise utilise une caisse enregistreuse ou recourt à des fiches de caisse, le fait de n'avoir pas conservé ces fiches ou les rouleaux des caisses enregistreuses peut constituer, en l'absence d'une main courante correctement remplie, l'un des motifs du rejet de la comptabilité ". Ils se prévalent également de l'instruction publiée au BOI DECLA-30-10-20-50 n°s 20 et 40, qui permet que les opérations de même nature, réalisées en un même lieu et au cours d'une même journée soient récapitulées sur une pièce justificative unique et que cette circonstance ne suffit pas à elle seule, à faire écarter la comptabilité présentée à condition toutefois que celle-ci soit, par ailleurs, bien tenue et que les résultats soient en rapport avec l'importance et la production apparente de l'entreprise. Enfin, ils se prévalent de l'instruction publiée au BOI-CF-IOR-10-20 n°s 60 et 70 qui indique que le rejet d'une comptabilité comme dénuée de sincérité ou comme non probante ne doit être opéré qu'à bon escient et avec la plus grande circonspection, lorsqu'il existe des motifs précis et sérieux permettant de la considérer comme non probante et que l'absence de valeur probante d'une comptabilité, condition nécessaire de son rejet, peut résulter soit de l'irrégularité formelle de cette comptabilité, elle-même, d'une insuffisance des justifications fournies à l'appui de ses énonciations ou de l'une et l'autre de ces deux causes, soit, même si la comptabilité apparaît régulière en la forme, d'éléments permettant d'en contester la sincérité ou la valeur probante. Toutefois, les paragraphes en cause des instructions dont se prévalent les requérants ne contiennent pas d'interprétation formelle de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application dans le présent arrêt.

En ce qui concerne la reconstitution du chiffre d'affaires de M. B... :

7. L'article L. 192 du livre des procédures fiscales dispose que : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. (...) ".

8. Si, comme il a été dit au point 5, la comptabilité de l'entreprise de M. B... comporte de graves irrégularités, l'imposition n'a pas été établie conformément à l'avis de la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires d'Indre-et-Loire qui a examiné le litige en sa séance du 27 avril 2017. Dès lors, la charge de la preuve incombe à l'administration.

9. Il est constant que, pour procéder à la reconstitution extracomptable des recettes, le vérificateur a eu recours à la méthode dite " des liquides ". Après avoir ventilé le chiffre d'affaires des boissons selon le taux de taxe sur la valeur ajoutée applicable à 7 % ou 19,6 %, le vérificateur a reconstitué, au titre de chaque exercice vérifié, les recettes des boissons soumises au taux de 19,6 % à partir des achats revendus. Les achats revendus de chaque catégorie de boissons ont été déterminés à partir des factures d'achats, corrigés de la variation des stocks au cours de chacun des deux exercices et pondérés d'un pourcentage de pertes, d'offerts et de consommation du personnel. Un prix de vente moyen unitaire toutes taxes comprises (TTC) pour chaque produit liquide vendu au taux de taxe sur la valeur ajoutée de 19,6 % a été calculé par le total du chiffre d'affaires divisé par le nombre de produits vendus, à la suite du dépouillement des notes clients. Pour les ventes au verre (vin blanc, vin rouge, vin rosé et kir, pétillant, apéritifs) un prix de vente moyen TTC de la bouteille a été déterminé selon un nombre de verres par bouteille. Le chiffre d'affaires TTC reconstitué des ventes de boissons au taux de TVA de 19,6 % a été obtenu en multipliant le nombre d'achats revendus des boissons alcooliques en unité par le prix de vente moyen unitaire TTC constaté par produit. Le service a ainsi pu établir un chiffre d'affaires des liquides de 124 062,87 euros contre 93 298,76 euros déclarés pour l'exercice clos en 2012 et de 125 043,67 euros au lieu de 98 764,48 euros déclarés au titre de l'exercice clos en 2013. Le chiffre d'affaires TTC reconstitué des ventes de boissons au taux de taxe sur la valeur ajoutée de 19,6 % a ensuite été rapporté aux recettes totales de l'entreprise, par application du ratio constaté dans les déclarations de taxe sur la valeur ajoutée, les boissons à 19,6 % de taxe sur la valeur ajoutée représentant 25 % du chiffre d'affaires TTC de l'exercice. Enfin, la discordance entre les recettes totales reconstituées de l'entreprise avec le chiffre d'affaires déclaré en taxe sur la valeur ajoutée a révélé le montant des recettes dissimulées, réparties entre ventes sur place (au taux de 7 %) et ventes de boissons alcooliques (au taux de 19,6 %), en fonction de la répartition dont M. B... avait fait mention dans ses déclarations. Le vérificateur a comptabilisé deux services par jour. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, des alcools, et pas uniquement le vin rouge acheté en " bag ", ont été retenus pour la préparation des plats et des desserts. L'administration, dans le cadre du recours hiérarchique, a accepté de presque doubler le taux d'offerts et la quantité par verre a été augmentée d'un tiers (de 4 cl à 6 cl ou de 12 cl à 16 cl ou de 10 à 14 cl). En dépit des allégations de M. et Mme B..., cette circonstance ne saurait toutefois radicalement vicier la méthode retenue par l'administration. Il ne pouvait être retenu, par verre de vin, un volume de 22 cl, dès lors que le restaurant ne disposerait pas de suffisamment de vin pour réaliser les ventes qu'il indique avoir effectuées et que le prix au verre par rapport au prix en bouteille n'apparaîtrait pas cohérent. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, l'administration ne s'est pas fondée sur un prix moyen de 32 euros par client et par service, mais sur un prix de vente unitaire moyen pour chaque boisson vendue avec une taxe sur la valeur ajoutée à 19,6 %. L'administration établit que le vérificateur avait effectué des regroupements avec des appellations comparables et qu'il n'y a pas eu d'erreurs, pour la reconstitution, dans la composition des stocks. La circonstance que la comptabilité du contribuable ait été regardée comme non probante ne fait pas obstacle à ce que l'administration utilise des éléments tirés de celle-ci pour opérer des rectifications. M. et Mme B... ne sauraient utilement se prévaloir de l'acquisition d'une caisse enregistreuse en 2015 et des chiffres d'affaires de 2015 et 2016 pour contester les chiffres d'affaires reconstitués par l'administration pour les années 2012 et 2013. Dans ces conditions, l'administration apporte la preuve, qui lui incombe, du bien-fondé de la reconstitution critiquée.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la demande de M. et Mme B... à fin de décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu mises à leur charge au titre des années 2012 et 2013 et la demande de M. B... à fin de décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013 doivent être rejetées. Par voie de conséquence, leurs demandes relatives aux frais liés au litige, présentées en première instance et en appel, doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n°s 18011195, 1801200 du 17 mars 2020 du tribunal administratif d'Orléans est annulé.

Article 2 : Les demandes présentées devant le tribunal administratif d'Orléans et les conclusions présentées en appel par M. et Mme B... sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 7 octobre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- M. Geffray, président assesseur,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 octobre 2021.

La rapporteure,

P. PicquetLe président,

F. Bataille

La greffière,

A. Marchais

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 20NT01636

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NT01636
Date de la décision : 21/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : CABINET ORATIO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-10-21;20nt01636 ?
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