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19/10/2021 | FRANCE | N°21NT01046

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 19 octobre 2021, 21NT01046


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du 25 janvier 2021 du préfet de Maine-et-Loire décidant son transfert aux autorités maltaises et l'assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2101069 du 8 février 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 avril 2021, M. A... B..., repré

senté par Me Guinel-Johnson, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler ces ar...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du 25 janvier 2021 du préfet de Maine-et-Loire décidant son transfert aux autorités maltaises et l'assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2101069 du 8 février 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 avril 2021, M. A... B..., représenté par Me Guinel-Johnson, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler ces arrêtés ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale dans un délai de cinq jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de cent euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 400 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

S'agissant de l'arrêté de transfert :

- le signataire de l'arrêté était incompétent pour prendre la décision contestée dès lors que, d'une part, la délégation de signature accordée par le préfet, spéciale, motivée et régulièrement publiée, ne pouvait être faite qu'à un membre du pôle régional Dublin et que, d'autre part, l'arrêté de délégation de signature doit viser expressément l'arrêté de nomination de la personne qui reçoit délégation en application de l'article 43 du décret du 29 avril 2004 ;

- les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues dès lors que l'information prévue par ces dispositions doit être délivrée au demandeur d'asile dès sa présentation au point d'accueil et lors de la prise de rendez-vous au GUDA et dans une langue qu'il comprend ;

- les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues dès lors que le préfet doit transmettre en temps utile le compte-rendu complet de l'entretien, qu'il doit justifier que l'entretien a permis qu'il comprenne correctement les informations fournies, qu'il a été conduit dans une langue qu'elle comprend et dans des conditions garantissant la confidentialité, qu'il a été mené par une personne qualifiée et qu'il doit justifier qu'il a été informé de son droit de bénéficier d'un examen médical gratuit en application des dispositions de l'article L. 746-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté a été pris sans examen particulier de sa situation personnelle ;

- la décision est insuffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle est stéréotypée et qu'elle ne comporte aucune indication sur le fondement de l'acceptation de la reprise en charge ;

- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à l'application de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 au regard de sa vulnérabilité et des conditions d'accueil à Malte où il est resté plus de six mois sans avoir pu déposer une demande d'asile.

S'agissant de l'arrêté l'assignant à résidence :

- il est illégal du fait de l'illégalité de l'arrêté de transfert aux autorités maltaises ;

- il a été signé par une autorité incompétente ;

- la décision est insuffisamment motivée en méconnaissance des dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le jugement est entaché d'un défaut de motivation sur ce point ;

- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation compte tenu de l'interdiction de sortir du département sans autorisation et de la disproportion de la fréquence de présentation ;

- la décision est entachée d'erreur de droit dès lors que l'obligation de se présenter à horaires fixes et de se présenter avec ses effets personnels n'est prévue par aucun texte.

Par un mémoire, enregistré le 9 août 2021, le préfet de Maine-et-Loire conclut au non-lieu à statuer sur les conclusions relatives à l'arrêté de transfert et au rejet du surplus de la requête.

Il soutient que :

- Malte est désormais libérée de son obligation de reprise en charge ;

- les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le décret n° 2019-38 du 23 janvier 2019 ;

- l'arrêté du 10 mai 2019 désignant les préfets compétents pour enregistrer les demandes d'asile et déterminer l'Etat responsable de leur traitement ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Malingue a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant soudanais né le 1er janvier 1995, est entré en France le 1er octobre 2020 selon ses déclarations. Sa demande d'asile a été enregistrée le 21 décembre 2020 par les services de la préfecture de la Loire-Atlantique. La consultation du système Eurodac a révélé que ses empreintes digitales ont été relevées par les autorités de Malte, Etat où il a sollicité l'asile. Consécutivement à leur saisine le 22 décembre 2020, les autorités maltaises ont accepté de reprendre en charge l'intéressé le 4 janvier 2021. Par deux arrêtés du 25 janvier 2021, le préfet de Maine-et-Loire a ordonné le transfert de M. A... B... aux autorités maltaises et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. L'intéressé a sollicité auprès du tribunal administratif de Nantes l'annulation de ces deux arrêtés. Il relève appel du jugement du 8 février 2021 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Le tribunal administratif, qui n'avait pas à répondre à tous les arguments soulevés par les parties, a suffisamment motivé aux points 5 et 13 de son jugement, sa réponse aux moyens tirés de l'insuffisante motivation des arrêtés contestés. Dès lors, M. A... B... n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait irrégulier en raison d'une insuffisante motivation.

Sur l'arrêté de transfert :

3. D'une part, aux termes de l'article 29 du règlement n° 604-2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 : " Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'Etat membre requérant vers l'Etat membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'Etat membre requérant, après concertation entre les Etats membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. /2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. ".

4. D'autre part, l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel, ni d'ailleurs le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.

5. Le délai initial de six mois dont disposait le préfet de Maine-et-Loire pour procéder à l'exécution du transfert de M. A... B... vers Malte a été interrompu par la saisine du magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes. Ce délai a recommencé à courir à compter de la notification à l'administration du jugement du 8 février 2021 rendu par ce dernier. Il ressort des pièces du dossier que ce délai n'a pas fait l'objet d'une prolongation et que cet arrêté n'a pas reçu exécution pendant sa période de validité. Par suite, la décision de transfert litigieuse est devenue caduque sans avoir reçu de commencement d'exécution à la date du présent arrêt et la France est devenue responsable de la demande d'asile sur le fondement des dispositions du 2 de l'article 29 du règlement n° 604-2013 rappelées ci-dessus. Par suite, les conclusions de M. A... B... tendant à l'annulation de l'arrêté de transfert et du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre cet arrêté sont devenues sans objet. Il n'y a plus lieu d'y statuer. Toutefois, l'arrêté portant assignation à résidence de M. A... B... ayant été exécuté, il y a lieu de se prononcer sur sa légalité.

Sur l'arrêté d'assignation à résidence :

En ce qui concerne l'exception d'illégalité de la décision de transfert :

6. En premier lieu, l'article R. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Sans préjudice du second alinéa de l'article 11-1 du décret n° 2004-374 du 29 avril 2004, l'autorité compétente pour renouveler l'attestation de demande d'asile en application de l'article L. 742-1, procéder à la détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile, assigner à résidence un demandeur d'asile en application du 1° bis du I de l'article L. 561-2 et prendre une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 est le préfet de département et, à Paris, le préfet de police (...) ". Par ailleurs, l'article 11-1 du décret du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements dispose que " Le préfet de département est compétent en matière d'entrée et de séjour des étrangers ainsi qu'en matière de droit d'asile. / En matière d'asile, un arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de l'asile peut donner compétence à un préfet de département et, à Paris, au préfet de police pour exercer ces missions dans plusieurs départements ". L'article 2 de l'arrêté du 10 mai 2019 désignant les préfets compétents pour enregistrer les demandes d'asile et déterminer l'Etat responsable de leur traitement, en métropole, dispose que : " L'annexe II au présent arrêté fixe la liste des préfets compétents pour procéder à la détermination de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile. A cette fin, les préfets désignés sont compétents pour : / 1° Renouveler l'attestation de demande d'asile en application de l'article L. 742-1 du code précité ; / 2° Prendre la décision de transfert en application de l'article L. 742-3 du même code ; / 3° Assigner à résidence le demandeur en application du I - 1° bis de l'article L. 561-2 du même code et, le cas échéant, prendre les mesures prévues au II de l'article L. 561-2 et aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 742-2 du code précité./ Cette annexe précise en outre les départements dans lesquels chacun de ces préfets est compétent ". L'article 6 de ce même arrêté dispose, quant à lui, que " Les dispositions du présent arrêté sont applicables aux demandes d'asile enregistrées à compter de la publication du présent arrêté ". Enfin, l'annexe II à cet arrêté prévoit que le préfet de Maine-et-Loire est compétent " pour les demandes concernant les demandeurs domiciliés dans un département de la région Pays de la Loire ".

7. Par ailleurs, l'article 43 du décret du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements dispose que : " Le préfet de département peut donner délégation de signature, notamment en matière d'ordonnancement secondaire : (...) / 2° Pour les matières relevant de leurs attributions, aux chefs des services déconcentrés des administrations civiles de l'Etat dans le département ; ces chefs de service peuvent recevoir délégation afin de signer les lettres d'observation valant recours gracieux adressées aux collectivités territoriales ou à leurs établissements publics ; / (...) 7° Aux agents en fonction dans les préfectures, pour les matières relevant des attributions du ministre de l'intérieur, y compris les lettres d'observation valant recours gracieux formés auprès des collectivités territoriales ou de leurs établissements publics, pour les matières relevant des ministères qui ne disposent pas de services dans le département ainsi que pour la transformation en états exécutoires des ordres de recettes mentionnés aux articles 112 à 124 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique (...) ".

8. L'arrêté du 25 janvier 2021 portant transfert aux autorités maltaises a été signé, par délégation du préfet de Maine-et-Loire, par Mme D..., directrice de l'immigration et des relations avec les usagers. Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 6 janvier 2021 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du 8 janvier 2021, le préfet de Maine-et-Loire a donné délégation à Mme D... pour signer " j) les décisions d'application du règlement Dublin III (arrêtés de transfert, assignations à résidence) ". Contrairement à ce que soutient le requérant, aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait au préfet de Maine-et-Loire d'accorder une délégation pour signer les décisions prises en application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 uniquement aux agents du pôle régional Dublin installé au sein des services de sa préfecture. Par ailleurs, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose que cet arrêté vise la nomination de l'agent bénéficiaire de la délégation. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte doit être écarté comme manquant en fait.

9. En deuxième lieu, en vertu du paragraphe 1 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, lorsqu'une telle demande est présentée, un seul Etat, parmi ceux auxquels s'applique ce règlement, est responsable de son examen. Cet Etat, dit Etat membre responsable, est déterminé en faisant application des critères énoncés aux articles 7 à 15 du chapitre III du règlement ou, lorsqu'aucun Etat membre ne peut être désigné sur la base de ces critères, du premier alinéa du paragraphe 2 de l'article 3 de son chapitre II. Si l'Etat membre responsable est différent de l'Etat membre dans lequel se trouve le demandeur, ce dernier peut être transféré vers cet Etat, qui a vocation à le prendre en charge. Lorsqu'une personne a antérieurement présenté une demande d'asile sur le territoire d'un autre Etat membre, elle peut être transférée vers cet Etat, à qui il incombe de la reprendre en charge, sur le fondement des b), c) et d) du paragraphe 1 de l'article 18 du chapitre V et du paragraphe 5 de l'article 20 du chapitre VI de ce même règlement. En application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.

10. S'agissant d'un étranger ayant, dans les conditions posées par le règlement, présenté une demande d'asile dans un autre Etat membre et devant, en conséquence, faire l'objet d'une reprise en charge par cet Etat, doit être regardée comme suffisamment motivée la décision de transfert à fin de reprise en charge qui, après avoir visé le règlement, relève que le demandeur a antérieurement présenté une demande dans l'Etat en cause, une telle motivation faisant apparaître qu'il est fait application du b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 ou du paragraphe 5 de l'article 20 du règlement.

11. L'arrêté de transfert vise le règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ainsi que deux règlements portant modalités d'application du règlement n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable d'une demande d'asile, relève le caractère irrégulier de l'entrée en France de l'intéressé, rappelle le déroulement de la procédure suivie lorsqu'il s'est présenté devant les services de la préfecture de la Loire-Atlantique et précise que la consultation du système Eurodac a montré que M. A... B... était connu des autorités maltaises auprès desquelles il a sollicité une première demande de protection internationale. Il en résulte que la décision est ainsi suffisamment motivée en application des dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, quand bien même la décision ne mentionne pas explicitement les dispositions du b) du c) ou du d) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ou l'existence d'une procédure de reprise en charge, la motivation retenue permettant de faire apparaître qu'il a été fait application de ces dispositions.

12. En troisième lieu, les éléments mentionnés au point précédent révèlent que l'autorité administrative a procédé à un examen particulier de la situation de l'intéressé. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen particulier doit être écarté.

13. En quatrième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; /b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; /e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. (...) ".

14. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre l'ensemble des éléments d'information prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. La remise de ces éléments doit intervenir en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations. Eu égard à leur nature, la remise par l'autorité administrative de ces informations prévues par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

15. Il ressort des pièces du dossier que le requérant s'est vu remettre, le 21 décembre 2020, le jour même de l'enregistrement de sa demande d'asile en préfecture, et à l'occasion de l'entretien individuel, le guide du demandeur d'asile et les brochures A et B conformes aux modèles figurant à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, qui contiennent l'ensemble des informations prescrites par les dispositions précitées, en langue arabe, qu'il a déclaré comprendre. Il a, par ailleurs, signé le compte-rendu d'entretien aux termes duquel il reconnaissait que les informations contenues dans ces guides lui ont été communiquées oralement et les avoir comprises. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) du 26 juin 2013 doit être écarté.

16. En cinquième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. (...) ".

17. Par ailleurs, l'article L. 744-6 du même code dispose que : " A la suite de la présentation d'une demande d'asile, l'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de procéder, dans un délai raisonnable et après un entretien personnel avec le demandeur d'asile, à une évaluation de la vulnérabilité de ce dernier afin de déterminer, le cas échéant, ses besoins particuliers en matière d'accueil. Ces besoins particuliers sont également pris en compte s'ils deviennent manifestes à une étape ultérieure de la procédure d'asile. Dans la mise en œuvre des droits des demandeurs d'asile et pendant toute la période d'instruction de leur demande, il est tenu compte de la situation spécifique des personnes vulnérables. / L'évaluation de la vulnérabilité vise, en particulier, à identifier les mineurs, les mineurs non accompagnés, les personnes en situation de handicap, les personnes âgées, les femmes enceintes, les parents isolés accompagnés d'enfants mineurs, les victimes de la traite des êtres humains, les personnes atteintes de maladies graves, les personnes souffrant de troubles mentaux et les personnes qui ont subi des tortures, des viols ou d'autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle, telles que des mutilations sexuelles féminines. / L'évaluation de la vulnérabilité du demandeur est effectuée par des agents de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ayant reçu une formation spécifique à cette fin (...) ".

18. Il ressort des mentions figurant sur le compte-rendu signé par M. A... B... qu'il a bénéficié le 21 décembre 2020, soit avant l'intervention de la décision contestée, de l'entretien individuel prévu par l'article 5 précité du règlement n° 604/2013. Cet entretien s'est tenu en langue arabe, que l'intéressé a déclaré comprendre, avec le concours d'un interprète, dont l'identité est portée sur le compte-rendu d'entretien, intervenant pour le compte de la société ISM Interprétariat et dont aucun élément ne permet de douter de la compétence. Il n'est pas établi que l'intéressé n'aurait pas été en capacité de comprendre les informations qui lui ont été délivrées et de faire valoir toutes observations utiles relatives à sa situation, au cours de l'entretien. Par ailleurs, aucun élément du dossier n'établit que cet entretien n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national et dans des conditions qui n'en auraient pas garanti la confidentialité. En outre, l'absence d'indication de l'identité et de la qualité de l'agent ayant conduit l'entretien et en ayant paraphé le compte-rendu de ses initiales, n'a pas privé l'intéressé de la garantie que constitue le bénéfice de cet entretien individuel. Enfin, la circonstance, à la supposer établie, que l'intéressé n'a pas fait l'objet de l'évaluation prévue pour déterminer les besoins particuliers en matière d'accueil, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté portant transfert aux autorités maltaises. Par suite, le moyen tiré de la violation des dispositions mentionnées aux points 16 et 17 doit être écarté.

19. En sixième lieu, à supposer que M. A... B... ait entendu, en faisant valoir qu'il est resté plus de six mois à Malte sans avoir pu déposer une demande d'asile, soulever un moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 en raison des défaillances systémiques des autorités maltaises dans la procédure d'asile, il ne produit aucun élément à l'appui de ses déclarations, qui sont en totale contradiction avec le fait que les autorités maltaises ont accepté de le reprendre en charge le 4 janvier 2021 sur le fondement du b du 18.1 de ce règlement. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.

20. En septième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité (...) ".

21. M. A... B... ne produit pas de documents médicaux qui permettent d'établir que son état de santé le placerait dans une situation de particulière vulnérabilité imposant d'instruire sa demande d'asile en France. Dans ces conditions, il n'est pas établi que le préfet de Maine-et-Loire aurait entaché la décision de transfert d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

22. Il résulte de tout ce qui a été dit aux points 6 à 21 que le requérant n'est pas fondé à invoquer l'illégalité, par voie d'exception, de la décision prononçant son transfert aux autorités maltaises.

En ce qui concerne les moyens propres dirigés contre l'arrêté d'assignation à résidence :

23. En premier lieu, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de l'arrêté doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 6 à 8 du présent arrêt.

24. En deuxième lieu, la décision portant assignation à résidence de M. A... B... comporte l'exposé des motifs de droit et considérations de fait qui la fondent. Elle est ainsi suffisamment motivée au regard des exigences des dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

25. En dernier lieu, l'article R. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable dispose que : " L'autorité administrative détermine le périmètre dans lequel l'étranger assigné à résidence en application des articles L. 561-1, L. 561-2, L. 744-9-1 ou L. 571-4 ou d'une des mesures prévues aux articles L. 523-3, L. 523-4 et L. 523-5 est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence. Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'il fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés. / Toutefois, lorsque l'étranger est assigné à résidence en application de l'article L. 561-1 au titre du 5° de cet article ou d'une des mesures prévues aux articles L. 523-3, L. 523-4 et L. 523-5, l'autorité administrative peut fixer à quatre au plus le nombre de présentations quotidiennes. La même autorité administrative est compétente pour désigner à l'étranger assigné à résidence, en application de l'article L. 561-1, une plage horaire pendant laquelle il doit demeurer dans les locaux où il réside ".

26. Il résulte des dispositions précitées que le préfet a pu, sans entacher sa décision d'un défaut de base légale, assortir sa décision d'assignation à résidence de M. A... B... de l'obligation pour celui-ci de se présenter tous les mardis, à l'exception des jours fériés, aux services du commissariat de police de Laval, à 8 heures du matin, muni de ses effets personnels. Par ailleurs, il n'est pas démontré que cette obligation et ses modalités présenteraient pour l'intéressé, hébergé à Laval, un caractère disproportionné. Par suite, les moyens tirés du défaut de base légale et de l'erreur manifeste d'appréciation qui entacheraient la décision d'assignation à résidence doivent être écartés.

27. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté portant assignation à résidence.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

28. Si, compte tenu de la caducité de la décision de transfert contestée, la France est l'Etat membre responsable de l'examen de la demande d'asile présentée par M. A... B..., le présent arrêt n'implique, par lui-même, aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

Sur les conclusions tendant au bénéfice des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

29. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 au bénéfice du conseil du requérant.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête aux fins d'annulation en tant qu'elles se rapportent à l'arrêté de transfert.

Article 2 : Le surplus de la requête de M. A... B... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... B... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera adressée pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 1er octobre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Malingue, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 octobre 2021.

La rapporteure, Le président,

F. MALINGUE O. GASPON

La greffière,

P. CHAVEROUX

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21NT010462

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT01046
Date de la décision : 19/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: Mme Fanny MALINGUE
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : GUINEL-JOHNSON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-10-19;21nt01046 ?
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