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19/10/2021 | FRANCE | N°20NT03545

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 19 octobre 2021, 20NT03545


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision portant interdiction totale et générale de postuler aux emplois du département de Loire-Atlantique, d'enjoindre au département d'une part de lui communiquer le dernier arrêté de situation administrative de l'agent la remplaçant durant son absence et, d'autre part, de lui proposer un poste correspondant réellement à son grade, et de condamner le département de Loire-Atlantique à lui verser une indemnité de 7 000 euros en

réparation de ses préjudices.

Par un jugement n° 1607861 du 19 décembre 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision portant interdiction totale et générale de postuler aux emplois du département de Loire-Atlantique, d'enjoindre au département d'une part de lui communiquer le dernier arrêté de situation administrative de l'agent la remplaçant durant son absence et, d'autre part, de lui proposer un poste correspondant réellement à son grade, et de condamner le département de Loire-Atlantique à lui verser une indemnité de 7 000 euros en réparation de ses préjudices.

Par un jugement n° 1607861 du 19 décembre 2018, le tribunal administratif de Nantes a condamné le département de Loire-Atlantique à verser à Mme A... une indemnité de 1 000 euros et rejeté le surplus de ses conclusions.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 février 2019, sous le n° 19NT00620, le département de Loire-Atlantique, représenté par Me Meunier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a retenu l'engagement de sa responsabilité pour faute et l'a condamné à verser à Mme A... la somme de 1 000 euros ;

2°) de rejeter la demande de Mme A... ;

3°) de mettre à la charge de Mme A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable comme étant dirigée contre un acte inexistant, en l'absence de décision portant interdiction totale et générale de postuler sur les emplois du département de Loire-Atlantique ;

- la requête est irrecevable comme étant dirigée contre une mesure d'ordre intérieur prise en considération du service ; le rejet de sa candidature n'a porté atteinte ni aux prérogatives attachées à son emploi ni aux droits qu'elle tire de son statut ni entrainé de conséquences pécuniaires ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a retenu une illégalité fautive ; la règle selon laquelle deux ans d'ancienneté sont requis pour effectuer une mobilité interne constitue un principe de gestion mentionné dans un document interne de janvier 2015 mais ne constitue pas une interdiction générale et absolue de postuler lorsque l'agent ne bénéficie pas d'une ancienneté de deux ans sur son poste dès lors qu'il est procédé à un examen individuel de chaque candidature et que des dérogations sont accordées ;

- à supposer que l'annonce de l'application de la règle de gestion interne puisse être considérée comme illégale, dès lors que la décision de rejet de sa candidature était légale, le lien de causalité avec le préjudice revendiqué fait défaut.

Par une ordonnance du 29 mars 2019, la présidente de la cour administrative d'appel de Nantes a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête n° 19NT00620.

Par un mémoire, enregistré le 13 mai 2019, le département de Loire-Atlantique demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de mettre à la charge de Mme A... la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient, en outre, que :

- le tribunal administratif a entaché son jugement d'irrégularité faute d'avoir répondu, avant d'accueillir les conclusions indemnitaires fondées sur l'illégalité de l'acte rejetant la candidature de Mme A..., au moyen tiré de ce que la décision litigieuse constituait une mesure d'ordre intérieur, insusceptible de donner lieu à tout recours contentieux ;

- le tribunal administratif a commis une erreur de droit en jugeant que le président du conseil départemental a commis une faute de nature à engager la responsabilité de son administration en informant Mme A... qu'il s'opposait par principe à toute candidature présentée par elle dans un délai de deux ans à compter de son affectation dans les services du département ;

- le tribunal administratif a commis une erreur de droit en retenant une faute de nature à engager la responsabilité de l'administration sans rechercher si l'autre motif n'était pas à lui seul de nature à légalement la justifier et alors que la décision était légale, au besoin par neutralisation du motif surabondant ;

- le tribunal administratif a inexactement qualifié les faits en jugeant que le préjudice moral invoqué était en lien direct avec la faute du département dès lors que si des informations erronées données par l'administration sont susceptibles d'engager sa responsabilité, le préjudice invoqué ne peut être réparé que si le renseignement erroné est en lien avec le préjudice subi.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 janvier 2020, Mme A..., représentée par la SCP Ghestin, conclut au rejet au motif que les moyens soulevés ne sont pas fondés et demande que soit mise à la charge du département de Loire-Atlantique une somme de 2 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par une décision n° 429326 du 13 novembre 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a attribué à la cour l'affaire qui porte désormais le n° 20NT03545.

Par des mémoires, enregistrés les 22 avril 2021, 25 mai 2021 et 9 juillet 2021, Mme A..., représentée par Me Viaud, conclut au rejet de la requête et demande :

1°) à titre incident, d'annuler l'interdiction qui lui est faite de postuler aux emplois du département de Loire-Atlantique et de réformer le jugement en tant qu'il limite la condamnation à la somme de 1 000 euros pour la porter à la somme de 7 000 euros ;

2°) de mettre à la charge du département de Loire-Atlantique une somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient, en outre, que :

- elle est recevable à contester la décision du 16 avril 2016 de rejet implicite de sa demande d'autorisation générale de mobilité interne du 11 février 2016 ;

- la décision du 16 avril 2016 a eu des conséquences d'ordre statutaire et pécuniaire sur sa situation dès lors que le poste qu'elle occupe n'est pas en adéquation avec ses compétences et statut et qu'elle a perdu une chance sérieuse d'être affectée sur un autre poste ;

- le département ne justifie pas d'une dérogation à son principe de gestion alors que le médecin du travail préconisait dès le 12 mai 2016 un changement d'affectation ;

- le montant alloué au titre du préjudice moral par le tribunal administratif est insuffisant et doit être revalorisé à la somme de 2 000 euros en raison des importantes répercussions de la position du département de Loire-Atlantique sur son avancement et sa carrière et alors qu'un changement d'affectation était nécessaire pour raisons médicales ;

- elle subit un préjudice matériel consistant en ayant perdu une chance sérieuse d'être affectée sur le poste de chargé de suivi d'établissement évalué à la somme de 2 850 euros de perte de bénéfice de l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires, de 945 euros au titre de l'indemnité de résidence et de 1 205 euros au titre des frais de déplacements domicile-trajet.

Par des mémoires, enregistrés les 21 mai 2021 et 25 juin 2021, le département de Loire-Atlantique, représenté par Me Meunier, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 19 décembre 2018 en tant qu'il a retenu l'engagement de sa responsabilité pour faute et l'a condamné à verser à Mme A... la somme de 1 000 euros ;

2°) de rejeter la demande de Mme A... ainsi que son appel incident ;

3°) de mettre à la charge de Mme A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient, en outre, que :

- le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen, qui n'était pas inopérant, tiré de ce que la requête était irrecevable comme étant dirigée contre un acte insusceptible de recours ;

- aucune demande d'annulation d'une décision implicite de rejet acquise le 16 avril 2016 n'a été formulée en première instance ; la demande présentée pour la première fois en appel est irrecevable ;

- les pertes de chance invoquées sont hypothétiques de sorte que les préjudices allégués ne sont pas établis.

Par décision du 12 mars 2021, Mme A... a été maintenue au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale qui lui avait été accordée par décision du 2 octobre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Malingue,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public ;

- et les observations de Me Meunier, représentant le département de Loire-Atlantique, et de Mme A....

Une note en délibéré, enregistrée le 8 octobre 2021, a été produite pour Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., rédactrice territoriale recrutée à compter du 1er octobre 2015 sur le poste de gestionnaire du développement local au sein de la délégation d'Ancenis du département de Loire-Atlantique, a présenté sa candidature le 11 avril 2016 sur le poste de directeur des ressources humaines déclaré vacant. Cette candidature a été rejetée au cours du mois d'avril 2016. Le 18 mai suivant, Mme A... a sollicité la réparation des préjudices subis du fait de l'interdiction générale de postuler sur les emplois de la collectivité dont a été assortie, selon elle, la décision de rejet de sa candidature. Sa demande ayant été implicitement rejetée, elle a sollicité auprès du tribunal administratif de Nantes l'annulation de la décision portant interdiction totale et générale de postuler aux emplois du département de Loire-Atlantique et la condamnation du département de Loire-Atlantique à lui verser la somme de 7 000 euros en réparation des préjudices subis. Par un jugement du 19 décembre 2018, ce tribunal a condamné le département de Loire-Atlantique à verser à Mme A... une indemnité de 1 000 euros et rejeté le surplus de ses conclusions. Le département de Loire-Atlantique relève appel de ce jugement en tant qu'il statue sur les conclusions indemnitaires de Mme A... tandis que cette dernière demande sa réformation pour porter le montant de la condamnation prononcée par le tribunal à la somme de 7 000 euros et conteste, par la voie de l'appel incident, le rejet de ses conclusions aux fins d'annulation de la décision portant interdiction totale et générale de postuler aux emplois du département de Loire-Atlantique.

Sur l'appel principal :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, si le département de Loire-Atlantique soutient que les premiers juges ont commis diverses erreurs de droit ou d'appréciation dans l'analyse des moyens qu'il a présentés devant le tribunal administratif, cette argumentation est sans incidence sur la régularité du jugement attaqué.

3. En second lieu, les premiers juges ont estimé, au point 4 de leur jugement, que la dernière phrase du courrier en litige transmis à Mme A... par laquelle son auteur lui " confirmait qu'il [vous] appartient d'investir votre poste actuel et d'y rester a minima deux ans, sauf réussite aux concours d'ici à octobre 2017 " ne revêtait pas de caractère décisoire. Par suite, dès lors qu'ils estimaient qu'il s'agissait non d'une décision mais d'un motif de rejet de la candidature de Mme A... au poste de directeur des ressources humaines, ils n'ont pas insuffisamment motivé leur jugement en ne se prononçant pas sur le moyen, inopérant, tiré de ce que cette décision revêtait le caractère d'une mesure d'ordre intérieur insusceptible de recours. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement soulevé à ce titre par le département de Loire-Atlantique doit être écarté.

En ce qui concerne le principe de responsabilité du département de Loire-Atlantique :

4. Les premiers juges ont estimé que la responsabilité pour faute du département de Loire-Atlantique était engagée pour avoir informé Mme A... d'une opposition de principe à toute candidature qu'elle présenterait sur un poste publié à la vacance dans un délai de deux ans à compter de son affectation en dehors du cas de réussite à un concours et l'ont condamné, sur ce fondement, à verser à Mme A... une somme de 1 000 euros au titre du préjudice moral subi.

5. Il résulte de l'instruction que, par lettre du 11 février 2016, faisant suite au rejet de sa candidature sur un poste vacant au motif qu'elle ne disposait pas de deux ans d'ancienneté sur son poste, Mme A... a demandé au président du conseil départemental de Loire-Atlantique de l'autoriser à se positionner sur les emplois de la collectivité ouverts à la vacance. Par un courrier du 23 février 2016, il lui était répondu que sa demande de dérogation au principe interne d'ancienneté de deux ans pour effectuer une mobilité était en cours d'examen avec son encadrement de proximité. Puis, il n'est pas contesté par le département de Loire-Atlantique qu'ainsi que le mentionnait Mme A... devant le tribunal administratif, elle a reçu une réponse favorable à sa demande de dérogation lors d'un entretien le 14 mars 2016 avec la directrice des ressources humaines. Mme A... se prévaut d'ailleurs expressément de l'obtention de cette dérogation sur le courrier du 11 avril 2016 par lequel elle présente sa candidature sur le poste de directeur des ressources humaines. Ainsi elle ne peut désormais soutenir que sa demande, restée sans réponse, a fait l'objet d'une décision implicite de rejet le 16 avril 2016. Par courrier non daté, ayant pour objet " [votre] situation et [votre] candidature au poste de directeur ressources humaines " le directeur général ressources du conseil départemental de Loire-Atlantique a indiqué à Mme A..., après avoir rappelé le principe de gestion de la collectivité d'une condition d'ancienneté de deux ans avant mobilité interne, le rejet pour irrecevabilité de sa première demande de mobilité et la démarche effectuée par Mme A... ayant abouti à l'entretien du 14 mars 2016, qu'elle ne sera pas reçue en entretien pour le poste de directeur des ressources humaines qui est un poste de catégorie A pour lequel elle ne remplit pas les conditions statutaires et, après l'avoir encouragée à préparer les concours pour évoluer vers un poste de catégorie A, lui " confirme qu'il vous appartient d'investir votre poste actuel et d'y rester a minima 2 ans, sauf réussite aux concours d'ici à octobre 2017 ". Compte tenu de la décision verbale du 14 mars 2016 accordant à Mme A... une dérogation au principe interne d'ancienneté de deux ans pour effectuer une mobilité, cette dernière phrase doit être regardée, non comme le soutient l'intéressée comme une décision portant interdiction totale et générale de postuler aux emplois du département, mais comme une décision abrogeant la dérogation qui lui avait été antérieurement accordée, qui lui fait grief dès lors également qu'il ne peut être exclu qu'elle n'emporte aucune conséquence d'ordre statutaire ou pécuniaire ou soit sans incidence sur les attributions et responsabilités de l'agent.

6. En premier lieu, aux termes de l'article 14 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " L'accès des fonctionnaires de l'Etat, des fonctionnaires territoriaux et des fonctionnaires hospitaliers aux deux autres fonctions publiques, ainsi que leur mobilité au sein de chacune de ces trois fonctions publiques, constituent des garanties fondamentales de leur carrière. (....) ". Aux termes de l'article 52 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale dans sa rédaction applicable : " L'autorité territoriale procède aux mouvements des fonctionnaires au sein de la collectivité ou de l'établissement ; seules les mutations comportant changement de résidence ou modification de la situation des intéressés sont soumises à l'avis des commissions administratives paritaires. (...) ". Aux termes de l'article 54 de cette même loi : " En cas de mutation, sont examinées en priorité les demandes concernant les fonctionnaires séparés de leur conjoint pour des raisons professionnelles, les fonctionnaires séparés pour des raisons professionnelles du partenaire avec lequel ils sont liés par un pacte civil de solidarité et les fonctionnaires handicapés relevant de l'une des catégories mentionnées aux 1°, 2°, 3°, 4°, 9°, 10° et 11° de l'article L. 323-3 du code du travail. (...) ". En application de ces dispositions, l'autorité territoriale doit examiner prioritairement, en tenant compte de l'intérêt du service, les demandes de mutation concernant les fonctionnaires séparés de leur conjoint pour des raisons professionnelles. Par ailleurs, l'ancienneté dans l'affectation peut être un des éléments permettant d'apprécier l'intérêt du service pour l'examen des demandes de mutation. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le département de Loire-Atlantique, autorité compétente pour procéder aux mouvements internes au sein de la collectivité, ne justifie pas d'un intérêt du service à prendre en considération l'ancienneté d'un agent sur son poste pour examiner les demandes de mutation et a commis une erreur de droit en prévoyant une condition d'ancienneté pour l'examen des candidatures dans son document interne de janvier 2015 intitulé " la gestion des ressources humaines - principes partagés de gestion et de suivi des effectifs " dès lors que l'adoption d'une telle règle n'implique pas nécessairement que ce critère soit exclusif de toute appréciation de la situation particulière de l'agent.

7. En deuxième lieu, Mme A... soutient que le département de Loire-Atlantique applique le principe de gestion conditionnant l'exercice d'une mobilité interne au respect impératif d'une condition d'ancienneté de deux ans sans accorder de dérogation, ce que ce dernier conteste. Toutefois, si l'examen des demandes de mutation par l'autorité territoriale doit se faire dans le respect des priorités prévues par l'article 54 de la loi du 26 janvier 1984 précité et en tenant compte à la fois de la situation individuelle du postulant et de l'intérêt du service, les faits rappelés au point 5, qui mettent en évidence l'examen puis l'octroi d'une dérogation à ce principe en faveur de Mme A..., confirment que le département de Loire-Atlantique n'applique pas ce principe sans dérogation en opposant systématiquement à toute candidature le critère relatif à l'ancienneté de deux ans dans un poste.

8. En troisième lieu, à la date à laquelle le courrier en cause a été transmis à Mme A..., cette dernière occupait le poste de gestionnaire développement local au sein de la délégation d'Ancenis du département de Loire-Atlantique depuis six mois. L'intéressée, rédactrice territoriale, insatisfaite du poste qu'elle occupait, avait présenté depuis le mois de janvier 2016 sa candidature sur deux postes publiés à la vacance interne, dont un poste de catégorie A, puis, ainsi qu'il a été précédemment dit, alors qu'elle avait obtenu une dérogation à la condition d'ancienneté de deux ans par décision du 14 mars 2016, Mme A... a de nouveau présenté sa candidature sur un poste de catégorie A pour lequel elle ne remplissait pas les conditions statutaires. Tandis qu'elle relevait que le projet professionnel de Mme A... était d'évoluer vers un poste de catégorie A, l'autorité territoriale, qui dispose du droit d'affecter à un poste tout fonctionnaire susceptible d'y être désigné, a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, abroger la dérogation qui lui avait été antérieurement consentie.

9. En quatrième lieu, Mme A... fait valoir que le département de Loire-Atlantique ne justifie pas de l'octroi d'une dérogation à la condition d'ancienneté de deux ans alors que le médecin de prévention préconisait dès le 12 mai 2016 son changement d'affectation, avant que le comité médical prononce son inaptitude à ses fonctions de gestionnaire de développement local. Toutefois il ressort du point 1.4 du document interne de gestion des ressources humaines que l'examen de la mobilité des agents en situation de repositionnement ou de reclassement à la suite d'un avis médical de la médecine du travail, du comité médical ou de la commission de réforme est réalisé en amont de la mise à la vacance interne sur laquelle il est prioritaire. Par suite, à partir du moment où le changement d'affectation de Mme A... relevait d'une mobilité pour raison médicale, elle ne relevait plus du dispositif de mise à la vacance interne au titre duquel la condition d'ancienneté de deux ans pouvait, dans l'intérêt du service, être prise en compte. Dès lors, la faute qui consisterait à avoir maintenu Mme A... sur son poste en dépit des recommandations médicales à compter du mois de mai 2016 est distincte de celle alléguée tirée de l'application systématique d'une condition d'ancienneté de deux ans dans le cadre du mouvement interne à la collectivité, à l'origine du recours mixte introduit par Mme A... devant le tribunal administratif de Nantes.

10. En cinquième lieu, si Mme A... s'est également prévalue devant les premiers juges de l'inadéquation de son poste, d'un manquement aux obligations de sécurité, d'une situation de harcèlement moral et d'un refus de protection fonctionnelle, ces éléments ressortent, ainsi que l'avaient relevé les premiers juges, d'actions indemnitaires procédant de réclamations préalables et demandes distinctes de celles présentée le 18 mai 2016.

11. Il résulte de tout ce qui précède qu'en l'absence de faute engageant sa responsabilité, le département de Loire-Atlantique est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes l'a condamné à verser à Mme A... une somme de 1 000 euros et à demander l'annulation de l'article 1er de ce jugement.

Sur l'appel incident de Mme A... :

12. Il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que Mme A... n'est pas fondée à demander la réformation de l'article 1er du jugement attaqué.

13. Si Mme A... élargit le champ de son appel incident en sollicitant l'annulation de l'interdiction qui lui est faite de postuler aux emplois du département de Loire-Atlantique, elle n'assortit ses conclusions d'aucun moyen d'appel dirigé contre l'article 2 du jugement attaqué en tant qu'il a statué sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision datant du mois d'avril 2016, tandis que son argumentation à fin d'annulation se développe désormais contre une décision implicite de rejet de sa demande de dérogation dont elle n'a, par ailleurs, pas demandé l'annulation devant le tribunal administratif et dont il résulte de ce qui a été précédemment dit au point 5 du présent arrêt qu'elle n'existe pas. Par suite, ces conclusions ne peuvent être que rejetées.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département de Loire-Atlantique, qui n'est pas partie perdante, la somme que sollicite Mme A... au titre des frais liés au litige. Dans les circonstances particulières de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande présentée sur ce fondement par le département de Loire-Atlantique.

DECIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement du 19 décembre 2018 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La demande indemnitaire de Mme A..., ses conclusions d'appel incident ainsi que les conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions du département de Loire-Atlantique présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au président du conseil départemental de Loire-Atlantique et à Mme B... A....

Délibéré après l'audience du 1er octobre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Malingue, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 octobre 2021.

La rapporteure,

F. MALINGUELe président,

O. GASPON

La greffière,

P. CHAVEROUX

La République mande et ordonne à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 20NT03545 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT03545
Date de la décision : 19/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: Mme Fanny MALINGUE
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : LEXCAP ANGERS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-10-19;20nt03545 ?
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