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19/10/2021 | FRANCE | N°19NT01359

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 19 octobre 2021, 19NT01359


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 15 décembre 2015 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a, d'une part, retiré sa décision implicite née le 16 octobre 2015 rejetant le recours hiérarchique de l'association " Entraid' Ouvrière " et annulé la décision du 17 avril 2015 de l'inspecteur du travail de la 9ème section de l'unité territoriale d'Indre-et-Loire refusant à ce

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 15 décembre 2015 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a, d'une part, retiré sa décision implicite née le 16 octobre 2015 rejetant le recours hiérarchique de l'association " Entraid' Ouvrière " et annulé la décision du 17 avril 2015 de l'inspecteur du travail de la 9ème section de l'unité territoriale d'Indre-et-Loire refusant à cette association l'autorisation de le licencier et, d'autre part, accordé cette autorisation.

Par un jugement n° 1600257 du 13 juillet 2017, le tribunal administratif d'Orléans a annulé cette décision.

Par un arrêt n° 17NT02767 du 3 décembre 2018, la cour administrative d'appel de Nantes, sur appel de l'association " Entraid'Ouvrière ", a annulé ce jugement et rejeté la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif.

Par une décision n° 429798 du 10 décembre 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi formé par M. A... D..., a annulé cet arrêt et a renvoyé devant la cour l'affaire, qui porte désormais le n° 20NT03914.

Procédure devant la cour :

Avant cassation :

Par une requête, enregistrée le 8 septembre 2017, l'association Entr'Aide Ouvrière, représentée par la SELARL CMB et associés, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 13 juillet 2017 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de M. D... la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier :

* la minute du jugement n'est pas signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ;

* le tribunal a soulevé d'office un moyen tiré de l'existence d'une erreur de droit de la décision du 15 décembre 2015, alors que M. D... n'avait soulevé dans ses écritures qu'un moyen tiré du défaut de motivation de la décision ministérielle ;

- le jugement attaqué est entaché d'une erreur d'appréciation, le ministre pouvant, lorsqu'il annule la décision de l'inspecteur du travail sur recours hiérarchique, ignorer un des motifs retenus par l'inspecteur du travail si ce motif n'est pas de nature à interdire le licenciement ;

- les vices de procédure relevés par l'inspecteur du travail pour refuser le licenciement sollicité ne revêtaient pas un caractère substantiel.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 28 décembre 2017 et le 17 août 2018, M. D..., représenté par Me Raimbault, conclut au rejet de la requête et à la condamnation de l'association Entr'Aide Ouvrière à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- les moyens tirés de l'irrégularité du jugement attaqué sont infondés ;

- aucun des moyens de la requête n'est fondé.

II°) Sous le n° 19NT01359 :

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 12 septembre 2017 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a, d'une part, retiré sa décision implicite née le 16 octobre 2015 rejetant le recours hiérarchique de l'association " Entraid' Ouvrière " et annulé la décision du 17 avril 2015 de l'inspecteur du travail de la 9ème section de l'unité territoriale d'Indre-et-Loire refusant à cette association l'autorisation de le licencier et, d'autre part, accordé cette autorisation.

Par un jugement n° 1703888 du 7 février 2019, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 avril 2019 et 25 janvier 2021, M. D..., représenté par Me Raimbaud, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 7 février 2019 ;

2°) d'annuler la décision du 12 septembre 2017 de la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ;

3°) de mettre à la charge de l'association Entr'Aide Ouvrière la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision implicite de la ministre du travail portant rejet du recours hiérarchique formé contre la décision de l'inspectrice du travail refusant d'autoriser son licenciement a un caractère définitif et ne pouvait être retirée ;

- la décision du 12 septembre 2017 de la ministre du travail est insuffisamment motivée ;

- les dispositions de l'article L. 2325-16 du code du travail relatif au délai de convocation du comité d'entreprise ont été méconnues ;

- les dispositions de l'article R. 2421-14 du même code imposant la consultation du même comité dans un délai de 10 jours à compter de la date de la mise à pied sont également méconnues ;

- les faits reprochés ne sont pas d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 11 et 12 janvier 2021 et le 6 mai 2021, l'association Entraide et Solidarités, représentée par Me Sonnet et Me Cottereau, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2500 euros soit mise à la charge de M. D... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que la requête d'appel est irrecevable, à défaut de conclusions et de moyens dirigés contre le jugement du 7 février 2019, et qu'aucun des moyens n'est fondé.

La ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion a présenté des observations enregistrées le 26 mai 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le décret n° 91-857 du 2 septembre 1991 ;

- le décret n° 2012-437 du 29 mars 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Coiffet,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,

- et les observations de Me Catry, substituant Me Sonnet, représentant l'association Entr'Aide Ouvrière.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., qui est employé depuis 1989 par l'association Entr'Aide Ouvrière, en dernier lieu en qualité d'encadrant technique, est délégué du personnel titulaire. Le 20 mars 2015, l'association a sollicité auprès de l'inspection du travail l'autorisation de le licencier pour motif disciplinaire en lui reprochant un vol au sein des ateliers techniques au cours du week-end du 13 et 14 février 2015. L'inspectrice du travail de la 9ème section de l'unité territoriale d'Indre-et-Loire a refusé d'accorder cette autorisation par une décision du 17 avril 2015. Sur recours hiérarchique de l'association " Entraid'Ouvrière ", le ministre chargé du travail, par une décision du 15 décembre 2015, a retiré sa décision implicite née le 16 octobre 2015 rejetant ce recours hiérarchique, annulé la décision de l'inspecteur du travail et autorisé le licenciement de M. D.... Par un jugement n° 1600257 du 13 juillet 2017, le tribunal administratif d'Orléans a, à la demande de celui-ci, annulé cette décision du 15 décembre 2015. A la suite de cette annulation, le ministre du travail saisi à nouveau de l'examen de la légalité de la décision du 17 avril 2015 de l'inspectrice du travail a, par une décision du 12 septembre 2017, annulé cette décision et autorisé le licenciement de M. D....

2. Saisie le 8 septembre 2017 par l'association Entr'Aide Ouvrière, la cour a, par un arrêt n° 17NT02767 du 3 décembre 2018, annulé le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 13 juillet 2017. M. D... s'est pourvu en cassation. Par une décision n° 429798 du 10 décembre 2020, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire devant la cour pour y être jugée, sous le n° 20NT03914. M. D..., quant à lui, avait, antérieurement à la décision du Conseil d'Etat, saisi le tribunal administratif d'Orléans d'une demande tendant à l'annulation de la décision ministérielle du 12 septembre 2017, évoquée au point précédent, autorisant une nouvelle fois son licenciement. Sous le n° 19NT01359, il relève appel du jugement du 7 février 2019 par lequel cette juridiction a rejeté sa demande.

3. Les requêtes nos 20NT03914 et 19NT01359 qui présentent respectivement à juger de la légalité des décisions ministérielles des 15 décembre 2015 et 12 septembre 2017 autorisant le licenciement pour motif disciplinaire de M. D... ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

4. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.

Sur la requête n° 20NT03914 :

En ce qui concerne le bien fondé du jugement attaqué n° 1600257 du 13 juillet 2017 et la légalité de la décision ministérielle du 15 décembre 2015 :

5. Il ressort des pièces du dossier que la décision du 17 avril 2015 par laquelle l'inspectrice du travail a refusé d'autoriser le licenciement de M. D... était fondée sur trois motifs distincts, liés au non-respect du délai de convocation du comité d'entreprise prévu par les dispositions de l'article L. 2325-16 du code du travail, au dépassement du délai de convocation du comité d'entreprise prévu par les dispositions de l'article R. 2421-14 du code du travail et à la circonstance que le comportement reproché à M. D... ne justifiait pas son licenciement pour faute. Pour annuler la décision de l'inspectrice du travail, la ministre a relevé que les faits reprochés à M. D... étaient établis et d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement de l'intéressé, sans se prononcer sur la légalité des deux autres motifs. Pour annuler la décision de la ministre chargée du travail du 15 décembre 2015, le tribunal a estimé que la légalité des motifs tirés de la méconnaissance des délais prévus par les articles R. 2421-14 et L. 2325-16 étaient susceptibles, à eux-seuls, de justifier le refus d'autorisation de licenciement sollicité et qu'en ne se prononçant pas sur ces motifs la ministre avait entaché sa décision d'une erreur de droit.

S'agissant du moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 2325-16 du code du travail :

6. Aux termes de l'article L. 2325-16 du code du travail, dans sa version applicable à la date du 15 avril 2015 : " L'ordre du jour des réunions du comité d'entreprise est communiqué aux membres trois jours au moins avant la séance ". Toutefois, la méconnaissance du délai prévu par les dispositions précitées pour la communication de l'ordre du jour aux membres du comité d'entreprise est sans effet sur la validité de la procédure suivie dès lors qu'il ressort du procès-verbal joint au dossier que l'avis de ce comité a été rendu en toute connaissance de cause. En l'espèce, il ressort des pièces versées au dossier que l'ordre du jour de la réunion du comité d'entreprise du 19 mars 2015, ayant pour objet l'examen du projet de licenciement de M. D..., a été communiqué le 13 mars 2015 à Mmes B... et C..., toutes deux membres du comité d'entreprise, respectivement par téléphone et par courriel avant de leur être remis par écrit les 16 et 17 mars 2015. Il ne ressort pas, par ailleurs, de la lecture du procès-verbal du comité d'entreprise du 19 mars 2015, produit en défense, que les représentants du personnel aient invoqué un manque de temps pour préparer la réunion en cause. Si une partie des membres du comité d'entreprise a considéré ne pas pouvoir se prononcer sur le projet de licenciement de M. D... en son absence, cette prise de position est sans lien avec la méconnaissance du délai prévu par les dispositions de l'article L. 2325-16 du code du travail. Par suite, le moyen tiré du non-respect du délai de trois jours entre la communication de l'ordre du jour aux membres du comité d'entreprise et la réunion dudit comité doit, en tout état de cause, être écarté. En conséquence, la ministre du travail n'était pas tenue, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, de se prononcer expressément sur ce motif retenu par l'inspectrice du travail, qui ne faisait pas obstacle à autoriser le licenciement, pour annuler la décision du 17 avril 2015.

S'agissant du moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 2421-14 du code du travail :

7. Aux termes de l'article R. 2421-14 du code du travail, dans sa version applicable à la date du 15 avril 2015 : " En cas de faute grave, l'employeur peut prononcer la mise à pied immédiate de l'intéressé jusqu'à la décision de l'inspecteur du travail. / La consultation du comité d'entreprise a lieu dans un délai de dix jours à compter de la date de la mise à pied. / (...) ". Les délais, fixés par ces dispositions, dans lesquels la demande d'autorisation de licenciement d'un salarié mis à pied doit être présentée, ne sont pas prescrits à peine de nullité de la procédure de licenciement. Toutefois, eu égard à la gravité de la mesure de mise à pied, l'employeur est tenu de respecter un délai aussi court que possible pour la présenter. Par suite, il appartient à l'administration, saisie par l'employeur d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé auquel s'appliquent ces dispositions, de s'assurer que ce délai a été, en l'espèce, aussi court que possible pour ne pas entacher d'irrégularité la procédure antérieure à sa saisine. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la mise à pied conservatoire de M. D..., en date du 3 mars 2015, a été notifiée à l'intéressé le 5 mars 2015, date à laquelle l'intéressé a été convoqué à un entretien préalable fixé au 12 mars 2015. La consultation du comité d'entreprise a effectivement eu lieu le 19 mars 2015, soit quatorze jours après la notification de la mise à pied, en méconnaissance du délai de dix jours prévu par les dispositions citées. Toutefois, dès lors que ce délai de dix jours n'est pas prescrit à peine de nullité de la procédure de licenciement, son dépassement de quatre jours ne revêt pas en l'espèce un caractère excessif. Dans ces conditions, la circonstance que le délai de dix jours prévu par l'article R. 2421-14 du code du travail, dont la méconnaissance met en cause la légalité interne de la décision prise par l'inspecteur du travail, n'a pas été respecté n'entache pas d'irrégularité la procédure de licenciement en cause. Par suite, le moyen sera écarté. En conséquence, la ministre du travail n'était pas tenue, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, de se prononcer sur ce motif retenu par l'inspectrice du travail, qui ne faisait pas obstacle à ce que le licenciement soit autorisé, pour annuler la décision du 17 avril 2015.

8. Il résulte de ce qui a été dit aux points 6 et 7 que l'association Entr'Aide Ouvrière est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 13 juillet 2017, le tribunal a estimé que les motifs retenus par l'inspectrice du travail dans sa décision du 17 avril 2015 tirés de la méconnaissance des délais prévus par les articles R. 2421-14 et L. 2325-16 du code du travail étaient susceptibles, à eux-seuls, de justifier le refus d'autorisation de licenciement sollicité et qu'en ne se prononçant pas sur ces motifs, le ministre avait entaché sa décision d'une erreur de droit.

9. Il y a lieu, par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens présentés par M. D... à l'appui de sa demande dirigée contre la décision ministérielle du 15 décembre 2015.

10. En premier lieu, la décision ministérielle du 15 décembre 2015 contestée, qui énonce de façon précise et circonstanciée les motifs de droit et les considérations de fait sur lesquels elle se fonde, est suffisamment motivée. Le moyen sera écarté.

11. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté que M. D... a été régulièrement convoqué à la réunion du comité d'entreprise devant se prononcer sur son licenciement qui s'est tenue le 19 mars 2015. Toutefois, ce dernier, qui n'invoque aucune circonstance particulière pour justifier son absence à cette réunion, ne s'y est pas présenté, ni fait représenter. Par suite, le moyen tiré de ce que la procédure préalable au licenciement n'aurait pas été respectée doit être écarté.

12. En troisième et dernier lieu, il est fait grief à M. D..., ainsi que le mentionne la décision ministérielle contestée, de s'être introduit par effraction dans les locaux de l'association Entr'Aide Ouvrière au cours du week-end des 13 et 14 février 2015 et d'y avoir dérobé six tronçonneuses, un moteur de bateau et du carburant d'une valeur totale de plus de 6000 euros. D'une part, ces faits ont été reconnus par l'intéressé et ont fait l'objet le 16 juin 2015 d'une ordonnance pénale définitive prononçant à l'encontre de M. D... une peine de prison d'un mois, assortie du sursis, ayant autorité de la chose jugée. La matérialité des faits retenus à l'encontre de M. D... est ainsi établie. D'autre part, contrairement à ce qui est avancé par le salarié et avait été retenu par l'inspectrice du travail, il ne ressort pas des pièces versées au dossier que le contexte aurait été conflictuel et dégradé s'agissant des relations entre la direction de l'association et les représentants du personnel, ni que le " prêt " de matériel aurait constitué un usage au sein de l'organisme, ou, enfin, que l'employeur a eu connaissance, antérieurement aux faits incriminés, de l'existence de problèmes de santé ou de comportement du salarié. Dans ces circonstances, et eu égard notamment au montant des objets soustraits frauduleusement, les faits reprochés à M. D..., même en tenant compte d'une éventuelle emprise d'un état alcoolique - élément retenu par le ministre mais sérieusement contesté par l'employeur et non corroboré par les pièces du dossier - et de la circonstance qu'il a par la suite restitué à l'association les biens dérobés, constituent une faute d'une gravité suffisante pour justifier un licenciement. Par suite, les moyens présentés par M. D... tirés d'une erreur fait et d'une erreur d'appréciation ne peuvent qu'être écartés.

13. Il résulte de ce qui précède que l'association Entr'Aide Ouvrière est fondée à soutenir que, c'est à tort que, par le jugement attaqué n° 1600257 du 13 juillet 2017, le tribunal administratif d'Orléans a annulé la décision du 15 décembre 2015 par laquelle la ministre chargée du travail a retiré sa décision implicite de rejet du 16 octobre 2015, annulé la décision de l'inspectrice du travail de la 9ème section d'inspection de l'unité territoriale d'Indre-et-Loire de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du Centre et a accordé à l'association Entr'Aide Ouvrière l'autorisation de licencier M. D....

Sur la requête n° 19NT01359 :

En ce qui concerne le bien fondé du jugement attaqué n° 1703888 du 7 février 2019 et la légalité de la décision ministérielle du 12 septembre 2017 :

14. A la suite du jugement n° 1600257 du 13 juillet 2017 prononçant l'annulation de sa décision du 15 décembre 2015, évoquée au point précédent, la ministre du travail, saisie à nouveau de l'examen de la légalité de la décision du 17 avril 2015 de l'inspectrice du travail, a, par une décision du 12 septembre 2017, annulé cette décision et de nouveau autorisé le licenciement de M. D.... Pour annuler la décision de l'inspectrice du travail, la ministre s'est prononcée cette fois expressément sur chacun des trois motifs fondant le refus de l'autorisation. Elle a d'abord relevé que les dispositions de l'article L. 2325-16 du code du travail relatif au délai de convocation du comité d'entreprise étaient respectées, puis que celles de l'article R. 2421-14 du même code imposant la consultation du même comité dans un délai de 10 jours à compter de la date de la mise à pied n'étaient pas méconnues et, enfin, que les faits reprochés à M. D... étaient établis et d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement de l'intéressé.

15. En premier lieu, M. D... soutient qu'à la suite du jugement n° 1600257 du tribunal administratif d'Orléans du 13 juillet 2017, la décision implicite de rejet de la ministre du travail était définitive et que la ministre ne pouvait ainsi revenir sur la décision de l'inspecteur du travail du 17 avril 2015.

16. Eu égard au motif d'annulation de la décision ministérielle du 15 décembre 2015, retenu par le jugement n° 1600257, la ministre du travail s'est nécessairement retrouvée saisie du recours hiérarchique de l'association Entr'Aide Ouvrière contre la décision de l'inspecteur du travail du 17 avril 2015, sans que M. D... puisse utilement se prévaloir du caractère définitif de cette dernière décision ni de celui de la décision implicite de rejet née du recours hiérarchique. Le moyen ne peut, par suite, et en tout état de cause, qu'être écarté.

17. En deuxième lieu, la décision ministérielle du 12 septembre 2017 se prononce de façon circonstanciée sur les vices de procédure soulevés et retenus par l'inspectrice du travail ainsi que sur le bien-fondé de la demande d'autorisation de licenciement pour motif disciplinaire de M. D... pour accorder l'autorisation. Elle énonce de façon suffisante et précise les considérations de fait et les motifs de droit qui en constituent le fondement. Le moyen tiré d'une insuffisante motivation sera écarté.

18. En troisième lieu, M. D... reprend devant la cour les moyens tirés de la méconnaissance des articles L. 2325-16 du code du travail relatif au délai de convocation du comité d'entreprise et R. 2421-14 du même code imposant la consultation du même comité dans un délai de 10 jours à compter de la date de la mise à pied. Pour les motifs rappelés aux points 6 et 7, ces moyens ne peuvent qu'être écartés.

19. En quatrième et dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 12, il y a lieu de confirmer la légalité de l'autorisation de licenciement de M. D..., les faits qui lui sont reprochés étant établis et d'une gravité suffisante.

20. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par l'association Entr'Aide Ouvrière, que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 12 septembre 2017 de la ministre du travail.

Sur les frais des instances :

21. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge de chacune des parties les sommes sollicitées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1600257 du 13 juillet 2017 du tribunal administratif d'Orléans est annulé. Les demandes de M. D... tendant à l'annulation des décisions du 15 décembre 2015 et du 12 septembre 2017 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sont rejetées.

Article 2 : La requête n° 19NT01359 présentée par M. D... est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par l'association " Entraid'Ouvrière " au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et à l'association " Entraid'Ouvrière ".

Une copie sera transmise pour information à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.

Délibéré après l'audience du 1er octobre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise au disposition au greffe, le 19 octobre 2021.

Le rapporteur,

O. COIFFETLe président,

O. GASPON

La greffière,

P. CHAVEROUX

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Nos 19NT01359, 20NT03914 7

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT01359
Date de la décision : 19/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : SCP COTTEREAU MEUNIER BARDON ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-10-19;19nt01359 ?
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