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15/10/2021 | FRANCE | N°20NT03833

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 15 octobre 2021, 20NT03833


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du préfet du Calvados du 6 juillet 2020 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.

Par un jugement no 2001614 du 19 novembre 2020, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 décembre 2020, M. B..., représenté par Me Blache, demande à la cour :

1°) d'annuler

ce jugement du 19 novembre 2020 du tribunal administratif de Caen ;

2°) d'annuler cet arrêté du 6 ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du préfet du Calvados du 6 juillet 2020 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.

Par un jugement no 2001614 du 19 novembre 2020, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 décembre 2020, M. B..., représenté par Me Blache, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 19 novembre 2020 du tribunal administratif de Caen ;

2°) d'annuler cet arrêté du 6 juillet 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Calvados, de lui délivrer, à titre principal, un titre de séjour portant la mention " salarié ou travailleur temporaire " sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou, à titre subsidiaire, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre infiniment subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

- en relevant qu'il avait encore des liens amicaux dans son pays d'origine, le tribunal administratif de Caen a commis une erreur de droit, en ajoutant une condition de délivrance du titre de séjour qui n'était pas prévue par les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 mars 2021, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 janvier 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Catroux a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant ivoirien né le 12 mai 2001, est entré irrégulièrement sur le territoire français, en septembre 2017, selon ses déclarations. Il a été pris en charge au titre de l'aide sociale à l'enfance du département du Calvados à la suite d'une ordonnance de placement provisoire du 8 novembre 2017 et a bénéficié d'un contrat jeune majeur jusqu'au 12 octobre 2020. Il a sollicité, en mai 2020, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 313-11 (7°), L. 313-15, L. 313-7 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 6 juillet 2020, le préfet du Calvados a rejeté cette demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai. Par un jugement du 19 novembre 2020, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Caen, a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 juillet 2020.

Sur la légalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé ".

3. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.

4. M. B..., qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans, justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. Il n'est, de plus, ni établi, ni même allégué par le préfet du Calvados que M. B... a présenté sa demande de titre de séjour après l'expiration de l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou que sa présence sur le territoire français comporterait une menace pour l'ordre public. Il ressort des bulletins scolaires de seconde année de la scolarité du CAP Cuisine qu'il a poursuivie au cours des années 2018-2019 et 2019-2020 qu'il y obtenait des résultats satisfaisants. Le requérant a, en outre, obtenu ce CAP en juillet 2020, à l'issue de cette formation, avec une moyenne de 14 sur 20. Il a d'ailleurs ensuite poursuivi son apprentissage auprès d'un restaurant afin de préparer une spécialisation

" Desserts " et a donné satisfaction à son employeur. Enfin, les seules circonstances que le requérant n'établisse pas le décès de son père, par les pièces produites, et ait conservé de la famille en Côte-d'Ivoire ou ait pu faire établir des documents dans ce pays ne permettent pas de caractériser un maintien de liens particuliers avec les membres de cette famille. Par suite, compte tenu de la situation de l'intéressé prise dans sa globalité et en particulier, de l'avis favorable de la structure d'accueil sur l'intégration de M. B... dans la société française et du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, le préfet du Calvados a, dans les circonstances de l'espèce, entaché son refus de titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile d'une erreur manifeste d'appréciation.

5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens soulevés, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté, par le jugement attaqué, sa demande d'annulation de la décision de refus de titre de séjour ainsi que, par voie de conséquence de la décision portant obligation de quitter le territoire français et celle fixant le pays de destination.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

6. Le présent arrêt implique, eu égard au motif qui le fonde, que le préfet du Calvados délivre à M. B... une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

7. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Ainsi, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 200 euros à Me Blache, avocate de M. B..., dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2001614 du 19 novembre 2020 du tribunal administratif de Caen et l'arrêté du préfet du Calvados du 20 juillet 2020 pris à l'encontre de M. B... sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Calvados de délivrer une carte de séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'État versera à Me Blache une somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Une copie sera transmise au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience du 30 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 octobre 2021.

Le rapporteur

X. Catroux

Le président

D. Salvi

Le greffier,

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 20NT038332


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT03833
Date de la décision : 15/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: M. Xavier CATROUX
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : BLACHE

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-10-15;20nt03833 ?
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