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15/10/2021 | FRANCE | N°19NT03209

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 15 octobre 2021, 19NT03209


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SELARL du docteur A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision implicite par laquelle la directrice générale de l'ARS centre Val de Loire a rejeté sa demande de retrait de l'arrêté du 26 juin 2017 accordant à la SA Clinique Reine Blanche l'autorisation d'installer un second appareil d'imagerie par résonance magnétique nucléaire dans ses locaux situés au 559 avenue Jacqueline Auriol à Saran (Loiret) ainsi que l'annulation de cet arrêté du 26 juin 2017.

Par un ju

gement n° 1802905 du 6 juin 2019 le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa dem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SELARL du docteur A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision implicite par laquelle la directrice générale de l'ARS centre Val de Loire a rejeté sa demande de retrait de l'arrêté du 26 juin 2017 accordant à la SA Clinique Reine Blanche l'autorisation d'installer un second appareil d'imagerie par résonance magnétique nucléaire dans ses locaux situés au 559 avenue Jacqueline Auriol à Saran (Loiret) ainsi que l'annulation de cet arrêté du 26 juin 2017.

Par un jugement n° 1802905 du 6 juin 2019 le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 5 août 2019, 6 juillet 2020, 1er septembre 2020, 16 avril 2021, 24 et 26 avril 2021 et 5 juillet 2021 (non communiqué), la SELARL du docteur A..., représentée par Me Fau, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 6 juin 2019 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 26 juin 2017 et le rejet de sa demande de retrait de cette décision ;

3°) de mettre à la charge de l'agence régionale de santé une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la demande de retrait de l'arrêté du 26 juin 2017 reposait sur la fraude du demandeur se manifestant par la violation de la procédure d'instruction de la demande, du principe d'égalité devant la loi et de la liberté du commerce et de l'industrie ;

- le jugement est insuffisamment motivé et ne s'est pas prononcé sur les moyens qu'elle avait soulevés ;

- la violation du principe du contradictoire lors de la première demande d'autorisation de la clinique de la Reine Blanche a influé sur le sens de la seconde décision ; la situation de conflit d'intérêts s'est perpétuée du fait de la présence de M. C... lors de la réunion de la commission spécialisée d'organisation des soins (CSOS) du 2 mars 2016 ;

- le principe d'égalité devant la loi entre la société du Dr B... A... et de la Reine Blanche a été méconnu lors de l'instruction de leurs demandes ;

- la manœuvre déloyale du promoteur du projet concurrent a méconnu la liberté du commerce et de l'industrie et le principe de libre concurrence ;

- c'est à tort que l'ARS a joint l'examen des deux demandes.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 31 octobre 2019, 24 juillet 2020, 20 avril 2021 et 8 juillet 2021 (non communiqué), la clinique de la Reine blanche, représentée par Me Seno, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 10 000 euros soit mise à la charge de la SELARL du docteur A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, la requête de la SELARL du docteur A... est irrecevable comme tardive ;

- à titre subsidiaire, aucun moyen n'est fondé.

Par un mémoire enregistré le 2 avril 2020, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucune insuffisance de motivation du jugement ne peut être observée et qu'aucun moyen n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Brisson,

- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,

- les observations de Me Fau pour la SELARL Jacques A... et de Me Hardouin pour la SA Clinique de la Reine Blanche.

Une note en délibéré a été produite par la SELARL du Docteur A... le 7 octobre 2021.

Considérant ce qui suit :

1. La SA Clinique de la Reine Blanche a déposé le 22 décembre 2016 auprès de l'agence régionale de santé (ARS) Centre-Val de Loire un dossier de demande d'autorisation d'installer un second appareil d'imagerie par résonance magnétique dans ses locaux situés au 559, avenue Jacqueline Auriol à Saran (Loiret). La SELARL du docteur A... a déposé dans la même fenêtre de dépôt un dossier concurrent de demande d'autorisation d'installer un appareil d'imagerie par résonance magnétique sur le site de la maison des consultations Asclépios au 555, avenue Jacqueline Auriol à Saran (Loiret). Par un arrêté n° 2017-OS-0026 du 26 juin 2017, la directrice générale de l'ARS Centre-Val de Loire a accordé à la SA Clinique de la Reine Blanche l'autorisation qu'elle sollicitait et par un arrêté n° 2017-OS-0027 du 26 juin 2017, elle a rejeté la demande présentée par la SELARL du docteur A.... Par un jugement du 6 juin 2019, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté comme irrecevable la demande présentée par cette dernière société tendant, d'une part, à l'annulation de la décision implicite par laquelle la directrice régionale de l'ARS Centre Val de Loire a rejeté sa demande de retrait de l'arrêté ayant accordé à la SA Clinique de la Reine Blanche l'autorisation d'installer un second appareil d'imagerie par résonance magnétique nucléaire, d'autre part, à l'annulation de cet arrêté. La SELARL du docteur A... relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, il ressort des termes mêmes du jugement attaqué que le tribunal a développé les motifs pour lesquels il a estimé que l'ensemble des conclusions dont l'avait saisi la SELARL du docteur A... n'était pas recevable. Dès lors, les premiers juges ayant retenu l'irrecevabilité de ces conclusions, la circonstance qu'ils ne se soient pas prononcés sur le

bien-fondé des moyens soulevés ne saurait constituer un défaut de motivation du jugement.

3. En second lieu, aux termes de l'article L. 241-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Par dérogation aux dispositions du présent titre, un acte administratif unilatéral obtenu par fraude peut être à tout moment abrogé ou retiré ". Il résulte de ces dispositions qu'un tiers justifiant d'un intérêt à agir est recevable à demander, dans le délai du recours contentieux, l'annulation de la décision par laquelle l'autorité administrative a refusé de faire usage de son pouvoir d'abroger ou de retirer un acte administratif obtenu par fraude, quelle que soit la date à laquelle il l'a saisie d'une demande à cette fin.

4. Par sa lettre du 23 juillet 2018, la SELARL du docteur A... demandait expressément à la directrice de l'ARS de procéder au retrait de l'arrêté 2017-OS-0026 du 26 juin 2017 accordant à la société clinique de la Reine Blanche l'autorisation d'exploiter un appareil d'IRM en invoquant " la manœuvre déloyale et clandestine du promoteur concurrent du projet de la SELARL (qui) a permis à la clinique de la Reine blanche d'obtenir une autorisation d'exploiter un second appareil au détriment de la SELARL. Ce comportement anticoncurrentiel a entaché l'arrêté 2017-OS-026 d'une illégalité manifeste ". Eu égard aux termes dans lesquels cette demande était formulée, la SELARL du docteur A... devait être regardée comme ayant présenté une demande de retrait de l'arrêté en litige en raison de la fraude dont il serait entaché. Dans ces conditions, c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la demande dont ils étaient saisis par la SELARL du Dr A... n'avait en réalité pour objet que de solliciter l'annulation de l'arrêté en litige.

5. Il en résulte que la SELARL du docteur A... est fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque en tant qu'il a rejeté comme irrecevables ses conclusions dirigées contre la décision rejetant sa demande de retrait au motif d'une fraude entachant l'arrêté du 26 juin 2017.

6. Il y a lieu, dans cette mesure, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la requérante.

Sur les conclusions à fin d'annulation du refus de retrait de l'arrêté du 26 juin 2017 :

7. Dans le cas où l'autorité administrative a refusé de faire usage de son pouvoir d'abroger ou de retirer un acte administratif obtenu par fraude, il incombe au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de vérifier la réalité de la fraude alléguée puis, en cas de fraude, de contrôler que l'appréciation de l'administration sur l'opportunité de procéder ou non à l'abrogation ou au retrait n'est pas entachée d'erreur manifeste, compte tenu notamment de la gravité de la fraude et des atteintes aux divers intérêts publics ou privés en présence susceptibles de résulter soit du maintien de l'acte litigieux soit de son abrogation ou de son retrait.

8. La caractérisation d'une telle fraude, qui nécessite la réunion d'un élément matériel et d'un élément intentionnel, résulte de ce qu'une personne intéressée a procédé de manière intentionnelle à des manœuvres de nature à tromper l'administration sur la réalité du projet dans le but d'obtenir l'autorisation d'exploiter sollicitée.

9. Il ressort des pièces du dossier que la SELARL du docteur A... et la SA Clinique de la Reine Blanche, après le rejet le 25 novembre 2016 de leurs demandes d'autorisation, ont toutes deux déposé en décembre 2016, de nouvelles demandes tendant à bénéficier d'autorisation pour l'exploitation d'un appareil d'IRM qui ont donné lieu à de nouvelles instructions par l'administration conduisant à l'édiction, le 26 juin 2017, d'une part, d'une autorisation d'exploiter accordée à la clinique Reine Blanche et d'autre part, d'un refus opposé à la SELARL du docteur A....

10. Le vice ayant affecté la décision prise le 25 novembre 2016, constaté dans l'arrêt rendu par la cour sous le n° 19NT03205, est par lui-même sans influence sur la légalité de l'arrêté du 26 juin 2017 pris par l'ARS à la suite d'une nouvelle instruction et autorisant la clinique de la Reine Blanche à exploiter un appareil d'IRM, cette dernière décision n'étant pas prise en application ou pour l'application du premier de ces arrêtés. Il en est de même des autres vices de procédure dont seraient entachés les arrêtés du 25 novembre 2016 qui sont sans incidence sur la régularité de l'arrêté du 26 juin 2017.

11. Par ailleurs, il ne ressort pas du compte-rendu de la réunion de la CSOS du 30 mars 2017 que M. C... ou M. D..., dirigeants de la clinique de la Reine Blanche auraient participé au débat et au vote sur la demande présentée par la SELARL de sorte qu'un conflit d'intérêts aurait dû être constaté.

12. Il ressort également des pièces du dossier que la société clinique de la Reine Blanche exploitait déjà un appareil d'imagerie et sollicitait une autorisation pour un second appareil tandis que la SELARL du Dr A... demandait quant à elle une autorisation pour un premier appareil de sorte que ces sociétés se trouvaient dans des situations différentes au regard de l'objet de leurs demandes respectives. Par suite, le principe d'égalité n'a pas été méconnu. N'a pas davantage été méconnue la liberté du commerce et de l'industrie qui s'entend de celle d'exercer une activité économique dans le respect de la législation et de la réglementation en vigueur et conformément aux prescriptions qui sont légalement imposées.

13. L'ARS a pu ensuite, sans ajouter au droit positif, faire application des dispositions de l'article R. 6122-34 du code de la santé publique et du schéma régional d'organisation des soins, lequel en son article 3 prévoit que les appareils tels que les scanners et les appareils d'IRM sont installés préférentiellement sur le site d'établissements travaillant en étroite collaboration et l'ensemble du territoire de santé. Par suite, et alors qu'il est constant que de nombreux contentieux opposent les sociétés postulantes, l'application de ces dispositions ne saurait révéler une quelconque manœuvre.

14. A supposer même que les locaux de la clinique de la Reine Blanche ne seraient pas adaptés à l'activité envisagée ou que l'organisation de l'activité de cette clinique ne serait pas optimale en raison d'une mixité des publics accueillis, ces circonstances ne sauraient en elles-mêmes pas davantage révéler la commission de manœuvres de la part de cette dernière.

15. Enfin, l'invocation par la requérante de faits postérieurs à l'arrêté du 26 juin 2017 ne saurait permettre de constater l'existence d'une fraude s'attachant au refus qui lui a été opposé par cette décision.

16. Il s'ensuit que la SELARL du docteur A... n'est pas fondée à soutenir que la clinique de la Reine Blanche se serait livrée à des manœuvres frauduleuses en vue d'obtenir une autorisation d'exploiter un appareil d'IRM.

17. Il résulte de ce qui précède que la demande de la SELARL du docteur A... présentée devant le tribunal tendant à l'annulation du refus de retrait de l'arrêté du 26 juin 2017 doit être rejetée.

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 26 juin 2017 :

18. En l'absence de fraude, la demande de retrait de l'arrêté du 26 juin 2017 devait, pour proroger le délai de recours contentieux ouvert contre cet arrêté, être présentée dans le délai de recours contentieux ouvert à son encontre. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté accordant à la SA Clinique de la Reine Blanche l'autorisation d'installer un appareil d'IRM a été publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de la région Centre Val de Loire le 30 juin 2017. La demande de retrait présentée par la SELARL du docteur A... a été reçue par l'ARS le

25 juillet 2018, soit plus de deux mois après la publication de l'arrêté. Ainsi, les conclusions présentées par la SELARL du docteur A... tendant à l'annulation de cet arrêté du 26 juin 2017 ne peuvent qu'être rejetées en raison de leur tardiveté.

19. Il résulte de ce qui précède, que la SELARL du docteur A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 juin 2017.

Sur les frais liés au litige :

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société clinique de la Reine Blanche qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées à ce titre par la SELARL du docteur A... ne peuvent dès lors être accueillies.

21. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la SELARL du docteur A... une somme de 2 000 euros qui sera versée à la société clinique de la Reine Blanche au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1802905 du tribunal administratif d'Orléans du 6 juin 2019 est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de la SELARL du docteur A... tendant à l'annulation du refus de retrait de l'arrêté du 26 juin 2017.

Article 2 : La demande de la SELARL du docteur A... présentée devant le tribunal administratif d'Orléans tendant à l'annulation du refus de retrait de l'arrêté du 26 juin 2017 et le surplus des conclusions de la requête sont rejetés.

Article 3: La SELARL du docteur A... versera à la société clinique de la Reine Blanche une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SELARL du docteur A..., à la clinique de la Reine Blanche et au ministre des solidarités et de la santé.

Délibéré après l'audience du 30 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi président,

- Mme Brisson, président-assesseur,

- M Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 octobre 2021.

La rapporteure,

C. BRISSON

Le président,

D. SALVI

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT03209


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT03209
Date de la décision : 15/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : FAU

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-10-15;19nt03209 ?
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