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05/10/2021 | FRANCE | N°19NT04823

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 05 octobre 2021, 19NT04823


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 54 000 euros en réparation du préjudice résultant du non versement de l'indemnité d'installation dans un département/ région d'Outre-Mer (INSDOM) pour les périodes du 1er septembre 2011 au 31 août 2013 et du 1er septembre 2013 au 31 août 2014 lors de ses deux séjours à la Réunion, et d'autre part, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761- 1

du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1703476 du 17 octobre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 54 000 euros en réparation du préjudice résultant du non versement de l'indemnité d'installation dans un département/ région d'Outre-Mer (INSDOM) pour les périodes du 1er septembre 2011 au 31 août 2013 et du 1er septembre 2013 au 31 août 2014 lors de ses deux séjours à la Réunion, et d'autre part, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761- 1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1703476 du 17 octobre 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 décembre 2019 et 1er juin 2021, Mme B... représentée par Me Christian, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 17 octobre 2019 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 54 000 euros en réparation du préjudice financier subi ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes, qui a commis une erreur de droit, a jugé que l'administration se trouvait en situation de compétence liée en estimant que les dispositions réglementaires applicables au moment des faits ne permettaient pas le versement de l'indemnité d'installation dans un département/ région d'Outre-Mer ; c'est ainsi de façon erronée qu'il a été estimé que les militaires affectés à la Réunion à compter du 1er janvier 2002 n'étaient plus éligibles à cette indemnité au titre de l'application des dispositions combinées des décrets du 6 octobre 1950 et 22 décembre 1953 ; il convenait de tenir compte des dispositions du décret du 26 décembre 2016 ;

- c'est également à tort que le tribunal administratif de Rennes a estimé que les dispositions de l'instruction n° 101000/DEF/SGA/DRH-MD du 21 décembre 2012 relative aux droits financiers du personnel militaire et de ses ayants cause, étaient dépourvues de valeur réglementaire ;

- le ministère de la transition écologique et solidaire en ne lui versant pas l'INSDOM pour les périodes du 1er septembre 2011 au 31 août 2013 et du 1er septembre 2013 au 31 août 2014, alors que d'autres officiers du même ministère affectés à la Réunion ont perçu l'indemnité litigieuse a méconnu le principe d'égalité de traitement des agents publics ;

- sur ces deux derniers points, le tribunal n'a pas motivé son jugement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 mai 2021, le ministre de la mer conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 50-1258 du 6 octobre 1950 ;

- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;

- le décret n° 2008-580 du 18 juin 2008 ;

- le décret n° 2012-1546 du 28 décembre 2012 ;

- le décret n° 2016-1874 du 26 décembre 2016 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Coiffet,

- et les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... a été recrutée le 13 septembre 1993 dans le corps des administrateurs des affaires maritimes. Elle a reçu trois affectations successives à la direction régionale de l'environnement (DIREN), devenue direction de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement (DEAL) de La Réunion. Elle a ainsi effectué dans ce service trois séjours : le premier d'une durée de deux ans, du 1er septembre 2009 au 31 août 2011, le deuxième, également de deux ans, du 1er septembre 2011 au 31 août 2013 et le troisième, d'un an, du 1er septembre 2013 au 31 août 2014. Mme B... a constaté qu'elle n'avait pas perçu, au titre de ses deux derniers séjours, l'indemnité d'installation dans un département d'outre-mer/ région (INSDOM). Elle a, par un courrier du 6 décembre 2016 adressé à l'administration, demandé le versement d'une " indemnité " de 54 000 euros au titre de la réparation du préjudice financier qu'elle considérait avoir subi du fait du non-versement de cette indemnité. Le silence gardé par l'administration pendant plus de deux mois à compter de la réception de cette demande préalable a fait naître une décision implicite de rejet. Elle a déposé un recours administratif préalable devant la commission des recours des militaires (CRM), le 10 mars 2017. En l'absence de décision notifiée à l'expiration d'un délai de quatre mois, une décision de rejet de ce recours préalable est née et s'est substituée à la première décision implicite de rejet.

2. Mme B... qui estime illégal le refus qui a été opposé à sa demande de versement de l'indemnité d'installation dans un département/ région d'Outre-Mer a, le 1er août 2017, saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 54 000 euros en réparation du préjudice financier qu'elle estime avoir subi résultant du non versement de cette indemnité. Elle relève appel du jugement du 17 octobre 2019 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.

Sur la responsabilité :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 7 du décret du 6 octobre 1950 fixant, à compter du 1er janvier 1950, le régime de solde et d'indemnités des militaires entretenus au compte du budget de la France d'outre-mer dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane française, de la Martinique et de La Réunion, dans sa version applicable au litige : " Sous réserve des dispositions de l'article 7 bis ci-après, les militaires à solde mensuelle et à solde spéciale progressive affectés dans l'un des départements d'outre-mer peuvent prétendre à l'indemnité d'installation et, le cas échéant, aux majorations familiales de cette indemnité dans les mêmes conditions et aux mêmes taux que les fonctionnaires civils de l'Etat recevant à la même date une affectation dans l'un des départements considérés. (...) ". En application de ces dispositions, qui avaient institué un principe d'équivalence entre les militaires et les fonctionnaires civils de l'Etat au regard du droit à l'indemnité d'installation en cas d'affectation dans un département d'outre-mer, les militaires affectés à La Réunion ont bénéficié de l'indemnité allouée aux fonctionnaires en application du décret du 18 mars 1950 puis du décret du 22 décembre 1953 visé ci-dessus. Il est constant que les dispositions de ce dernier décret ont toutefois été abrogées par l'article 10 du décret du 20 décembre 2001, qui est entré en vigueur le 1er janvier 2002, sous réserve de dispositions transitoires et a institué une indemnité particulière de sujétion et d'installation applicable aux fonctionnaires de l'Etat affectés en Guyane, à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy, mais non à ceux affectés à La Réunion. Ainsi, si jusqu'au 31 décembre 2001, les militaires affectés à La Réunion ont bénéficié de l'indemnité allouée aux fonctionnaires en vertu de l'application combinée de ces dispositions, les dispositions de l'article 7 du décret du 6 octobre 1950 ont cessé, à compter du 1er janvier 2002, de trouver application en tant qu'elles ouvraient aux militaires affectés à La Réunion le droit de bénéficier de l'indemnité d'installation par assimilation au régime applicable aux fonctionnaires de l'Etat, sous réserve d'un régime transitoire qui n'est pas applicable à la situation de Mme B.... Ainsi, Mme B..., qui n'a été affectée à La Réunion qu'à compter du 1er septembre 2009, n'avait pas droit au versement de l'indemnité d'installation en outre-mer en vertu des dispositions de l'article 7 du décret du 6 octobre 1950. Dans ces conditions, en refusant de verser cette indemnité à Mme B... l'INSDOM, par les décisions que cette dernière a contestées devant son administration, ainsi qu'il a été rappelé au point 1, l'autorité administrative n'a pas fait une inexacte application des dispositions des décrets du 6 octobre 1950 et 22 décembre 1953. Le moyen tiré d'une erreur de droit commise sur ce point par le ministre doit ainsi être écarté.

4. En deuxième lieu, le décret n° 2016-1874 du 26 décembre 2016 a modifié le décret du 6 octobre 1950, et notamment son article 7, qui prévoit désormais, sous certaines conditions, le versement d'une indemnité d'installation propre aux militaires servant dans l'un des départements d'outre-mer visé par le décret. Aux termes de l'article 7 du décret du 6 octobre 1950, dans sa version issue du décret du 26 décembre 2016 : " Les militaires à solde mensuelle précédemment domiciliés à plus de 1 000 km et désignés pour servir en Guadeloupe, en Martinique ou à La Réunion, percevront une indemnité d'installation (...) Les indemnités prévues aux premier et deuxième alinéas ci-dessus ne peuvent être allouées pour plus de deux séjours successifs dans les mêmes départements. (...) L'indemnité prévue au premier alinéa du présent article est payée en trois échéances égales, la première lors de l'installation des militaires dans leur nouveau poste, les deux suivantes respectivement six mois et une année après cette date (...). ". Aux termes de l'article 10 du décret du 26 décembre 2016 : " Les dispositions du présent décret sont applicables aux militaires servant dans l'un des départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique ou de La Réunion à compter du 1er janvier 2016. A titre transitoire, les militaires affectés dans l'un de ces départements antérieurement au 1er janvier 2016 peuvent prétendre aux fractions non échues de l'indemnité d'installation, selon les modalités de liquidation définies au 5e alinéa de l'article 7 du décret du 6 octobre 1950 susvisé, dans sa rédaction résultant du présent décret. ".

5. Les dispositions transitoires instaurées par l'article 10 du décret du 26 décembre 2016 cité ci-dessus prévoient que les militaires qui ont été affectés avant le 1er janvier 2016 dans un des départements énumérés ont droit aux seules fractions de l'indemnité d'installation d'outre-mer qui n'étaient pas échues à cette date. Mme B... ayant été affectée à La Réunion du 1er septembre 2009 au 31 août 2014, toutes les fractions de l'indemnité d'installation en outre-mer étaient échues à la date du 1er janvier 2016. Ces dispositions transitoires n'impliquaient donc pas qu'il soit versé à Mme B... l'indemnité d'installation d'outre-mer au titre de ses séjours à La Réunion, contrairement à ce qu'elle soutient. Le moyen tiré d'une erreur de droit commise sur ce point par le ministre doit ainsi être écarté.

6. En troisième lieu, Mme B... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'instruction n° 101000/DEF/SGA/DRH-MD du 21 décembre 2012 relative aux droits financiers du personnel militaire et de ses ayants cause, qui sont dépourvues de valeur réglementaire ou de caractère impératif. Le moyen sera écarté.

7. En quatrième et dernier lieu, eu égard à la situation de compétence liée dans laquelle se trouvait l'administration, en l'état des dispositions applicables avant la parution du décret n° 2016-1874 du 26 décembre 2016, pour refuser à Mme B... le bénéfice de l'indemnité qu'elle sollicitait, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité, doit être écarté comme inopérant. Le principe d'égalité de traitement devant la loi ne peut ainsi être invoqué à l'appui d'une demande tendant à l'octroi d'un avantage auquel le demandeur ne peut légalement prétendre.

8. Il résulte de ce qui précède que, l'Etat n'ayant pas commis de faute, sa responsabilité n'est pas engagée. Par conséquent, Mme B... n'est pas fondée à en demander la condamnation pécuniaire au titre du préjudice financier qu'elle invoque.

9. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui s'est prononcé de façon circonstanciée et de façon suffisamment précise sur tous les moyens présentés par l'intéressée et est ainsi suffisamment motivé, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance la somme que Mme B... réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la ministre de la mer.

Délibéré après l'audience du 17 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président assesseur,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 octobre 2021.

Le rapporteur,

O. COIFFETLe président,

O. GASPON

La greffière,

P. CHAVEROUX

La République mande et ordonne à la ministre de la mer en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 19NT04823 5

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT04823
Date de la décision : 05/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : CABINET CHRISTIAN

Origine de la décision
Date de l'import : 12/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-10-05;19nt04823 ?
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