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01/10/2021 | FRANCE | N°20NT03216

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 01 octobre 2021, 20NT03216


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 20 mai 2020 par lequel le préfet de l'Orne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra, le cas échéant, être reconduit d'office.

Par un jugement n° 2001066 du 10 septembre 2020, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une

requête et un mémoire enregistrés les 9 octobre 2020 et 13 janvier 2021 M. C..., représenté en d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 20 mai 2020 par lequel le préfet de l'Orne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra, le cas échéant, être reconduit d'office.

Par un jugement n° 2001066 du 10 septembre 2020, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 9 octobre 2020 et 13 janvier 2021 M. C..., représenté en dernier lieu par Me Diop, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 10 septembre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Orne du 20 mai 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué n'est pas suffisamment motivé ;

- le jugement ne mentionne pas le mémoire qu'il a produit le 30 juillet 2020 et ne tient pas compte des arguments avancés dans ce mémoire ;

- la décision portant refus de titre de séjour contestée n'est pas suffisamment motivée et révèle un défaut d'examen de sa situation particulière ;

- elle méconnaît les stipulations du 2° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et procède d'une erreur manifeste d'appréciation à ce titre ;

- elle est entachée d'erreur de droit ; en affirmant qu'il ne réside pas régulièrement sur le territoire français et en prenant en compte la durée de vie commune avec son épouse, le préfet ajoute au 2° de l'article 6 de l'accord franco-algérien des conditions que ces dispositions ne prévoient pas ;

- il aurait dû bénéficier de l'admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des articles L. 313-10 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, du fait de la durée de sa présence en France et de sa relation stable avec une ressortissante française ; la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'une erreur de droit et procède d'une erreur manifeste d'appréciation à ce titre ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est privée de base légale en raison de l'illégalité du refus de délivrance d'un titre de séjour ;

- elle est insuffisamment motivée.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 janvier 2021 le préfet de l'Orne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable faute pour M. C... d'avoir produit le jugement attaqué ;

- les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Catroux a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant algérien né le 4 avril 1992, est entré en France le 7 mai 2013 sous couvert d'un visa de court séjour délivré par les autorités consulaires françaises et valable du 10 avril au 25 mai 2013. Le 29 janvier 2020 il a demandé un titre de séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française. Par un arrêté du 20 mai 2020, le préfet de l'Orne a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé d'office. M. C... relève appel du jugement du 10 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté son recours tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la recevabilité de la requête :

2. Contrairement à ce que soutient le préfet, le requérant a produit à l'appui de sa requête une copie du jugement attaqué. Par suite, la fin de non-recevoir opposée en défense ne peut qu'être écartée.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. En premier lieu, l'article R. 741-2 du code de justice administrative dispose que la décision " contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application ". Toutefois, l'omission dans les visas de la mention ou de l'analyse d'un mémoire produit avant la clôture de l'instruction n'est, par elle-même, de nature à vicier la régularité du jugement attaqué que s'il ressort des pièces du dossier que ces écritures apportaient des éléments nouveaux auxquels il n'aurait pas été répondu dans les motifs.

4. Ainsi que le soutient M. C..., le jugement attaqué a omis de viser le mémoire en réplique qu'il a produit devant le tribunal administratif de Caen, qui a été enregistré le 30 juillet 2020, soit avant la clôture de l'instruction fixée au 31 juillet 2020 à midi par une ordonnance du 19 juin 2019, et a été communiqué au préfet le jour-même. Or, alors que le jugement attaqué relève que le requérant " ne conteste pas avoir déclaré qu'il était irrégulièrement entré en France en 2013 devant le préfet de police de Paris, en février 2019, lors de son audition préalable à la prise par ce préfet d'un arrêté portant obligation de quitter le territoire français, qu'il n'a pas exécuté ", il ressort pourtant des pièces du dossier que, dans le mémoire en cause, M. C... présentait de nouveaux arguments tendant précisément à remettre en cause la véracité du procès-verbal d'audition produit par le préfet en vue d'établir que, dans le cadre de la précédente procédure d'éloignement dont il a fait l'objet, ce dernier avait lui-même déclaré être entré irrégulièrement en France. En ne visant et n'analysant pas le mémoire par lequel le requérant contestait explicitement le motif de la décision contestée au moyen d'éléments nouveaux, le tribunal administratif de Nantes a entaché son jugement d'irrégularité. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen relatif à sa régularité, ce jugement doit être annulé.

5. Il y a lieu pour la cour de statuer par la voie de l'évocation sur l'ensemble des moyens soulevés par M. C..., tant devant le tribunal administratif que devant la cour.

Sur la légalité de l'arrêté contesté :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

6. En premier lieu, la décision par laquelle le préfet de l'Orne a refusé de délivrer un titre de séjour à M. C... comporte l'énoncé précis des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. Sa motivation est donc suffisante.

7. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Orne n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. C... avant de refuser de lui délivrer un titre de séjour.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) ".

9. Pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. C..., le préfet de l'Orne s'est fondé sur le double motif tiré de ce que l'intéressé, qui ne justifiait pas être entré régulièrement sur le territoire français, s'y maintenait en situation irrégulière.

10. D'une part, si M. C... soutient qu'il est entré régulièrement sur le territoire français le 7 mai 2013 sous couvert d'un visa délivré par les autorités françaises, il ne l'établit toutefois par aucune des pièces qu'il produit, qui ne suffisent pas à remettre en cause ses propres déclarations telles qu'elles sont relatées dans le procès-verbal de son audition, document dont il ne conteste pas sérieusement la force probante en se bornant à affirmer qu'il " serait inconcevable " qu'il ait fait de telles déclarations et que la signature qui y est apposée ne serait pas la sienne, ce qui ne ressort pas des pièces du dossier. Par suite, le préfet de l'Orne a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation ni méconnaître les stipulations du 2° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, estimer que le requérant ne remplissait la condition d'entrée régulière sur le territoire français.

11. D'autre part, si, pour prendre la décision contestée, le préfet de l'Orne s'est en outre, fondé, non pas comme le soutient à tort le requérant sur l'insuffisance de sa vie commune avec Mme B..., mais sur l'unique autre motif, erroné, tiré de ce que M. C... ne demeurerait pas en situation régulière en France, il résulte toutefois de l'instruction qu'il aurait pris la même décision en se fondant sur le seul motif tiré de ce que l'intéressé ne justifiait pas d'une entrée régulière sur le territoire français.

12. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ".

13. Si M. C..., qui n'était marié que depuis cinq mois à la date de la décision contestée, soutient qu'il vivait en concubinage avec sa future épouse depuis le mois d'octobre 2018 et se prévaut par ailleurs de la durée de son séjour sur le territoire, il ne produit aucune pièce probante à l'appui de ses allégations, et n'établit ni l'intensité de ses attaches en France ni qu'il serait dépourvu de liens en Algérie, où il a vécu à tout le moins jusqu'à l'âge de 21 ans et où il ne conteste pas que vivent ses parents et un de ses frères. Par suite, la décision portant refus de titre de séjour ne méconnaît pas les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

14. En cinquième lieu, les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux différents titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers en général et aux conditions de leur délivrance s'appliquent, ainsi que le rappelait, dans sa version alors en vigueur, l'article L. 111-2 devenu L. 110-1 du même code, " sous réserve des conventions internationales ". En ce qui concerne les ressortissants algériens, les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissent d'une manière complète les conditions dans lesquelles ils peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, ainsi que les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'installer en France. Dans sa version alors en vigueur, l'article L. 313-14 devenu L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, disposait que : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7.(...) ". Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre d'une activité salariée, soit au titre de la vie familiale. Dès lors que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, ces conditions sont régies de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, un ressortissant algérien ne peut utilement invoquer les dispositions de cet article à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national. Toutefois, si l'accord franco-algérien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, il y a lieu d'observer que ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.

15. Les circonstances exposées par le requérant, qui n'établit au demeurant pas ni même n'allègue qu'il aurait sollicité son admission exceptionnelle au séjour, et rappelées au point 13 du présent arrêt, ne peuvent en tout état de cause être regardées comme des motifs exceptionnels ou des considérations humanitaires susceptibles de justifier son admission exceptionnelle au séjour. Par suite, le préfet de l'Orne a pu, sans entacher son appréciation d'une erreur manifeste, refuser de régulariser la situation de M. C....

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

16. En premier lieu, l'illégalité de la décision portant refus de séjour n'étant pas établie, M. C... n'est pas fondé à s'en prévaloir, par la voie de l'exception, à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

17. En deuxième lieu, en application des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et d'asile, dans sa rédaction applicable, la décision portant obligation de quitter le territoire français, prise sur le fondement des dispositions du 3° du I de cet article L. 511-1, n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision de refus d'un titre de séjour. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance motivation de cette décision doit être écarté.

18. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Orne n'aurait pas procédé à un examen de la situation de M. C... avant de l'obliger à quitter le territoire français.

19. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté contesté.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

20. Le présent arrêt, qui annule le jugement attaqué mais rejette la demande de M. C..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par l'intéressé doivent être rejetées.

Sur les frais de l'instance :

21. L'Etat n'étant pas la partie perdante à l'instance, les conclusions de M. C... tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2001066 du tribunal administratif de Caen du 10 septembre 2020 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Caen est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée au préfet de l'Orne.

Délibéré après l'audience du 16 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, présidente de chambre

- M. L'Hirondel, premier conseiller,

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er octobre 2021.

Le rapporteur

M. CatrouxLa présidente

I. PerrotLa greffière

A. Martin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT03216


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT03216
Date de la décision : 01/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PERROT
Rapporteur ?: M. Xavier CATROUX
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : HARIR

Origine de la décision
Date de l'import : 12/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-10-01;20nt03216 ?
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