La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/10/2021 | FRANCE | N°20NT02081

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 01 octobre 2021, 20NT02081


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Les Moulins a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner la commune de La Guérinière à lui verser une somme de 2 260 692,56 euros HT, soit 3 110 805,60 euros TTC, avec intérêts au taux légal à compter du 13 août 2015, au titre de la part non amortie des investissements qu'elle a réalisés sur le camping de La Guérinière, d'enjoindre à la commune de s'acquitter de cette somme dans un délai de 30 jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte d

e 200 euros par jour de retard, et de mettre à la charge de la commune une somme ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Les Moulins a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner la commune de La Guérinière à lui verser une somme de 2 260 692,56 euros HT, soit 3 110 805,60 euros TTC, avec intérêts au taux légal à compter du 13 août 2015, au titre de la part non amortie des investissements qu'elle a réalisés sur le camping de La Guérinière, d'enjoindre à la commune de s'acquitter de cette somme dans un délai de 30 jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, et de mettre à la charge de la commune une somme de 11 920,90 euros au titre des frais d'expertise judiciaire.

Par un jugement n° 1600180 du 23 mai 2018, le tribunal administratif de Nantes a, en premier lieu, condamné la commune de La Guérinière à verser à la société Les Moulins la somme de 1 667 645 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 9 septembre 2015 et capitalisation de ces intérêts, en deuxième lieu, mis les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 11 920,90 euros, à la charge de la commune de La Guérinière et de la société Les Moulins à parts égales, et en dernier lieu, rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour avant cassation :

I. Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le numéro 18NT02517 le 29 juin 2018, le 28 février 2019, le 25 mars 2019, la commune de La Guérinière, représentée par Me Le Mière, demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement n° 1600180 du tribunal administratif de Nantes du 23 mai 2018 en tant qu'il a prononcé des condamnations à son encontre ;

2°) à titre principal, de rejeter la demande présentée par la société Les Moulins devant le tribunal administratif de Nantes et les conclusions d'appel incident de la société Les Moulins ;

3°) de rejeter les requêtes de la société Les Moulins enregistrées sous les numéros n° 1501506 et n° 1501529 présentées devant le tribunal administratif de Nantes ;

4°) de condamner la société Les Moulins au paiement des sommes de 293 029,88 euros et de 103 701,10 euros, assorties de l'intérêt au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts ;

5°) à titre subsidiaire, de prononcer un non-lieu à statuer sur les conclusions de la demande de la société Les Moulins compte tenu de l'annulation de la délégation de service public, de condamner la société Les Moulins au versement de la somme de 293 029,88 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation ;

6°) à titre plus subsidiaire, de limiter sa condamnation à la somme de 37 191,02 euros compte tenu de la faute de la société Les Moulins au titre de l'installation et du maintien des installations illégales et de surseoir à statuer dans l'attente de l'intervention de l'arrêt de la cour relatif à l'affaire enregistrée sous le numéro 18NT01961 ;

7°) à titre infiniment subsidiaire, de constater que la part non amortie des investissements réalisés par la société Les Moulins est limitée à la somme de 741 449 euros et d'ordonner une expertise avant-dire droit en donnant pour mission à l'expert désigné de prendre connaissance du rapport d'expertise rendu le 11 mars 2015, de se faire remettre et prendre connaissance de toute information et tout document utile, de se rendre sur les lieux du camping municipal de La Guérinière, d'entendre toutes les parties, d'identifier et décrire les travaux réalisés par la SAS Les Moulins entre le 1er janvier 2008 et le 31 mars 2015, de vérifier et contrôler les justificatifs produits par la SAS Les Moulins, de classer les travaux réalisés par catégories selon qu'ils se rattachent au bâtiment d'accueil, aux blocs sanitaires, aux clôtures, à la voirie et aux réseaux divers, de donner tous les éléments d'appréciation matériels et financiers permettant au juge de calculer le montant de l'enrichissement dont aurait bénéficié la commune corrélativement à l'appauvrissement qu'aurait subie la SAS Les Moulins ;

8°) de mettre à la charge de la société Les Moulins une somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que le principe du contradictoire a été méconnu ; bien qu'ils se fondent sur le jugement du 14 mars 2018 et sur l'annulation de la délégation de service public, à aucun moment les premiers juges n'ont appelé les parties à se prononcer sur cette annulation et ses conséquences, notamment au regard du fondement juridique de l'indemnisation ; dès lors que la société Les Moulins a sollicité son indemnisation au titre et sur le fondement de la responsabilité contractuelle de la commune de La Guérinière, les premiers juges ne pouvaient prononcer sa condamnation sur le fondement de la responsabilité quasi-contractuelle de la commune de La Guérinière, n'étant pas saisis de conclusions en ce sens ;

- les premiers juges ont commis une erreur de droit en condamnant la commune de La Guérinière à payer à la SAS Les Moulins la somme de 1 667 645 euros alors même que cette dernière n'a jamais invoqué ni en toute hypothèse démontré en quoi et dans quelle mesure elle sollicitait une indemnisation extracontractuelle, fondée sur la théorie de l'enrichissement sans cause ; l'enrichissement de la commune de La Guérinière n'a jamais été démontré ;

- les premiers juges ne pouvaient apprécier la consistance et le montant de l'enrichissement sans cause sans un supplément d'instruction permettant d'apprécier les dépenses utiles et la corrélation entre l'enrichissement de la commune et l'appauvrissement de la SAS Les Moulins et tenant compte du montant de 428 243,63 euros déjà accordé à la SAS Les Moulins au titre de l'enrichissement sans cause par le jugement du 14 mars 2018 portant annulation de la délégation de service public ;

- l'utilité des dépenses n'a jamais été démontrée par la SAS Les Moulins ; l'expertise judiciaire ordonnée le 29 août 2014 n'a jamais porté ni d'une part sur l'appréciation des dépenses nécessaires au service public, ni d'autre part sur celle de dépenses utiles dès lors que cette expertise a été menée sur la base du contrat alors en vigueur ;

- les premiers juges ont pris en considération des montants qui ne peuvent pas constituer des dépenses utiles dès lors qu'ils ont été engagés au profit des hébergements qui, outre qu'ils sont illégaux, n'entrent pas dans la catégorie des investissements qui sont utiles à la commune de La Guérinière ; la convention ONF interdit l'installation d'hébergements autres que des tentes ou des caravanes ;

- ils ont retenu des montants injustifiés notamment en ce qui concerne les rubriques comptables 214000, 214100, 214500 et 214510 à hauteur de 103 672,71 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 22 novembre 2018, le 22 mars 2019, le 24 avril 2019 et le 21 juin 2019, la société Les Moulins, représentée par Me Benjamin, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, à ce que les condamnations prononcées soient assorties de la TVA, à ce que les dépenses d'investissement concernant les hébergements locatifs installés sur le camping de La Guérinière soient prises en compte et à ce que le jugement attaqué soit réformé dans cette mesure ;

3°) à ce qu'une somme de 10 000 euros soit mise à la charge de la commune de La Guérinière en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement doit être réformé en ce que les premiers juges ont omis d'ajouter la taxe sur la valeur ajoutée à la condamnation prononcée à l'encontre de la commune de La Guérinière ;

- elle n'a pas procédé à l'installation illégale d'hébergements locatifs ; les dépenses d'investissement qu'elle a réalisées en vue de l'implantation de ces habitations doivent en conséquence donner lieu à indemnisation ;

- les autres moyens soulevés par la commune de La Guérinière doivent être rejetés.

II. Par la lettre enregistrée sous le numéro 19NT01961 le 28 novembre 2018, la SAS Les Moulins, représentée par Me Benjamin, a saisi la cour d'une demande tendant à obtenir l'exécution du jugement n° 1600180 rendu par le tribunal administratif de Nantes le 23 mai 2018.

Par une ordonnance du 28 mai 2019, la présidente de la cour administrative d'appel de Nantes a décidé l'ouverture de la procédure juridictionnelle, prévue à l'article R. 921-6 du code de justice administrative, sur la demande d'exécution de la société Les Moulins.

Par des mémoires, enregistrés le 26 et le 28 juin 2019, la commune de La Guérinière, représentée par Me Le Mière, conclut au rejet de la demande d'exécution et demande en outre que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Les Moulins au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire, enregistré le 27 juin 2019, la société Les Moulins demande, en outre, le prononcé d'une astreinte de 500 euros par jour de retard et que soit mise à la charge de la commune de La Guérinière la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un arrêt n°s 18NT02517, 19NT01961 du 19 juillet 2019, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par la commune de La Guérinière contre ce jugement et, sur appel incident formé par la société Les Moulins, porté à 2 001 174 euros TTC la somme mise à la charge de la commune par le tribunal administratif, puis, en exécution du jugement n° 1600180 du 23 mai 2018 du tribunal administratif de Nantes et de son arrêt, enjoint à la commune de verser à la société la part non encore acquittée de la somme mise à sa charge par le tribunal administratif, assortie de la taxe sur la valeur ajoutée au taux de 20 %, dans un délai de quatre mois à compter de la notification de son arrêt.

Par une décision n°s 434353, 434355 du 10 juillet 2020, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt n°s 18NT02517, 19NT01961 de la cour administrative d'appel de Nantes du 19 juillet 2019 et a renvoyé les affaires à la cour qui portent désormais les numéros n°s 20NT02081 et 20NT02082.

Procédure devant la cour après cassation :

I. Par des mémoires, enregistrés le 25 septembre 2020 et le 24 mars 2021 sous le numéro 20NT02081, la SAS Les Moulins, représentée par Me Benjamin, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la commune de La Guérinière ;

2°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement n° 1600180 du tribunal administratif de Nantes du 23 mai 2018 en tant que :

- il a omis d'ajouter la taxe sur la valeur ajoutée à la condamnation de la commune de La Guérinière ;

- il a rejeté ses demandes concernant les dépenses d'investissement des hébergements locatifs installés sur le camping de La Guérinière ;

3°) de mettre à la charge de la commune de La Guérinière la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le contrat litigieux est un contrat de délégation de service public et non une convention d'occupation domaniale ;

- à supposer que le contrat soit un contrat d'occupation domaniale :

o elle aurait été induite en erreur par la commune de La Guérinière ;

o la convention serait nulle puisque conclue malgré l'interdiction expresse de l'Office national des forêts de sous-louer le camping ; elle méconnaitrait également les dispositions des articles L. 2125-3, L. 2221-1 et L. 2241-1 du code général de la propriété des personnes publiques ;

o les clauses invoquées par la commune n'ont pas un caractère exorbitant et au demeurant ne figurent pas dans la convention conclue entre elle et la commune ;

- le contrat de délégation de service public doit être annulé en raison de l'illicéité de son contenu et de son objet :

o il existe une circonstance particulière justifiant l'annulation du contrat dès lors que si l'omission formelle de la justification du montant ou du mode de calcul de la redevance dans le contrat peut être régularisée, la commune de La Guérinière, alertée sur l'irrégularité des clauses financières de la convention, a refusé de procéder à leur régularisation ; la commune a fait du versement des redevances une condition essentielle du contrat ;

o les dispositions de l'article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales ont été méconnues ; l'omission formelle de toute justification révèle le fait qu'elle a été amenée à prendre à sa charge l'exécution de services ou de paiements étrangers à l'objet de la délégation ; les redevances qu'elle a versé, d'un montant excessif, à la commune ont alimenté le budget général de la commune en dégageant un excédent permanent ; les deux parts de la redevance ont été sans contrepartie pour elle ;

o les clauses financières sont des clauses essentielles et indivisibles du contrat et leur illicéité, en raison d'un paiement étranger à la délégation, entraine l'annulation du contrat dans son ensemble ; la commune est seule à l'origine de l'illicéité des clauses financières du contrat de délégation de service public qui sont, pour elle, une condition essentielle du contrat ;

o l'objet du contrat est illicite ; la commune de La Guérinière se borne à lui confier les biens mis à disposition par l'Office national des forêts sans contrainte de service public et à encaisser une marge de sous-location de 10 % du chiffre d'affaires sans aucune participation de sa part sous forme d'investissements sur le camping ;

- le contrat de délégation de service public doit être annulé en raison d'un vice du consentement, de circonstances particulières nées de l'illégalité des redevances, au minimum une erreur, un dol ne pouvant être exclu ; la commune ne l'a pas informée de la finalité réelle du contrat de délégation de service public qui consistait à alimenter le budget général de la commune ; elle a été amenée, par erreur ou par dol, à conclure un contrat dont les clauses financières étaient illicites ; la requalification demandée par la commune de la délégation de service public en convention d'occupation domaniale emporte également l'annulation de cette convention en raison de l'illégalité de cette dernière ;

- à titre subsidiaire, la décision de résiliation à ses torts doit être annulée :

o c'est par la faute de la commune qu'elle a été amenée à conclure un contrat de délégation de service public dont les clauses financières étaient illicites ;

o les clauses financières du contrat de délégation de service public étant illicites, elle ne pouvait être contrainte de payer les redevances ;

o les autres griefs formulés par la commune n'étaient pas fondés, notamment en ce qui concerne l'installation d'hébergements en méconnaissance de la convention conclue avec l'Office national des forêts et des règles d'urbanisme ; les griefs, à les supposer établis, pouvaient être régularisés ; aucun des manquements invoqués n'a interrompu ou compromis le service ;

- en ce qui concerne le fondement de ses demandes indemnitaires :

o la cour devant confirmer l'annulation du contrat de délégation de service public, les condamnations prononcées à l'encontre de la commune de La Guérinière doivent être confirmées ;

o dans le cas contraire, les sommes qui lui sont dues sont les mêmes que celles qui lui seraient dues en conséquence de l'annulation de la décision de résiliation du contrat et en conséquence de l'application du contrat ; en cas d'indemnisation fondée sur le contrat, une expertise avant-dire droit devra être ordonnée pour déterminer la valeur vénale des bâtiments qu'elle a construits ;

o la commune de La Guérinière n'est pas fondée à invoquer l'illicéité des clauses indemnitaires de la convention de délégation de service public ; l'article 25 de la convention n'entraine pas le versement d'une indemnité pouvant dépasser la réparation de son dommage ;

o elle a droit à l'indemnisation de la valeur nette comptable en application de l'article 25 de la convention de délégation de service public ;

* elle a droit à l'indemnisation des biens de retour financés par emprunt bancaire, ce qui inclut les apports en compte courant d'associé ; la commune a reconnu lui devoir à ce titre au moins 720 330,23 euros ; les hébergements étaient nécessaires à l'exploitation du camping et à sa montée en gamme ; ils n'étaient pas irréguliers ou auraient pu être aisément régularisés ;

* elle a aussi droit au rachat des autres biens fournis ; la commune a reconnu lui devoir 44 920 euros à ce titre ;

* elle a droit à une indemnité réparant le préjudice subi.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 8 octobre 2020 et le 12 mai 2021, la commune de La Guérinière, représentée par Me Marchand, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1600180 du tribunal administratif de Nantes du 23 mai 2018 ;

2°) de rejeter les demandes présentées par la SAS Les Moulins devant le tribunal administratif de Nantes et ses conclusions d'appel incident ;

3°) de mettre à la charge de la SAS Les Moulins la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle renvoie aux observations formulées dans l'instance n° 20NT02078 s'agissant du fait que la convention litigieuse constitue une convention d'occupation domaniale non soumise à l'application des dispositions de l'article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales ;

- en admettant que la convention litigieuse constitue une délégation de service public :

o l'application du contrat ne peut être écartée :

* la méconnaissance des dispositions de l'article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales, qui n'est pas un vice d'une particulière gravité, n'entache pas de nullité la convention ; l'objet même du contrat, qui ne se limite pas à la mise à disposition du camping mais porte sur ses conditions d'exploitation, n'est pas illicite ; le versement de redevances n'est pas illicite, seule son éventuelle utilisation par la commune pouvant l'être ; il n'existe aucune circonstance particulière justifiant de prononcer la nullité du contrat ;

* la SAS Les Moulins n'établit pas l'existence d'un vice du consentement ;

o la décision de résiliation est justifiée compte tenu de la gravité et du nombre de fautes commises par la SAS Les Moulins et est fondée sur les stipulations de l'article 21 de la convention ; en outre, le seul non paiement des redevances justifiait à lui seul la résiliation du contrat aux torts de la délégataire ;

o les demandes indemnitaires de la SAS Les Moulins doivent être rejetées compte tenu des stipulations contractuelles qui excluent toute indemnisation au titre de la valeur nette comptable des biens de retour :

* le renvoi par l'article 21 de la convention à l'article 25 est une erreur matérielle ; l'indemnisation du délégataire ne peut avoir pour conséquence, en cas de résiliation pour faute, une indemnisation égale à celle due en cas de résiliation pour motif d'intérêt général ; l'article 16 bis point 8 exclut toute indemnisation au titre des travaux de rénovation et autres améliorations apportées au camping ; la SAS Les Moulins n'a pas sollicité d'indemnisation sur le fondement de l'article 25 ;

* en tout état de cause, aucune indemnisation n'est due pour des biens de retour non financés par emprunt auquel ne peuvent être assimilés les apports en comptes courants d'associés ;

* le gain perdu, visé par l'article 25 de la convention, ne saurait être indemnisé en cas de déchéance du délégataire ;

* à titre subsidiaire, l'article 25 de la convention est illicite puisqu'elle permet une indemnisation du délégataire supérieure au préjudice subi ; il doit être fait application des principes généraux d'indemnisation en cas de déchéance du délégataire ; le délégataire, aux torts et risques duquel la résiliation a été prononcée, doit dès lors supporter les conséquences financières de la résiliation ; il ne peut obtenir indemnisation du préjudice subi, peut être condamné à des dommages et intérêts et ne peut prétendre qu'à l'indemnisation des biens de retour acquis ou réalisés à hauteur de leur valeur nette comptable ;

o à titre subsidiaire, l'ensemble des postes d'investissements réclamés par la SAS Les Moulins ne peut être indemnisé :

* les hébergements locatifs, qui ne présentent pas un caractère utile à l'exploitation du camping, ne constituent pas des biens de retour ; ils sont, en outre, irrégulièrement implantés ce qui constitue une faute exonératoire de la SAS Les Moulins ;

* seuls les autres investissements, et notamment les travaux de rénovation et de réhabilitation du camping, peuvent, au titre du contrat, être indemnisés, sous réserve que soient établies la réalité et l'affectation des emprunts ;

* le montant d'indemnisation ne peut être assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée en application des dispositions de l'article 257 bis du code général des impôts.

II. Par des mémoires, enregistrés le 25 septembre 2020 et le 24 mars 2021 sous le numéro 20NT02082, la SAS Les Moulins, représentée par Me Benjamin, persiste dans ses précédentes demandes en indiquant demander à la cour de condamner la commune de La Guérinière à lui verser les sommes dues en application du jugement n° 1600180 du tribunal administratif de Nantes du 23 mai 2018 avec intérêts, capitalisation des intérêts, intérêts moratoires dus en application du code monétaire et financier, sous astreinte de 500 euros par jour de retard.

Elle soutient que :

- la cour est saisie de l'exécution du jugement du tribunal administratif de Nantes du 23 mai 2018 qui est toujours en vigueur et exécutoire ; la somme due par la commune au 28 février 2021 s'élève à 2 269 817, 59 euros.

- ses conclusions à fin de constatation de la nullité du contrat de délégation de service public sont recevables y compris postérieurement à la résiliation du contrat ;

- l'illégalité des redevances prévues par la convention confère un caractère illicite au contenu du contrat, menant à écarter le principe de loyauté contractuelle et l'application du contrat ; la finalité des redevances était d'alimenter le budget général de la collectivité :

o les clauses relatives aux redevances méconnaissent l'article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales ;

o les clauses relatives aux redevances méconnaissent les principes relatifs à la fixation du tarif d'un service public industriel et commercial, à savoir le principe d'équilibre résultant de l'article L. 2224-1 du code général des collectivités territoriales et le principe de proportionnalité du service et le coût de celui-ci ;

- l'illégalité des clauses financières implique le droit pour elle d'être remboursée des redevances indument versées à hauteur de 1 738 242, 31 euros TTC.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 octobre 2020, la commune de La Guérinière, représentée par Me Marchand, demande à la cour de rejeter la requête de la SAS Les Moulins et de mettre à la charge de la SAS Les Moulins la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il ne peut lui être enjoint d'exécuter l'arrêt du 19 juillet 2019 qui a été annulé par la décision du Conseil d'Etat du 10 juillet 2020 ;

- la SAS Les Moulins doit, en revanche, lui rembourser la somme de 108 577, 68 euros versée en application du jugement du tribunal administratif de Nantes du 23 mai 2018.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code civil ;

- le code de commerce ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général des impôts ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de l'urbanisme ;

- l'arrêté du 6 juillet 2010 fixant les normes et la procédure de classement des terrains de camping ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Béria-Guillaumie, première conseillère,

- les conclusions de M. Pons, rapporteur public,

- et les observations de Me Liébeaux et Me Benjamin, représentant la commune de La Guérinière et de Me Marchand, représentant la SAS Les Moulins.

Une note en délibéré, présentée pour la SAS Les Moulins par Me Benjamin, a été enregistrée le 15 septembre 2021.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes n° 20NT02081 et n° 20NT02082, présentées pour la SAS Les Moulins et pour la commune de La Guérinière, concernent un même jugement, présentent à juger des questions similaires et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a donc lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.

2. La commune de La Guérinière (Vendée) exploite depuis l'année 1968 un camping, anciennement dénommé " camping de la Sourderie " sur un terrain, situé dans la forêt domaniale de Noirmoutier, d'une contenance de 5 hectares, 58 ares et 90 centiares, situé sur les parcelles cadastrées section AK n° 251 et n° 167 p. Ces parcelles sont la propriété de l'Etat et sont gérées par l'Office national des forêts (ONF), avec lequel la commune a conclu une convention d'occupation. Cette convention d'occupation a été renouvelée par une convention conclue en février 2008 entre l'Etat, l'ONF et la commune de La Guérinière, autorisant l'exploitation, selon un cahier des charges établissant les principes d'une gestion forestière durable, du camping de la Sourderie, pour une durée maximale de neuf années entre le 1er janvier 2008 et le 31 décembre 2016 en échange du paiement à l'ONF par la commune d'une redevance, calculée au prorata du chiffre d'affaires brut hors taxes correspondant aux recettes de l'exploitant du camping. L'article 2 de la convention tripartite autorisait la commune de La Guérinière à exploiter le camping de la Sourderie sous forme d'une délégation de service public, soumise à l'agrément préalable de l'ONF.

3. La commune de La Guérinière a fait paraitre, en juin 2007, un avis d'appel d'offre pour la conclusion, pour une durée de neuf ans à compter du 1er janvier 2008, d'une convention de délégation de service public portant sur l'exploitation du camping municipal de la Sourderie, dans le respect de la charte mise en place par l'ONF et son cahier des charges. M. B... A... a présenté sa candidature pour l'exploitation de ce camping. Son offre ayant été retenue par la commune, la gestion du camping, rebaptisé Camping des Moulins, a été confiée pour une durée de neuf années à M. A... ou toute société qu'il pourrait substituer en cours de contrat, sous certaines conditions, par un contrat de délégation de service public du 27 décembre 2007. Par un avenant du 4 mars 2008, la SAS Les Moulins, dont les statuts avaient été signés le 5 février précédent, et dont M. A... détenait 94 % du capital, a été substituée à ce dernier dans l'exécution de la convention du 27 décembre 2007. Un second avenant, signé le 10 août 2009, a porté la durée d'exécution du contrat signé en décembre 2007 à quinze années, soit jusqu'au 31 décembre 2022, afin de tenir compte des investissements engagés par la SAS Les Moulins.

4. Néanmoins, par un courrier du 18 juillet 2014, la commune de La Guérinière a mis en demeure la SAS Les Moulins de respecter ses obligations contractuelles, notamment de s'acquitter d'une somme due au titre des redevances prévues par les articles 12 et 13 de la convention de décembre 2007 et de communiquer à la commune les comptes rendus financiers complets de l'exploitation du camping au titre des années 2010 à 2013. Par ailleurs, dans cette mise en demeure, la commune relevait, entre autres, que la société avait procédé, sans autorisation, à des modifications de l'état des lieux et avait diminué le nombre d'emplacements, aménagé un parking, abattu des arbres et installé des habitations légères de loisirs. La commune de La Guérinière a réitéré la mise en demeure par des courriers des 22 août 2014 et 15 janvier 2015, ce dernier courrier informant la société du début d'une procédure de résiliation de la délégation aux torts et risques du délégataire. Puis par une décision du 13 février 2015, la maire de la commune de La Guérinière, autorisée par une délibération du 12 février 2015 de son conseil municipal, a prononcé la résiliation du contrat conclu le 27 décembre 2007 pour faute aux torts exclusifs de la SAS Les Moulins avec effet immédiat.

5. La SAS Les Moulins a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Nantes d'une demande tendant à la suspension de l'exécution de la délibération du 12 février 2015 et de la décision du 13 février suivant. Sa demande a été successivement rejetée par une ordonnance du tribunal administratif de Nantes du 11 mars 2015 et par une décision du Conseil d'Etat du 17 juin 2015. Parallèlement, la SAS Les Moulins a saisi le tribunal administratif de Nantes, entre autres, d'une demande tendant à la condamnation de la commune de La Guérinière à l'indemniser de la part non amortie des investissements qu'elle a réalisés sur le camping municipal. Par un jugement n° 1600180 du 23 mai 2018, le tribunal administratif de Nantes a, en premier lieu, condamné la commune de La Guérinière à verser à la société Les Moulins la somme de 1 667 645 euros avec intérêts à compter du 9 septembre 2015 et capitalisation des intérêts, et en second lieu, mis les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 11 920, 90 euros, à parts égales à la charge de la commune de La Guérinière et de la SAS Les Moulins. La commune de La Guérinière a interjeté appel contre le jugement du 23 mai 2018, tandis que la SAS Les Moulins a saisi la cour administrative d'appel de Nantes d'une demande d'exécution de ce même jugement. Par un arrêt n°s 18NT02517, 19NT01961 du 19 juillet 2019, la cour administrative d'appel de Nantes a, en premier lieu, rejeté l'appel de la commune de La Guérinière, en deuxième lieu, porté à 2 001 174 euros toutes taxes comprises le montant de la condamnation de la commune et en dernier lieu, a enjoint à la commune, en exécution du jugement du tribunal administratif de Nantes du 23 mai 2018 et de son arrêt, de verser à la SAS Les Moulins la part non acquittée de la somme de 1 667 645 euros, assortie de la taxe sur la valeur ajoutée à 20 %, dans un délai de quatre mois. Par une décision du 10 juillet 2020, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes et a renvoyé les affaires à la cour. Dans le dernier état de ses écritures, dans l'instance n° 20NT02081, la commune de La Guérinière demande l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nantes du 23 mai 2018 en tant qu'il a prononcé des condamnations à son encontre et le rejet des demandes de la SAS Les Moulins.

Sur l'appel principal de la commune de La Guérinière :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

6. L'article L. 5 du code de justice administrative dispose que : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence, du secret de la défense nationale et de la protection de la sécurité des personnes ".

7. En premier lieu, lorsque le juge, saisi d'un litige engagé sur le terrain de la responsabilité contractuelle, est conduit à constater, le cas échéant d'office, la nullité du contrat, les moyens tirés de l'enrichissement sans cause que l'application du contrat frappé de nullité a apporté à l'un d'eux ou de la faute consistant, pour l'un d'eux, à avoir passé un contrat nul ne sont pas d'ordre public. En l'espèce il résulte de l'instruction, notamment des écritures de la SAS Les Moulins présentées en première instance, que cette société a demandé la condamnation de la commune de La Guérinière à la fois sur le fondement de la responsabilité contractuelle, au titre de la valeur non amortie des biens de retour, mais également sur le fondement de la responsabilité quasi-contractuelle, au titre des dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle elle s'était engagée. La commune n'est alors pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier en ce que, en méconnaissance du caractère contradictoire de l'instruction, il a fait droit aux demandes de la SAS Les Moulins sur le fondement de la responsabilité quasi-contractuelle.

8. En second lieu, en se fondant pour déterminer la nature et l'étendue du droit à indemnisation de la SAS Les Moulins sur le jugement du 14 mars 2018 du tribunal administratif de Nantes annulant la convention de délégation de service public entre cette société et la commune de La Guérinière, les premiers juges, qui n'avaient pas à rouvrir l'instruction pour communiquer leur jugement rendu entre les mêmes parties, n'ont pas méconnu le principe du contradictoire. En outre, il résulte de l'instruction que la commune de La Guérinière, qui invoque en appel la méconnaissance de ce principe, avait elle-même produit devant le tribunal administratif de Nantes, dans son mémoire daté du 10 avril 2018, en pièce n° 43, une copie du jugement du tribunal administratif de Nantes du 14 mars précédent.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :

S'agissant du fondement d'indemnisation :

Quant à la nature de la convention conclue le 27 décembre 2007 :

9. L'existence d'une délégation de service public suppose de caractériser la volonté d'une personne publique d'ériger des activités d'intérêt général en mission de service public et d'en confier la gestion à un tiers, sous son contrôle. Les obligations que l'autorité chargée de la gestion du domaine public peut imposer, tant dans l'intérêt du domaine et de son affectation que dans l'intérêt général, aux concessionnaires du domaine, sans exercer un droit de regard sur l'activité exercée par l'occupant, ne caractérisent pas une délégation de service public. Il en est de même de l'existence d'un programme d'investissements répondant au besoin de conservation des dépendances domaniales que l'occupant s'engage à réaliser sous sa seule responsabilité et dont la nature et la programmation sont laissées à son appréciation, ainsi que de l'existence d'une redevance déterminée conformément aux modalités de calcul des redevances d'occupation domaniale.

10. La commune de La Guérinière invoque, par renvoi à ses écritures dans l'instance 20NT02078 et dans le dernier état de ses écritures, l'inapplicabilité des dispositions de l'article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales en vigueur à la date de la conclusion du " contrat de délégation service public " qui la liait à la société Les Moulins au motif que ladite convention conclue le 27 décembre 2007 ne serait pas une délégation de service public mais une convention d'occupation domaniale. Néanmoins, si cette convention mentionne à son seul article 4 l'existence d'une " convention d'occupation " et délimite la consistance de l'autorisation dans son article 1er, comme portant sur l'occupation d'un terrain et des bâtiments existants, il résulte de l'instruction que la convention, expressément intitulée, " contrat de délégation de service public " a été conclue après une procédure de publicité et de mise en concurrence. Il résulte ensuite des termes mêmes de cette convention que la commune de La Guérinière a entendu conserver le caractère d'un service public à l'exploitation de son camping municipal à la date de la conclusion du contrat litigieux, et s'est réservée à cet effet la possibilité d'imposer à tout moment au délégataire les modifications de ses " modalités d'exploitation rendues nécessaires par l'adaptation du service aux conditions économiques " (article 2), obligeant l'exploitant à assurer la continuité des services (article 5 bis). Elle a également organisé la possibilité de se substituer à l'exploitant dans la réalisation de travaux nécessaires au fonctionnement du service en cas de défaillance de celui-ci (article 10) et imposé la réalisation de travaux nécessaires à l'exploitation du camping, comme la mise aux normes d'une piscine (article 5). Il résulte également de l'instruction que si la convention litigieuse laisse le délégataire libre de fixer les tarifs du camping, elle organise un contrôle par la commune qui doit être informée annuellement et en début de saison touristique de ces tarifs (article 11). De même, la commune " définit la politique de gestion du terrain " (article 6), reçoit chaque année un compte-rendu financier et un compte-rendu d'activité (article 17) et exerce explicitement le contrôle technique et financier de l'exécution du contrat (article 18). En outre, il résulte de la convention conclue entre l'Etat, la commune de La Guérinière et l'ONF que la collectivité était explicitement autorisée à exploiter son camping sous forme d'une délégation de service public. Dans ces conditions, et alors en outre que la convention ne porte pas sur des parcelles domaniales appartenant à la commune de La Guérinière mais à l'Etat, la commune n'est pas fondée à soutenir que la convention qu'elle a conclue en décembre 2007 avec M. A... n'avait pas la nature d'une délégation de service public.

Quant à la validité de la convention :

11. Lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat. Toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel.

12. Aux termes de l'article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction alors en vigueur : " Les conventions de délégation de service public doivent être limitées dans leur durée. Celle-ci est déterminée par la collectivité en fonction des prestations demandées au délégataire. Lorsque les installations sont à la charge du délégataire, la convention de délégation tient compte, pour la détermination de sa durée, de la nature et du montant de l'investissement à réaliser et ne peut dans ce cas dépasser la durée normale d'amortissement des installations mises en œuvre. / (...) Les conventions de délégation de service public ne peuvent contenir de clauses par lesquelles le délégataire prend à sa charge l'exécution de services ou de paiements étrangers à l'objet de la délégation. / Les montants et les modes de calcul des droits d'entrée et des redevances versées par le délégataire à la collectivité délégante doivent être justifiés dans ces conventions. (...) ".

13. L'article 12 de la convention conclue en décembre 2007 entre la commune de La Guérinière et M. A... stipule que : " En contrepartie de la mise à disposition de l'exploitant délégataires des équipements, installation et matériels appartenant à la Commune ou implantés sur le site, une redevance sera due à la Commune. / Cette redevance est égale à 10 % du chiffre d'affaires brut hors taxe " recettes camping ". / Cette redevance est payable de la manière suivante : / 30 % au 31 juillet de chaque année intéressée, / 40 % au 31 août de chaque année intéressée, / Le solde, calculé au prorata du chiffres d'affaires, au 30 novembre de l'année N. / Le paiement sera effectué par chèque libellé à l'ordre du Trésor Public. / L'exploitant délégataire devra justifier de ses recettes au vu des déclarations de taxe sur la valeur ajoutée qu'il s'engage à communiquer à la Commune dès leur établissement, la Commune se réservant le droit de procéder ou de faire procéder à un contrôle de ses documents comptables (...) ".

14. L'omission de faire figurer dans une convention de délégation de service public, comme le prévoyait l'article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales, la justification des montants et modes de calcul des droits d'entrée et des redevances versées par le délégataire à la collectivité délégante ne donne pas un caractère illicite au contrat ni n'affecte les conditions dans lesquelles les deux parties ont donné leur consentement et peut, au demeurant, être régularisée. Dès lors, une telle omission n'est pas de nature à justifier, en l'absence de toute autre circonstance particulière, que dans le cadre d'un litige entre les parties, l'application de ce contrat soit écartée.

15. Si l'article 1er de la convention conclue entre la commune de La Guérinière et la SAS Les Moulins définit précisément les équipements existant sur le terrain concédé et définit diverses conditions d'exploitation du terrain de camping, il résulte de l'instruction que ni l'article 12, ni aucune stipulation de la convention conclue le 27 décembre 2007 ne comportent de justification du montant de la redevance perçue au profit de la commune ou du mode de calcul permettant de retenir un taux de 10 % du chiffre d'affaires brut de l'exploitant. Néanmoins, ainsi qu'il a été rappelé au point précédent, cette méconnaissance des dispositions de l'article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales n'a pas donné un caractère illicite au contrat litigieux ni n'a affecté les conditions dans lesquelles la commune et M. A... ont donné leur consentement. Par ailleurs, ainsi qu'il a été rappelé au point 8 du présent arrêt, la convention en cause constitue une délégation de service public par laquelle la commune de La Guérinière a confié à son délégataire la gestion de son camping municipal, et non une convention portant uniquement occupation du domaine privé de l'Etat. Dès lors la SAS Les Moulins n'est pas fondée à soutenir que la convention conclue en décembre 2007 aurait pour objet d'assurer la sous-location du terrain et des immeubles à son profit moyennant une redevance versée à la commune de La Guérinière, occupante au premier chef du terrain appartenant à l'Etat et que le contrat aurait dès lors un caractère illicite. Par ailleurs, et pour les mêmes motifs, eu égard à l'objet de la convention qui était de confier la gestion du service public communal du camping municipal à un délégataire, la SAS Les Moulins ne peut sérieusement soutenir que son consentement aurait été vicié, par erreur ou par dol, au motif que la convention litigieuse, portant sur l'exploitation du camping municipal de La Guérinière, aurait en réalité eu pour objet principal de permettre à la commune de percevoir une redevance de " sous-location ", au surplus uniquement destinée à financer des dépenses communales sans lien avec l'objet de la délégation de service public, et qu'elle aurait été ainsi trompée ou induite en erreur quant à l'objet réel de la convention. Enfin, la circonstance que la commune de La Guérinière a refusé, par courrier du 19 novembre 2012, de procéder à une renégociation des clauses financières des articles 12 et 13 de la convention de décembre 2007 n'est pas de nature à caractériser, contrairement à ce que soutient la SAS Les Moulins, une circonstance particulière d'une gravité telle que l'application du contrat devrait être écartée, en l'absence notamment d'un vice affectant gravement la légalité du choix du délégataire ou donnant un caractère illicite au contrat. Par suite, les vices allégués affectant la convention du 27 décembre 2007 ne peuvent qu'être écartés.

16. Il résulte de tout ce qui précède qu'en l'absence d'irrégularité tenant au caractère illicite de la convention du 27 décembre 2007 ou à un vice d'une particulière gravité entachant cette même convention, l'application du contrat de délégation de service public ne peut, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, être écartée. Il suit de là que la commune de La Guérinière est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes, pour indemniser la SAS Les Moulins, a écarté l'application de la convention de délégation de service public du 27 décembre 2007.

17. Il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens présentés par la SAS Les Moulins devant le tribunal administratif de Nantes et devant la cour administrative d'appel de Nantes

S'agissant des stipulations applicables :

18. L'article 21 " Déchéance " de la convention de délégation de service public conclue le 27 décembre 2007 stipule que : " L'exploitant délégataire peut être déchu du bénéfice du présent contrat : (...) / - en cas d'inobservation grave ou de transgression répétée des clauses de la convention ONF et de celles du présent contrat, et notamment si le service vient à être interrompu totalement ou partiellement pendant plus de 10 jours, cas de force majeure excepté, ou si, du fait de l'exploitant délégataire, la sécurité vient à être compromise par défaut d'entretien des installations et du matériel. / La déchéance est prononcée par la commune après mise en demeure, adressée par lettre recommandée avec accusé de réception, à l'exploitant délégataire de remédier aux fautes constatées dans un délai qu'elle lui impartit. Elle prend effet à compter du jour de sa notification à l'exploitant délégataire. / En cas de déchéance, il est fait application de l'article 25 ci-après ". L'article 22 " Cas de fin de contrat " de cette même convention stipule que : " Le présent contrat prend fin : / - à l'expiration de sa durée normale fixée à l'article 4. / - en cas de déchéance (article 21). / - en cas de résiliation de plein droit (article 24). / - en cas de résiliation unilatérale pour des motifs d'intérêts général (article 25). / - en cas de résiliation liée à la relation avec l'Office national des forêts ".

19. Par ailleurs, l'article 23 " Effets de l'expiration du contrat " de la même convention stipule que : " A l'expiration du contrat pour quelque cause que ce soit, la commune est substituée dans les droits et obligations de l'exploitant délégataire. / Les biens nécessaires à l'exploitation sont remis à la commune selon les modalités suivantes : / - les biens immeubles et meubles mis à disposition de l'exploitant délégataire par la commune font retour gratuitement à cette dernière en bon état d'entretien et de fonctionnement compte-tenu de leur âge. / - la commune se réserve le droit d'acquérir, en totalité ou en partie, les approvisionnements et les stocks existants, à prix fixé par dire d'expert. ". Aux termes de l'article 25 " Résiliation unilatérale " de la convention : " (...) En cas de résiliation unilatérale : - les biens fournis par l'exploitant délégataire (selon inventaire) et qui ont été financés au moyen d'emprunts contractés par l'exploitant délégataire, à charge pour la commune de se substituer à l'exploitant pour le paiement des annuités restant à courir et de lui verser la différence éventuelle entre la valeur vénale du bien fixée à dire d'expert, et le montant du capital restant à rembourser. / - les autres biens fournis par l'exploitant délégataire peuvent être repris par la commune moyennant indemnité de rachat fixée à dire d'expert ou sans indemnité si ces biens sont amortis, déduction faite des créances éventuelles de la commune, le montant de cette indemnité est versé à l'exploitant délégataire dans les 3 mois qui suivent la fin du contrat ; / En outre, l'exploitant délégataire a droit au versement d'une indemnité réparant le préjudice subi. A défaut d'accord amiable, elle est fixée par la juridiction administrative compétente. / les sommes dues à l'exploitant délégataire lui sont versée en capital dans un délai de 6 mois à compter de la notification de la résiliation. ".

Quant à l'application de l'article 21 de la convention du 27 décembre 2007 :

20. Il résulte de l'instruction, notamment de la motivation de la décision du 13 février 2015 portant résiliation de la convention de délégation de service public, que celle-ci a été prononcée aux torts et risques de la délégataire. Le courrier du 13 février 2015 énumérait ainsi les motifs de cette décision : " - régler les redevances contractuelles dues dont le montant total s'élève à 392 897,08 euros TTC (art 12 et 13 contrat/ - remédier au déficit financier constaté par le cabinet d'expertise-comptable KPMG et assurer l'équilibre financier de l'exploitation du camping ; / - se conformer à son obligation d'information spontanée à l'égard de la commune (art 12 et 17 contrat) dont notamment les documents requis dans les délais prévus au contrat (chiffre d'affaires prévisionnels, éléments comptables, etc....) ; / - se conformer à une comptabilité transparente et tenir une comptabilité particulière régie par le plan comptable (art 14 contrat) ; / - se conformer au pouvoir de contrôle de la délégation par la commune (article 18 contrat) ; / - respecter les obligations de la convention ONF (article 16 bis contrat) ; / respecter le nombre d'emplacements fixé par l'arrêté préfectoral du 10 mai 2011 (art 16 bis contrat) ; / - régulariser les constructions édifiées sans autorisation d'urbanisme ; / - exécuter de bonne foi ses obligations contractuelles sans y être contrainte par la commune ou par la voie judiciaire ".

21. En premier lieu, il résulte de l'instruction et il n'est au demeurant pas contesté par la SAS Les Moulins qu'à la suite du refus de la commune de La Guérinière à la fin de l'année 2012 de renégocier les clauses financières des articles 12 et 13 de la convention de délégation de service public, la SAS Les Moulins a cessé de verser à la collectivité les redevances prévues par ces stipulations. S'il est également constant que la délégataire a repris ultérieurement le paiement des redevances correspondant à 15 % et 10 % de son chiffre d'affaires, la société a de nouveau, malgré la mise en demeure adressée par la commune, mis fin après l'été 2014 au versement des redevances et a ainsi méconnu de manière durable ses obligations financières contractuelles en violation du principe de loyauté des relations contractuelles.

22. En second lieu, il résulte notamment du rapport de la visite d'inspection menée en juin 2016 par un inspecteur de l'ONF que plusieurs méconnaissances des obligations imposées par cet office à la commune et qui s'imposaient à la société Les Moulins en application des stipulations de l'article 16 bis de la convention conclue le 27 décembre 2007 ont été établies. Il a ainsi été relevé que des habitations légères de loisirs avaient été installées par la SAS Les Moulins sur le camping de La Guérinière sans qu'elle ait obtenu l'accord explicite de l'ONF pour l'installation de telles structures. La circonstance que l'accord de l'ONF pourrait être obtenu ou que cet établissement aurait donné à la société un tel accord dans un autre camping qu'elle exploite est sans incidence sur la méconnaissance par la SAS Les Moulins de ses obligations dans le cas du camping de La Guérinière. Il a également été observé par l'agent de l'ONF que la convention n'autorisait la mise en place d'un nombre maximum d'hébergements fixes qu'à hauteur de 35 % du nombre d'emplacements, soit 88 emplacements maximum, alors qu'il a été constaté que 109 emplacements du camping comportaient ce type d'hébergement. Il a également été relevé que l'emprise des installations fixes sur leurs emplacements respectifs dépassait les 30 % de la surface totale de l'emplacement autorisé par l'ONF. Enfin, il a été identifié d'une part que les hébergements locatifs temporaires que sont les tentes, bungalows ou caravanes, n'étaient pas démontés pendant la saison hivernale en méconnaissance des obligations fixées par l'établissement public et d'autre part, que certaines installations n'apparaissaient pas aisément démontables. Plusieurs méconnaissances des obligations imposées par l'ONF à la commune, et qui s'imposaient à la société Les Moulins en application des stipulations de l'article 16 bis de la convention conclue le 27 décembre 2007, ont ainsi été établies.

23. Il résulte de ce qui précède que compte tenu des manquements précités relevés à son encontre, la SAS Les Moulins n'est pas fondée à contester le motif de la résiliation prononcée par la commune de La Guérinière, fondée sur les stipulations de l'article 21 de la convention de décembre 2007, et à soutenir que la commune aurait dû prononcer une résiliation pour un motif d'intérêt général.

Quant à l'application de l'article 25 de la convention du 27 décembre 2007 :

24. Ainsi qu'il a été indiqué au point 23 du présent arrêt, la SAS Les Moulins n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que la commune de La Guérinière a prononcé la résiliation à ses torts de la convention de délégation de service public conclue le 27 décembre 2007. Le litige indemnitaire soulevé entre cette société et la SAS Les Moulins doit donc être réglé sur le fondement de l'article 21 de cette convention, qui prévoit la résiliation de la convention " en cas d'inobservation grave ou de transgression répétée des clauses de la convention ONF et de celles du présent contrat ". Les stipulations de l'article 21 de la convention renvoient par ailleurs explicitement, sans qu'il puisse être invoquée l'existence d'une erreur matérielle, aux stipulations de l'article 25 de cette même convention.

25. L'application des stipulations citées au point 19, de l'article 25 de la convention de décembre 2007, en raison de leur caractère spécifique aux effets financiers d'une résiliation unilatérale prononcée par la commune, ne saurait être écartée en application des stipulations du 8) de l'article 16 bis de la même convention, portant uniquement sur certains travaux, aux termes desquelles : " L'exploitant délégataire s'engage : / (...) A laisser, en fin de contrat ou en cas de départ anticipé, tous travaux effectués notamment depuis la prise de possession, soit neufs de finition, soit d'amélioration ou de réparation, qui bénéficieront à la commune par voie d'accession sans indemnité d'aucune sort, à moins que la commune ne préfère demander le rétablissement aux frais de l'exploitant délégataire des lieux concédés dans leur état primitif (...) ". Par ailleurs, si la commune de La Guérinière invoque l'illégalité des stipulations de l'article 25 de la convention de décembre 2007 au motif que son cinquième alinéa permettrait, par combinaison avec l'article 21 de la convention, l'indemnisation du manque à gagner du délégataire aux torts duquel la convention a été résiliée, il résulte de l'instruction que la SAS Les Moulins n'a, dans le cadre de la présente instance, aucunement demandé l'indemnisation d'un tel manque à gagner.

26. Cependant, lorsque la collectivité publique résilie une concession de service public avant son terme normal, le concessionnaire est fondé à demander l'indemnisation du préjudice qu'il subit à raison du retour des biens nécessaires au fonctionnement du service public à titre gratuit dans le patrimoine de cette collectivité, lorsqu'ils n'ont pu être totalement amortis, soit en raison d'une durée du contrat inférieure à la durée de l'amortissement de ces biens, soit en raison d'une résiliation à une date antérieure à leur complet amortissement. Lorsque l'amortissement de ces biens a été calculé sur la base d'une durée d'utilisation inférieure à la durée du contrat, cette indemnité est égale à leur valeur nette comptable inscrite au bilan. Dans le cas où leur durée d'utilisation était supérieure à la durée du contrat, l'indemnité est égale à la valeur nette comptable qui résulterait de l'amortissement de ces biens sur la durée du contrat. Si, en présence d'une convention conclue entre une personne publique et une personne privée, il est loisible aux parties de déroger à ces principes, l'indemnité mise à la charge de la personne publique au titre de ces biens ne saurait en toute hypothèse excéder le montant calculé selon les modalités précisées ci-dessus.

27. Par ailleurs, dans le cadre d'une délégation de service public ou d'une concession de travaux mettant à la charge du cocontractant les investissements correspondant à la création ou à l'acquisition des biens nécessaires au fonctionnement du service public, l'ensemble de ces biens, meubles ou immeubles, appartient, dans le silence de la convention, dès leur réalisation ou leur acquisition, à la personne publique. D'une part, lorsque des ouvrages nécessaires au fonctionnement du service public, et ainsi constitutifs d'aménagements indispensables à l'exécution des missions de ce service, sont établis sur la propriété d'une personne publique, ils relèvent de ce fait du régime de la domanialité publique. La faculté offerte aux parties au contrat d'en disposer autrement ne peut s'exercer, en ce qui concerne les droits réels dont peut bénéficier le cocontractant sur le domaine public, que selon les modalités et dans les limites définies aux articles L. 2122-6 à L. 2122-14 du code général de la propriété des personnes publiques ou aux articles L. 1311-2 à L. 1311-8 du code général des collectivités territoriales et à condition que la nature et l'usage des droits consentis ne soient pas susceptibles d'affecter la continuité du service public. D'autre part, le contrat peut attribuer au délégataire ou au concessionnaire, pour la durée de la convention, la propriété des ouvrages qui, bien que nécessaires au fonctionnement du service public, ne sont pas établis sur la propriété d'une personne publique, ou des droits réels sur ces biens, sous réserve de comporter les garanties propres à assurer la continuité du service public, notamment la faculté pour la personne publique de s'opposer à la cession, en cours de délégation, de ces ouvrages ou des droits détenus par la personne privée. A l'expiration de la convention, les biens qui sont entrés, en application des principes énoncés ci-dessus, dans la propriété de la personne publique et ont été amortis au cours de l'exécution du contrat font nécessairement retour à celle-ci gratuitement, sous réserve des clauses contractuelles permettant à la personne publique, dans les conditions qu'elles déterminent, de faire reprendre par son cocontractant les biens qui ne seraient plus nécessaires au fonctionnement du service public. Le contrat qui accorde au délégataire ou concessionnaire, pour la durée de la convention, la propriété des biens nécessaires au service public autres que les ouvrages établis sur la propriété d'une personne publique, ou certains droits réels sur ces biens, ne peut, sous les mêmes réserves, faire obstacle au retour gratuit de ces biens à la personne publique en fin de délégation. Par ailleurs, les parties peuvent convenir d'une faculté de reprise par la personne publique, à l'expiration de la délégation ou de la concession, et moyennant un prix, des biens appartenant au délégataire qui ne sont pas nécessaires au fonctionnement du service.

28. Si la commune soutient que les stipulations de l'article 25 de la convention du 27 décembre 2007 n'ouvrent aucun droit à indemnisation de la société Les Moulins, il ne résulte pas de cet article, et d'aucun autre article de la convention du 27 décembre 2007, que les parties ont entendu régir par ces stipulations la situation, en cas de résiliation anticipée, des biens de retour nécessaires à l'exploitation du service public du camping municipal de La Guérinière. Du reste ces stipulations, à la rédaction incomplète, n'organisent aucune obligation pour la commune de reprendre les biens cités, qui n'ont par ailleurs pas fait l'objet d'un inventaire. En tout état de cause, en admettant que ces mêmes stipulations s'appliquent aux biens de retour répondant à la définition donnée au point précédent, le dispositif ainsi créé, en ce qu'il imposerait à la commune le paiement d'annuité d'emprunts en lieu et place du délégataire, méconnaitrait le principe de la gratuité du retour de tels biens qui lui appartiennent dès leur édification ou installation. Dans ces conditions, d'une part, il n'y a pas lieu d'écarter l'application desdites stipulations ainsi que le demande la commune et, d'autre part, dans le silence de la convention du 27 décembre 2007 sur la situation des biens de retour en cas de résiliation anticipée, il y a lieu de faire application des principes indemnitaires rappelés au point précédent.

29. Il résulte de ce qui précède que la SAS Les Moulins est uniquement fondée, comme au demeurant elle l'invoquait devant le tribunal administratif de Nantes, à demander l'indemnisation du préjudice qu'elle estime subir en raison du retour à titre gratuit dans le patrimoine de la commune de La Guérinière des biens affectés au fonctionnement du service public et nécessaires à celui-ci.

S'agissant du montant d'indemnisation :

30. Pour les motifs exposés au point précédent, le préjudice dont la SAS Les Moulins est fondée à obtenir l'indemnisation est uniquement constitué par celui subi à raison du retour des biens nécessaires au fonctionnement du service public à titre gratuit dans le patrimoine de la commune de La Guérinière, lorsqu'ils n'ont pu être totalement amortis et doit être évalué, pour ces biens, soit à leur valeur nette comptable inscrite au bilan de cette société, soit lorsque leur durée d'utilisation était supérieure à la durée du contrat à la valeur nette comptable qui résulterait de l'amortissement de ces biens sur la durée du contrat. Si la SAS Les Moulins évoque dans ses écritures, le " rachat des autres biens fournis " par la commune de La Guérinière à hauteur de 44 920 euros, elle ne présente aucune conclusion à ce titre dans les présentes instances.

31. En premier lieu, il résulte de l'instruction que 109 hébergements locatifs ont été installés sur le terrain de camping par la SAS Les Moulins. Si la commune de La Guérinière soutient que ces hébergements locatifs ne devaient pas être pris en compte pour le calcul de l'indemnisation due à son ancien co-contractant en raison d'une part de l'irrégularité de l'implantation de ces hébergements et d'autre part, de l'absence d'utilité de ces hébergements pour le fonctionnement du service public, les premiers juges, aux points 5 et 6 de leur jugement, ont exclu les dépenses correspondant à ces hébergements locatifs de la base de calcul de l'indemnisation due à la SAS Les Moulins. Par suite, la demande de la commune de La Guérinière tendant à la réformation du jugement attaqué sur ce point ne peut qu'être rejetée.

32. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise judiciaire, que la SAS Les Moulins a exposé la somme globale de 1 592 863 euros au titre des dépenses de construction comptabilisées dans le compte n° 214 000, la somme de 424 782 euros au titre des dépenses de construction de la piscine, comptabilisées dans le compte n° 214010, la somme de 512 764 euros au titre des dépenses d'aménagements sur le sol, comptabilisées dans le compte n° 214500 et la somme de 48 212 euros au titre des dépenses d'aménagement des sanitaires, comptabilisées au compte n° 214510. Contrairement à ce que soutient la commune de La Guérinière, il résulte des constatations opérées par l'experte nommée par le tribunal administratif que l'ensemble des dépenses correspondantes ont été justifiées par la production de factures que l'experte a vérifiées de manière systématique et exhaustive, en tenant compte uniquement des travaux ou rénovations figurant sur des factures d'un montant supérieur à 5 000 euros. Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient la commune appelante, les montants figurant aux quatre comptes correspondant doivent être regardés comme établis. Par ailleurs, si la commune de La Guérinière soutient que l'utilité des dépenses en cause n'est pas démontrée, il n'est pas contesté que ces dépenses, vérifiées par l'experte, correspondent à des dépenses de travaux de rénovation ou de réhabilitation du bâtiment d'accueil, des blocs sanitaires, de la piscine qui était installée dans le camping avant même la conclusion de la convention de décembre 2007, de clôtures, de voirie interne au camping et de divers réseaux. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que l'ensemble de ces équipements présentait, lors du début d'exécution de la convention de délégation de service public, un état de vétusté exigeant leur rénovation. Du reste, l'article 5 de la convention du 27 décembre 2007 exigeait que le délégataire réalise des investissements à ces divers titres dans un délai de cinq ans. Dans ces conditions, ainsi que l'ont estimé les premiers juges, l'ensemble des dépenses d'investissement figurant aux comptes n° 214000, n° 214010, n° 214500 et n° 214510 présentait bien un caractère nécessaire au bon fonctionnement du service public du camping. Pour les motifs exposés au point 28 du présent arrêt, la commune de La Guérinière ne peut utilement invoquer, au regard de l'article 25 de la convention de délégation de service public, le fait que son ancienne délégataire n'établirait pas que l'ensemble de ces dépenses ont été financées par un recours à l'emprunt. Par ailleurs il résulte des constatations opérées par l'experte judiciaire que la durée d'amortissement de vingt années qu'a appliquée la SAS Les Moulins pour certaines dépenses présentait un caractère excessif notamment au regard des normes et principes comptables applicables, ainsi qu'à leur nature, et qu'elle devait être ramenée à quinze années. En conséquence, l'experte a procédé à un recalcul de la valeur nette comptable de ces investissements à la fin du mois d'octobre 2013, selon la nouvelle durée d'amortissement de quinze ans, pour un total de 1 910 590 euros. La commune de La Guérinière ne conteste ensuite aucunement le calcul effectué par les premiers juges fixant à la somme de 1 667 645 euros le montant de la valeur nette comptable au 27 mars 2015 pour les biens de retour retenus.

33. En troisième lieu, la commune a recouru à une expertise technique fondée sur une estimation comparative de la valeur des biens pour lesquels des dépenses d'investissement ont été imputées aux comptes n° 214000, n° 214010, n° 214500 et n° 214510, aux termes de laquelle la valeur nette comptable des dépenses d'investissement au 27 décembre 2015 devrait être arrêtée à la somme de 1 059 213 euros. Il résulte toutefois de l'instruction que cette estimation, sans lien avec la comptabilité tenue par la société Les Moulins, dont le caractère probant n'a pas été remis en cause par l'expertise judiciaire, a été effectuée de façon théorique à partir de la surface des bâtiments et du coût supposé des constructions sans tenir compte des travaux nécessaires réalisés par la société Les Moulins compte tenu de l'état de vétusté dans lequel se trouvait le camping municipal lors de la conclusion de la délégation de service public. Par suite, la commune ne peut utilement s'y référer.

34. En dernier lieu, si la commune de La Guérinière demande la déduction du montant de l'indemnisation de la SAS Les Moulins de la somme de 428 243, 63 euros à laquelle elle a été condamnée par le jugement n°s 1501506,1501529 du tribunal administratif de Nantes du 14 mars 2018, ce jugement a été annulé par l'arrêt n°s 20NT02078,20NT02079,20NT02080 de ce jour. Par suite, cette demande ne peut qu'être rejetée.

35. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de La Guérinière n'est pas fondée à se plaindre de ce que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes l'a condamnée à verser à la SAS Les Moulins la somme de 1 667 645 euros.

Sur l'appel incident de la SAS Les Moulins :

En ce qui concerne les hébergements locatifs :

36. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport dressé par un agent de l'Office national des forêts après une visite de contrôle effectuée le 16 février 2016, que la SAS Les Moulins a installé sur le terrain de camping de La Guérinière 109 hébergements locatifs dont 24 résidences mobiles de loisirs et 85 habitations légères de loisirs, telles que définies respectivement aux articles R. 111-41 et R. 111-37 du code de l'urbanisme. Il résulte également de ce même rapport de 2016, ainsi qu'il a été rappelé au point 22 du présent arrêt, que certaines de ces installations, notamment les 85 habitations légères de loisirs, ont été édifiées par la délégataire irrégulièrement, en l'absence d'accord explicite de l'ONF et en méconnaissance du cahier des charges de cet organisme. Par ailleurs, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, les critères de classement définis par l'arrêté du 6 juillet 2010 fixant les normes et la procédure de classement des terrains de camping ne prennent aucunement en compte l'existence sur ces terrains d'habitations légères de loisirs et de résidences mobiles de loisirs. Dans ces conditions, il ne résulte pas l'instruction que la location de tels hébergements présenterait un caractère nécessaire au fonctionnement du service public de camping, y compris pour un niveau de qualité de service correspondant à un classement dans les catégories 4 ou 5 étoiles. Dans ces conditions, en application des principes rappelés au point 27 du présent arrêt, la SAS Les Moulins n'est pas fondée à soutenir que la valeur nette comptable de ces hébergements devait être incluse dans l'appréciation du préjudice résultant pour elle de la résiliation de la délégation de service public avant son terme.

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :

37. Il résulte de l'instruction que la SAS Les Moulins a demandé au tribunal administratif de Nantes l'indemnisation de son préjudice résultant du retour gratuit des biens dans le patrimoine de la commune de La Guérinière en y incluant la taxe sur la valeur ajoutée. En vertu des dispositions de l'article 256 du code général des impôts, la taxe sur la valeur ajoutée doit être établie sur l'ensemble des sommes facturées à un client pour le prix d'une livraison de biens ou d'une prestation de services effectuée par une personne assujettie. Tel est le cas des sommes versées par une collectivité publique à un assujetti en contrepartie d'une livraison de biens effectuée à la suite de la résiliation anticipée d'un contrat de délégation de service public, cette livraison ne pouvant être assimilée à la transmission à titre onéreux ou à titre gratuit d'une universalité au sens des dispositions de l'article 257 bis du code général des impôts. Il résulte de l'instruction, ainsi que le souligne la SAS Les Moulins, que les premiers juges lui ont alloué une indemnité sur la base d'un montant hors taxe. Dès lors, il y a lieu de fixer le montant de l'indemnité due par la commune de La Guérinière au profit de la SAS Les Moulins à la somme de 1 667 645 euros retenue par les premiers juges, augmentée de la taxe sur la valeur ajoutée au taux de 20 %, soit 2 001 174 euros.

38. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Les Moulins est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges n'ont pas assorti la somme allouée de 1 667 645 euros de la taxe sur la valeur ajoutée au taux de 20 % et n'ont pas condamné la commune de La Guérinière à lui verser la somme globale de 2 001 174 euros.

Sur la demande d'exécution du jugement n° 1600180 du tribunal administratif de Nantes du 23 mai 2018 :

39. L'article L. 911-4 du code de justice administrative dispose que : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander à la juridiction, une fois la décision rendue, d'en assurer l'exécution. / Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte. ".

40. Par le jugement dont l'exécution est demandée, le tribunal administratif de Nantes a condamné la commune de La Guérinière à verser à la SAS Les Moulins la somme globale de 1 667 645 euros avec intérêts au taux légal à compter du 9 septembre 2015 et capitalisation des intérêts. Il n'est pas contesté que la commune a procédé le 14 mai 2019 au versement d'une somme de 108 577,68 euros en exécution de ce jugement. Il ne résulte pas de l'instruction que la commune aurait procédé à des versements complémentaires depuis cette date. Ce jugement n'ayant pas, contrairement à ce que soutient la commune de La Guérinière, été annulé, il y a lieu, en exécution de ce jugement, d'enjoindre à cette commune de verser à la SAS Les Moulins la part non acquittée de la somme due en application de ce jugement dans un délai de trois mois. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais du litige :

41. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de La Guérinière la somme de 1 500 euros à verser à la SAS Les Moulins en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, dans chacune des instances. Ces mêmes dispositions font en revanche obstacle à ce que la SAS Les Moulins verse à la commune de La Guérinière les sommes qu'elle demande sur ce même fondement.

DECIDE :

Article 1er : La requête n° 20NT02081 de la commune de La Guérinière est rejetée.

Article 2 : La somme de 1 667 645 euros hors taxes mise à la charge de la commune de La Guérinière par le jugement du tribunal administratif de Nantes n° 1600180 du 23 mai 2018 est portée à la somme de 2 001 174 euros toutes taxes comprises.

Article 3 : Le jugement du 23 mai 2018 du tribunal administratif de Nantes est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions d'appel incident de la société Les Moulins et les conclusions de la commune de La Guérinière tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Il est enjoint à la commune de La Guérinière, en exécution du jugement n° 1600180 du 23 mai 2018 du tribunal administratif de Nantes, de verser à la société Les Moulins la part non acquittée de la somme de 1 667 645 euros, assortie des intérêts tels que définis par le jugement, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 6 : La commune de La Guérinière versera à la SAS Les Moulins la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans chacune des instances.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de La Guérinière et à la SAS Les Moulins.

Délibéré après l'audience du 14 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Rivas, président de la formation de jugement,

- M. Guéguen, premier conseiller,

- Mme Béria-Guillaumie, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er octobre 2021.

La rapporteure,

M. BERIA-GUILLAUMIELe président,

C. RIVAS

La greffière,

V. DESBOUILLONS

La République mande et ordonne au préfet de la Vendée en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

3

N°s 20NT02081, 20NT02082


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT02081
Date de la décision : 01/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. RIVAS
Rapporteur ?: Mme Marie BERIA-GUILLAUMIE
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : OSBORNE CLARKE;OSBORNE CLARKE;SELARL GENESIS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-10-01;20nt02081 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award