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23/09/2021 | FRANCE | N°19NT03576

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 23 septembre 2021, 19NT03576


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Novatech Technologies a demandé au tribunal administratif de Rennes de lui accorder le bénéfice du solde de crédit d'impôt recherche qu'elle a sollicité au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014, à hauteur de 209 366 euros.

Par un jugement n° 1604255 du 5 juillet 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 4 septembre 2019, le 14 avril 2020 et le 29 juil

let 2021 (non communiqué), la SA Novatech Technologies, représentée par Me Foessel et Me Joalla...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Novatech Technologies a demandé au tribunal administratif de Rennes de lui accorder le bénéfice du solde de crédit d'impôt recherche qu'elle a sollicité au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014, à hauteur de 209 366 euros.

Par un jugement n° 1604255 du 5 juillet 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 4 septembre 2019, le 14 avril 2020 et le 29 juillet 2021 (non communiqué), la SA Novatech Technologies, représentée par Me Foessel et Me Joalland, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de lui accorder le solde de crédit d'impôt recherche ;

3°) de désigner un expert ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif n'a pas donné les raisons pour lesquelles il a refusé la nomination d'un expert ;

- son dossier complémentaire permet de considérer son projet n° 2 relatif à l'assemblage de haute précision pour les cartes électroniques nouvelles générations de radars embarqués, son projet n° 3 dit AASGARD portant sur l'extraction gazière et son projet n° 4 relatif aux études et création de logiciels et aux essais pilotes sur des équipements spécifiques pour des systèmes électroniques sont éligibles au crédit d'impôt recherche ;

- en ce qui concerne le projet n° 2, le niveau des connaissances a été amélioré en apportant des solutions particulières lorsque les fibres optiques sont mises en place dans un environnement sévère comme l'aéronautique, notamment militaire, comme les effets des vibrations, des températures, des déformations mécaniques, des chocs, de l'absence de gaines, des frottements et de l'existence de courbures ; son objectif a été de permettre une grande longévité de l'utilisation des fibres dans un tel environnement ;

- en ce qui concerne le projet n° 3, elle a apporté un descriptif des difficultés rencontrées en ce qui concerne les verrous techniques ; il y a eu une rupture avec les démarches classiques compte tenu de la complexité, contrairement aux conclusions de l'expert ; elle a mis en place une démarche expérimentale afin de lever les verrous scientifiques et techniques et a apporté une amélioration substantielle de ces techniques ;

- en ce qui concerne le projet n° 4, elle a apporté un descriptif des difficultés rencontrées en ce qui concerne les verrous techniques ; il y a eu une rupture avec les démarches classiques compte tenu de la complexité, contrairement aux conclusions de l'expert, et elle a mis en place une démarche expérimentale afin de lever les verrous scientifiques et techniques et a apporté une amélioration substantielle de ces techniques ; un rapport transmis à l'administration fiscale le

13 décembre 2019 a considéré le projet comme étant éligible au titre de 2015 à 2017 ; les verrous techniques identifiés au démarrage du projet en 2012 et décrits pour 2012 à 2014 et pour 2015 à 2017 sont identiques ; les travaux réalisés entre 2012 et 2017 sont des essais et des expérimentations afin de lever les verrous.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mars 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SA Novatech Technologies ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Geffray,

- les conclusions de Mme Chollet, rapporteure publique,

- et les observations de Me Joalland, représentant la SA Novatech Technologies.

Considérant ce qui suit :

1. Le 28 décembre 2015, la société anonyme (SA) Novatech Technologies, dont l'activité est la fabrication de cartes électroniques, a déposé des déclarations pour bénéficier du crédit d'impôt recherche au titre des années 2012 à 2014, soit respectivement 156 518 euros,

80 420 euros et 90 758 euros. A la demande de l'administration, elle a transmis des informations complémentaires sur ses projets de recherche. L'administration n'a accordé ce crédit qu'à hauteur de 118 330 euros pour l'ensemble des trois années. La société a demandé au tribunal administratif de Rennes la restitution de la somme de 209 366 euros pour 2012, de 41 233 euros pour 2013 et de 58 190 euros pour 2014. Par un jugement du 4 juillet 2019, ce tribunal a rejeté sa demande. La société relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En l'espèce, la SA Novatech Technologies a demandé une expertise en première instance concernant un certain nombre de ses projets de recherche pour l'obtention du bénéfice du crédit impôt recherche. Le tribunal administratif a motivé son jugement de rejet en se fondant sur l'absence d'éléments probants ou justificatifs ou sur l'absence du caractère novateur des projets. Il résulte clairement de cette motivation que le tribunal a entendu écarter la demande d'expertise comme sans intérêt pour la solution du litige. Dès lors, le jugement attaqué n'est pas irrégulier.

Sur le bien-fondé du refus du solde de crédit d'impôt recherche :

3. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années en litige : " I. Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année. Le taux du crédit d'impôt est de 30 % pour la fraction des dépenses de recherche inférieure ou égale à 100 millions d'euros et de 5 % pour la fraction des dépenses de recherche supérieure à ce montant (...) ". Aux termes de l'article 49 septies F de l'annexe III au même code, dans sa rédaction applicable aux années en litige : " Pour l'application des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts, sont considérées comme opérations de recherche scientifique ou technique : (...) / b. Les activités ayant le caractère de recherche appliquée qui visent à discerner les applications possibles des résultats d'une recherche fondamentale ou à trouver des solutions nouvelles permettant à l'entreprise d'atteindre un objectif déterminé choisi à l'avance. / Le résultat d'une recherche appliquée consiste en un modèle probatoire de produit, d'opération ou de méthode (...) ". Ne peuvent être prises en compte pour le bénéfice du crédit d'impôt recherche que les dépenses exposées pour le développement ou l'amélioration substantielle de matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services, dont la conception ne pouvait être envisagée, eu égard à l'état des connaissances techniques à l'époque considérée, par un professionnel averti, par simple développement ou adaptation de ces techniques.

4. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si les opérations réalisées par le contribuable entrent dans le champ d'application du crédit d'impôt recherche eu égard aux conditions dans lesquelles sont effectuées ces opérations, et, notamment, d'examiner si les opérations de développement expérimental en cause présentent un caractère de nouveauté au sens de l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts.

5. La SA Novatch Technologies a développé un projet d'assemblage de haute précision pour les cartes électroniques nouvelles générations de radars embarqués (projet n° 2), un projet de nature internationale dit AASGARD portant sur l'extraction gazière (projet n° 3) et un projet d'études et de création de logiciels et d'essais pilotes sur des équipements spécifiques pour des systèmes électroniques (projet n° 4).

En ce qui concerne le projet n° 2 relatif à l'assemblage de haute précision pour les cartes électroniques nouvelles générations de radars embarqués :

6. Il résulte de l'instruction que l'expert de la direction régionale à la recherche et à la technologie a estimé partiellement non éligible le projet dès lors que, bien que les objectifs du projet soient vastes, trois actions ont fait l'objet d'une analyse séparée. Il a considéré que pour chaque thématique, l'exposé des verrous scientifiques et techniques est également trop général. Contrairement à deux actions qui sont le collage des composants enterrés et les circuits imprimés et interchangeables de cartes FR4 et aluminium, l'action relative aux fibres optiques n'a pas été reconnue éligible par l'expert.

7. La société requérante affirme que le niveau des connaissances a été amélioré en apportant des solutions particulières lorsque les fibres optiques sont mises en place dans un environnement sévère comme l'aéronautique, notamment militaire, comme les effets des vibrations, des températures, des déformations mécaniques, des chocs, de l'absence de gaines, des frottements et de l'existence de courbures et que son objectif a été de permettre une grande longévité de l'utilisation des fibres dans un tel environnement.

8. En ce qui concerne les verrous techniques en matière de fibres optiques, rencontrés au démarrage du projet, la SA Novatech Technologies soutient que l'état de l'art a été repris, que la recherche bibliographique a été complétée pour lever les verrous, notamment pour la conception d'un coffret résistant aux chocs et aux vibrations, qu'il n'existe pas de méthode standard permettant de déterminer les éléments nécessaires à la construction d'un coffret dans un environnement sévère et que la démarche expérimentale est avérée en suivant une étude d'un nouvel outillage et en procédant à des détails techniques avec des essais et prototypes à chaque stade pour obtenir un maintien parfait des fibres avec une solution de scotch " Very High Bond " et pour éviter toute compression. Toutefois, elle ne démontre pas que l'état de l'art et la recherche bibliographique permettaient d'identifier l'énoncé de verrous techniques bien identifiés dès le début des recherches.

En ce qui concerne le projet n° 3 dit AASGARD portant sur l'extraction gazière :

9. Il s'agit d'un projet pour améliorer la récupération énergétique entre le gaz et le pétrole. Pour ce faire, un nouveau système sous-marin de compression de gaz permettant de réduire les pertes d'énergie a été élaboré dans le cadre d'une coopération internationale, la société requérante réalisant les paliers du compresseur. L'expert de la direction régionale de la recherche et de la technologie a estimé que le projet est entièrement non éligible.

10. Pour contester l'avis de l'expert, la SA Novatech Technologies se borne à soutenir que le contexte scientifique et économique du projet a été précisé, notamment sur le plan de la robustesse des brasures et de la traçabilité totale des composants électroniques utilisés sur les paliers magnétiques, que les éléments bibliographiques ont été apportés sur ces points et que l'état de l'art était insuffisant en matière d'alliages sans plomb robustes et que les verrous techniques rencontrés au démarrage du projet ont été détaillés sur deux pages d'un dossier complémentaire avec l'indication des données techniques spécifiques. En outre, si la société requérante a utilisé des alliages de brasure sans plomb pour des raisons environnementales et sanitaires dès lors qu'ils sont utilisés dans un milieu sous-marin et qu'elle a dû trouver des solutions pour éviter l'apparition de bulles d'air dans les alliages pour répondre à des objectifs de robustesse, de longévité et de vibration dans un tel milieu et a effectué des essais dans les brasures des composants électroniques sur les cartes électroniques utilisés en environnement sous-marin, elle n'apporte pas davantage de précisions sur le caractère novateur de ces procédés et sur l'existence d'améliorations substantielles des techniques déjà existantes qu'ils sont susceptibles d'ajouter.

En ce qui concerne le projet n° 4 relatif aux études et création de logiciels et aux essais pilotes sur des équipements spécifiques pour des systèmes électroniques :

11. Il s'agit de l'élaboration d'un système d'analyse par vision automatique 3D dans le domaine militaire. L'expert de la DRRT a considéré que le projet doit être regardé comme entièrement non éligible dès lors qu'il n'y a pas de rupture avec les démarches classiques. Aucun verrou n'a été identifié à la suite des échecs des premiers tests en matière du brasage sous vide et de fabrication des masques pour le vernissage sélectif des cartes lors du processus de fabrication.

12. La SA Novatech Technologies soutient qu'elle a apporté un descriptif des difficultés rencontrées en ce qui concerne les verrous techniques, qu'il y a eu une rupture avec les démarches classiques compte tenu de la complexité, contrairement aux conclusions de l'expert et qu'elle a mis en place une démarche expérimentale afin de lever les verrous scientifiques et techniques et qu'elle a apporté une amélioration substantielle de ces techniques.

13. La SA Novatch Technologies se prévaut d'un rapport transmis à l'administration fiscale le 13 décembre 2019, qui a considéré le même projet comme étant éligible au titre de 2015 à 2017 et soutient que les verrous techniques identifiés au démarrage du projet en 2012 et décrits pour 2012 à 2014 et pour 2015 à 2017 sont identiques et que les travaux réalisés entre 2012 et 2017 sont des essais et des expérimentations afin de lever les verrous. Toutefois, ce rapport ne porte que sur les années qui sont postérieures aux années en litige.

14. Il résulte des points 7 à 14 que les projets en cause ne constituent pas des opérations de recherche entrant dans le champ d'application de l'article 244 quater B du code général des impôts. C'est à bon droit que l'administration fiscale n'a pas admis, partiellement ou totalement, le bénéfice du crédit d'impôt recherche en 2012, 2013 et 2014, au motif qu'une partie du projet n° 2 et les projets n° 3 et n° 4 n'avaient pas le caractère de travaux de recherche au sens des dispositions de l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts.

15. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de désigner un expert, que la SA Novatech Technologies n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SA Novatech Technologies est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme Novatech Technologies et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 9 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- M. Geffray, présiden -assesseur,

- M. Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 septembre 2021.

Le rapporteur,

J.E. GeffrayLe président,

F. Bataille

La greffière,

A. Marchais

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT03576


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NT03576
Date de la décision : 23/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : CABINET FIDAL (NANTES)

Origine de la décision
Date de l'import : 05/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-09-23;19nt03576 ?
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