Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 30 janvier 2020 par lequel le préfet du Calvados a prononcé son expulsion et la décision du 27 février 2020 de rejet de son recours gracieux.
Par un jugement n° 2000767 du 12 novembre 2020, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 janvier 2021 et le 19 février 2021, M. B..., représenté par Me Schlosser, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler ces décisions ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif a estimé qu'il ne contribue pas effectivement à l'éducation de ses enfants nés en France ;
- le préfet a commis une erreur de droit dès lors que, résidant en France depuis 17 ans et depuis déjà plus de dix ans lors de son incarcération en juillet 2013, il doit bénéficier de la protection prévue à l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'il ne peut être expulsé dans la mesure où il n'a eu aucun comportement susceptible d'entrer dans l'une des catégories visées par cet article ;
- les conditions de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas remplies dès lors que sa présence ne constitue pas une menace réelle, grave et actuelle à l'ordre public ; en retenant le contraire, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation ;
- le préfet ne peut apprécier dès l'année 2020 le caractère grave de la menace que sa présence pourrait constituer pour l'ordre public en 2022, date à laquelle il est libérable.
Par un mémoire, enregistré le 9 mars 2021, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête ou, à titre subsidiaire, à la minoration de la somme allouée au titre des frais de l'instance.
Il soutient qu'il s'en remet à ses écritures de première instance.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 mars 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 30 janvier 2020, le préfet du Calvados a prononcé l'expulsion de M. B..., ressortissant camerounais né le 23 juin 1972, titulaire d'une carte de résident valable du 27 mars 2011 au 26 mars 2021, et fixé le Cameroun comme pays de destination. Par décision du 27 février 2020, ce préfet a rejeté le recours gracieux formé par l'intéressé à l'encontre de cette décision. M. B... a alors demandé au tribunal administratif de Caen l'annulation de ces deux décisions. Il relève appel du jugement du 12 novembre 2020 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.
2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable à la date des décisions en litige : " Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public ". Aux termes de l'article L. 521-3 du même code dans sa rédaction applicable : " Ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'expulsion qu'en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes : (...) 4° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans et qui, ne vivant pas en état de polygamie, est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an (...) ".
3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B..., entré en France en juin 2003 selon ses déclarations, s'est maintenu, après le rejet de la demande d'asile qu'il avait présentée le 21 juillet 2003, de manière irrégulière sur le territoire français du mois de décembre 2005 au 27 mars 2008, date à laquelle lui a été remis un récépissé de demande de titre de séjour en qualité de parent d'enfant français. Il a ensuite séjourné en France de manière régulière sous couvert de cartes de séjour en qualité de parent d'enfant français puis d'une carte de résident, valable jusqu'au 28 mars 2021, qui lui a été délivrée le 27 mars 2011. Il a été écroué le 3 juillet 2013 à la maison d'arrêt de Caen puis a été condamné, par arrêt du 20 mars 2015 de la cour d'assises du Calvados devenu définitif, à une peine de douze ans de réclusion criminelle qu'il était en train de purger au centre pénitentiaire de Caen à la date des décisions en litige. Dès lors que les années passées en détention au titre d'une peine privative de liberté ne peuvent s'imputer dans le calcul des dix ans mentionnés par les dispositions citées au point 2, M. B... ne justifiait pas, à la date des décisions en cause, d'une résidence régulière en France depuis plus de dix ans. Par suite, pour ce seul motif, il ne figurait pas au nombre des étrangers entrant dans le champ d'application des dispositions du 4° de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté en toutes ses branches.
4. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... a été condamné par la cour d'assises du Calvados à une peine de douze ans de réclusion criminelle après avoir été déclaré coupable de deux viols commis sous la menace d'une arme et d'extorsion, sur deux femmes différentes, les 22 et 30 mai 2013. S'il s'est investi dans un projet d'insertion professionnelle durant sa détention et apporte des éléments de nature à établir qu'il a maintenu, ou cherché à maintenir, le lien avec ses deux enfants mineurs nés en 2007 et en 2009 qu'il a eus avec une ressortissante française dont il est séparé depuis 2013, le rapport de situation du 12 décembre 2019 mentionne que son positionnement par rapport aux faits ayant conduit à sa condamnation " continue à interroger " et fait état, de manière non contestée, d'une expertise datant de 2018 mentionnant un discours " égocentré avec une absence totale de culpabilité vis-à-vis des faits " et des conclusions de l'expertise réalisée au mois de décembre 2019 aux termes de laquelle " les experts n'excluent pas la dangerosité criminologique tant que M. B... restera dans une position de déni ". De la même façon, ils indiquent que " le risque de récidive ou de commission d'une infraction dans le cadre d'une permission ou de libération conditionnelle peut se poser mais qu'un encadrement soutenu le rend toutefois minime ". Eu égard à la nature et à la gravité des faits commis les 22 et 30 mai 2013, que M. B... persiste à nier, et à la circonstance qu'il arrivait en fin de peine le 19 janvier 2022 et avait présenté une demande d'aménagement de peine sous la forme d'un placement extérieur en centre d'hébergement à compter du mois de janvier 2020, le préfet a pu, alors même que l'intéressé a entrepris des démarches pour se réinsérer socialement et professionnellement et que la commission d'expulsion a rendu un avis défavorable le 16 janvier 2020, estimer, sans commettre d'erreur d'appréciation, que la présence de M. B... sur le territoire français constituait une menace grave pour l'ordre public.
5. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Par suite, sa requête, y compris ses conclusions relatives aux frais liés au litige, doit être rejetée.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera adressée pour information au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 3 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme A..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 septembre 2021.
La rapporteure, Le président,
F. A... O. GASPON
La greffière,
P. CHAVEROUX
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21NT001284
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