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21/09/2021 | FRANCE | N°20NT01125

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 21 septembre 2021, 20NT01125


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 1er avril 2019 par laquelle le recteur de l'académie de Caen a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de ses arrêts de travail du 5 juillet 2018 au 30 avril 2019.

Par un jugement n° 1901228 du 5 mars 2020, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 mars 2020, Mme C..., représentée par Me Launay, demande à la cour :<

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1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 5 mars 2020 ;

2°) d'annuler la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 1er avril 2019 par laquelle le recteur de l'académie de Caen a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de ses arrêts de travail du 5 juillet 2018 au 30 avril 2019.

Par un jugement n° 1901228 du 5 mars 2020, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 mars 2020, Mme C..., représentée par Me Launay, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 5 mars 2020 ;

2°) d'annuler la décision du 1er avril 2019 ;

3°) d'enjoindre, sous astreinte de 75 euros par jour de retard, à la rectrice de l'académie de Caen, de reconnaître l'imputabilité au service de ses arrêts de travail ou, à titre subsidiaire, de statuer à nouveau sur sa demande dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision contestée a été prise par une autorité incompétente dès lors qu'il n'est pas établi que Mme D... disposait d'une délégation régulièrement publiée ;

- selon le 2° de l'article 34 de la loi du 13 juillet 1983, le fonctionnaire a droit de conserver son traitement intégral si la maladie le mettant dans l'impossibilité d'accomplir son service est en lien direct avec un accident de service survenu dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions ; selon le II de l'article 21 bis de la même loi tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal, en l'absence de toute faute personnelle ou de toute circonstance détachant l'accident du service, est présumé imputable au service ;

- sa pathologie anxio-dépressive est uniquement causée par des évènements vécus dans sa vie professionnelle ; elle ne présentait aucun état pathologique antérieur ; son comportement n'a pas été de nature à détacher sa pathologie du service.

Par un courrier du 22 octobre 2020, la rectrice de la région académique Normandie, rectrice de l'académie de Caen a été mise en demeure de produire ses conclusions en réponse à la requête, dans un délai de 15 jours, ce qu'elle n'a pas fait.

Par courrier du 24 novembre 2020, les parties ont été informées qu'une clôture à effet immédiat était susceptible d'intervenir à tout moment à compter du 14 janvier 2021.

La clôture d'instruction est intervenue le 15 janvier 2021 en application d'une ordonnance du même jour.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., qui est professeure des écoles, était affectée depuis la rentrée scolaire 2010 à l'école maternelle de Merville-Franceville. A la suite d'une situation conflictuelle avec les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (Atsem), une réunion s'est tenue, le 19 juin 2017, en présence de l'adjointe au maire chargée des affaires scolaires. Mme C..., qui s'est sentie accusée au cours de cette réunion, a été placée en arrêt de travail du 21 juin 2017 au 7 juillet 2017. Lors de la rentrée scolaire de septembre 2017, le climat était toujours tendu entre les différents intervenants au sein de l'école, et Mme C... a de nouveau été placée en arrêt de travail à compter du 4 septembre 2017 et jusqu'au 6 avril 2018. A l'issue d'un entretien qui s'est déroulé le 23 avril 2018, Mme C... a accepté d'être affectée provisoirement sur un poste d'enseignante à l'école maternelle de Bavent. Le 5 juillet 2018, l'intéressée, qui n'avait pas assisté à l'entretien qui lui était proposé par le rectorat, s'est vue notifier un arrêté la suspendant à titre conservatoire de ses fonctions pour une durée de quatre mois. Cette mesure a été levée le 14 septembre 2018 mais, par un arrêté du même jour, l'inspecteur d'académie, directeur des services départementaux de l'éducation nationale du Calvados l'a mutée dans l'intérêt du service à l'école maternelle Henri-Sellier de Colombelles à compter du 20 septembre 2018 et jusqu'au 31 août 2019. Par un jugement du 5 décembre 2019 confirmé en appel par un arrêt n° 20NT00437 du 13 juillet 2021, le recours de l'intéressée tendant à l'annulation de cette décision a été rejeté. Au cours du mois de septembre 2018, Mme C... a sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service de ses arrêts de travail pour la période du 5 juillet 2018 au 30 avril 2019. Par une décision du 1er avril 2019 le recteur de la région académique Normandie, recteur de l'académie de Caen, a rejeté sa demande. L'intéressée relève appel du jugement du 5 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

2. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, alors en vigueur : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévus en application de l'article 35. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ; (...) ". Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.

3. Il ressort des pièces du dossier que l'accident dont Mme C... a été victime le 19 juin 2017 a été reconnu imputable au service par une décision du recteur d'académie de Caen du 29 mai 2018. Par ailleurs, par un arrêté du 5 juillet 2018, l'intéressée a été suspendue à titre conservatoire de ses fonctions pour une durée de 4 mois puis mutée dans l'intérêt du service à l'école maternelle Henri-Sellier de Colombelles à compter du 20 septembre 2018. Dans un rapport du 15 avril 2018, un psychiatre du centre hospitalier universitaire de Caen, qui a examiné Mme C... à la demande de son administration, a estimé que la pathologie anxio-dépressive qu'elle avait développée était en lien avec l'accident du 19 juin 2017 et que ses arrêts de travail du 21 juin 2017 au 7 juillet 2017 relevaient de la législation sur les accidents de service. Il a ajouté que ses autres arrêts à compter du 4 septembre 2017 étaient à prendre en charge à ce titre, que la date de sa consolidation était impossible à déterminer et que l'intéressée ne présentait aucun état pathologique antérieur. Dans son rapport du 15 novembre 2018 ce même médecin a précisé que la rechute de l'intéressée du 6 juillet 2018 était imputable à cet accident dès lors que son état de santé n'était pas consolidé à cette date, que ses arrêts de travail du 6 juillet 2018 au 31 décembre 2018 relevaient de la législation des accidents de service et qu'une psychothérapie sur une période de six mois devait être envisagée. Par ailleurs, dans un courrier du 13 mars 2019, le médecin des personnels du rectorat, qui avait reçu Mme C..., alertait son médecin traitant sur sa souffrance psychologique et sur le fait qu'elle n'arrivait pas à faire évoluer favorablement sa situation. Ce médecin ajoutait qu'elle était en grande souffrance et incapable de reprendre le travail. Dans ces conditions, ses arrêts de travail pour la période du 5 juillet 2018 au 30 avril 2019 présentent un lien direct avec l'exercice de ses fonctions. Si le comportement de Mme C... a pu contribuer en partie aux difficultés relationnelles qui existaient au sein de l'école maternelle et aux dysfonctionnements que celles-ci engendraient, lesquels sont à l'origine de sa pathologie, les faits qui lui sont imputables ne peuvent toutefois, dans les circonstances de l'espèce, être regardés comme rendant sa pathologie détachable du service. Il s'ensuit, qu'en refusant de reconnaître l'imputabilité au service des arrêts de travail de Mme C... pour la période du 5 juillet 2018 au 30 avril 2019, le recteur de l'académie de Caen a entaché sa décision du 1er avril 2019 d'illégalité.

4. Il résulte de tout ce qui précède, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, il y a lieu d'enjoindre à la rectrice de l'académie de Normandie de reconnaître, dans un délai d'un mois, l'imputabilité au service des arrêts de travail de Mme C... au titre de la période du 5 juillet 2018 au 30 avril 2019. En revanche, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme C... E... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1901228 du tribunal administratif de Caen du 5 mars 2020 ainsi que la décision du 1er avril 2019 par laquelle le recteur de l'académie de Caen a refusé de reconnaître l'imputabilité au service des arrêts de travail de Mme C... du 5 juillet 2018 au 30 avril 2019 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la rectrice de l'académie de Normandie de reconnaître dans un délai d'un mois l'imputabilité au service des arrêts de travail de Mme C... pour la période du 5 juillet 2018 au 30 avril 2019.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par Mme C... est rejeté.

Article 4 : L'Etat versera à Mme C... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et à la rectrice de la région académique Normandie, rectrice de l'académie de Normandie.

Délibéré après l'audience du 3 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme A..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 septembre 2021.

La rapporteure,

V. GELARDLe président,

O. GASPON

La greffière,

P. CHAVEROUX

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

3

N° 20NT01125


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT01125
Date de la décision : 21/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : SELARL CHRISTOPHE LAUNAY

Origine de la décision
Date de l'import : 28/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-09-21;20nt01125 ?
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