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17/09/2021 | FRANCE | N°20NT03532

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 17 septembre 2021, 20NT03532


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 25 mai 2020 par laquelle le préfet du Finistère a rejeté sa demande de titre de séjour.

Par un jugement n° 2002257 du 14 septembre 2020, le tribunal administratif de Rennes a annulé cette décision du 25 mai 2020.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 novembre 2020, le préfet du Finistère demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 14 septembre 2020 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme D... devant le tribunal administratif de Rennes.

Il soutient qu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 25 mai 2020 par laquelle le préfet du Finistère a rejeté sa demande de titre de séjour.

Par un jugement n° 2002257 du 14 septembre 2020, le tribunal administratif de Rennes a annulé cette décision du 25 mai 2020.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 novembre 2020, le préfet du Finistère demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 14 septembre 2020 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme D... devant le tribunal administratif de Rennes.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit dès lors que les démarches entreprises par l'intéressée ne sont pas suffisantes pour établir qu'elle ne pourrait se procurer A... acte de naissance ;

- les autres moyens invoqués par la requérante sont infondés.

Par un mémoire enregistré le 8 février 2021 Mme D... représentée par

Me Le Crane, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que le moyen invoqué par le préfet n'est pas fondé

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 mars 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... D..., née le 24 janvier 1978 en Azerbaïdjan, alors république de l'ex Union Soviétique, d'un père arménien et d'une mère azérie, est entrée en France le 11 septembre 2007, séparée de A... conjoint et accompagnée de ses deux enfants nés les 28 septembre 1994 et 14 décembre 2002 en Russie, pays dans lequel elle a vécu entre 1992 et 2007. Sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile a été rejetée en dernier lieu par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 2 septembre 2010. Elle a ensuite présenté une demande tendant à la reconnaissance du statut d'apatride qui a été rejetée par le directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 10 avril 2015, le refus de titre de séjour qui a suivi ayant été confirmé par un jugement du tribunal administratif de Rennes du 30 décembre 2016, ainsi que par un arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 26 janvier 2018. Le 20 décembre 2010, Mme D... s'est cependant vu délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, régulièrement renouvelé jusqu'au 23 novembre 2016. Le préfet du Finistère a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour par une décision du 29 août 2018, qui a été annulée par un jugement du tribunal en date du 20 décembre 2018, devenu définitif. En exécution de ce jugement, un titre de séjour valide jusqu'au 19 décembre 2019 a été délivré à Mme D... sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par une décision du 25 mai 2020, dont Mme D... a demandé l'annulation, le préfet du Finistère a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour. Par un jugement du 14 septembre 2020, le tribunal administratif de Rennes a annulé ce refus. Le préfet du Finistère relève appel de ce jugement.

Sur la légalité de la décision contestée :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de A... état civil et de sa nationalité (...) ".

3. Pour refuser de délivrer le titre de séjour sollicité par l'intéressée, le préfet s'est fondé sur la circonstance que Mme D... n'était en mesure de justifier ni de sa nationalité par la production d'un passeport ou d'une carte d'identité ni de A... identité par la production d'un acte de naissance.

4. Toutefois, Mme D... établit avoir, depuis plusieurs années, entrepris des démarches aux fins de se voir délivrer un passeport ou des documents permettant de justifier de sa nationalité et de A... identité. Il ressort en effet des pièces du dossier que l'intéressée produit des courriers émanant de travailleurs sociaux adressés au préfet du Finistère en 2011 et 2012 rappelant les démarches invoquées par l'intéressée et entreprises par elle dès 2011 aux fins d'obtenir des documents d'identité auprès des ambassades d'Arménie et d'Azerbaïdjan en France. Mme D... justifie également, par la production de courriers recommandés avec accusé de réception, avoir, entre 2015 et 2018, présenté des demandes répétées auprès des ambassades d'Azerbaïdjan, d'Arménie et de Russie en France afin d'obtenir les documents d'identité et de nationalité demandés par le préfet. A... conseil est également intervenu au soutien des démarches entreprises auprès de ces autorités afin que la situation de l'intéressée au regard des lois nationales de ces pays sur la nationalité soit examinée. Ainsi, alors même que l'intéressée n'établit pas avoir fait des démarches auprès des services d'état civil de sa ville d'origine aux fins d'obtenir un acte de naissance, les demandes susmentionnées doivent être regardées, contrairement à ce que soutient le préfet, comme constituant des démarches répétées et assidues tendant à ce que les autorités azerbaïdjanaises, arméniennes ou russes reconnaissent Mme D... comme étant l'une de leurs ressortissantes. Dans ces conditions le moyen tiré par le préfet de l'erreur de droit dont serait entaché le jugement attaqué doit être écarté.

5. En tout état de cause, comme les premiers juges l'ont relevé à juste titre, il ressort des pièces du dossier que la requérante vit en France depuis 2007, date à laquelle elle est entrée sur le territoire national avec ses deux enfants. A... séjour a été régulier lors de l'examen de sa demande d'asile. Elle a ensuite bénéficié d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade sur le fondement du 11° de l'article L 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile entre le 20 décembre 2010 le 29 novembre 2016, puis sous couvert du titre de séjour valable jusqu'au 20 décembre 2019 qui lui a été délivré en exécution du jugement du 20 décembre 2018 sur le fondement du 7) de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. Par ailleurs la fille de Mme D..., Ellen, née en 1994, vit maritalement sur le territoire national avec un ressortissant arménien titulaire d'un titre de séjour, et deux enfants sont nés de leur union. Le fils de l'intéressée, Varda, né en 2002, vit également en France depuis A... arrivée en 2007. En outre, la requérante, dont la qualité de travailleur handicapé a été reconnue, exerce depuis juillet 2019 une activité professionnelle à temps partiel.

7. Dans ces conditions, et alors qu'il n'est pas contesté que, comme elle l'a indiqué dans le formulaire de demande d'asile, Mme D... est sans nouvelle depuis 1992 de ses parents et de A... frère, le centre des intérêts personnels et familiaux de l'intéressée se situe désormais en France.

8. Par suite, compte tenu des circonstances particulières de l'espèce, en refusant de lui délivrer un titre de séjour le préfet du Finistère a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Finistère n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé sa décision du 25 mai 2020.

Sur les frais du litige :

10. Mme D... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, A... avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Le Crane, avocat de Mme D..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État le versement à Me Le Crane de la somme de 1 000 euros.

DECIDE :

Article 1er : La requête du préfet du Finistère est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me Le Crane la somme de 1 000 euros en application des dispositions des articles L 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme B... D....

Copie en sera adressée au préfet du Finistère.

Délibéré après l'audience du 2 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot présidente de chambre,

- Mme C..., présidente-assesseure,

- M. L'Hirondel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 septembre 2021.

La rapporteure

C. C...

La présidente

I. Perrot

Le greffier

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT03532


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT03532
Date de la décision : 17/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PERROT
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : LE CRANE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-09-17;20nt03532 ?
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