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17/09/2021 | FRANCE | N°20NT03505

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 17 septembre 2021, 20NT03505


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 6 octobre 2020 par lequel le préfet de la Manche lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire, lui a interdit le retour en France pendant une durée de 3 ans et a fixé le pays de destination ainsi que l'arrêté du même jour portant assignation à résidence sur le territoire de la commune de Cherbourg-en-Cotentin pour une durée de six mois.

Par un jugement n° 2001925 du 12 octobre 2020 le tribunal administr

atif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête en...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 6 octobre 2020 par lequel le préfet de la Manche lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire, lui a interdit le retour en France pendant une durée de 3 ans et a fixé le pays de destination ainsi que l'arrêté du même jour portant assignation à résidence sur le territoire de la commune de Cherbourg-en-Cotentin pour une durée de six mois.

Par un jugement n° 2001925 du 12 octobre 2020 le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 novembre 2020 M. C..., représenté par

Me Bernard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 12 octobre 2020 ;

2°) d'annuler les deux arrêtés du 6 octobre 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Manche de procéder à l'effacement de son signalement dans le fichier des personnes recherchées et du système d'information Schengen ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1000 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991 et, au cas où le bénéfice de l'aide juridictionnelle ne lui serait pas accordé, de lui verser cette somme.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier par méconnaissance de l'article L. 5 du code de justice administrative en ce qu'il n'a pas été rendu destinataire d'une pièce du dossier ;

- le signataire des actes contestés était incompétent faute de justification de l'absence ou de l'empêchement du secrétaire général ;

- l'obligation de quitter le territoire méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et une erreur manifeste d'appréciation a été commise ;

- le refus de départ volontaire est illégal à raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ; une erreur de droit a été commise, le risque de fuite n'est pas avéré ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale par suite de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ; elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est illégale par suite de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ; elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision d'assignation à résidence est dépourvue de fondement ; la notification de cette décision n'était pas assortie du formulaire prévu à l'article R. 561-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle est disproportionnée.

La requête a été communiquée le 4 février 2021 au préfet de la Manche qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 décembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... C..., connu des services préfectoraux sous divers alias, né le

11 décembre 1989, a déclaré être entré régulièrement en France en 2015 sous couvert d'un visa de court séjour. Sa demande d'asile a été rejetée par la Cour nationale du droit d'asile le

9 novembre 2018 et sa demande de réexamen a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 14 février 2019. Un arrêté lui faisant obligation de quitter le territoire a été pris à son encontre par le préfet des Hauts-de-Seine le 4 mars 2019, auquel l'intéressé n'a pas déféré. Après qu'il eut été interpellé le 5 octobre 2020 à Cherbourg-en-Cotentin, le préfet par un arrêté du 6 octobre 2020 lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai, lui a interdit le retour en France pendant une durée de trois ans et, par un autre arrêté du même jour, l'a assigné à résidence sur le territoire de la commune de Cherbourg-en-Cotentin pour une durée de 6 mois. Par un jugement du 12 octobre 2020, le tribunal administratif de Caen a rejeté la demande présentée par M. C... tendant à l'annulation de ces deux arrêtés. Ce dernier relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire (...)", et aux termes de l'article R. 611-1 du même code: " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...)./ Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux. ". Il ressort des pièces du dossier de première instance que le préfet a produit le 9 octobre 2020 une pièce complémentaire constituée par un extrait de l'agenda du secrétaire général de la préfecture de la Manche, laquelle, contrairement aux allégations du requérant, lui a été communiquée le même jour ainsi qu'il ressort des mentions figurant dans l'application Télérecours. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'irrégularité du jugement en raison de la méconnaissance des dispositions précitées ne peut qu'être rejeté.

Sur les conclusions à fin d'annulation des arrêtés contestés :

3. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire des actes en litige doit être rejeté par adoption des motifs retenus à bon droit par le magistrat délégué du tribunal administratif de Caen.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire sans délai :

4. Si M. C... se prévaut de ce qu'il vit en France aux côtés de sa sœur titulaire d'un titre de séjour, qui a pu l'héberger " pendant un moment " ainsi que cette dernière l'atteste, et de ses neveux, cette circonstance n'est pas à elle seule, alors que l'intéressé, qui a vécu dans son pays d'origine pendant 26 ans, est arrivé sur le territoire national à une date récente, est célibataire et sans charge de famille, et ne justifie pas avoir exercé une activité professionnelle, de nature à démontrer qu'en prenant une décision d'obligation de quitter le territoire le préfet aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.

En ce qui concerne le refus de départ volontaire :

5. En premier lieu, en l'absence d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire, le moyen tiré de l'illégalité par la voie de l'exception du refus de départ volontaire doit être écarté.

6. En second lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) / d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...). ".

7. Pour refuser d'accorder à M. C... un délai de départ volontaire, le préfet de la Manche s'est notamment fondé sur la circonstance que l'intéressé s'est soustrait à une obligation de quitter le territoire prise à son encontre par le préfet des Hauts de Seine et qui lui a été notifiée le 4 mars 2019. Le requérant entre ainsi dans le cas visé au d) du II de l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut refuser d'accorder, pour ce seul motif, un délai de départ volontaire. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit ne peut qu'être rejeté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

8. En l'absence d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire, le moyen tiré par la voie de l'exception de l'illégalité de la décision fixant le pays de destination ne peut être utilement invoqué.

9. Faute de toute précision apportée par M. C... quant aux risques qu'il encourrait en cas de retour au Maroc, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

10. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " III. ' L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. (...) ".

11. En l'absence d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire, le moyen tiré par la voie de l'exception de son illégalité ne peut être utilement invoqué à l'encontre de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français.

12. Il ressort des pièces du dossier que M. C... vivait en France depuis seulement cinq ans à la date des arrêtés préfectoraux contestés. Il ne démontre pas avoir développé une insertion privée ou professionnelle particulière en France alors même qu'il entretient des relations avec sa sœur et ses neveux et à supposer même qu'il aurait exercé une activité professionnelle. Dans ces conditions, le préfet de la Manche n'a pas commis d'erreur d'appréciation au regard des dispositions susmentionnées, ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne l'assignation à résidence :

13. En l'absence d'illégalité de l'arrêté préfectoral du 6 octobre 2020 portant obligation de quitter le territoire sans délai et interdiction de retour, le requérant n'est pas fondé à se prévaloir, par la voie de l'exception, de son illégalité à l'encontre de la décision portant assignation à résidence.

14. Aux termes de l'article R. 561-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel est notifiée une assignation à résidence en application de l'article L. 552-4 ou de l'article L. 561-2 est informé de ses droits et obligations par la remise d'un formulaire à l'occasion de la notification de la décision par l'autorité administrative ou, au plus tard, lors de sa première présentation aux services de police ou de gendarmerie. (...) ".

15. Il résulte de ces dispositions que l'obligation d'information de l'étranger peut être effectuée au plus tard lors de sa présentation aux services de police ou de gendarmerie. Elle constitue ainsi une formalité postérieure à la notification de l'assignation dont les éventuelles irrégularités sont sans incidence sur sa légalité, laquelle s'apprécie au jour de son édiction. Par suite, le moyen tiré de ce que M. C... n'aurait pas reçu l'information prévue par les dispositions précitées lors de la notification de l'arrêté contesté doit être écarté.

16. Enfin, en l'assignant à résidence pendant une durée de six mois, le préfet n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé qui ne justifie d'aucune obligation personnelle ou familiale. Ce moyen doit donc être écarté.

17. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Les conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées par voie de conséquence du rejet des conclusions en annulation présentées par le requérant.

Sur les frais de l'instance :

18. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par M. C... au bénéfice de son conseil au titre des frais liés au litige.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au préfet de la Manche.

Délibéré après l'audience du 2 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, présidente,

- Mme B..., présidente-assesseur,

- M. L'Hirondel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 septembre 2021

La rapporteure

C. B...

La présidente

I. Perrot

Le greffier

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT03505


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT03505
Date de la décision : 17/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PERROT
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : BERNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 28/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-09-17;20nt03505 ?
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