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17/09/2021 | FRANCE | N°20NT03113

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 17 septembre 2021, 20NT03113


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 18 décembre 2019 par lequel le préfet de Loir-et-Cher a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra, le cas échéant, être reconduite d'office.

Par un jugement n° 2001120 du 7 juillet 2020, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la co

ur :

Par une requête enregistrée le 1er octobre 2020 Mme D..., représentée par Me Goudeau, de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 18 décembre 2019 par lequel le préfet de Loir-et-Cher a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra, le cas échéant, être reconduite d'office.

Par un jugement n° 2001120 du 7 juillet 2020, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1er octobre 2020 Mme D..., représentée par Me Goudeau, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 7 juillet 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Loir-et-Cher du 18 décembre 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Loir-et-Cher de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative la somme de 1 200 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et procède d'une erreur manifeste d'appréciation à ce titre ;

- la décision portant refus de titre de séjour procède d'une erreur manifeste d'appréciation dans la mesure où elle justifie de circonstances exceptionnelles qui auraient dû conduire le préfet à faire usage de son pouvoir de régularisation ;

- elle méconnaît les stipulations du 1° de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation personnelle et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 janvier 2021 le préfet de Loir-et-Cher conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 août 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. E...,

- et les conclusions de M. Berthon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., ressortissante algérienne née le 26 janvier 1985, est entrée en France le 5 juillet 2017 sous couvert d'un visa de court séjour. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 8 février 2018, confirmée le 27 juillet suivant par la Cour nationale du droit d'asile. Le 27 août 2018, elle a sollicité son admission exceptionnelle au séjour en faisant valoir sa résidence en France pendant plus d'un an avec sa fille âgée d'un an et ses craintes en cas de retour en Algérie. Par un arrêté du 18 décembre 2019, le préfet de Loir-et-Cher a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être renvoyée d'office. Mme D... relève appel du jugement du 7 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté son recours tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté contesté :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ".

3. Mme D..., qui soutient qu'elle-même et sa fille C..., née le 12 novembre 2017 en France, y sont parfaitement intégrées, se prévaut à ce titre de la scolarisation de cette dernière en petite section de maternelle ainsi que de ses propres engagements associatifs et produit au soutien de ses allégations une attestation d'hébergement du CCAS de Romorantin, une convention de mise à disposition d'un logement d'urgence, diverses attestations établies par la Confédération Syndicale des Familles, l'Espace Saint Exupéry - Centre CAF, Emmaüs Solidarité, la Pastorale des Migrants et le Secours populaire, ainsi que quatre avis d'imposition. Si la requérante fait par ailleurs valoir qu'elle exerçait en Algérie la profession d'avocat de sorte qu'elle pourra sans difficulté trouver un emploi voire obtenir un certificat d'aptitude à la profession d'avocat France, elle ne produit au soutien de ses allégations qu'une attestation d'inscription dans une agence d'intérim et une promesse d'embauche dans une épicerie. Par suite, eu égard au caractère très récent de son séjour en France et à la faible intensité des liens qu'elle y a tissés, et alors que

Mme D... n'établit pas qu'elle ne pourrait pas retourner vivre avec sa fille en Algérie, où elle a vécu jusqu'à l'âge de 32 ans, où réside sa mère et dans lequel elle peut exercer une activité professionnelle, la décision portant refus de titre de séjour ne méconnaît pas les stipulations précitées de l'article 8 et ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.

4. En deuxième lieu, les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux différents titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers en général et aux conditions de leur délivrance s'appliquent, ainsi que le rappelait, dans sa version alors en vigueur, l'article L. 111-2 (devenu L. 110-1) du même code, " sous réserve des conventions internationales ". En ce qui concerne les ressortissants algériens, les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissent d'une manière complète les conditions dans lesquelles ils peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, ainsi que les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'installer en France. Dans sa version alors en vigueur, l'article L. 313-14 (devenu L. 435-1) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, disposait que : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7.(...) ". Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 précité est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre d'une activité salariée, soit au titre de la vie familiale. Dès lors que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, ces conditions sont régies de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, un ressortissant algérien ne peut utilement invoquer les dispositions de cet article à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national. Toutefois, si l'accord franco-algérien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, il y a lieu d'observer que ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.

5. Les circonstances exposées par la requérante et rappelées au point 3 du présent arrêt ne peuvent être regardées comme des motifs exceptionnels ou des considérations humanitaires susceptibles de justifier son admission exceptionnelle au séjour. Mme D... ne saurait par ailleurs utilement faire valoir à ce titre qu'elle a subi des violences conjugales de la part de son époux, dont elle est divorcée depuis le 23 avril 2018 soit antérieurement au dépôt de sa demande de titre de séjour, les menaces dont elle affirme qu'elle-même et sa famille feraient l'objet de la part de son ex-époux n'étant en tout état de cause pas établies. Par suite, le préfet a pu, sans entacher son appréciation d'une erreur manifeste, refuser de régulariser la situation de

Mme D....

6. En troisième lieu, aux termes du 1° de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions concernant les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

7. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la fille A... la requérante, âgée de moins d'un an à la date de la décision contestée, ne pourrait pas suivre sa mère en Algérie et y être scolarisée. Par suite, la décision contestée, qui n'a ni pour objet ni pour effet de séparer l'enfant de sa mère, ne porte pas atteinte à l'intérêt supérieur de cette enfant en méconnaissance des stipulations du 1° de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. En premier lieu, ainsi qu'il a été exposé aux points 3 et 5 du présent jugement, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de Mme D... au respect de sa vie privée et familiale et ne procède pas d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de cette dernière.

9. En deuxième lieu, à supposer ce moyen soulevé, il ressort en tout état de cause des pièces du dossier que la décision portant obligation de quitter le territoire français a été précédée d'un examen particulier de la situation personnelle de l'intéressée.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

11. Si Mme D... fait valoir qu'elle serait exposée à des violences de la part de son ex-conjoint en cas de retour dans son pays d'origine, la réalité du risque allégué n'est en tout état de cause pas établie dès lors que le couple a divorcé et que la requérante n'établit pas ni même n'allègue qu'elle serait dans l'obligation d'y côtoyer son ex-époux. Par suite, la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas établie.

12. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant au bénéfice des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée au préfet du Loir-et-Cher.

Délibéré après l'audience du 2 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, présidente de chambre,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- M. E..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 septembre 2021.

Le rapporteur

X. E...La présidente

I. PerrotLe greffier

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT03113


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT03113
Date de la décision : 17/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PERROT
Rapporteur ?: M. Xavier CATROUX
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : GOUDEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 28/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-09-17;20nt03113 ?
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