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17/09/2021 | FRANCE | N°20NT00373

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 17 septembre 2021, 20NT00373


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner solidairement le centre hospitalier de Morlaix et l'hôpital de Carhaix à lui verser la somme de 25 000 euros en réparation du préjudice moral qu'il a subi en raison du suicide de sa mère, Marie B..., qui était soignée dans ces deux établissements.

Par un jugement n° 1704377 du 19 décembre 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le

4 février 2020 M. B..., représenté par Me Dubarry, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugeme...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner solidairement le centre hospitalier de Morlaix et l'hôpital de Carhaix à lui verser la somme de 25 000 euros en réparation du préjudice moral qu'il a subi en raison du suicide de sa mère, Marie B..., qui était soignée dans ces deux établissements.

Par un jugement n° 1704377 du 19 décembre 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 février 2020 M. B..., représenté par Me Dubarry, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 19 décembre 2019 en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fin de condamnation du centre hospitalier de Morlaix ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Morlaix à lui verser la somme de 25 000 euros ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Morlaix la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- eu égard à ses antécédents et au risque suicidaire qu'elle présentait, le centre hospitalier de Morlaix a, en décidant de modifier le programme de soins de Marie B..., commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;

- la carence de prise en charge dont elle a fait l'objet le 6 mars 2017 est à l'origine de son geste ; la responsabilité du centre hospitalier de Morlaix est donc également engagée à ce titre ;

- il a droit à la somme de 25 000 euros au titre de son préjudice moral.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 juillet 2020 le centre hospitalier de Morlaix, représenté par Me Le Prado, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,

- les observations de Me Dubarry, représentant M. B..., et de Me Gilbert, représentant le centre hospitalier des pays de Morlaix.

Considérant ce qui suit :

1. Marie B..., née en 1944, souffrant depuis plusieurs années d'une dépression sévère, a tenté de mettre fin à ses jours à son domicile le 1er février 2017. Son fils, M. C... B..., a obtenu le 2 février 2017 son admission en soins psychiatriques au centre hospitalier de Morlaix, en hospitalisation complète, sur le fondement de l'article L. 3213-3 du code de la santé publique. Le 1er mars 2017, le directeur du centre hospitalier a mis fin à l'hospitalisation complète de Marie B..., qu'il a remplacée par un programme de soins prévoyant notamment une hospitalisation de jour quatre fois par semaine à l'hôpital de Carhaix et l'intervention deux fois par jour au domicile de la patiente d'une infirmière libérale. Le 6 mars 2017, Mme B... a mis fin à ses jours en se noyant dans une rivière proche de son domicile. M. C... B..., estimant que le centre hospitalier de Morlaix avait commis une faute en mettant fin à l'hospitalisation complète de sa mère, et après avoir lié le contentieux, a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner cet établissement de santé à lui verser la somme de 25 000 euros en réparation de son préjudice moral. Par un jugement du 19 décembre 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. M. B... relève appel de ce jugement.

Sur la responsabilité :

2. Aux termes de l'article L. 3211-2-1 du code de la santé publique : " I.- Une personne faisant l'objet de soins psychiatriques en application des chapitres II et III du présent titre ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale est dite en soins psychiatriques sans consentement. / La personne est prise en charge : / 1° Soit sous la forme d'une hospitalisation complète dans un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 du présent code ; / 2° Soit sous toute autre forme, pouvant comporter des soins ambulatoires, des soins à domicile dispensés par un établissement mentionné au même article L. 3222-1 et, le cas échéant, une hospitalisation à domicile, des séjours à temps partiel ou des séjours de courte durée à temps complet effectués dans un établissement mentionné audit article L. 3222-1. (...) ".

3. Selon l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. ".

4. M. B... soutient, d'une part, que le centre hospitalier de Morlaix a décidé de mettre fin à l'hospitalisation complète de Marie B... sur la base d'une évaluation erronée et fautive du risque suicidaire qu'elle présentait et, d'autre part, que l'établissement hospitalier a commis une faute en interrompant sa prise en charge le 6 mars 2017, jour de son décès.

5. En premier lieu, il résulte de l'instruction que Marie B..., à la suite du décès de plusieurs de ses proches, souffrait d'un syndrome dépressif chronique pour lequel elle avait été hospitalisée dans des établissements de soins psychiatriques en 2010, 2015, 2016 et, en dernier lieu, entre le 2 février et le 1er mars 2017. Il est également constant qu'elle développait depuis l'année 2015 au moins des idées suicidaires, un premier passage à l'acte ayant d'ailleurs eu lieu en 2016. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que la décision de remplacer, à partir du

1er mars 2017, l'hospitalisation complète dont elle faisait l'objet à Morlaix par des soins ambulatoires quatre jours par semaine à l'hôpital de Carhaix, complétés par des visites à domicile plusieurs fois par jour, aurait été prise sur la base d'un diagnostic fautif de l'état de santé psychique de l'intéressée, minimisant le risque de passage à l'acte qu'elle présentait. D'ailleurs, la surveillance médicale dont elle a fait l'objet à la fin du mois de février et au début du mois de mars 2017 ne fait pas état d'un tel risque. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le centre hospitalier aurait, en modifiant les modalités de prise en charge de sa mère à compter du 1er mars 2017, commis une faute médicale de nature à engager sa responsabilité.

6. En second lieu, il est constant qu'à la suite du passage de la tempête Zeus, dans la nuit du 5 au 6 mars 2017, l'hôpital de jour de Carhaix, dont une partie de la toiture avait été endommagée, a dû être fermé pendant vingt-quatre heures pour des raisons de sécurité. Il résulte par ailleurs de l'instruction que Marie B... a été informée de cette situation par un message sur son répondeur téléphonique, information dont elle a eu connaissance puisqu'elle a rappelé l'hôpital peu après, et qu'une visite à domicile a été programmée en remplacement des soins ambulatoires initialement prévus. Enfin, il est également établi qu'alerté par une voisine de la disparition de Marie B..., l'établissement de Carhaix a dépêché deux infirmières à son domicile, qui ont pu donner l'alerte aux pompiers. Dans ces conditions, dès lors que la fermeture provisoire de l'hôpital de Carhaix était justifiée par les circonstances exceptionnelles rappelées ci-dessus et qu'une prise en charge palliative avait rapidement été mise en place, aucune faute ne saurait davantage être reprochée au centre hospitalier de Morlaix.

7. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté son recours indemnitaire.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre hospitalier de Morlaix, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, verse à M. B... la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au centre hospitalier de Morlaix.

Délibéré après l'audience du 2 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, présidente de chambre,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- M. A..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 septembre 2021.

Le rapporteur

X. A...La présidente

I. Perrot Le greffier

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

N° 20NT00373


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT00373
Date de la décision : 17/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PERROT
Rapporteur ?: M. Xavier CATROUX
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 28/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-09-17;20nt00373 ?
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