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17/09/2021 | FRANCE | N°19NT01985

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 17 septembre 2021, 19NT01985


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un arrêt n°19NT01985 du 17 juillet 2020 la cour, saisie par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Calvados d'une requête tendant à l'annulation du jugement n°1700799 du 3 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande indemnitaire dirigée contre le centre hospitalier universitaire (CHU) de Caen, a ordonné une expertise médicale afin de déterminer si la prise en charge de son assuré, M. A... B..., le 3 septembre 2009 par le service des urgences du CHU de Caen, a

vait été fautive.

Par une ordonnance du 12 août 2020, le président de l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un arrêt n°19NT01985 du 17 juillet 2020 la cour, saisie par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Calvados d'une requête tendant à l'annulation du jugement n°1700799 du 3 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande indemnitaire dirigée contre le centre hospitalier universitaire (CHU) de Caen, a ordonné une expertise médicale afin de déterminer si la prise en charge de son assuré, M. A... B..., le 3 septembre 2009 par le service des urgences du CHU de Caen, avait été fautive.

Par une ordonnance du 12 août 2020, le président de la cour administrative d'appel de Nantes a désigné un chirurgien orthopédique en qualité d'expert.

Le rapport d'expertise a été enregistré le 6 avril 2021 au greffe de la cour.

Par une ordonnance du 9 avril 2021, le président de la cour a liquidé et taxé les frais et honoraires de l'expertise à la somme de 1 860 euros.

Par un mémoire enregistré le 5 mai 2021, le CHU de Caen a présenté ses observations après expertise et conclu au rejet de la requête.

Par un mémoire enregistré le 20 juillet 2021, la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados a présenté ses observations après expertise et conclut à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Caen à lui verser la somme de 249 179,69 euros, ou subsidiairement au moins 80 % de cette somme, au titre de ses débours, outre les intérêts de droit à compter de l'arrêt à intervenir, ainsi que la somme de 1 098 euros au titre des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et, enfin, au paiement des entiers dépens et de la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'arrêté du 4 décembre 2020 relatif aux montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale pour l'année 2021 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. L'hirondel,

- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,

- et les observations de Me Gilbert, représentant le CHU de Caen.

Considérant ce qui suit :

1. Le 3 septembre 2009, M. B... a été heurté à la jambe gauche par un chariot élévateur sur son lieu de travail. Il a été immédiatement transporté au service des urgences du CHU de Caen. Les médecins ont diagnostiqué une fracture du péroné et une luxation de l'articulation de Chopart. Ils ont réduit la luxation et traité la fracture par ostéosynthèse. M. B... a regagné son domicile le 5 septembre 2009, mais les suites ont été marquées par diverses complications rendant nécessaires de nouvelles interventions chirurgicales en mai et en décembre 2010. M. B... a saisi en 2011 la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CCI) de Basse Normandie d'une demande d'indemnisation. La commission a fait procéder à une expertise, dont les conclusions ont été rendues en septembre 2011 et au vu desquelles la demande de M. B... a été rejetée. Estimant que la prise en charge de son assuré avait été fautive, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Calvados a demandé au CHU de Caen le remboursement de ses débours. Le CHU de Caen a rejeté cette demande le

15 mars 2017. La CPAM du Calvados a alors formé un recours indemnitaire devant le tribunal administratif de Caen. Par un jugement du 3 avril 2019, le tribunal administratif a rejeté sa demande. La CPAM du Calvados a fait appel de ce jugement. Par un arrêt avant dire droit du

17 juillet 2020, la cour a ordonné une nouvelle expertise, confiée à un chirurgien orthopédique. Le rapport d'expertise a été enregistré le 6 avril 2021 au greffe de la cour.

Sur la responsabilité :

2. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. ".

3. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport de l'expert mandaté par la cour, que les médecins urgentistes du CHU de Caen ont diagnostiqué une luxation du Chopart alors que M. B... souffrait d'une luxation du Lisfranc. Les radiographies réalisées après leur intervention auraient cependant dû permettre de rectifier cette erreur de diagnostic si elles avaient été examinées par un chirurgien senior, comme il est d'usage dans le service de l'hôpital. Or le dossier de M. B... n'a pas été discuté en réunion de service, comme il aurait dû l'être. Cette erreur de diagnostic a par suite entrainé la réalisation d'un traitement inadapté dès lors qu'il résulte de la même instruction que la luxation du Lisfranc dont souffrait M. B... devait être traitée par un vissage chirurgical et non par une simple réduction orthopédique telle qu'elle a été réalisée. Ce traitement inadapté a fait perdre à M. B... une chance d'éviter les complications dont il a souffert.

4. Il résulte de ce qui précède que la prise en charge de M. B... a été fautive et que la responsabilité du CHU de Caen est, par suite, engagée.

Sur le taux de perte de chance :

5. Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté mais la perte de chance d'éviter la survenue de ce dommage. La réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue.

6. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport de l'expert judiciaire, que, même en l'absence de faute, M. B... était exposé au risque de complication qui s'est réalisé et donc à la nécessité de subir de nouvelles interventions chirurgicales. Il y a lieu, au vu des indications données par l'expert, de fixer à 55% la chance perdue par M. B... d'éviter ce risque.

Sur les droits de la CPAM du Calvados :

7. La CPAM du Calvados justifie avoir exposé, en lien direct avec les fautes commises par le CHU de Caen, des frais d'hospitalisation, médicaux, pharmaceutiques, de transport et d'appareillage pour un montant total de 34 328,64 euros. Il y a donc lieu de mettre 55% de cette somme à la charge du CHU de Caen, soit 18 880,75 euros.

8. Aux termes du 3ème alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " Les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel. ". L'assiette du recours d'un tiers payeur est donc constituée, pour chaque prestation qu'il a exposée, par l'indemnité mise à la charge du responsable au titre du poste de préjudice correspondant à cette prestation. Dès lors que le CHU de Caen n'a pas été condamné à verser des sommes à M. B... au titre de la perte de gains professionnels ou de l'incidence professionnelle, la CPAM du Calvados n'est pas fondée à demander le remboursement des indemnités journalières et de la rente d'accident du travail qu'elle lui a versées, qui ne peuvent s'imputer que sur ces chefs de préjudice.

9. En l'absence d'accord du CHU de Caen, la CPAM du Calvados ne peut demander que lui soit alloué un capital représentatif de la somme qu'elle devra exposer dans le futur pour le renouvellement des chaussures orthopédiques portées par M. B.... Il y a lieu de condamner le CHU de Caen à lui rembourser ces dépenses futures au fur et à mesure de leur engagement et sur justificatifs.

10. La CPAM du Calvados a droit à l'indemnité forfaitaire régie par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, pour le montant de 1 098 euros fixé par l'arrêté du 4 décembre 2020 visé ci-dessus

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

11. La CPAM du Calvados a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 18 880,75 euros à compter du 30 janvier 2017, date de notification au CHU de Caen de sa réclamation préalable.

12. La capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond. Si, à la date où elle est demandée, les intérêts sont dus depuis moins d'une année, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière. La capitalisation des intérêts a été demandée par la CPAM du Calvados le 27 avril 2017. A cette date, il n'était pas dû au moins une année d'intérêts. Il y a donc lieu de capitaliser les intérêts à compter du 30 janvier 2018, date à laquelle une année d'intérêts a été due, et à chaque échéance annuelle ultérieure.

Sur les frais liés au litige :

13. Il y a lieu de mettre à la charge du CHU de Caen les frais d'expertise taxés et liquidés par l'ordonnance du 9 avril 2021 du président de la cour à la somme de 1 860 euros.

14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CHU de Caen la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1700799 du 3 avril 2019 du tribunal administratif de Caen est annulé.

Article 2 : Le CHU de Caen versera à la CPAM du Calvados la somme de 18 880,75 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 30 janvier 2017. Les intérêts échus le 30 janvier 2018 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Le CHU de Caen remboursera à la CPAM du Calvados les frais qu'elle exposera pour le renouvellement des chaussures orthopédiques de M. B... au fur et à mesure de leur engagement et sur justificatifs.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Les frais de l'expertise ordonnée par le président de la cour, taxés et liquidés à la somme de 1860 euros, sont mis à la charge du CHU de Caen.

Article 6 : Le CHU de Caen versera à la CPAM du Calvados la somme de 1 098 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Article 7 : Le CHU de Caen versera à la CPAM du Calvados la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à la CPAM du Calvados, au CHU de Caen, au ministre des solidarités et de la santé et à M. A... B....

Délibéré après l'audience du 2 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, présidente de chambre,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- M. L'hirondel, rapporteur.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 septembre 2021.

Le rapporteur

M. L'hirondel

La présidente

I. Perrot

Le greffier

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 19NT01985


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT01985
Date de la décision : 17/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PERROT
Rapporteur ?: M. Arnaud MONY
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 28/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-09-17;19nt01985 ?
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