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20/07/2021 | FRANCE | N°19NT04626,21NT01077

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 20 juillet 2021, 19NT04626,21NT01077


Vu la procédure suivante :

I- Sous le n° 19NT04626 :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 2 décembre 2019, 5 octobre 2020 et 7 avril 2021 (non communiqué), M. et Mme P... et BL... H..., M. Z... J..., Mme S... BB..., M. AN... AW... et Mme BG... K..., M. et Mme U... et BM... BN..., M. AO... et BO... BQ..., M. et Mme BD... et BP... BR...,

M. AA... AD..., Mme X... BH..., M. AN... L... et Mme O... AT..., M. et Mme BA... et BS... BT..., M. E... BJ..., M. D... BF..., M. et Mme AC... et BU... BV..., M. AJ... AE... et Mme AZ... AY..., M. AR... AV... et Mme AM...

V..., M. et Mme N... et BX... BW..., M. BE... M..., M. G... T..., M. A....

Vu la procédure suivante :

I- Sous le n° 19NT04626 :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 2 décembre 2019, 5 octobre 2020 et 7 avril 2021 (non communiqué), M. et Mme P... et BL... H..., M. Z... J..., Mme S... BB..., M. AN... AW... et Mme BG... K..., M. et Mme U... et BM... BN..., M. AO... et BO... BQ..., M. et Mme BD... et BP... BR...,

M. AA... AD..., Mme X... BH..., M. AN... L... et Mme O... AT..., M. et Mme BA... et BS... BT..., M. E... BJ..., M. D... BF..., M. et Mme AC... et BU... BV..., M. AJ... AE... et Mme AZ... AY..., M. AR... AV... et Mme AM... V..., M. et Mme N... et BX... BW..., M. BE... M..., M. G... T..., M. A... Q..., M. AG... I... et Mme BC... AK..., M. G... AB... et Mme Y... AL..., M. AP... W..., M. AJ... AI..., M. R... AX... et Mme AU... BI..., M. F... C..., M. et CD... et CE... CC..., M. et Mme BE... et BY... BZ..., M. et Mme E...-BK... et CA... CB..., M. et Mme AQ... et CF... CG..., représentés par la société d'avocats AS...-CH..., demandent à la cour :

1°) d'annuler la décision du 4 octobre 2018 par laquelle la préfète d'Eure-et-Loir s'est prononcée sur les modifications apportées par la société Parc éolien de Marchéville à son projet d'exploitation d'un parc éolien sur le territoire de la commune de Marchéville ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société Parc éolien de Marchéville le versement de la somme de 4 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la décision attaquée a été signée par une autorité incompétente ;

- elle est insuffisamment motivée en droit et en fait ;

- elle a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière ;

- elle est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation du caractère substantiel des modifications apportées au projet de parc éolien ;

- elle a été prise en violation de l'article R. 122-7 du code de l'environnement ;

- elle est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation en raison de la présence d'une école publique construite en 2015 à moins de 650 mètres d'une des éoliennes ;

- elle est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation en ce que le projet porte atteinte à un cône de vue sur la cathédrale de Chartres et se trouve en situation de covisibilité avec ce monument historique ; le projet méconnaît l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme ;

- elle a été prise en méconnaissance du schéma de cohérence territorial du Pays de Combray et du Pays Courvillois.

Par un courrier du 10 décembre 2019, M. P... H... a été désigné comme représentant unique des requérants au titre de l'article R. 751-3 du code de justice administrative.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 13 mars 2020 et 18 novembre 2020, la société Parc éolien de Marchéville, représentée par la SELARL Gossement Avocats, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge des requérants le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable ; le courrier du 4 octobre 2018 ne constitue pas une décision que les tiers sont susceptibles de contester ; le délai de recours pour contester la légalité du courrier contesté est dépassé ; les requérants ne justifient pas d'un intérêt à agir contre le courrier contesté ;

- aucun des moyens invoqués par les requérants n'est fondé.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 septembre 2020, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable ; le courrier du 4 octobre 2018 ne constitue pas une décision que les tiers sont susceptibles de contester ; les requérants ne justifient pas d'un intérêt à agir contre le courrier contesté ;

- aucun des moyens invoqués par les requérants n'est fondé.

Par une lettre du 24 novembre 2020, la cour a invité les parties à présenter leurs observations sur l'application des dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement.

La société Parc éolien de Marchéville a présenté des observations, en réponse à l'invitation qui lui a été faite par la cour, qui ont été enregistrées le 2 décembre 2020.

M. H... et autres ont présenté des observations, en réponse à l'invitation qui leur a été faite par la cour, qui ont été enregistrées le 29 décembre 2020.

La ministre de la transition écologique a présenté des observations, en réponse à l'invitation qui lui a été faite par la cour, qui ont été enregistrées le 22 février 2021.

La société Parc éolien de Marchéville et la ministre de la transition écologique ont produit, le 22 février 2021, une décision du 19 février 2021 par laquelle la préfète d'Eure-et-Loir a abrogé la décision du 4 octobre 2018 et s'est prononcée sur les modifications apportées par la société Parc éolien de Marchéville à son projet d'exploitation d'un parc éolien sur le territoire de la commune de Marchéville.

II- Sous le n° 21NT01077 :

Par une requête enregistrée le 16 avril 2021, M. et Mme P... et BL... H..., représentés par la société d'avocats AS...-CH..., demandent à la cour :

1°) d'annuler la décision du 19 février 2021 par laquelle la préfète d'Eure-et-Loir a abrogé la décision du 4 octobre 2018 et s'est prononcée sur les modifications apportées par la société Parc éolien de Marchéville à son projet d'exploitation d'un parc éolien sur le territoire de la commune de Marchéville ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la décision attaquée n'est pas signée par une autorité compétente pour ce faire ;

- elle est insuffisamment motivée en droit et en fait ;

- elle a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, faute d'avoir été prise après une analyse proportionnée aux enjeux et permettant d'évaluer les impacts de la modification envisagée ;

- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ; les modifications autorisées qui ont pour effet d'affecter la conception générale du projet initial et d'aggraver substantiellement les impacts de la construction sur l'environnement et dans les espaces proches ont un caractère substantiel et devaient faire l'objet d'une nouvelle autorisation environnementale ;

- elle a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article R. 122-7 du code de l'environnement en ce que l'unité foncière d'implantation du projet jouxte une commune limitrophe de celle de Marchéville, qui est intéressée au regard des incidences environnementales notables du projet sur son territoire, dont l'avis n'a pas été recueilli ;

- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation, en raison de la présence à moins de 650 mètres d'une école construite à Magny en mai 2015, postérieurement à l'arrêté du 23 octobre 2012.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 27 avril 2021 et 3 mai 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable ; le courrier du 19 février 2021 ne constitue pas une décision que les tiers sont susceptibles de contester ; les requérants ne justifient pas d'un intérêt à agir contre le courrier contesté ;

- aucun des moyens invoqués par les requérants n'est fondé.

Par un mémoire enregistré le 7 mai 2021, la société Parc éolien de Marchéville, représentée par la SELARL Gossement Avocats, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge des requérants la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable ; les requérants ne justifient pas d'un intérêt à agir contre la décision contestée ;

- aucun des moyens invoqués par les requérants n'est fondé.

Vu les pièces des dossiers.

Vu :

- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;

- le code de l'environnement ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,

- les observations de Me AS..., pour les requérants et celles de Me AF..., pour la société Parc éolien de Marchéville.

Considérant ce qui suit :

1. La société Recherches et développements éoliens, aux droits de laquelle sont venues la société EDP Renewables France, puis la société EDPR France Holding, puis actuellement la société Parc éolien de Marchéville, a déposé le 2 mars 2006 une demande de permis de construire pour un projet de parc éolien, sur le territoire de la commune de Marchéville. Par un arrêté du 11 juin 2007, le préfet d'Eure-et-Loir a rejeté cette demande. Par un arrêt du 9 mars 2012, la cour administrative d'appel de Nantes a annulé l'arrêté du 11 juin 2007 et a enjoint au préfet de statuer à nouveau sur la demande de permis de construire. Par un arrêté du 23 octobre 2012, le préfet de la région Centre a délivré le permis de construire demandé. Cet arrêté a été contesté par M. H... et autres et leur demande a été rejetée par un jugement du 17 décembre 2013 du tribunal administratif d'Orléans, confirmé par un arrêt du 6 octobre 2015 de la cour administrative d'appel de Nantes devenu définitif à la suite du rejet du pourvoi formé contre cet arrêt par une décision du 28 décembre 2016 du Conseil d'Etat statuant au contentieux. La société Parc éolien de Marchéville a déposé le 24 novembre 2017 un dossier, complété le 19 juin 2018, en vue de porter à la connaissance de la préfète d'Eure-et-Loir certaines modifications du projet de parc éolien. Le 4 octobre 2018, la préfète s'est prononcée sur ces modifications. Par la requête n° 19NT04626, M. H... et les autres requérants demandent l'annulation de cette décision du 4 octobre 2018. Par une décision du 19 février 2021, la préfète d'Eure-et-Loir a abrogé, à la demande de la société Parc éolien de Marchéville, la décision du 4 octobre 2018 et s'est prononcée, par une décision ayant la même portée, sur les modifications du projet de parc éolien. Par la requête n° 21NT01077, M. et Mme H... demandent l'annulation de cette décision du 19 février 2021.

2. Les deux requêtes qui concernent le même projet de parc éolien ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

3. Aux termes de l'article R. 425-29-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsqu'un projet d'installation d'éoliennes terrestres est soumis à autorisation environnementale en application du chapitre unique du titre VIII du livre Ier du code de l'environnement, cette autorisation dispense du permis de construire. ". Aux termes de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale : " Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le 1er mars 2017, sous réserve des dispositions suivantes : / 1° (...) les permis de construire en cours de validité à cette même date autorisant les projets d'installation d'éoliennes terrestres sont considérées comme des autorisations environnementales relevant du chapitre unique du titre VIII du livre Ier de ce code, avec les autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments énumérés par le I de l'article L. 181-2 du même code que les projets ainsi autorisés ont le cas échéant nécessités ; les dispositions de ce chapitre leur sont dès lors applicables, notamment lorsque ces autorisations sont contrôlées, modifiées, abrogées, retirées, renouvelées, transférées, contestées ou lorsque le projet autorisé est définitivement arrêté et nécessite une remise en état ; (...) ".

4. Il résulte de l'application de ces dispositions que l'arrêté du 23 octobre 2012 du préfet de la région Centre portant permis de construire le parc éolien de Marchéville, en cours de validité à la date du 1er mars 2017, est devenu une autorisation environnementale à compter de cette date.

5. Aux termes de l'article L. 181-14 du code de l'environnement : " Toute modification substantielle des activités, installations, ouvrages ou travaux qui relèvent de l'autorisation environnementale est soumise à la délivrance d'une nouvelle autorisation, qu'elle intervienne avant la réalisation du projet ou lors de sa mise en œuvre ou de son exploitation. / En dehors des modifications substantielles, toute modification notable intervenant dans les mêmes circonstances est portée à la connaissance de l'autorité administrative compétente pour délivrer l'autorisation environnementale dans les conditions définies par le décret prévu à l'article L. 181-32. / L'autorité administrative compétente peut imposer toute prescription complémentaire nécessaire au respect des dispositions des articles L. 181-3 et L. 181-4 à l'occasion de ces modifications, mais aussi à tout moment s'il apparaît que le respect de ces dispositions n'est pas assuré par l'exécution des prescriptions préalablement édictées. ". Aux termes de l'article R. 181-46 du même code : " I. - Est regardée comme substantielle, au sens de l'article L. 181-14, la modification apportée à des activités, installations, ouvrages et travaux soumis à autorisation environnementale qui : / 1° En constitue une extension devant faire l'objet d'une nouvelle évaluation environnementale en application du II de l'article R. 122-2 ; / 2° Ou atteint des seuils quantitatifs et des critères fixés par arrêté du ministre chargé de l'environnement ; / 3° Ou est de nature à entraîner des dangers et inconvénients significatifs pour les intérêts mentionnés à l'article L. 181-3. / La délivrance d'une nouvelle autorisation environnementale est soumise aux mêmes formalités que l'autorisation initiale. / II. - Toute autre modification notable apportée aux activités, installations, ouvrages et travaux autorisés, à leurs modalités d'exploitation ou de mise en œuvre ainsi qu'aux autres équipements, installations et activités mentionnés au dernier alinéa de l'article L. 181-1 inclus dans l'autorisation doit être portée à la connaissance du préfet, avant sa réalisation, par le bénéficiaire de l'autorisation avec tous les éléments d'appréciation. / S'il y a lieu, le préfet, après avoir procédé à celles des consultations prévues par les articles R. 181-18 et R. 181-21 à R. 181-32 que la nature et l'ampleur de la modification rendent nécessaires, fixe des prescriptions complémentaires ou adapte l'autorisation environnementale dans les formes prévues à l'article R. 181-45. ".

6. Par les décisions du 4 octobre 2018 et du 19 février 2021, la préfète d'Eure-et-Loir, se prononçant sur les modifications apportées par la société Parc éolien de Marchéville à son projet de parc éolien, a considéré que ces modifications ne sont pas substantielles. Elle doit être regardée comme ayant autorisé la société à procéder aux modifications projetées sans soumettre l'installation à la délivrance d'une nouvelle autorisation environnementale ni fixer de prescriptions complémentaires.

7. Il appartient au juge du plein contentieux des installations classées pour la protection de l'environnement d'apprécier le respect des règles relatives à la forme et à la procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation et celui des règles de fond régissant le projet en cause au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce, sous réserve du respect des règles d'urbanisme, qui s'apprécie au regard des circonstances de fait et de droit applicables à la date de l'autorisation. Les obligations relatives à la composition du dossier de demande d'autorisation d'une installation classée relèvent des règles de procédure. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances affectant ce dossier ne sont susceptibles de vicier la procédure et ainsi d'entacher d'irrégularité l'autorisation que si elles ont eu pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative. Eu égard à son office, le juge du plein contentieux des installations classées peut prendre en compte la circonstance, appréciée à la date à laquelle il statue, que de telles irrégularités ont été régularisées.

8. En premier lieu, la décision du 4 octobre 2018 a été signée, pour la préfète d'Eure-et-Loire et par délégation, par Mme AH..., chef du bureau des procédures environnementales. Si, par l'arrêté n° 31/2018 du 11 septembre 2018, la préfète d'Eure-et-Loir a donné délégation à Mme AH... à l'effet de signer " les diverses correspondances relatives à l'instruction des dossiers d'ICPE : récépissés de déclaration, demandes de compléments de dossiers, décisions d'opportunité, bénéfice d'antériorité, traitement des plaintes, organisation des enquêtes publiques du domaine des ICPE, sanctions administratives liées au non-respect de la réglementation ", la décision du 4 octobre 2018 ne fait pas partie des " diverses correspondances " énumérées par l'article 9 de l'arrêté du 11 septembre 2018. Dans ces conditions, la décision du 4 octobre 2018 est entachée d'un vice d'incompétence. Toutefois, à la suite de la lettre du 24 novembre 2020 de la cour invitant les parties à présenter leurs observations sur l'application des dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, la préfète d'Eure-et-Loir a pris, le 19 février 2021, une décision par laquelle elle a abrogé la décision du 4 octobre 2018 et s'est prononcée, par une décision ayant la même portée, sur les modifications de la société Parc éolien de Marchéville concernant son projet de parc éolien. Cette décision du 19 février 2021, signée par le secrétaire général de la préfecture, a été prise par une autorité compétente et a, dès lors, régularisé le vice d'incompétence dont était entachée la décision du 4 octobre 2018. Par suite, le moyen tiré du vice d'incompétence doit être écarté.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article. L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui: / (...) 3° Subordonnent l'octroi d'une autorisation à des conditions restrictives ou imposent des sujétions ; ".

10. Les décisions attaquées ne peuvent être regardées comme subordonnant l'octroi d'une autorisation à des conditions restrictives ou imposant des sujétions au sens du 3° de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, elles ne sont pas au nombre des actes qui doivent être motivés. Il s'ensuit que les requérants ne peuvent utilement soutenir que ces décisions ne comportent pas de motivation en droit et en fait. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit, dès lors, être écarté.

11. En troisième lieu, le dossier déposé le 23 novembre 2017 et complété le 19 juin 2018 présente très précisément les modifications du parc éolien projetées et comprend quatre études intitulées " complément architectural ", " complément paysager ", " complément acoustique " et " complément biodiversité ". Il précise, en outre, page 14, que le service national d'ingénierie aéroportuaire (SNIA) Ouest de la direction générale de l'aviation civile, consulté le 11 août 2017, a répondu le 28 août 2017 n'avoir aucune objection vis-à-vis des modifications apportées au projet de parc éolien. Par ailleurs, le dossier comporte des précisions quant aux déplacements des éoliennes E1, E3 et E4, respectivement de 5 mètres, 6 mètres et 5 mètres et montre que ces déplacements n'entraînent aucune élévation de la hauteur sommitale des éoliennes dans la mesure où tant la hauteur totale, pale incluse, que l'altimétrie des emplacements sont inchangées. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le dossier ne procède pas à une analyse proportionnée des enjeux permettant d'évaluer les impacts des modifications au regard des nuisances sonores, des perturbations sur les radars et la navigation aérienne du paysage, du patrimoine et de la biodiversité. Leur moyen tiré de ce que les décisions attaquées ont été prises à l'issue d'une procédure irrégulière, en raison du caractère incomplet du dossier de porter-à-connaissance, doit donc être écarté.

12. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 181-46 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue du décret du 26 janvier 2017 : " I. - Est regardée comme substantielle, au sens de l'article L. 181-14, la modification apportée à des activités, installations, ouvrages et travaux soumis à autorisation environnementale qui : / 1° En constitue une extension devant faire l'objet d'une nouvelle évaluation environnementale en application du II de l'article R. 122-2 ; / 2° Ou atteint des seuils quantitatifs et des critères fixés par arrêté du ministre chargé de l'environnement ; / 3° Ou est de nature à entraîner des dangers et inconvénients significatifs pour les intérêts mentionnés à l'article L. 181-3. (...) ".

13. Il ressort des pièces du dossier que le permis de construire du 23 octobre 2012, devenu autorisation environnementale, porte sur un parc comprenant six éoliennes de 2 MW, chacune, composées d'un mât de 80 mètres et de pales de 45 mètres de longueur ainsi qu'un poste de livraison et un local technique, sur le territoire de la commune de Marchéville. Les modifications projetées par la société Parc éolien de Marchéville dans son dossier présenté le 24 novembre 2017, complété le 19 juin 2018, qui s'expliquent par les évolutions techniques intervenues depuis l'origine du projet en 2006, consistent en un changement du type d'éolienne d'une puissance de 2.2 MW chacune, composée d'un mât de 75 mètres et de pales de 50 mètres, soit une hauteur totale en bout de pale inchangée de 125 mètres, en un déplacement de 5 à 6 mètres de trois des six éoliennes pour tenir compte de l'allongement des pales et en la modification de la longueur du poste de livraison et du local technique passant, respectivement, de 7,26 à 9 mètres et de 6,5 à 9 mètres. Ces modifications, qui sont de faible ampleur, n'ont pour effet ni d'aggraver l'impact visuel du projet initial autorisé dans les espaces proches ni ses impacts sur l'environnement. Ces modifications ne sont, dès lors, pas de nature à entraîner des dangers et inconvénients significatifs pour les intérêts mentionnés à l'article L. 181-3 du code de l'environnement. Par suite, le moyen tiré de ce que ces modifications présenteraient un caractère substantiel au sens de l'article R. 181-46 du code de l'environnement ne peut être accueilli.

14. En cinquième lieu, aux termes du I de l'article R. 122-7 du code de l'environnement, dans sa rédaction alors applicable : " L'autorité compétente pour prendre la décision d'autorisation du projet transmet pour avis le dossier comprenant l'étude d'impact et le dossier de demande d'autorisation aux autorités mentionnées au V de l'article L. 122-1. Outre la ou les communes d'implantation du projet, l'autorité compétente peut également consulter les collectivités territoriales et leurs groupements intéressés au regard des incidences environnementales notables du projet sur leur territoire. (...) ".

15. Les décisions attaquées ne constituent pas une nouvelle autorisation environnementale. Le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article R. 122-7 du code de l'environnement auraient été méconnues doit donc être écarté comme inopérant.

16. En sixième lieu, si les requérants soutiennent que la préfète d'Eure-et-Loir n'a pas pris en compte la présence d'une école publique construite en 2015 à moins de 650 mètres d'une des éoliennes, ce moyen n'est pas assorti de précisions suffisantes quant aux risques ou inconvénients présentés par ces installations implantées à une distance de 650 mètres et doit, en tout état de cause, être écarté.

17. En septième lieu, il ne résulte pas de l'instruction, notamment du constat d'huissier daté de 2014 et de la photographie non datée produite que, compte tenu des modifications projetées, notamment du déplacement des trois éoliennes, le parc serait en situation de covisibilité avec la cathédrale de Chartres. Enfin, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme et du schéma de cohérence territorial du Pays de Combray et du Pays Courvillois, approuvé en 2014, sont inopérants à l'encontre des décisions litigieuses, lesquelles, ainsi qu'il a été dit, ne constituent pas de nouvelles autorisations environnementales.

18. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées en défense, que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation des décisions des 4 octobre 2018 et 19 février 2021 de la préfète d'Eure-et-Loir.

Sur les frais de l'instance :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat et de la société Parc éolien de Marchéville, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, le versement aux requérants de la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge des requérants la somme que la société Parc éolien de Marchéville demande au titre des mêmes frais.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes n°s 19NT04626 et 21NT01077 présentées par M. H... et autres sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Parc éolien de Marchéville au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. P... H..., représentant unique désigné par la société d'avocats AS...-CH..., à la société Parc éolien de Marchéville et à la ministre de la transition écologique.

Copie en sera adressée pour information à la préfète d'Eure-et-Loir.

Délibéré après l'audience du 2 juillet 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de la formation de jugement,

- M. Frank, premier conseiller,

- Mme Ody, première conseillère.

Lu en audience publique le 20 juillet 2021.

La rapporteure,

C. B...

La présidente de la formation de jugement,

C. BUFFET

La greffière,

C. POPSE

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

.

3

N°s 19NT04626, 21NT01077


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT04626,21NT01077
Date de la décision : 20/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: Mme Cécile ODY
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : SCP DELVOLVE TRICHET

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-07-20;19nt04626.21nt01077 ?
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