Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté son recours formé contre la décision du 4 novembre 2019 des autorités consulaires françaises en poste à Tunis rejetant la demande de visa de long séjour qu'il avait présentée en qualité de conjoint d'une ressortissante française.
Par un jugement n° 2006131 du 1er février 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 23 mars 2021, M. A... D..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 1er février 2021 ;
2°) d'annuler la décision contestée ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de réexaminer sa demande ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa situation n'a pas fait l'objet d'un réel examen ;
- en estimant qu'il constituait une menace pour l'ordre public, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a commis une erreur manifeste d'appréciation ;
- sa demande de visa a été formée après l'expiration de la durée d'interdiction de retour sur le territoire français qui lui avait été opposée en février 2018 ;
- le refus de visa méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juin 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- les moyens soulevés par M. A... D... ne sont pas fondés ;
- le mariage a été contracté à des fins étrangères à l'union matrimoniale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... D..., ressortissant tunisien née en 1991, a épousé le 12 février 2019 une ressortissante française. Les autorités diplomatiques françaises en poste à Tunis ont refusé, le 4 novembre 2019, de lui délivrer un visa de long séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française. Le recours formé contre cette décision a été implicitement rejeté par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France. M. A... D... relève appel du jugement du 1er février 2021 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 13 novembre 2019.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Il ressort des écritures du ministre de l'intérieur présentées devant le tribunal administratif de Nantes que la décision contestée est fondée sur la menace à l'ordre public que représenterait M. A... D....
3. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment pas de la circonstance que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours du requérant par une décision implicite que cette commission n'aurait pas, en l'espèce, procédé à un examen particulier du recours de M. A... D....
4. En deuxième lieu, aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 211-2-1, alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le visa de long séjour ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public. Le visa de long séjour est délivré de plein droit au conjoint de Français qui remplit les conditions prévues au présent article. ". S'il appartient, en principe, aux autorités consulaires de délivrer au conjoint d'une ressortissante française le visa nécessaire pour que les époux puissent mener en France une vie familiale normale, des motifs tirés de la nécessité de préserver l'ordre public peuvent justifier légalement un refus de visa.
5. M. A... D..., entré irrégulièrement sur le territoire français, a, entre 2013 et 2015, été l'auteur de faits constitutifs de diverses infractions à la législation relative aux stupéfiants ainsi que de violence sur une personne dépositaire de l'autorité publique et de rébellion. Il a, d'ailleurs, été condamné à raison de ces faits à une peine de huit mois d'emprisonnement dont six mois avec sursis, postérieurement révoqué, puis à une peine de quatre mois d'emprisonnement. Après avoir exécuté sa peine puis été éloigné du territoire français en juin 2016, le requérant, qui, par ailleurs, a fait usage d'une fausse identité, est de nouveau entré de manière irrégulière sur le territoire français. Par un arrêté du 16 février 2018, le préfet du Bas-Rhin l'a obligé à quitter le territoire français et a assorti cette mesure d'éloignement d'une interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans. A supposer même que, comme le soutient le requérant, la mesure d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans prononcée à son encontre le 16 février 2018 était expirée à la date de la décision implicite en litige, eu égard à la nature ainsi qu'au caractère répété et relativement récent des faits ci-dessus mentionnés, en estimant que M. A... D... constituait une menace pour l'ordre public, la commission de recours n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 211-2-1, alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. Il ressort des pièces du dossier que M. A... D... et son épouse, ressortissante française, ont eu une fille, également de nationalité française, née le 8 mai 2019. Si le requérant soutient qu'il n'est pas établi que son épouse pourrait séjourner en Tunisie, il n'apporte aucun élément de nature à démontrer l'impossibilité pour l'intéressée de séjourner, sinon de s'établir, en Tunisie. Les copies de passeport de cette dernière produites devant le tribunal révèlent au demeurant qu'elle y a séjourné du 10 juillet au 4 septembre 2019 puis du 7 octobre au 18 novembre 2019. Les pièces versées aux débats ne permettent pas d'établir que, à la date de la décision contestée, elle exerçait en France une activité professionnelle. Compte-tenu de la nature de la menace, évoquée au point 5, que présente M. A... D... pour l'ordre public, l'atteinte que porte la décision contestée à son droit et à celui de son épouse au respect de leur vie privée et familiale n'est pas disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise.
8. En dernier lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
9. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le refus de visa opposé à M. A... D... méconnaîtrait, en l'espèce, l'intérêt supérieur de sa fille.
10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la demande de substitution de motifs présentée par le ministre de l'intérieur, que M. A... D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur le surplus des conclusions :
11. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction présentées par le requérant ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... D... est rejetée.
Article 2: Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... D... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 6 juillet 2021, à laquelle siégeaient :
M. Pérez, président de chambre,
Mme Douet, présidente assesseure,
Mme E..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 juillet 2021.
La rapporteure,
K. E...
Le président,
A. PEREZLa greffière,
A. LEMEE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT00841