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16/07/2021 | FRANCE | N°20NT03209,20NT03213

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 16 juillet 2021, 20NT03209,20NT03213


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... H... et Mme E... H..., née A... B..., ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler les arrêtés du 25 mai 2020 du préfet du Calvados refusant de renouveler leurs titres de séjour respectifs, les obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Par un jugement n°s2001078, 2001079 du 1er octobre 2020, le tribunal administratif de Caen a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I - Par une requête enr

egistrée sous le numéro 20NT03209 le 8 octobre 2020 Mme H..., représenté par Me C..., demande...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... H... et Mme E... H..., née A... B..., ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler les arrêtés du 25 mai 2020 du préfet du Calvados refusant de renouveler leurs titres de séjour respectifs, les obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Par un jugement n°s2001078, 2001079 du 1er octobre 2020, le tribunal administratif de Caen a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I - Par une requête enregistrée sous le numéro 20NT03209 le 8 octobre 2020 Mme H..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 1er octobre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 25 mai 2020 pris à son encontre ;

3°) d'enjoindre au préfet du Calvados, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour d'un an portant la mention " étudiant " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, le tout dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 mars 2021, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués par Mme H... ne sont pas fondés.

II - Par une requête enregistrée sous le numéro 20NT03213 le 8 octobre 2020 M. H..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 1er octobre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 25 mai 2020 pris à son encontre ;

3°) d'enjoindre au préfet du Calvados, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour d'un an portant la mention " étudiant " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, le tout dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

Il invoque les mêmes moyens que dans l'instance susvisée.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 mars 2021, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.

Il s'en rapporte à ses écritures de première instance.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 31 décembre 2002 modifiant et complétant l'arrêté du 27 décembre 1983 fixant le régime des bourses accordées aux étrangers boursiers du Gouvernement français ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme H..., ressortissants nigériens nés les 14 avril 1991 et 18 août 1996, sont entrés en France respectivement les 11 août 2015 et 3 octobre 2018 sous couvert de visas D valant titres de séjour en qualité d'étudiants et valables jusqu'au 24 juillet 2016 pour le requérant et jusqu'au 26 novembre 2019 pour la requérante. Sous le même statut, M. H... a obtenu le renouvellement de son titre de séjour puis la délivrance d'une carte de séjour pluriannuelle valable jusqu'au 30 septembre 2019. M. et Mme H... ont sollicité le renouvellement de leurs titres de séjour respectivement les 13 mars 2020 et 27 novembre 2019. Par deux arrêtés du 25 mai 2020, le préfet du Calvados a rejeté leurs demandes, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par les requêtes n° 20NT03209 et 20NT03213, qu'il y a lieu de joindre, M. et Mme H... relèvent appel du jugement du 1er octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté leurs demandes respectives tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes du I de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention "étudiant" (...) ".

En ce qui concerne l'arrêté pris à l'encontre de Mme H... :

3. Aux termes du I de l'article R. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du I de l'article L. 313-7, l'étranger qui demande la carte de séjour portant la mention "étudiant" ou "étudiant-programme de mobilité" doit présenter, outre les pièces mentionnées aux articles R. 311-2-2 et R. 313-1, les pièces suivantes : / 1° La justification qu'il dispose de moyens d'existence, correspondant au moins au montant de l'allocation d'entretien mensuelle de base versée, au titre de l'année universitaire écoulée, aux boursiers du Gouvernement français (...) ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 31 décembre 2002 modifiant et complétant l'arrêté du 27 décembre 1983 fixant le régime des bourses accordées aux étrangers boursiers du Gouvernement français : " Le montant de l'allocation d'entretien prévue à l'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 1983 susvisé est fixé à 615 euros par mois ". Pour l'application de ces dispositions, il appartient à l'administration saisie d'une demande de carte de séjour présentée par un étranger en qualité d'étudiant de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, à partir de l'ensemble du dossier, si l'intéressé dispose, à la date à laquelle elle statue, des moyens d'existence suffisants lui permettant de vivre et d'étudier en France. Les moyens visés par les dispositions susmentionnées comprennent les ressources de toute nature dès lors qu'elles ne proviennent pas d'une activité illicite.

4. Pour refuser la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étudiant à Mme H..., le préfet du Calvados s'est fondé, d'une part, sur l'absence de caractère réel et sérieux de ses études et, d'autre part, sur l'insuffisance de ses ressources. Par le jugement attaqué, qui n'est pas contesté sur ce point par le préfet, le tribunal a estimé que, l'intéressée ayant validé une première année de licence à l'issue de l'année 2019 - 2020 après un échec en BTS, le préfet n'avait pu légalement fonder sa décision sur le premier de ces motifs. En revanche, les premiers juges ont considéré que le préfet n'avait pas commis d'erreur d'appréciation en rejetant la demande de la requérante en raison de l'insuffisance de ses ressources.

5. Il ressort des pièces du dossier et notamment de l'avis d'imposition établi en 2020 et produit pour la première fois en appel, que les revenus perçus en 2019 par le foyer fiscal de M. et Mme H... s'élèvent à un montant de 24 199 euros. Les intéressés justifient également avoir perçu du centre régional des oeuvres universitaires et scolaires de Normandie des ressources pour un montant de 3 305 euros pour la période courant de janvier à avril 2020. Ils démontrent ainsi, sans qu'il y ait lieu de déduire de ces revenus les remboursements d'un emprunt étudiant antérieur et sans même qu'y soient intégrés notamment les versements ponctuels émanant de tiers et figurant au crédit de leurs comptes bancaire mais dont l'origine ou la nature ne sont pas clairement identifiées, ainsi que les sommes versées par la caisse d'allocations familiales au titre de la prestation d'accueil du jeune enfant ou de l'aide personnalisée au logement que chacun des requérants disposait, au cours d'une période annuelle précédant la décision contestée, de moyens d'existence atteignant une moyenne mensuelle d'environ 725 euros, laquelle est supérieure au seuil de 615 euros fixé à l'article 1er de l'arrêté du 31 décembre 2002 précité. Par suite, c'est à tort, que pour rejeter sa demande, les premiers juges ont estimé qu'elle ne disposait pas de moyens d'existence suffisants pour se voir délivrer un titre de séjour portant la mention "étudiant".

6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme H... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour et, par voie de conséquence celles tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de renvoi, contenues dans l'arrêté du 25 mai 2020 pris à son encontre par le préfet du Calvados.

En ce qui concerne l'arrêté pris à l'encontre de M. H... :

S'agissant du refus de titre de séjour :

7. Il y a lieu d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont serait entachée la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. H... par adoption des motifs circonstanciés retenus à bon droit par les premiers juges et tenant à l'absence de justification du caractère réel et sérieux des études poursuivies par l'intéressé.

8. Si M. H... fait valoir que le refus de lui délivrer un titre de séjour portant la mention "étudiant", pris avant les résultats de ses examens passés en mai 2020, l'empêche de poursuivre sa formation, l'intéressé n'a pas justifié du caractère réel et sérieux des études poursuivies à la date de la décision contestée et, alors qu'il s'est inscrit en février 2020 dans une formation censée ne lui procurer un diplôme qu'en 2022, selon ses déclarations, n'a pas davantage justifié des résultats obtenus aux examens qu'il invoque. Par ailleurs, le risque de précarité qu'invoque le requérant du fait de l'impossibilité de travailler ne suffit pas faire regarder la décision contestée, eu égard à son objet, comme entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

9. Dans ces conditions, et alors même que l'intéressé dispose de ressources suffisantes au sens et pour l'application de l'article R. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet a pu refuser de procéder au renouvellement du titre de séjour en qualité d'étudiant dont disposait M. H....

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire :

10. Le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait entachée d'une insuffisance de motivation doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

11. Eu égard à ce qui a été dit au point 8, M. H... n'établit pas, en se bornant à se prévaloir d'une impossibilité de mener à son terme son projet d'études, que la décision l'obligeant à quitter le territoire français serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

12. Compte tenu de l'absence d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, M. H... ne saurait exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de sa contestation de la décision fixant le pays de renvoi.

13. Il résulte de ce qui précède que M. H... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

14. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".

15. Le présent arrêt, en tant qu'il rejette les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté pris à l'encontre de M. H..., n'implique aucune mesure particulière d'exécution. Par suite, les conclusions présentées par l'intéressé à fin d'injonction sous astreinte ne peuvent qu'être rejetées. En revanche, il résulte nécessairement du présent arrêt, eu égard au motif d'annulation de l'arrêté pris à l'encontre de Mme H..., et sous réserve d'un changement dans la situation de droit ou de fait de l'intéressée, qu'il y a lieu d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " étudiant " dans un délai qu'il convient de fixer à deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas partie perdante dans l'instance n°20NT03213, la somme que demande M. H... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

17. Le bénéfice de l'aide juridictionnelle ayant été refusé à Mme H..., ses conclusions fondées sur les dispositions de l'article 37 de la loi du

10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées. Il y a lieu toutefois, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par Mme H... et non compris dans les dépens sur le fondement de l'article L. 7611 du code de justice administrative.

D E C I D E

Article 1er : Le jugement n°s 2001078, 2001079 du 1er octobre 2020 du tribunal administratif de Caen, en tant qu'il rejette la demande de Mme H..., ainsi que l'arrêté du 25 mai 2020 du préfet du Calvados pris à l'encontre de cette dernière sont annulés.

Article 2 Il est enjoint au préfet du Calvados de délivrer à Mme H... un titre de séjour portant la mention " étudiant " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sous réserve de changement dans les circonstances de fait ou de droit

Article 3 L'Etat versera à Mme H... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 Le surplus des conclusions de la requête de Mme H... est rejeté.

Article 5 : La requête n°20NT03213 de M. H... est rejetée.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... H..., née A... B..., à M. F... H... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience du 1er juillet 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, présidente,

- Mme D..., présidente-assesseure,

- Mme G..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition du greffe le 16 juillet 2021.

La rapporteure

C. D... La présidente

I. Perrot

Le greffier,

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Nos 20NT03209, 20NT0320132


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT03209,20NT03213
Date de la décision : 16/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PERROT
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : BLACHE

Origine de la décision
Date de l'import : 27/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-07-16;20nt03209.20nt03213 ?
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