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13/07/2021 | FRANCE | N°20NT02442

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 13 juillet 2021, 20NT02442


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Murlaur a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 18 mars 2019 par laquelle la ministre du travail a retiré la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique, a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 17 mai 2018 et a refusé le licenciement pour motif économique de Mme B..., d'annuler la décision du 17 mai 2018 de l'inspecteur du travail d'autoriser le licenciement pour motif économique de Mme B... et de mettre à

la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Murlaur a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 18 mars 2019 par laquelle la ministre du travail a retiré la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique, a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 17 mai 2018 et a refusé le licenciement pour motif économique de Mme B..., d'annuler la décision du 17 mai 2018 de l'inspecteur du travail d'autoriser le licenciement pour motif économique de Mme B... et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1901413 du 2 juillet 2020, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 août 2020, la SAS Murlaur, représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation en ce que les juges ont considéré, à tort, qu'elle n'a pas satisfait à son obligation de reclassement ;

- le motif économique lié à la cessation d'activité et à la suppression de tous les postes de l'entreprises était justifié, ce que le tribunal n'a pas contesté ;

- la décision ministérielle du 18 mars 2019 n'est pas motivée en droit, en méconnaissance des exigences des articles R. 2421-5 et R. 2421-12 du code du travail, interprétés à la lumière des circulaires du 28 septembre 1997 relative à la motivation des actes administratifs et DGT 07-2012 du 30 juillet 2012, dès lors que les précisions estimées manquantes par la ministre ne sont pas imposées par le code du travail ou la jurisprudence ;

- elle est également insuffisamment motivée en ce qu'elle ne porte pas la mention de l'absence de rapport entre le mandat détenu et l'autorisation de licenciement ;

- elle a satisfait à toutes ses obligations en matière de reclassement dès lors qu'elle a sollicité toutes les entreprises du secteur d'activité du groupe supervisant des points de vente en portage sur la région parisienne et dans les autres régions et a sollicité, dans un rayon de trente kilomètres, les points de vente indépendants sous enseigne Intermarché et les points de vente sous d'autres enseignes de la distribution ; contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, les recherches de postes disponibles n'ont pas à être assorties du profil personnalisé des salariés ; en tout état de cause, les courriers du 2 février 2018 comportaient l'intitulé du poste, la durée de travail, la classification ainsi que la catégorie d'emploi correspondant aux fonctions de Mme B....

Par un mémoire, enregistré le 14 décembre 2020, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir qu'elle s'en remet à ses écritures de première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant la SAS Murlaur.

Considérant ce qui suit :

1. En raison de la cessation totale et définitive de l'activité de l'entreprise, la SAS Murlaur, rachetée en 2012 par la société ITM Alimentaire Région parisienne appartenant au groupe Les Mousquetaires, a sollicité l'autorisation de licencier Mme B..., qui occupait le poste de responsable du secteur frais du magasin alimentaire implanté à Neuville-aux-Bois (Loiret) et était salariée protégée en qualité de déléguée du personnel. Par une décision du 17 mai 2018, l'inspecteur du travail compétent de l'unité territoriale du Loiret de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Centre-Val de Loire a refusé d'autoriser le licenciement de Mme B..., au motif que la demande ne permettait pas de caractériser les difficultés économiques du secteur d'activité du groupe ITM Entreprises Les Mousquetaires. Saisie sur recours hiérarchique formé par la SAS Murlaur, la ministre du travail a, par une décision du 18 mars 2019, retiré sa décision implicite de rejet et annulé la décision de l'inspecteur du travail du 17 mai 2018 en raison de son insuffisante motivation. Elle a alors refusé le licenciement de Mme B... aux motifs que, si le motif économique est établi, l'employeur n'avait pas satisfait à son obligation de recherche loyale de reclassement et n'avait pas procédé à un examen particulier de la situation professionnelle de l'intéressée. La société a sollicité du tribunal administratif d'Orléans l'annulation des décisions du 17 mai 2018 de l'inspecteur du travail et du 18 mars 2019 de la ministre du travail. La SAS Murlaur relève appel du jugement du 2 juillet 2020 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Si la société requérante soutient que les premiers juges ont commis des erreurs de droit ou d'appréciation dans l'analyse des moyens qu'elle a présentés devant le tribunal administratif, cette critique qui porte sur le bien-fondé de l'appréciation portée par les premiers juges demeure sans incidence sur la régularité du jugement attaqué.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne le moyen tiré de l'insuffisante motivation :

3. D'une part, la décision du 18 mars 2019 vise le code du travail et indique, avant d'examiner le caractère sérieux des efforts de reclassement de la société, que " la recherche par l'employeur des possibilités de reclassement du salarié doit s'effectuer sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les entreprises du groupe dont elle fait partie et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel ; une recherche sérieuse impose en outre à l'employeur un examen particulier de la situation professionnelle de l'intéressé lui permettant ainsi de communiquer aux entités à solliciter des informations complètes et, le cas échéant, de lui proposer des offres de reclassement écrites, précises, concrètes et personnalisées ". Ce faisant, quand bien même elle ne mentionne pas expressément l'article L. 1233-4 du code du travail portant sur les obligations d'adaptation et de reclassement, elle expose clairement les motifs de droit qui ont fondé l'analyse ayant conduit l'administration à estimer que l'employeur n'avait pas satisfait à son obligation de recherche de reclassement et à refuser, pour ce motif, d'autoriser le licenciement de Mme B.... Si la société requérante soutient que les précisions estimées manquantes par la ministre dans les courriers du 2 février 2018 ne sont pas imposées par le code du travail ou la jurisprudence, cette argumentation, relative au bien-fondé du motif de la décision ministérielle contestée, est sans incidence sur le respect, par l'administration, de son obligation formelle de motivation. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation en droit sur ce point de la décision du 18 mars 2019 doit être écarté.

4. D'autre part, ainsi qu'il a été rappelé au point 1, la ministre du travail a motivé son refus d'autorisation de licenciement sur la circonstance que l'employeur n'avait pas satisfait à son obligation de recherche de reclassement. Ayant suffisamment motivé en fait ainsi qu'en droit ainsi qu'il a été dit au point précédent, sa décision sur ce point, elle n'était pas tenue de se prononcer en outre sur la question du lien entre le licenciement et le mandat détenu par Mme B.... Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision contestée en ce qu'elle ne faisait pas mention de l'absence de lien entre le mandat détenu et le licenciement doit être également écarté.

En ce qui concerne l'obligation de reclassement :

5. Aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. / Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce. / Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. / L'employeur adresse de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salarié ou diffuse par tout moyen une liste des postes disponibles à l'ensemble des salariés, dans des conditions précisées par décret. / Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises. ". Pour satisfaire à l'obligation de reclassement interne de ses salariés qui lui incombe dans le cadre de licenciements économiques, l'employeur doit procéder à un examen individuel des possibilités de reclassement au sein des entreprises appartenant au même groupe que son entreprise.

6. Il ressort des pièces du dossier que, pour remplir son obligation de reclassement, la SAS Murlaur s'est bornée à envoyer aux différentes sociétés appartenant au groupe Les Mousquetaires un courrier leur demandant de lui indiquer si certains des points de vente portés dans leur région étaient actuellement en phase de recrutement et si des postes étaient disponibles. Ces courriers, qui ne comportaient aucune information sur l'identité des salariés concernés, listaient de manière générale les divers postes des salariés concernés par les suppressions de poste en précisant, outre les fonctions, si ces fonctions étaient occupées à temps complet ou partiel ainsi que le statut correspondant aux postes ainsi listés (employé, agent de maîtrise, cadre). Il n'est pas contesté, ainsi que le fait valoir l'administration en défense, que l'employeur n'a organisé aucune rencontre avec la salariée ou pris de mesures afin de faire le point de façon individualisée sur sa situation professionnelle. Par suite, cette seule démarche de recherche générale, qui n'a pas procédé à l'examen individuel de la situation de Mme B... en vue d'assurer son reclassement, ne satisfait pas à l'obligation prévue par les dispositions de l'article L. 1233-4 du code du travail, rappelées au point 5. Dans ces conditions, la ministre du travail, qui n'a pas commis d'erreur d'appréciation, était fondée à refuser pour ces motifs la demande d'autorisation de licencier Mme B... pour motif économique présentée par la SAS Murlaur

7. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Murlaur n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à la SAS Murlaur de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Murlaur est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Murlaur, à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion et à Mme F... B....

Délibéré après l'audience du 25 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Coiffet, président,

- Mme A..., première conseillère,

- Mme E..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juillet 2021.

La rapporteure,

F. E...Le président,

O. COIFFET

La greffière,

P. CHAVEROUX

La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 20NT02442 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT02442
Date de la décision : 13/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. COIFFET
Rapporteur ?: Mme Fanny MALINGUE
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : SELAS BARTHELEMY AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-07-13;20nt02442 ?
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