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09/07/2021 | FRANCE | N°21NT00857

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 09 juillet 2021, 21NT00857


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les deux arrêtés du 5 février 2021 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire, d'une part, a décidé son transfert aux autorités italiennes, d'autre part, l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 2101539 du 16 février 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 mars 2021, M. B... C..., représenté par Me D..., demande à la cour :


1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 16 février 2021 ;

2°) d'annuler les ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les deux arrêtés du 5 février 2021 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire, d'une part, a décidé son transfert aux autorités italiennes, d'autre part, l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 2101539 du 16 février 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 mars 2021, M. B... C..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 16 février 2021 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 5 février 2021 du préfet de Maine-et-Loire décidant son transfert aux autorités italiennes et l'assignant à résidence ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de lui délivrer un récépissé de demande d'asile dans le délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai, et, subsidiairement, de statuer à nouveau sur sa situation dans les mêmes conditions ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

en ce qui concerne l'arrêté de transfert :

- il n'est pas suffisamment motivé ;

- il est intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière en méconnaissance des dispositions des articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le préfet a méconnu les articles 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne eu égard aux défaillances du système d'accueil des demandeurs d'asile en Italie et à sa situation personnelle ;

- l'arrêté est entaché d'une application manifestement erronée de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 qui permet de déroger aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile ;

- il est intervenu en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

en ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant réadmission en Italie ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et en l'absence d'examen de sa situation personnelle dès lors notamment qu'il réside en Vendée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juin 2021, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

M. B... C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision de la présidente du bureau d'aide juridictionnelle du 7 juin 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., se présentant comme un ressortissant afghan né le 10 février 1996, déclare être entré irrégulièrement en France le 29 novembre 2020 où il a sollicité l'asile le 2 décembre suivant auprès du préfet de la Loire-Atlantique. La consultation du fichier Eurodac a révélé qu'il avait franchi irrégulièrement les frontières de l'Italie le 5 octobre précédent. Le 3 décembre 2020, le préfet a saisi les autorités italiennes d'une demande de transfert. Le silence gardé pendant deux mois sur cette demande a fait naître une décision implicite d'acceptation le 3 février 2021, en application de l'article 22.7 du règlement (UE) n° 604/2013. Par des arrêtés du 5 février 2021 le préfet de Maine-et-Loire a ordonné le transfert de M. C... en Italie et l'a assigné à résidence pour une durée de 45 jours. Par un jugement du 16 février 2021 dont M. C... relève appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation de ces deux arrêtés.

Sur la décision de transfert :

2. En premier lieu, en vertu du paragraphe 1 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, lorsqu'une telle demande est présentée, un seul Etat, parmi ceux auxquels s'applique ce règlement, est responsable de son examen. Cet Etat, dit Etat membre responsable, est déterminé en faisant application des critères énoncés aux articles 7 à 15 du chapitre III du règlement ou, lorsqu'aucun Etat membre ne peut être désigné sur la base de ces critères, du premier alinéa du paragraphe 2 de l'article 3 de son chapitre II. Si l'Etat membre responsable est différent de l'Etat membre dans lequel se trouve le demandeur, ce dernier peut être transféré vers cet Etat, qui a vocation à le prendre en charge. Lorsqu'une personne a antérieurement présenté une demande d'asile sur le territoire d'un autre Etat membre, elle peut être transférée vers cet Etat, à qui il incombe de la reprendre en charge, sur le fondement des b), c) et d) du paragraphe 1 de l'article 18 du chapitre V et du paragraphe 5 de l'article 20 du chapitre VI de ce même règlement.

3. En application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application. Ainsi, doit notamment être regardée comme suffisamment motivée, s'agissant d'un étranger en provenance d'un pays tiers ou d'un apatride ayant, au cours des douze mois ayant précédé le dépôt de sa demande d'asile, pénétré irrégulièrement au sein de l'espace Dublin par le biais d'un Etat membre autre que la France, la décision de transfert à fin de prise en charge qui, après avoir visé le règlement, fait référence à la consultation du fichier Eurodac sans autre précision, une telle motivation faisant apparaître que l'Etat responsable a été désigné en application du critère énoncé à l'article 13.1 du chapitre III du règlement.

4. Au cas d'espèce la décision de transfert de M. C... vise le règlement applicable et mentionne que la consultation du fichier Eurodac a révélé qu'il était entré irrégulièrement au sein de l'espace Dublin par l'Italie, dans les douze mois précédant sa demande d'asile en France. Cette motivation fait apparaître que l'Etat responsable a été désigné en application du critère énoncé à l'article 13.1 du chapitre III du règlement. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée serait insuffisamment motivée.

5. En deuxième lieu, le requérant reprend en appel les moyens invoqués en première instance tirés de la méconnaissance des articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Il y a lieu d'écarter ces moyens par les mêmes motifs que ceux retenus à bon droit par le premier juge aux points 7 et 9 du jugement attaqué.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable (...) ". Par ailleurs, l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne dispose que : " Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

7. M. C... fait état de l'existence de défaillances affectant les conditions d'accueil et de prise en charge des demandeurs d'asile en Italie alors que son état de santé nécessite une prise en charge médicale. Cependant, les documents qu'il produit à l'appui de ces affirmations ne permettent pas de tenir pour établi que sa demande d'asile, y compris au regard des garanties dont il doit bénéficier en qualité de demandeur d'asile, serait exposée à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, alors que l'Italie est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ainsi, il n'est pas établi que la décision de transfert méconnaîtrait l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ou les dispositions de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...)".

9. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Maine-et-Loire n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. C.... La circonstance qu'il présente des douleurs à une oreille, qui auraient donné lieu à des soins en France, ne suffit pas à démontrer qu'il se trouve dans une situation d'exceptionnelle vulnérabilité imposant d'instruire sa demande d'asile en France. Dans ces conditions, il n'est pas établi que le préfet de Maine-et-Loire aurait entaché sa décision de transfert d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

10. En cinquième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".

11. Il est constant que M. C... est célibataire, dépourvu de toute famille établie en France et, à la date de la décision contestée, il séjournait sur le territoire national depuis moins de trois mois. Par suite, nonobstant sa qualité de demandeur d'asile et le problème de santé dont il fait état, il n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée est intervenue en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur l'arrêté portant assignation à résidence :

12. En premier lieu, le requérant reprend en appel les moyens invoqués en première instance tirés de l'insuffisance de la motivation de l'arrêté d'assignation à résidence, du défaut d'examen de sa situation particulière et de l'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 562-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu d'écarter ces moyens par les mêmes motifs que ceux retenus à bon droit par le premier juge aux points 18, 20 et 21 du jugement attaqué.

13. En second lieu, il résulte des points 2 à 14 du présent arrêt que M. C... n'est pas fondé à se prévaloir, à l'encontre de la décision prononçant son assignation à résidence, de l'illégalité de la décision ordonnant son transfert aux autorités italiennes.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 5 février 2021 du préfet de Maine-et-Loire. Ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent, par voie de conséquence, être également rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à Me D... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 29 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. A..., président assesseur,

- Mme E..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juillet 2021.

Le rapporteur,

C. A...

Le président,

L. Lainé

La greffière,

S. Levant

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT00857


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT00857
Date de la décision : 09/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Christian RIVAS
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : KADDOURI

Origine de la décision
Date de l'import : 20/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-07-09;21nt00857 ?
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