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09/07/2021 | FRANCE | N°21NT00664

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 09 juillet 2021, 21NT00664


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les deux arrêtés du 16 novembre 2020 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire, d'une part, a décidé son transfert aux autorités allemandes, d'autre part, l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 2011997 du 10 décembre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 mars 2021, M. E... C..., représenté par Me D... B..., demande à la cou

r :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 10 décembre 2020 ;

2°) d'ann...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les deux arrêtés du 16 novembre 2020 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire, d'une part, a décidé son transfert aux autorités allemandes, d'autre part, l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 2011997 du 10 décembre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 mars 2021, M. E... C..., représenté par Me D... B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 10 décembre 2020 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 16 novembre 2020 du préfet de Maine-et-Loire décidant son transfert et son assignation à résidence ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour d'une durée minimale d'un mois, dans le délai de huit jours suivant la mise à disposition du présent arrêt, et de transmettre sa demande d'asile à l'OFPRA pour examen ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

en ce qui concerne l'arrêté de transfert :

- il est intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière en méconnaissance des dispositions des articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- l'arrêté procède d'une application manifestement erronée de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 qui permet de déroger aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile ;

en ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant transfert en Allemagne.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 3 et 20 mai 2021, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés et précisé que l'intéressé a été déclaré en fuite.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 février 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., se présentant comme ressortissant afghan né le 7 avril 1995, est entré irrégulièrement en France, selon ses déclarations, le 11 septembre 2020. Il a sollicité l'asile auprès des services de la préfecture de la Loire-Atlantique le 7 octobre suivant. La consultation du fichier " Eurodac " ayant révélé que les empreintes de l'intéressé ont été enregistrées en Hongrie et en Allemagne, le préfet a saisi le 8 octobre 2020, sur le fondement du règlement (UE) du Parlement européen et du Conseil n° 604/2013 du 26 juin 2013, les autorités hongroises et allemandes d'une demande de transfert. Si les autorités hongroises ont expressément refusé d'accéder à cette demande le 9 octobre 2020, les autorités allemandes ont explicitement accepté sa reprise en charge le 13 octobre 2020. Par deux arrêtés du 16 novembre 2020, le préfet de Maine-et-Loire a décidé de transférer M. C... à ces autorités et l'a assigné à résidence pour une durée de 45 jours dans le département de la Loire-Atlantique. M. C... relève appel du jugement du 10 décembre 2020 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation de ces arrêtés. L'intéressé a été déclaré en fuite et le délai de transfert a été prorogé jusqu'au 10 juin 2022.

Sur la décision de transfert :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 visé ci-dessus : " Droit à l'information /1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment: /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée; /b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable (...); /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 (...) ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert;/e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune (...). Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les Etats membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux Etats membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement. / 3. Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. ".

3. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre l'ensemble des éléments d'information prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. La remise de ces éléments doit intervenir en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations. Eu égard à leur nature, la remise par l'autorité administrative de ces informations prévues par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

4. Au cas d'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. C... s'est vu remettre, le 8 octobre 2020, lors de l'enregistrement de sa demande d'asile dans les services de la préfecture, et à l'occasion de son entretien individuel, les brochures A et B conformes aux modèles figurant à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la commission du 30 janvier 2014, qui contiennent l'ensemble des informations prescrites par les dispositions précitées. Ces documents, dont les pages de garde ont été signées par l'intéressé, sont rédigés en pachtou, langue qu'il a déclaré comprendre, ainsi que cela ressort des termes du compte-rendu de l'entretien individuel sur lequel il a également apposé sa signature, et leur contenu lui a été exposé dans la même langue, par l'intermédiaire d'un interprète, lors de ce même entretien. Dans ces conditions, M. C... n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été privé d'une garantie au motif que l'information qui lui a été donnée par les services préfectoraux aurait dû l'être dès son passage antérieur dans une structure de pré-accueil. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit à l'information du demandeur d'asile prévu par l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement précité du 26 juin 2013, relatif à l'entretien individuel : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) / 5. L'entretien individuel (...) est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. (...) ".

6. En l'espèce, le requérant a bien bénéficié le 8 octobre 2020 de l'entretien individuel prévu par ces dispositions. Il résulte du compte-rendu de cet entretien qu'il a été conduit par un " agent habilité " de la préfecture de la Loire-Atlantique et il ne ressort pas des pièces du dossier que cet agent n'aurait pas été une personne qualifiée au sens des dispositions précitées ou que l'entretien n'aurait pas été conduit dans le respect des dispositions précitées. Par conséquent, et alors même que le patronyme de cet agent n'est pas mentionné, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 5 du règlement précité ne peut qu'être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ". Aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".

8. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par ailleurs, eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.

9. M. C... fait valoir que sa demande d'asile présentée en Allemagne a été rejetée par les autorités de ce pays et qu'en conséquence il va être reconduit en Afghanistan, pays où il craint pour son intégrité. Toutefois, en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe en Allemagne des défaillances systémiques dans le traitement des demandeurs d'asile et alors que l'intéressé ne fait état d'aucun élément particulier susceptible d'établir qu'il serait soumis en Allemagne à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les moyens tirés de ce que la décision litigieuse serait contraire à ces stipulations et entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ne peuvent qu'être écartés.

Sur l'arrêté portant assignation à résidence :

10. A ce titre, M. C... se borne à soulever par la voie de l'exception le moyen tiré de l'illégalité de la décision de transfert. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 9 ci-dessus qu'en l'absence d'illégalité de la décision de transfert, il n'est donc pas fondé à demander l'annulation de la décision l'assignant à résidence.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 16 novembre 2020 du préfet de Maine-et-Loire décidant son transfert aux autorités allemandes et son assignation à résidence. Ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent, par voie de conséquence, être également rejetées

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C..., à Me D... B... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 29 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. A..., président assesseur,

- Mme F..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juillet 2021.

Le rapporteur,

C. A...

Le président,

L. Lainé

La greffière,

S. Levant

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT00664


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT00664
Date de la décision : 09/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Christian RIVAS
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : RODRIGUES DEVESAS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-07-09;21nt00664 ?
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