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09/07/2021 | FRANCE | N°21NT00663

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 09 juillet 2021, 21NT00663


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Nants d'annuler les deux arrêtés du 17 novembre 2020 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire, d'une part, a décidé son transfert aux autorités espagnoles, d'autre part, l'a assignée à résidence.

Par un jugement n° 2011994 du 10 décembre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 mars 2021, Mme D... B..., représentée par Me E... C..., demande

la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 10 décembre 2020 ;

2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Nants d'annuler les deux arrêtés du 17 novembre 2020 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire, d'une part, a décidé son transfert aux autorités espagnoles, d'autre part, l'a assignée à résidence.

Par un jugement n° 2011994 du 10 décembre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 mars 2021, Mme D... B..., représentée par Me E... C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 10 décembre 2020 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 17 novembre 2020 du préfet de Maine-et-Loire décidant son transfert et son assignation à résidence ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, d'une part, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour d'une durée minimale d'un mois, dans le délai de huit jours suivant l'arrêt à intervenir, et d'autre part, de transmettre sa demande d'asile à l'OFPRA ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

en ce qui concerne l'arrêté de transfert :

- il est intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière en méconnaissance des dispositions des articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- l'arrêté procède d'une application manifestement erronée de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 qui permet de déroger aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile ;

en ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant transfert en Espagne.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mai 2021, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 février 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... B..., se disant ressortissante guinéenne née le 10 octobre 1990, est entrée irrégulièrement en France selon ses déclarations le 7 septembre 2020. Elle s'est présentée à la préfecture de la Loire-Atlantique le 18 septembre suivant pour solliciter le statut de réfugiée. La consultation du fichier Eurodac ayant fait apparaître que ses empreintes avaient été enregistrées par les autorités espagnoles le 30 janvier 2020, ces autorités ont été saisies le 21 septembre 2020 d'une demande de prise en charge. Les autorités espagnoles ayant expressément accepté le 29 septembre 2020 ce transfert de Mme B... sur le fondement du 1 de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, le préfet de Maine-et-Loire, par deux arrêtés du 17 novembre 2020, a décidé de transférer l'intéressée aux autorités espagnoles et l'a assignée à résidence. Par un jugement du 10 décembre 2020, dont Mme B... relève appel, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation de ces deux arrêtés. L'intéressée a été déclarée en fuite et le terme du délai de son possible transfert a ainsi été reporté au 10 juin 2022.

Sur la décision de transfert :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 visé ci-dessus : " Droit à l'information /1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment: /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée; /b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable (...); /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 (...) ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert;/e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune (...). Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les Etats membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux Etats membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement. / 3. Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. ".

3. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre l'ensemble des éléments d'information prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. La remise de ces éléments doit intervenir en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations. Eu égard à leur nature, la remise par l'autorité administrative de ces informations prévues par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

4. Au cas d'espèce, il ressort des pièces du dossier que Mme B... s'est vu remettre, le 18 septembre 2020, lors de l'enregistrement de sa demande d'asile dans les services de la préfecture, et à l'occasion de son entretien individuel, les brochures A et B conformes aux modèles figurant à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la commission du 30 janvier 2014, qui contiennent l'ensemble des informations prescrites par les dispositions précitées. Ces documents, dont les pages de garde ont été signées par l'intéressée le 18 septembre 2020, sont rédigés en français, langue qu'elle a déclaré comprendre, ainsi que cela ressort des termes du compte-rendu de l'entretien individuel sur lequel elle a également apposé sa signature, et leur contenu lui a été exposé en langue peul, par l'intermédiaire d'un interprète, lors de ce même entretien. Dans ces conditions, Mme B... n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait été privée d'une garantie au motif que l'information qui lui a été donnée par les services préfectoraux aurait dû l'être dès son passage dans une structure de pré-accueil le 7 septembre précédent. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit à l'information du demandeur d'asile prévu par l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté.

5. En deuxième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, que Mme B... reprend en appel sans plus de précision, doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge au point 7 du jugement attaqué.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...)".

7. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a été prise en charge au CHU de Nantes de septembre à décembre 2020 par un médecin psychiatre et un médecin infectiologue. Si Mme B... indique qu'après avoir été hospitalisée trois semaines à son arrivée en Espagne elle n'a pu ensuite rencontrer de médecin, il résulte toutefois d'un compte-rendu médical du CHU de Nantes du 29 septembre 2020, reposant sur ses déclarations, qu'elle a été dépistée comme porteuse du virus de l'immunodéficience humaine (VIH) en juin 2020 en Espagne et qu'elle y a bénéficié d'emblée d'un traitement médicamenteux qui a été poursuivi et adapté à compter de sa prise en charge par le CHU de Nantes le 15 septembre 2020. Dans ces conditions, et alors même que Mme B... est également soignée par un antidépresseur, ces éléments ne démontrent pas que son état de santé la placerait dans une situation d'exceptionnelle vulnérabilité et qu'elle ne pourrait bénéficier en Espagne, qui a explicitement accepté son transfert, de la poursuite des soins utiles requis par son état de santé et dont elle a déjà bénéficié dans le passé. Dans ces conditions Mme B... n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté contesté serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées.

Sur l'arrêté portant assignation à résidence :

8. Compte tenu de ce qui vient d'être dit, le moyen, soulevé par la voie de l'exception, tiré de l'illégalité de l'arrêté portant transfert de Mme B... vers l'Espagne ne peut qu'être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 17 novembre 2020 du préfet de Maine-et-Loire. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent, par voie de conséquence, être également rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié Mme D... B..., à Me E... C... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 29 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. A..., président assesseur,

- Mme F..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juillet 2021.

Le rapporteur,

C. A...

Le président,

L. Lainé

La greffière,

S. Levant

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT00663


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT00663
Date de la décision : 09/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Christian RIVAS
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : RODRIGUES DEVESAS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-07-09;21nt00663 ?
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