Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 8 janvier 2021 par laquelle le préfet du Morbihan l'a assigné à résidence pour une durée de 45 jours, d'ordonner au même préfet de lui restituer son passeport, de transmettre sa demande au tribunal administratif de Montreuil, de procéder au réexamen de sa demande de titre de séjour et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.
Par un jugement n° 2100090 du 15 janvier 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 14 février 2021, M. D... C..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 15 janvier 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 8 janvier 2021 du préfet du Morbihan décidant son assignation à résidence ;
3°) d'enjoindre au tribunal administratif de Rennes de transmettre sa demande au tribunal administratif de Montreuil ;
4°) d'enjoindre au préfet du Morbihan de lui restituer son passeport, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal administratif de Rennes était territorialement incompétent pour statuer sur sa demande eu égard à son domicile fixé en Seine-Saint-Denis et aux articles R. 351-3 et R. 312-8 du code de justice administrative ;
- la décision contestée est insuffisamment motivée au regard de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration faute de préciser qu'il n'a eu connaissance de l'arrêté du 5 août 2020 du préfet de Seine-Saint-Denis lui refusant le titre de séjour sollicité et l'obligeant à quitter le territoire français que le 19 janvier 2021 malgré ses demandes réitérées antérieures et qu'il réside en Seine-Saint-Denis ;
- la décision est intervenue en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard à sa présence stable et continue en Seine-Saint-Denis depuis 2014 où il travaille et où il a établi sa résidence habituelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 mars 2021, le préfet du Morbihan conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant turc né le 23 mars 1985, est entré en France le 9 septembre 2014. Par une décision du 12 mai 2015 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision du 8 décembre 2015 de la Cour nationale du droit d'asile, sa demande d'asile a été rejetée. Le 22 février 2019, il a sollicité son admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié. Le 5 août 2020, le préfet de Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, avec interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans. M. C... a été interpellé le 8 janvier 2021 par la police nationale et le préfet du Morbihan, par un arrêté du même jour, l'a assigné à résidence à Lorient, avec obligation de présentation quotidienne au commissariat de police de Lorient. Par un jugement du 15 janvier 2021, dont M. C... relève appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté du 8 janvier 2021 du préfet du Morbihan.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 776-14 du code de justice administrative : " La présente section est applicable aux recours dirigés contre les décisions mentionnées à l'article R. 776-1, lorsque l'étranger est placé en rétention ou assigné à résidence. " et aux termes de l'article R. 776-16 du même code : " Le tribunal administratif territorialement compétent est celui dans le ressort duquel se trouve le lieu où le requérant est placé en rétention ou assigné à résidence au moment de l'introduction de la requête ou, si elle a été introduite avant le placement en rétention ou l'assignation à résidence, au moment où cette mesure est décidée. (...) ".
3. A la date de présentation de sa demande de première instance, M. C... avait été assigné à résidence à Lorient (Morbihan), soit dans le ressort territorial du tribunal administratif de Rennes. Dès lors, en vertu de l'article R. 776-16 du code de justice administrative, ce tribunal administratif était territorialement compétent pour connaître de ce litige, alors même que l'intéressé était visé par un arrêté du préfet de Seine-Saint-Denis du 5 août 2020, dont il est constant qu'il ne l'avait pas alors contesté, lui refusant le titre de séjour qu'il avait sollicité, l'obligeant à quitter le territoire français et lui interdisant le retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans, et qu'il résidait habituellement en Seine-Saint-Denis. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier au motif de l'incompétence territoriale du tribunal administratif de Rennes pour statuer sur sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. Aux termes de l'article L. 561-2 alors en vigueur du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.- L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger (...) 5° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...). Les huit derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve que la durée maximale de l'assignation ne puisse excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois pour les cas relevant des 1° et 2° à 7° du présent I, ou trois fois pour les cas relevant du 1° bis (...) " et aux termes de l'article L. 561-1 alors en vigueur du même code : " (...) La décision d'assignation à résidence est motivée. (...) ".
5. La décision du 8 janvier 2021 portant assignation à résidence de M. C... mentionne les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il est fait application, dont son article L. 561-2. Elle indique également que l'intéressé est visé par une obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours décidée le 5 août 2020 par le préfet de Seine-Saint-Denis, qu'il n'a pas déféré à une précédente obligation de quitter le territoire du 22 juin 2017 et qu'il existe une perspective raisonnable d'exécution de cette obligation. Par suite, alors même que M. C... conteste la régularité de la notification de l'arrêté du 5 août 2020 et fait valoir qu'il résidait habituellement en Seine-Saint-Denis, il n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté du 8 janvier 2021 serait insuffisamment motivé.
6. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. S'il ressort des pièces du dossier que M. C... a occupé divers emplois en France depuis son entrée en 2014, à la date de la décision contestée il n'était pas autorisé à travailler et ne déclarait pour toute famille établie en France que la présence d'un frère en région parisienne. Par suite, c'est sans méconnaitre les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sans erreur manifeste d'appréciation que le préfet du Morbihan a pu décider de l'assigner à résidence à Lorient pour une durée de 45 jours.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 janvier 2021 du préfet du Morbihan l'assignant à résidence à Lorient. Ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être également rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié M. D... C... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information au préfet du Morbihan.
Délibéré après l'audience du 29 juin 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. B..., président assesseur,
- Mme E..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juillet 2021.
Le rapporteur,
C. B...
Le président,
L. Lainé
La greffière,
S. Levant
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT00406