La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/07/2021 | FRANCE | N°21NT00246

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 09 juillet 2021, 21NT00246


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les deux arrêtés du 5 octobre 2020 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire, d'une part, a décidé son transfert aux autorités belges, d'autre part, l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 2010553 du 29 octobre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 janvier 2021, M. D... C..., représenté par Me B..., demande à la cour :
>1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 29 octobre 2020 ;

2°) d'annuler les a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les deux arrêtés du 5 octobre 2020 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire, d'une part, a décidé son transfert aux autorités belges, d'autre part, l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 2010553 du 29 octobre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 janvier 2021, M. D... C..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 29 octobre 2020 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 5 octobre 2020 du préfet de Maine-et-Loire décidant son transfert et son assignation à résidence ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale et, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans les meilleurs délais ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

en ce qui concerne l'arrêté de transfert :

- il est intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière en méconnaissance des dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- la décision est entachée d'une erreur de fait dès lors que la pandémie de Covid 19 est de nature à influer négativement sur sa situation de demandeur d'asile en Belgique ;

- l'arrêté procède d'une application manifestement erronée de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 qui permet de déroger aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile avec un risque de violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne en l'absence d'examen de sa situation ;

en ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant réadmission en Belgique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 avril 2021, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 janvier 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., se déclarant ressortissant soudanais né le 22 février 1993, indique être entré le 30 août 2020 en France, où il a formé une demande d'asile le 11 septembre 2020. La consultation du fichier Eurodac a révélé qu'il avait déjà sollicité l'asile auprès des autorités belges. Saisies en conséquence, ces dernières ont explicitement accepté son transfert le 23 septembre 2020 sur le fondement du d) du 1° de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par des arrêtés du 5 octobre 2020, le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités belges et l'a assigné à résidence pour une durée de 45 jours dans le département de la Loire-Atlantique. M. C... relève appel du jugement du 29 octobre 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation de ces deux arrêtés. M. C... a ensuite été déclaré en fuite et le délai concernant son transfert a été reporté au 29 avril 2022.

Sur la décision de transfert :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, relatif à l'entretien individuel : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) / 5. L'entretien individuel (...) est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. (...) ".

3. En l'espèce, il ressort du compte-rendu de l'entretien qui s'est tenu en préfecture le 11 septembre 2020 et qui retrace avec le concours d'un interprète les dires de M. C..., qu'il a été conduit par un " agent habilité " de la préfecture de la Loire-Atlantique dont aucun élément ne permet d'établir qu'il ne s'agirait pas d'une personne qualifiée au sens des dispositions précitées. Par conséquent, alors même que le nom de cet agent n'est pas mentionné dans ce document et que ce compte-rendu contient des appréciations personnelles de ce même agent, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 5 du règlement précité ne peut qu'être écarté.

4. En deuxième lieu, M. C... fait valoir que contrairement à ce que soutient le préfet de Maine-et-Loire la situation sanitaire née de la pandémie de Covid 19 en Belgique ne serait ni stabilisée ni comparable à celle de la France et que ceci a une incidence négative sur les conditions de son transfert. Cependant, ces circonstances ont trait aux conditions d'exécution de la décision de transfert et sont donc sans incidence sur sa légalité. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de fait dont serait entaché l'arrêté contesté ne peut qu'être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Par ailleurs, il résulte de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

6. M. C... invoque les risques qu'il encourt en cas de retour au Soudan et soutient qu'il risque d'y être renvoyé par les autorités belges, qui ont rejeté ses demandes d'asile. Toutefois, l'arrêté contesté n'a ni pour objet ni pour effet d'éloigner l'intéressé vers son pays d'origine mais seulement de prononcer son transfert en Belgique. De plus, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé aurait été visé par une décision d'éloignement du territoire belge à destination du Soudan. Il n'est pas davantage établi qu'il ne pourrait présenter en Belgique tout élément nouveau relatif à sa situation personnelle ou de nature à établir ses craintes dans l'hypothèse d'une décision à venir d'éloignement vers son pays d'origine. Dans ces conditions, le préfet de Maine-et-Loire n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en ne se saisissant pas de la faculté d'instruire la demande d'asile en France que lui offrait l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux.

Sur l'arrêté portant assignation à résidence :

7. Il résulte des points 2 à 6 du présent arrêt que M. C... n'est pas fondé à se prévaloir, à l'encontre de la décision prononçant son assignation à résidence, de l'illégalité de la décision ordonnant son transfert aux autorités belges.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 5 octobre 2020 du préfet de Maine-et-Loire. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent, par voie de conséquence, être également rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié M. D... C..., à Me B... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 29 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. A..., président assesseur,

- Mme E..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juillet 2021.

Le rapporteur,

C. A...

Le président,

L. Lainé

La greffière,

S. Levant

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT00246


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Christian RIVAS
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : PERROT

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Date de la décision : 09/07/2021
Date de l'import : 20/07/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 21NT00246
Numéro NOR : CETATEXT000043799377 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-07-09;21nt00246 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award