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09/07/2021 | FRANCE | N°21NT00124

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 09 juillet 2021, 21NT00124


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... I... D..., Mme D... H..., M. K... H... et Mme J... D... H... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 12 avril 2017 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a refusé de délivrer un visa de long séjour à Mme D... H..., à M. K... H... et à M. J... D... H..., en qualité de membres d'une famille de réfugiée statutaire.

Par un jugement n° 1707769 du 25 août 2020, le tribunal administratif de Nantes a reje

té leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... I... D..., Mme D... H..., M. K... H... et Mme J... D... H... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 12 avril 2017 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a refusé de délivrer un visa de long séjour à Mme D... H..., à M. K... H... et à M. J... D... H..., en qualité de membres d'une famille de réfugiée statutaire.

Par un jugement n° 1707769 du 25 août 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 15 janvier 2021 et le 25 mai 2021, Mme C... I... D..., Mme D... H..., M. K... H... et Mme J... D... H..., représentés par Me E..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 25 août 2020 ;

2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 12 avril 2017 ;

3°) d'enjoindre, sous astreinte, au ministre de l'intérieur de délivrer les visas de long séjour sollicités, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou subsidiairement et dans les mêmes conditions, de procéder au réexamen de leur demande ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à leur conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué est irrégulier pour méconnaître les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que siégeait dans la formation un magistrat également membre de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

- la décision contestée est irrégulière en l'absence d'examen sérieux de la situation des demandeurs ;

- elle est entachée d'une erreur de fait quant à l'âge des enfants à la date du dépôt de la demande de visa, soit le 27 octobre 2003, sans que l'administration puisse se prévaloir des dispositions de l'article R. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui sont illégales pour être contraires à l'article L. 752-1 du même code et au droit de l'union européenne ;

- le lien familial entre les demandeurs et les enfants et leur identité sont établis tant par les actes d'état civil présentés à l'appui des demandes de visa que par les passeports et la possession d'état ;

- la décision contestée de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a été prise en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 avril 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé et s'en rapporte, au surplus, à ses écritures de première instance.

Par une lettre du 17 mai 2021, les parties ont été informées, en application de l'article R. 6117 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce que la demande présentée par les requérants devant le tribunal administratif de Nantes était irrecevable dès lors que le recours administratif préalable obligatoire formé par les intéressés contre la décision en litige devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pas été présenté dans un délai raisonnable ( CE, 31 mars 2017, Ministre des finances et des comptes publics, n°389842 - A ).

Par un mémoire, enregistré le 25 mai 2021, Mme C... I... D... a présenté des observations en réponse au moyen d'ordre public.

Par un mémoire distinct, enregistré le 25 mai 2021, Mme C... I... D..., Mme D... H..., M. K... H... et Mme J... D... H... demandent à la cour en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de leur requête tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 12 avril 2017, de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles L. 561-2 à L. 561-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Ils soutiennent que :

- les dispositions de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été abrogées par l'ordonnance n°2020-1733 du 16 décembre 2020 et codifiées aux articles L. 561-2 à L. 561-5 du même code ;

- ces articles méconnaissent les alinéas 10 et 11 du préambule de la Constitution consacrant le droit des personnes protégées par la France de mener une vie familiale normale, qui inclut la réunification familiale des enfants, dès lors qu'ils ne prévoient pas la possibilité d'établir le lien de filiation par les empreintes génétiques ;

- les conditions de la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité sont réunies dès lors que les dispositions contestées sont applicables au présent litige, qu'il s'agit d'une question prioritaire de constitutionnalité nouvelle et qu'il s'agit d'une question sérieuse.

Mme C... I... D... été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 novembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu

­ la Constitution ;

­ l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

­ le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

­ le code des relations entre le public et l'administration ;

­ le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

­ le rapport de M. A...'hirondel,

­ et les observations de Me B..., substituant Me E..., représentant Mme D... et autres.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... I... D..., née le 17 novembre 1971, de nationalité congolaise (République démocratique du Congo), est entrée le 28 mars 2000 en France où elle s'est vu reconnaître la qualité de réfugié par une décision de la Commission de recours des réfugiés du 26 juin 2003. Mme D... H..., M. K... H... et Mme J... D... H..., qui se présentent comme ses enfants, ont sollicité auprès des autorités consulaires françaises à Kinshasa la délivrance de visas pour établissement familial. Une décision implicite, de rejet est née en l'absence de réponse à ces demandes par les autorités consulaires. Ces décisions ont été contestées devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France. Par une décision du 12 avril 2017, la commission a rejeté ce recours. Les requérants relèvent appel du jugement du 25 août 2020 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette dernière décision. Par un mémoire distinct, les requérants demandent à la cour, en application de l'article 23-2 de l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles L. 561-2 à L. 561-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

2. Aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". Aux termes de l'article D. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Une commission placée auprès du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé de l'immigration est chargée d'examiner les recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France prises par les autorités diplomatiques ou consulaires. La saisine de cette commission est un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier. ". Selon l'article D. 211-6 de ce dernier code : " Les recours devant la commission doivent être formés dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de refus. (...) Ils sont seuls de nature à conserver le délai de recours contentieux jusqu'à l'intervention des décisions prévues à l'article D. 211-9 (...) ".

3. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 112-3 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute demande adressée à l'administration fait l'objet d'un accusé de réception (...) ". Aux termes de l'article L. 112-6 de ce même code : " Les délais de recours ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception ne lui a pas été transmis ou ne comporte pas les indications exigées par la réglementation. (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions, d'une part, que la décision des autorités consulaires doit mentionner l'existence et le caractère obligatoire, à peine d'irrecevabilité d'un éventuel recours juridictionnel, du recours prévu à l'article D. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les délais de forclusion dans lesquels le demandeur doit présenter ce recours et, d'autre part, que le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours ou l'absence de preuve qu'une telle information a été fournie est de nature à faire obstacle à ce que les délais prévus par l'article D. 211-6 du même code lui soient opposables.

5. Toutefois le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. Dans le cas où le recours juridictionnel doit obligatoirement être précédé d'un recours administratif, celui-ci doit être exercé, comme doit l'être le recours juridictionnel, dans un délai raisonnable. Le recours administratif préalable doit être présenté dans le délai prévu par l'article D. 211-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, prolongé, sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le demandeur, d'un an. Dans cette hypothèse, le délai de recours court à compter de l'année au cours de laquelle il est établi que l'intéressé a eu connaissance de l'existence de la décision des autorités consulaires rejetant sa demande.

6. Il résulte du recours du 17 février 2017 formé par Mme D... devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France que l'intéressée entendait contester le refus de délivrance de visas par les autorités consulaires françaises à Kinshasa suite à l'enregistrement de demandes constitué le 15 février 2012 en faisant valoir qu'" en l'absence de réponse dans un délai de plus de huit mois, il faut donc considérer que le Consulat a rejeté implicitement la demande de visa en application de l'article 22-1 de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 ". Ainsi, et selon ses propres écritures, Mme D... a eu connaissance de la décision implicite de rejet en litige à compter d'octobre 2012. Le recours administratif préalable obligatoire adressé à la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France le 17 février 2017 était, en conséquence, tardif et, par suite, la demande enregistrée le 1er septembre 2017 au tribunal administratif de Nantes était irrecevable.

7. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la question prioritaire de constitutionnalité opposée par les requérants, que Mme D... et autres ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté leur demande. Doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions à fin d'injonction présentées par le requérant ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme D... et autres est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... I... D..., à Mme D... H..., à M. K... H..., à Mme J... D... H... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 22 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Douet, présidente de la formation de jugement,

- M. A...'hirondel, premier conseiller,

- Mme F..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juillet 2021.

Le rapporteur,

M. G...La présidente,

H. DOUET

La greffière,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

1

2

N° 21NT00124


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT00124
Date de la décision : 09/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme DOUET
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : CABINET POLLONO

Origine de la décision
Date de l'import : 20/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-07-09;21nt00124 ?
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