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09/07/2021 | FRANCE | N°20NT03100

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 09 juillet 2021, 20NT03100


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... D... épouse G... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 4 janvier 2018 par laquelle le ministre de l'intérieur a ajourné à deux ans sa demande de naturalisation.

Par un jugement n° 1801337 du 25 juin 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 septembre 2020, Mme D..., représentée par Me C..., demande à la cour ;

1°) d'annuler le jugement du tribunal

administratif de Nantes du 25 juin 2020 ;

2°) d'annuler la décision contestée ainsi que la décision ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... D... épouse G... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 4 janvier 2018 par laquelle le ministre de l'intérieur a ajourné à deux ans sa demande de naturalisation.

Par un jugement n° 1801337 du 25 juin 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 septembre 2020, Mme D..., représentée par Me C..., demande à la cour ;

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 25 juin 2020 ;

2°) d'annuler la décision contestée ainsi que la décision du préfet de la Réunion du 8 août 2017 ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de faire droit à sa demande de naturalisation ou, à défaut, lui enjoindre de réexaminer cette demande, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) d'assortir ces mesures d'injonction d'une astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont insuffisamment motivé leur décision s'agissant des motifs les ayant conduits à neutraliser l'erreur de fait dont est entachée la décision du ministre et à écarter le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, cette décision était uniquement fondée sur le motif tenant à l'absence de ressources propres et stables de sorte que l'illégalité de ce motif ne pouvait être neutralisée par le motif tenant à son défaut d'insertion professionnelle, lequel n'a pas fondé la décision du ministre ;

- la décision du ministre est insuffisamment motivée ;

- l'erreur de fait dont est entachée la décision révèle un défaut d'examen sérieux ;

- les ressources de son foyer suffisent à pourvoir à ses besoins ;

- en estimant qu'elle ne justifie pas d'une insertion professionnelle, le ministre commet une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation particulière.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 avril 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les conclusions de la requête dirigées contre la décision préfectorale sont nouvelles en appel et, par suite, irrecevables ;

- hormis le moyen portant sur l'erreur d'appréciation quant à l'autonomie matérielle du foyer, les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés ;

- il aurait pris la même décision même sans se fonder sur le défaut d'autonomie matérielle.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 28 septembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- et les observations de Me B..., substituant Me C... et représentant Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., ressortissante comorienne née le 14 février 1973, relève appel du jugement du 25 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'intérieur du 4 janvier 2018 ajournant à deux ans sa demande de naturalisation.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du préfet de la Réunion :

2. Ainsi que le fait valoir le ministre de l'intérieur, les conclusions de Mme D... dirigées contre la décision du préfet de la Réunion du 8 août 2017, lesquelles sont nouvelles en appel, doivent être rejetées comme irrecevables. La fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'intérieur tirée de l'irrecevabilité de ces conclusions doit être accueillie.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Contrairement à ce que soutient la requérante, le tribunal a suffisamment motivé sa réponse au moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation de son insertion professionnelle. Par ailleurs, en énonçant qu'il résultait de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision en se fondant sur le seul défaut d'insertion professionnelle de la requérante, le tribunal a suffisamment exposé la raison le conduisant à considérer que l'erreur commise par le ministre quant à l'activité salariée à temps plein de l'époux de la requérante n'était pas de nature à entraîner l'annulation de la décision. Dès lors, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité.

Sur le surplus des conclusions à fin d'annulation :

4. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article 27 du code civil : " Toute décision déclarant irrecevable, ajournant ou rejetant une demande d'acquisition, de naturalisation ou de réintégration par décret ainsi qu'une autorisation de perdre la nationalité française doit être motivée. ".

5. La décision contestée du 4 janvier 2018 par laquelle le ministre de l'intérieur a ajourné à deux ans la demande de naturalisation de Mme D... est motivée, d'une part, par le caractère incomplet de l'insertion professionnelle de l'intéressée dès lors que cette dernière ne disposait pas de ressources suffisantes et stables et, d'autre part, sur l'absence d'autonomie

matérielle du foyer. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation en fait de la décision litigieuse doit, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur sa recevabilité, être écarté.

6. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, alors même que le ministre de l'intérieur a indiqué devant le tribunal que le motif de sa décision était erroné, en ce que le conjoint de Mme D... disposait d'un emploi à la date de la décision attaquée, qu'il n'aurait pas procédé à un examen particulier de la demande de naturalisation de cette dernière.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 21-15 du même code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger ". Aux termes de l'article 48 du décret susvisé du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient au postulant, s'il le juge opportun, de formuler une nouvelle demande ". En vertu de ces dispositions, il appartient au ministre de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la naturalisation à l'étranger qui la sollicite. Dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte son degré d'insertion professionnelle ainsi que le niveau et la stabilité de ses ressources.

8. Il ressort des pièces du dossier que, en dépit de son inscription auprès de Pôle emploi et du suivi de formations, Mme D... n'avait, à la date de la décision contestée, exercé aucune activité professionnelle sur le territoire français. La circonstance qu'elle a, en 2019, entrepris une activité de commerce de détail ambulant est sans incidence sur la légalité de la décision d'ajournement en litige à laquelle elle est postérieure. Si les revenus du conjoint de Mme D... peuvent être pris en compte dans l'appréciation de l'autonomie matérielle du foyer et s'élevaient, en l'espèce, à 19 561 euros en 2016 et 20 485 euros en 2017, il ressort des pièces du dossier que ces revenus étaient complétés par des prestations sociales délivrées sur critères sociaux, à savoir l'allocation de logement, les allocations familiales avec conditions de ressources et le complément familial et la prime d'activité, qui ont représenté un total d'environ 1 513 euros au titre du mois de juin 2017. Ainsi, alors même que la situation de l'emploi serait particulièrement dégradée dans le département de la Réunion, en estimant que Mme D... n'avait pas réalisé pleinement son insertion professionnelle et que les ressources de son foyer ne permettaient pas de garantir son autonomie matérielle, le ministre de l'intérieur n'a pas entaché son appréciation d'erreur manifeste.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur le surplus des conclusions :

10. Doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par la requérante ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... D... épouse G... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 22 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Douet, présidente de la formation de jugement,

- M. A...'hirondel, premier conseiller,

- Mme E..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 juillet 2021.

La rapporteure,

K. E...

La présidente,

H. DOUET

La greffière,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT03100


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT03100
Date de la décision : 09/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme DOUET
Rapporteur ?: Mme Karima BOUGRINE
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : SELARL DESMARS BELONCLE BARZ CABIOCH

Origine de la décision
Date de l'import : 20/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-07-09;20nt03100 ?
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