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09/07/2021 | FRANCE | N°20NT02935

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 09 juillet 2021, 20NT02935


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

­ le code de l'urbanisme ;

­ le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...'hirondel,

- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., substituant Me E..., représentant la commune de la Tranche-sur-Mer.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... est propriétaire, sur le territoire de la commune de La Tranche-sur-Mer,

des parcelles cadastrées section n°s 978, 599 et 206, situées 19 bis rue de la Mare. Par un arrêté du 29 septembre 201...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

­ le code de l'urbanisme ;

­ le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...'hirondel,

- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., substituant Me E..., représentant la commune de la Tranche-sur-Mer.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... est propriétaire, sur le territoire de la commune de La Tranche-sur-Mer, des parcelles cadastrées section n°s 978, 599 et 206, situées 19 bis rue de la Mare. Par un arrêté du 29 septembre 2017, le maire a délivré à l'intéressé un permis de construire sur ces parcelles pour un immeuble à usage d'habitation. Par un arrêté du 18 décembre 2017, le maire a retiré ce permis de construire. La commune de La Tranche-sur-Mer relève appel du jugement du tribunal administratif de Nantes qui a annulé " l'arrêté du 29 septembre 2017 portant retrait du permis de construire délivré à M. C... par la commune de La Tranche-sur-Mer ".

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il résulte du jugement attaqué, notamment des points 1 et 2 de la décision, que le tribunal administratif ne s'est pas mépris sur la décision contestée en citant l'arrêté du 18 décembre 2017 par lequel le maire de La Tranche-sur-Mer a retiré son arrêté du 29 septembre 2017. Dans ces conditions, l'erreur de plume qui a entaché l'article 1er du jugement attaqué en ce qu'il a décidé l'annulation de l'arrêté du 29 septembre 2017 portant retrait du permis de construire délivré à M. C... par la commune de La Tranche-sur-Mer alors que cet arrêté est daté du 18 décembre 2017 est sans incidence sur la régularité du jugement attaqué.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. En vertu de l'article R. 431-4 du code de l'urbanisme, le dossier est réputé complet lorsqu'il comprend les informations et pièces limitativement énumérées aux articles R. 431-5 à R. 431-33-1, aucune autre information ou pièce ne pouvant être exigée par l'autorité compétente. Par ailleurs, aux termes du second alinéa de l'article L. 424-5 de ce code dans sa rédaction alors applicable : " La décision de non-opposition à une déclaration préalable ou le permis de construire ou d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peuvent être retirés que s'ils sont illégaux et dans le délai de trois mois suivant la date de ces décisions. Passé ce délai, la décision de non-opposition et le permis ne peuvent être retirés que sur demande expresse de leur bénéficiaire. ".

4. Il résulte de ces dispositions que les demandes de permis de construire doivent seulement comporter les pièces énumérées aux articles R. 431-5 à R. 431-33-1 du code de l'urbanisme. Si postérieurement à la délivrance du permis de construire, l'administration a connaissance de nouveaux éléments établissant l'existence d'une fraude à la date de sa décision, elle peut procéder à son retrait sans condition de délai.

5. Il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 28 avril 2017, le maire de la commune de La Tranche-sur-Mer a délivré à M. C... un permis de construire. A la suite d'un recours gracieux exercé contre cette décision, le maire, par un arrêté du 2 août 2017, l'a retirée et a refusé de délivrer le permis de construire. Après avoir constaté l'illégalité de sa décision du 2 août 2017, le maire, sans être saisi d'une nouvelle demande par M. C..., prenait, le 29 septembre 2017, un nouvel arrêté retirant, dans ses motifs, l'arrêté du 2 août 2017 et délivrant à l'intéressé, dans son dispositif, le permis de construire qu'il sollicitait. Il suit de là que le retrait de la décision du 2 août 2017, prononcé par l'arrêté du 29 septembre 2017, a remis en vigueur le permis délivré le 28 avril 2017, de sorte que celui délivré par l'arrêté du 29 septembre 2017 est purement confirmatif du précédent. Par suite, si, par l'arrêté contesté du 18 décembre 2017, le maire a décidé de retirer le permis de construire délivré le 29 septembre 2017, il doit être regardé comme ayant, en réalité, décidé de procéder au retrait du permis de construire du 28 avril 2017.

6. Pour procéder au retrait de ce permis, le maire de La Tranche-sur-Mer s'est fondé dans l'arrêté contesté sur le motif tiré de ce que l'autorisation d'urbanisme avait été obtenue par fraude. Ainsi qu'il a été dit au point 4, ce motif permet de procéder au retrait de l'acte sans délai. Dans ces conditions, et bien que le premier retrait opéré fût illégal pour être tardif, ainsi que l'avait au demeurant reconnu le maire dans sa décision du 2 août 2017, ce dernier pouvait néanmoins procéder, par le motif qu'il a retenu, au retrait du permis de construire délivré sans entacher sa décision d'un détournement de procédure. Par suite, la commune de La Tranche-sur-Mer est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont retenu ce motif pour prononcer l'annulation litigieuse.

7. Il appartient, toutefois, à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. C....

8. Pour procéder au retrait du permis de construire dont M. C... était bénéficiaire depuis le 28 avril 2017 à la suite du retrait de la décision du 2 août 2017 par l'arrêté du 29 septembre suivant, le maire de La Tranche-sur-Mer s'est fondé sur le motif tiré de ce qu'il avait été obtenu par fraude. Pour établir cette fraude, le maire a retenu, d'une part, l'insuffisance du plan de masse et, d'autre part, l'absence d'information par le pétitionnaire sur la nécessité d'obtenir l'accord de tous les copropriétaires de la résidence " Plein Sud " conformément à l'acte notarié du 4 février 2003 portant sur la vente des parcelles cadastrées section AL n°s 599 et 978 et selon lequel les " acquéreurs ne pourront édifier de maisons d'habitation ou toute autre construction, autre que le garage et dépendances prévu aux présentes, sans avoir au préalable, obtenu l'accord de tous les copropriétaires de la Résidence "Plein Sud" ".

9. D'une part, si, sur le plan de masse, deux véhicules en stationnement sont représentés dans la cour intérieure du projet, alors qu'il serait impossible à ces véhicules d'accéder à la propriété du pétitionnaire compte tenu de l'étroitesse de la servitude de passage du fait de la présence d'un escalier et d'un chemin en forme de coude, il est constant que ce plan a été porté à la connaissance du service instructeur. Par suite, cette circonstance ne peut être regardée comme caractérisant une manoeuvre frauduleuse afin d'obtenir le permis sollicité.

10. D'autre part, aux termes de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme : " Les demandes de permis de construire (...) sont adressées par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés : / a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux ; / b) Soit, en cas d'indivision, par un ou plusieurs co-indivisaires ou leur mandataire ; / c) Soit par une personne ayant qualité pour bénéficier de l'expropriation pour cause d'utilité publique. ". Selon le dernier alinéa de l'article R. 4315 du même code, la demande de permis de construire comporte l'attestation du demandeur qu'il remplit les conditions définies à l'article R. 423-1 pour déposer une demande de permis. Enfin, et ainsi qu'il a été dit, en vertu de l'article R. 431-4 du même code, le dossier est réputé complet lorsqu'il comprend les informations et pièces limitativement énumérées aux articles R. 431-5 à R. 431-33-1, aucune autre information ou pièce ne pouvant être exigée par l'autorité compétente.

11. Il résulte des articles R. 423-1, R. 431-4 et R. 431-5 du code de l'urbanisme précités que, sous réserve de la fraude, le pétitionnaire qui fournit l'attestation prévue à l'article R. 431-5 du code de l'urbanisme selon laquelle il remplit les conditions fixées par l'article R. 423-1 du même code doit être regardé comme ayant qualité pour présenter sa demande. Par ailleurs, le permis est délivré sous réserve du droit des tiers, il vérifie la conformité du projet aux règles et servitudes d'urbanisme, il ne vérifie pas si le projet respecte les autres réglementations et les règles de droit privé. Toute personne s'estimant lésée par la méconnaissance du droit de propriété ou d'autres dispositions de droit privé peut donc faire valoir ses droits en saisissant les tribunaux civils, même si le permis respecte les règles d'urbanisme.

12. Il est constant, en l'espèce, que M. C..., qui a fourni l'attestation prévue à l'article R. 431-5 du code de l'urbanisme, est bien le propriétaire des parcelles sur lesquelles le projet de construction doit se réaliser. En revanche, une contestation relative au défaut d'autorisation des travaux donnée par l'ensemble des copropriétaires du terrain voisin de l'assiette du projet ne saurait caractériser une fraude du pétitionnaire visant à tromper l'administration sur la qualité qu'il invoque à l'appui de sa demande d'autorisation d'urbanisme, l'absence d'une telle autorisation par les copropriétaires du terrain voisin étant, par elle-même, dépourvue d'incidence sur la qualité du propriétaire du terrain formant l'assiette du projet à déposer une demande d'autorisation d'urbanisme et ne pouvant être utilement invoquée pour contester l'autorisation délivrée. Dans ces conditions, le défaut d'autorisation des travaux par l'ensemble des copropriétaires du tènement voisin n'étant pas susceptible de caractériser une fraude visant à tromper l'administration sur la qualité invoquée à l'appui de la demande de permis, le maire ne saurait d'avantage soutenir que M. C... s'était livré à une manoeuvre frauduleuse entachant d'irrégularité le permis de construire qui lui a été délivré en s'abstenant de produire l'accord des copropriétaires du tènement voisin ou d'informer l'administration de la nécessité d'obtenir cet accord.

13. Il suit de là que M. C... est fondé à soutenir que la décision contestée est entachée d'une erreur de droit et à demander, pour ce motif, son annulation.

14. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de La Tranche-sur-Mer n'est pas fondée à se plaindre de ce que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté du 18 décembre 2017.

15. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun des autres moyens invoqués par M. C... n'est susceptible, en l'état du dossier, de fonder l'annulation de l'arrêté contesté.

Sur les frais liés au litige :

16. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. C..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de La Tranche-sur-Mer demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la commune de La Tranche-sur-Mer une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de La Tranche-sur-Mer est rejetée.

Article 2 : La commune de La Tranche-sur-Mer versera à M. C... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de la commune de La Tranche-sur-Mer tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de La Tranche-sur-Mer et à M. G... C....

Copie en sera adressée pour son information au préfet de la Vendée.

Délibéré après l'audience du 22 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Douet, présidente de la formation de jugement,

- M. A...'hirondel, premier conseiller,

- Mme D..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juillet 2021.

Le rapporteur,

M. F...La présidente,

H. DOUET

La greffière,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

1

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N° 20NT02935


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT02935
Date de la décision : 09/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-02-02 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Procédure d'attribution. Instruction de la demande.


Composition du Tribunal
Président : Mme DOUET
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : SELARL CORNET VINCENT SEGUREL

Origine de la décision
Date de l'import : 20/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-07-09;20nt02935 ?
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