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06/07/2021 | FRANCE | N°20NT00848

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 06 juillet 2021, 20NT00848


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. M... K... et Mme L... K... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 24 novembre 2016 par lequel le maire de Séné a délivré à Mme F... N... D... et à M. H... E... un permis de construire une maison d'habitation sur un terrain situé rue de la Croix au lieu-dit " Kerleguen ", ainsi que la décision implicite portant rejet de leur recours gracieux contre cet arrêté.

Par un jugement n°1702011 du 6 janvier 2020, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande

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Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 5 ma...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. M... K... et Mme L... K... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 24 novembre 2016 par lequel le maire de Séné a délivré à Mme F... N... D... et à M. H... E... un permis de construire une maison d'habitation sur un terrain situé rue de la Croix au lieu-dit " Kerleguen ", ainsi que la décision implicite portant rejet de leur recours gracieux contre cet arrêté.

Par un jugement n°1702011 du 6 janvier 2020, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 5 mars, 28 juillet 2020, 19 février et 9 mars 2021, M. M... K... et Mme L... K..., représentés par Me G... et Me A..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 6 janvier 2020 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) d'annuler l'arrêté du 24 novembre 2016 par lequel le maire de Séné a délivré à Mme F... N... D... et à M. H... E... un permis de construire une maison d'habitation sur un terrain situé rue de la Croix au lieu-dit " Kerleguen ", ainsi que la décision implicite portant rejet de leur recours gracieux contre cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Séné une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il n'a pas répondu au moyen tiré de ce que la construction projetée ne constitue pas une extension limitée de l'urbanisme, au sens de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme ;

- le permis contesté méconnaît les articles L. 121-8, L. 121-13 et L. 121-23 du code de l'urbanisme ;

- le permis contesté est illégal en raison de l'illégalité du zonage Uc de la parcelle d'assiette du projet par le plan local d'urbanisme (PLU) de la commune ; ce zonage n'est pas conforme aux dispositions des articles L. 121-8, L. 121-13, L. 121-23 du code de l'urbanisme ni à celles de la charte du parc naturel régional du Golfe du Morbihan ; ce zonage ne saurait être apprécié en tenant compte du schéma de cohérence territoriale (SCOT) applicable, lequel ne comporte que des dispositions générales relatives à l'application des dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral ; dès lors que le SCOT ne transcrit pas la loi dite " Littoral ", celui-ci ne joue pas le rôle de prisme ; cette illégalité du PLU de la commune de Séné a pour effet de remettre en vigueur les dispositions de l'ancien plan d'occupation des sols, qui classait la zone de la parcelle d'assiette comme étant inconstructible ; l'extension de l'urbanisation dans les hameaux de Kerleguen et de Kerarden est contraire aux différents documents d'urbanisme applicables à la date de l'autorisation contestée ; le SCOT de 2006, applicable au litige, ne tient pas compte de la charte du parc naturel régional du Morbihan, celle-ci n'ayant été approuvée qu'en 2014 ;

- le projet est de nature à affecter de manière significative un site Natura 2000 ; il devait faire l'objet d'une évaluation jointe au dossier de permis de construire en application des articles L. 414-4 du code de l'environnement et R. 431-16 du code de l'urbanisme.

- ils se réfèrent, s'agissant des autres moyens qu'ils entendent soulever à l'encontre du permis de construire, aux écritures de première instance.

Par des mémoires en défense enregistrés le 17 avril et 16 septembre 2020 et 25 février 2021, la commune de Séné, représentée par Me I..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. et Mme K..., la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés par les requérants n'est fondé.

Par un mémoire en défense enregistré les 10 août 2020, Mme N... D... et M. E..., représentée par Me J..., concluent au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de M. et Mme K..., le versement de la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les requérants n'avaient pas intérêt à agir à l'encontre de la décision contestée ;

- aucun des moyens soulevés par les requérants n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant M. et Mme K..., et de Me C..., représentant la commune de Séné.

Une note en délibéré, présentée pour M. et Mme K..., a été enregistrée le 22 juin 2021.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 24 novembre 2016, le maire de Séné a délivré à M. E... et à Mme D... un permis de construire une maison d'habitation sur la parcelle cadastrée à la section ZI sous le n° 174, située rue de la Croix au lieu-dit " Kerleguen ". M. et Mme K... relèvent appel du jugement du 6 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté et de la décision implicite portant rejet de leur recours gracieux.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :

2. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme dans sa version alors applicable : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. ". Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

3. M. et Mme K... justifient être propriétaires d'une parcelle construite cadastrée à la section ZI sous le n° 175 située à proximité immédiate du terrain d'assiette du projet. Ils soutiennent qu'ils subiront nécessairement des conséquences du fait de ce projet implanté en limite de leur propriété, s'agissant notamment des vues et des troubles dans la jouissance paisible de leurs biens. Il s'ensuit qu'ils justifient d'un intérêt leur donnant qualité pour demander l'annulation du permis de construire. Dès lors, M. E... et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que la demande de M. et Mme K... n'était pas recevable à raison du défaut d'intérêt à agir pour contester l'arrêté litigieux.

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du 24 novembre 2016 du maire de Séné :

4. Il appartient à l'autorité administrative chargée de se prononcer sur une demande d'autorisation d'occupation ou d'utilisation du sol mentionnée à l'article L. 121-1 et L. 121-3 du code de l'urbanisme, de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de la conformité du projet avec les dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral

5. Aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " L'extension de l'urbanisation se réalise soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement ". Il résulte de ces dispositions que les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les agglomérations et villages existants, c'est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions, mais que, en revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d'autres, dans les zones d'urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages. Aux termes de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " L'extension limitée de l'urbanisation des espaces proches du rivage (...) est justifiée et motivée dans le plan local d'urbanisme, selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau (...) ".

6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment des plans et des photographies produits, que le lieu-dit " Kerleguen ", au sein duquel est localisé le terrain d'assiette du projet, se situe à plus d'un kilomètre au sud du centre de la commune de Séné, dont il est séparé des espaces bâtis les plus proches par de vastes espaces naturels et agricoles. Ce lieu-dit comporte quelques dizaines de constructions dispersées mais également des parcelles non bâties attenantes au projet, au sud, à l'ouest et au nord-ouest. Au nord, une dizaine de constructions sont implantées de manière diffuse le long d'une voie communale, dite rue de la Croix. Contrairement à ce que soutient la commune de Séné, le lieu-dit accueillant le terrain d'assiette du projet est séparé du lieu-dit " Kerarden ", notamment par la rue de la Croix et la rue de Kerarden, mais également, pour la partie la plus dense de ce lieu-dit, par de vastes parcelles vierges de toute construction situées au nord-est du projet. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet est situé en bordure externe de cette urbanisation diffuse, et s'ouvre au sud et à l'ouest sur des terrains demeurés à l'état naturel courant jusqu'au rivage. Dans ces conditions, le projet de M. E... et de Mme D... ne se situe pas en continuité avec les agglomérations et villages existants au sens des dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme. Il n'est pas contesté qu'il ne se situe pas dans une zone destinée à l'accueil d'un hameau nouveau intégré à l'environnement. Par suite, en délivrant le permis de construire litigieux, le maire de Séné a fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme.

7. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet de construction est située à environ deux cents mètres du rivage et présente une co-visibilité avec la mer. Dans ces conditions, ce terrain doit être regardé comme situé dans un espace proche du rivage, au sens des dispositions précitées de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit au point 6, le projet contesté est également compris dans un secteur d'urbanisation diffuse qui ne se trouve pas en continuité avec les agglomérations ou villages existants. Il va ainsi opérer, contrairement à ce que soutiennent la commune et M. E... et Mme D..., une extension illégale de l'urbanisation. Dès lors, en délivrant le permis contesté, le maire de Séné a fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme.

8. Il résulte des développements qui précèdent que l'arrêté du 24 novembre 2016, du maire de Séné a été pris en méconnaissance des dispositions des articles L. 121-8 et L. 121-13 du code de l'urbanisme et encourt l'annulation pour ce motif.

9. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun des autres moyens invoqués n'est susceptible, en l'état du dossier, de fonder cette annulation.

10. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement attaqué, que M. et Mme K... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge, d'une part, de la commune de Séné, le versement à M. et Mme K... de la somme de 750 euros, d'autre part, de M. E... et de Mme D..., le versement à M. et Mme K... de la somme globale de 750 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font, en revanche, obstacle à ce que soit mis à la charge de M. et Mme K..., qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, le versement des sommes que tant la commune de Séné que M. E... et Mme D... demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 6 janvier 2020 du tribunal administratif de Rennes est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 24 novembre 2016 par lequel le maire de Séné a délivré à M. E... et à Mme D... un permis de construire une maison d'habitation sur la parcelle cadastrée à la section ZI n° 174, située rue de la Croix au lieu-dit " Kerleguen ", ainsi que la décision implicite portant rejet du recours gracieux formé contre cet arrêté, sont annulés.

Article 3 : La commune de Séné versera à M. et Mme K... la somme de 750 euros, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : M. E... et Mme D... verseront à M. et Mme K... la somme globale de 750 euros, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions présentées par la commune de Séné et par M. E... et Mme D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme K..., à la commune de Séné, à Mme F... N... D... et à M. H... E....

Copie en sera adressée au préfet du Morbihan et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Vannes.

Délibéré après l'audience du 18 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de la formation de jugement,

- M. B..., premier conseiller,

- M. Bréchot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2021.

Le rapporteur,

A. B...La présidente,

C. BUFFET

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au préfet du Morbihan en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT00848


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT00848
Date de la décision : 06/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: M. Alexis FRANK
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : CABINET COUDRAY CONSEIL et CONTENTIEUX

Origine de la décision
Date de l'import : 20/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-07-06;20nt00848 ?
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