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02/07/2021 | FRANCE | N°21NT00237

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 02 juillet 2021, 21NT00237


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler les deux arrêtés du 11 janvier 2021 par lesquels le préfet d'Ille-et-Vilaine, d'une part, a décidé son transfert aux autorités italiennes, d'autre part, l'a assignée à résidence.

Par un jugement n° 2100119 du 15 janvier 2021, le tribunal administratif de Rennes a annulé les deux arrêtés contestés, a enjoint au préfet d'Ille-et-Vilaine de réexaminer la situation de Mme B... et de lui délivrer une attestation de demande d'a

sile dans le délai de quinze jours à compter de la mise à disposition du jugement, et ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler les deux arrêtés du 11 janvier 2021 par lesquels le préfet d'Ille-et-Vilaine, d'une part, a décidé son transfert aux autorités italiennes, d'autre part, l'a assignée à résidence.

Par un jugement n° 2100119 du 15 janvier 2021, le tribunal administratif de Rennes a annulé les deux arrêtés contestés, a enjoint au préfet d'Ille-et-Vilaine de réexaminer la situation de Mme B... et de lui délivrer une attestation de demande d'asile dans le délai de quinze jours à compter de la mise à disposition du jugement, et a mis à la charge de l'Etat, au bénéfice de Me Le Bihan, la somme de 600 euros au titre des frais d'instance.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 janvier 2021, le préfet d'Ille-et-Vilaine demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 15 janvier 2021 ;

2°) de rejeter les conclusions présentées en première instance par Mme B....

Il soutient que sa décision de transfert du 11 janvier 2011 est régulière eu égard aux informations dont il disposait à la date de son intervention ; le premier juge devait faire droit à sa demande de substitution de base légale présentée à titre subsidiaire au regard de l'article 12 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 dès lors que l'Italie était responsable de l'examen de la demande de protection internationale de Mme B..., les autres moyens soulevés par Mme B... seront écartés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 juin 2021, Mme A... B..., représentée par Me Le Bihan, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le préfet d'Ille-et-Vilaine ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 mai 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Rivas a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante ivoirienne née le 2 janvier 1984, déclare être entrée sur le territoire français le 30 novembre 2019 en provenance d'Italie. Le 16 juillet 2020, elle a sollicité auprès des services de la préfecture d'Ille-et-Vilaine son admission au séjour au titre de l'asile et a été reçue en entretien individuel. Le 11 janvier 2021, le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé son transfert aux autorités italiennes et, par un second arrêté du même jour, l'a assignée à résidence. Le préfet d'Ille-et-Vilaine demande l'annulation du jugement du 15 janvier 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé ses deux arrêtés concernant Mme B....

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les moyens d'annulation des arrêtés de transfert et d'assignation à résidence :

2. L'arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine du 11 janvier 2021 décidant le transfert de Mme B... en Italie est fondé sur l'accord implicite donné par les autorités italiennes, sollicitées par le préfet sur le fondement du b) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dès lors que la consultation préalable du fichier Eurodac avait permis d'identifier que Mme B... avait sollicité l'asile en Italie. Une telle circonstance résultait de l'identification de l'intéressée sous le n° IT 1 FG01TI4 à la suite du relevé de ses empreintes effectué le 4 juillet 2018 par les autorités italiennes. La seule circonstance que Mme B... produise un " permesso di soggiorno " délivré par les autorités italiennes le 22 octobre 2018, avec une échéance de validité fixée au 25 septembre 2020, ne portant aucune mention explicite relative au motif de délivrance de ce permis, n'établit pas à elle seule que les autorités italiennes lui auraient reconnu la qualité de réfugiée. Du reste, ces mêmes autorités, par un courrier du 11 janvier 2021 parvenu au préfet d'Ille-et-Vilaine après la notification de l'arrêté du même jour, ont explicitement accepté le transfert de Mme B... sur le fondement du 4 de l'article 12 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, c'est-à-dire en qualité de demandeur d'asile titulaire d'un titre de séjour périmé depuis moins de deux ans. Enfin, eu égard aux documents dont disposait le préfet d'Ille-et-Vilaine à la date de la décision contestée, et de la réponse implicite positive des autorités italiennes faite à sa demande de transfert présentée sur le fondement du b) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, c'est sans erreur de droit que la décision de transfert contestée est intervenue sur le fondement de ces mêmes dispositions. Il suit de là que le préfet d'Ille-et-Vilaine est fondé à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 15 janvier 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé d'une part son arrêté du 11 janvier précédent au motif que Mme B... disposait déjà d'un droit au séjour au titre de l'asile en Italie, et qu'elle n'entrait alors pas dans le champ d'application des dispositions du règlement cité, et, d'autre part, son arrêté portant assignation à résidence de Mme B... par voie de conséquence de l'annulation de l'arrêté de transfert mentionné.

3. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance par Mme B... contre ces deux arrêtés.

En ce qui concerne les autres moyens soulevés par Mme B... contre l'arrêté de transfert :

4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme E..., chef de l'unité régionale Dublin, signataire de l'arrêté contesté du 11 janvier 2021, disposait d'une délégation à cet effet accordée par un arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine du 16 novembre 2020, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte ne peut qu'être écarté.

5. En deuxième lieu, en application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.

6. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil n° 604/2013 du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.

7. La décision prononçant le transfert de Mme B... aux autorités italiennes relève le caractère irrégulier de l'entrée en France de la requérante et rappelle le déroulement de la procédure suivie lorsque celle-ci s'est présentée à la préfecture d'Ille-et-Vilaine le 16 juillet 2020 pour y demander le bénéfice de l'asile. La décision mentionne également que la consultation du système Eurodac a fait apparaître que l'intéressée avait précédemment demandé l'asile en Italie et que les autorités de ce pays, saisies le 7 septembre 2020 d'une demande de reprise en charge de Mme B... sur le fondement du paragraphe 1 b) de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, ont implicitement donné leur accord. Le préfet d'Ille-et-Vilaine, n'était en effet pas tenu d'expliciter les motifs pour lesquels il n'a pas tenu compte du permis de séjour italien dont Mme B... s'est prévalue pour affirmer qu'elle avait obtenu un accord des autorités italiennes sur sa demande d'asile. Par suite, les moyens tirés du défaut d'examen particulier de la situation de Mme B... et de l'insuffisance de motivation en fait de la décision de transfert doivent être écartés.

8. En troisième lieu, si Mme B... soutient qu'elle n'aurait pas reçu l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 visé ci-dessus. en l'état des pièces au dossier, et faute de toute autre précision, ce moyen ne peut qu'être écarté.

9. En quatrième lieu, la requérante soutient qu'il n'est pas établi qu'elle aurait bénéficié d'un entretien individuel dans le respect de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé et que le préfet d'Ille-et-Vilaine aurait présenté une demande de reprise en charge aux autorités italiennes dans le respect de l'article 7 de ce règlement et de l'article 2 du règlement UE n° 118/2014 de la Commission du 20 janvier 2014. En l'état des pièces au dossier, et faute de précision complémentaire, ces moyens doivent être également écartés.

En ce qui concerne les moyens dirigées contre l'arrêté portant assignation à résidence :

10. En premier lieu, pour les motifs exposés au point 4, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que Mme D... était incompétente pour signer l'arrêté contesté portant assignation à résidence. Ce moyen ne peut donc qu'être écarté.

11. En second lieu pour les motifs exposés aux points 2 à 9, le moyen tiré de l'illégalité de l'arrêté portant assignation à résidence en raison de l'illégalité de la décision de transfert ne peut qu'être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet d'Ille-et-Vilaine est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé les arrêtés du 11 janvier 2021 portant transfert en Italie et assignation à résidence de Mme B....

Sur les conclusions du préfet d'Ille-et-Vilaine tendant à l'annulation de la mesure d'injonction et des frais d'instance mis à la charge de l'Etat en première instance :

13. Compte tenu de l'annulation par la cour du jugement attaqué en tant qu'il prononce l'annulation des arrêtés préfectoraux du 11 janvier 2021 décidant le transfert de Mme B... aux autorités italiennes et son assignation à résidence, le préfet d'Ille-et-Vilaine est fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge, d'une part, lui a ensuite enjoint de réexaminer la situation de Mme B... et de lui délivrer une attestation de demande d'asile dans le délai de quinze jours à compter de son intervention, et, d'autre part, a mis à la charge de l'Etat, qui, alors ne pouvait être regardé comme partie perdante en première instance, une somme de 600 euros au conseil de l'intéressée. Le jugement attaqué sera, par suite, également annulé dans cette mesure.

D E C I D E :

Article 1er : Les articles 2, 3 et 4 du jugement n° 2100119 du 15 janvier 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Rennes est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Me Le Bihan et à Mme A... B....

Une copie en sera adressée pour information au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 15 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- Mme Béria-Guillaumie, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juillet 2021.

Le rapporteur,

C. Rivas

Le président,

L. Lainé

La greffière,

V. Desbouillons

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT00237


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT00237
Date de la décision : 02/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Christian RIVAS
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : LE BIHAN

Origine de la décision
Date de l'import : 20/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-07-02;21nt00237 ?
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