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02/07/2021 | FRANCE | N°20NT03995

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 02 juillet 2021, 20NT03995


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les deux arrêtés du 11 septembre 2020 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire, d'une part, a décidé son transfert aux autorités italiennes, d'autre part, l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 2009462 du 6 octobre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 décembre 2020, M. C... D..., représenté par Me B..., demande à la cour

:

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 6 octobre 2020 ;

2°) d'annuler...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les deux arrêtés du 11 septembre 2020 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire, d'une part, a décidé son transfert aux autorités italiennes, d'autre part, l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 2009462 du 6 octobre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 décembre 2020, M. C... D..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 6 octobre 2020 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 11 septembre 2020 du préfet de Maine-et-Loire décidant son transfert aux autorités italiennes et l'assignant à résidence ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale et, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans les meilleurs délais ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sur la régularité du jugement attaqué en ce qui concerne la décision de transfert : le jugement relève des faits relatifs qui ne sont pas établis et est erroné s'agissant de la base légale retenue ;

- sur le bien-fondé du jugement :

en ce qui concerne l'arrêté de transfert :

- il n'est pas suffisamment motivé et erroné en ce qu'il indique que l'Italie a donné son accord explicite au transfert ;

- il est intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière en méconnaissance des dispositions des articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen de sa situation personnelle, au regard des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- l'arrêté procède d'une application manifestement erronée de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 qui permet de déroger aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile avec un risque de violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de la situation sanitaire et de la suspension décidée des transferts vers l'Italie ;

en ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant transfert en Italie ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er février 2021, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré du non-lieu à statuer sur la décision portant transfert aux autorités italiennes.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 novembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant de la République démocratique du Congo né le 5 janvier 2001, a déclaré être entré irrégulièrement en France le 16 juillet 2020. Le 11 août suivant il a présenté une demande d'asile auprès de la préfecture de la Loire-Atlantique. A la suite du relevé de ses empreintes digitales il a été constaté qu'il avait préalablement sollicité l'asile en Italie. Consécutivement à leur saisine par le préfet de Maine-et-Loire, les autorités italiennes ont implicitement accepté la reprise en charge de M. D.... Par deux arrêtés du 11 septembre 2020, le préfet de Maine-et-Loire a décidé de transférer M. D... à ces autorités et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Par un jugement du 6 octobre 2020, dont M. D... relève appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande d'annulation de ces arrêtés.

Sur l'étendue du litige :

2. D'une part, aux termes de l'article 29 du règlement n° 604-2013 du 26 juin 2013 : " Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'Etat membre requérant vers l'Etat membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'Etat membre requérant, après concertation entre les Etats membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. / 2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. ".

3. D'autre part, l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel, ni d'ailleurs le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.

4. Le délai initial de six mois dont disposait le préfet de Maine-et-Loire pour procéder à l'exécution de la décision de transfert du requérant vers l'Italie a été interrompu par la saisine du tribunal administratif de Nantes. Ce délai a recommencé à courir intégralement à compter de la notification à l'administration, le 6 octobre 2020, du jugement attaqué. Il ressort des pièces du dossier que ce délai n'a pas fait l'objet d'une prolongation et que cet arrêté n'a pas non plus reçu exécution pendant sa période de validité. Par suite, l'arrêté en cause est caduc à la date du présent arrêt. La France est donc devenue responsable de la demande d'asile de l'intéressé, sur le fondement des dispositions du 2 de l'article 29 du règlement n° 604-2013 du 26 juin 2013. Le litige ayant perdu son objet il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. D... tendant à l'annulation du jugement du 6 octobre 2020 en tant qu'il a rejeté ses conclusions en annulation de l'arrêté de transfert du 11 septembre 2020.

En ce qui concerne l'arrêté portant assignation à résidence :

5. L'arrêté portant assignation à résidence de l'intéressé ayant été exécuté, il y a lieu de statuer sur les conclusions tendant à son annulation présentées par M. D....

Sur le bien-fondé du jugement en tant qu'il concerne l'arrêté portant assignation à résidence :

En ce qui concerne le moyen tiré de l'illégalité de la décision de transfert :

6. En premier lieu, en application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.

7. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application. Ainsi, doit notamment être regardée comme suffisamment motivée, s'agissant d'un étranger ayant, dans les conditions posées par le règlement, présenté une demande d'asile dans un autre Etat membre et devant, en conséquence, faire l'objet d'une reprise en charge par cet Etat, la décision de transfert à fin de reprise en charge qui, après avoir visé le règlement, relève que le demandeur a antérieurement présenté une demande dans l'Etat en cause, une telle motivation faisant apparaître qu'il est fait application du b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 ou du paragraphe 5 de l'article 20 du règlement.

8. La décision de transfert contestée vise notamment le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, ainsi que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en particulier son article L. 742-3, indique que M. D... a présenté une demande d'asile auprès de la préfecture de la Loire-Atlantique et que les recherches entreprises sur le fichier Eurodac ont fait apparaître qu'il avait déposé une demande d'asile en Italie eu égard aux références du relevé de ses empreintes digitales effectué le 22 avril 2020 en Italie. Cette décision comporte également un exposé de son parcours migratoire en Europe et de sa situation personnelle et familiale. Elle comporte ainsi un exposé détaillé des considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet de Maine-et-Loire s'est fondé pour considérer l'Italie comme responsable de l'examen de cette demande d'asile et décider du transfert de l'intéressé auprès des autorités de ce pays et fait apparaître qu'il est fait application du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement. La circonstance que l'arrêté contesté mentionne que les autorités italiennes ont donné leur accord explicite au transfert du requérant, alors qu'il s'est agi d'un accord implicite reste sans incidence sur l'obligation de motivation. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision ne satisferait pas à l'exigence légale de motivation doit être écarté.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 visé ci-dessus : " Droit à l'information / 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment: /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée; /b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable (...); /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 (...) ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert;/e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant (...). / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune (...). Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les Etats membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux Etats membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement. / 3. Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. ". Enfin selon les dispositions de l'article 5 du même règlement : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) ".

10. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre l'ensemble des éléments d'information prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. La remise de ces éléments doit intervenir en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations. Eu égard à leur nature, la remise par l'autorité administrative de ces informations prévues par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

11. Au cas d'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. D... s'est vu remettre le 11 août 2020, lors de l'enregistrement de sa demande d'asile dans les services de la préfecture, et à l'occasion de son entretien individuel, les brochures A et B conformes aux modèles figurant à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la commission du 30 janvier 2014, qui contiennent l'ensemble des informations prescrites par les dispositions précitées. Ces documents, dont les pages de garde ont été signées par l'intéressé le 11 août 2020, sont rédigés en français, langue qu'il a déclaré comprendre, ainsi que cela ressort des termes du compte-rendu de l'entretien individuel du même jour sur lequel il a apposé sa signature, et dont le contenu lui a également été communiqué oralement lors de cet entretien. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit à l'information du demandeur d'asile énoncé à l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté.

12. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 : " (...) 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. (...) ". Et il résulte de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que : " Lorsqu'il est prévu aux livres II, V et VI et à l'article L. 742-3 du présent code qu'une décision ou qu'une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire. (...) ".

13. Il ressort des mentions figurant sur le compte-rendu signé par M. D... qu'il a bénéficié le 11 août 2020, soit avant l'intervention de la décision contestée, de l'entretien individuel prévu par l'article 5 précité du règlement n° 604/2013. Cet entretien s'est tenu en langue française, que l'intéressé a déclaré comprendre. Il n'est pas établi que le requérant n'aurait pas été en capacité de comprendre les informations qui lui ont été délivrées et de faire valoir toutes observations utiles relatives à sa situation au cours de l'entretien, ainsi que cela ressort du compte-rendu qui en a été établi. Aucun élément du dossier n'établit par ailleurs que cet entretien, dont aucune réglementation n'interdisait au préfet d'en déléguer la tenue à un agent habilité de ses services, n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. Il n'est enfin pas établi par l'instruction que les informations portées sur le compte-rendu de l'entretien, qui s'est déroulé en français et sans interprète, seraient erronées. Dès lors, les moyens tirés de la violation des dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 et de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.

14. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable (...) ". Par ailleurs, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule et l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne dispose que : " Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

15. Si M. D... invoque les mauvaises conditions de prise en charge des demandeurs d'asile en Italie, dont il affirme avoir souffert, les documents qu'il produit à l'appui de ses allégations ne permettent pas de tenir pour établi que sa demande d'asile serait exposée à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités italiennes, y compris au regard des conséquences de la pandémie sévissant dans ce pays, dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, alors que l'Italie est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'établit ainsi pas encourir le risque de subir dans ce pays un traitement inhumain ou dégradant en méconnaissance des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne et 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013.

16. En cinquième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...)".

17. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Maine-et-Loire n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. D... et des conséquences de son transfert en Italie au regard notamment des garanties exigées par le respect du droit d'asile. D'autre part, le récit de son parcours d'exil ne permet pas de démontrer à lui seul qu'il serait dans une situation de vulnérabilité exceptionnelle imposant d'instruire sa demande d'asile en France. Dans ces conditions, il n'est pas établi que le préfet de Maine-et-Loire aurait entaché la décision de transfert d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article 17 du règlement précité, y compris au regard de la situation sanitaire existant dans ce pays.

18. L'exception d'illégalité de l'arrêté de transfert soulevée doit, compte tenu de ce qui vient d'être dit aux points 6 à 17, être écartée.

En ce qui concerne les moyens propres à l'arrêté d'assignation à résidence :

19. En premier lieu, l'arrêté portant assignation à résidence de M. D... comporte l'exposé des considérations de droit et de fait qui le fondent. Il est ainsi suffisamment motivé au regard des exigences des dispositions de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

20. En deuxième lieu, il n'est pas établi qu'à la date à laquelle a été adopté l'arrêté de transfert litigieux, le 11 septembre 2020, le transfert du requérant en Italie ne demeurait pas, eu égard notamment aux évolutions du contexte sanitaire, une perspective raisonnable au sens de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur manifeste d'appréciation, notamment au regard de son droit à un recours effectif, ne peuvent qu'être écartés.

21. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté l'assignant à résidence.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

22. Si, compte tenu de la caducité de la décision de transfert contestée, la France est l'Etat membre responsable de l'examen de la demande d'asile présentée par M. D..., le présent arrêt n'implique, par lui-même, aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

23. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. D... au profit de son avocate au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. D... aux fins d'annulation de l'arrêté du préfet de Maine-et-Loire du 11 septembre 2020 prononçant son transfert en Italie.

Article 2 : Le surplus de la requête de M. D... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié M. C... D... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 15 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. A..., président assesseur,

- Mme E..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juillet 2021.

Le rapporteur,

C. A...

Le président,

L. Lainé

La greffière,

V. Desbouillons

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT03995


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT03995
Date de la décision : 02/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Christian RIVAS
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : PERROT

Origine de la décision
Date de l'import : 20/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-07-02;20nt03995 ?
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