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02/07/2021 | FRANCE | N°20NT02815

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 02 juillet 2021, 20NT02815


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 7 janvier 2020 par lequel le préfet du Loiret a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle pourra, le cas échéant, être reconduite d'office.

Par un jugement n° 2001077 du 4 août 2020, le tribunal administratif d'Orléans a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le

7 septembre 2020 le préfet du Loiret, représenté par

Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 7 janvier 2020 par lequel le préfet du Loiret a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle pourra, le cas échéant, être reconduite d'office.

Par un jugement n° 2001077 du 4 août 2020, le tribunal administratif d'Orléans a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 septembre 2020 le préfet du Loiret, représenté par

Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 4 août 2020 ;

2°) de rejeter la demande de Mme A... ;

Il soutient que :

- Mme A... ne justifie pas de ressources stables et suffisantes lui permettant d'obtenir une carte de résident sur le fondement de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il y a donc lieu de substituer ce motif à celui retenu dans l'arrêté contesté, tiré de ce que son mariage avec un ressortissant français a été rompu ;

- les autres moyens soulevés par Mme A... en première instance ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 novembre 2011 Mme A..., représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de de mettre à la charge de l'Etat, au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 200 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- sa situation particulière n'a pas été examinée par le préfet du Loiret ;

- le préfet du Loiret a méconnu les dispositions du 3° de l'article L. 314-9, de l'article L. 314-8 et du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 7 janvier 2020 a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale, protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il est également entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- l'obligation de quitter le territoire français est privée de base légale en raison de l'illégalité du refus de délivrance d'un titre de séjour et a, en tout état de cause, méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 mars 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention du 26 septembre 1994 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Mali sur la circulation et le séjour des personnes ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante malienne née le 25 décembre 1973, est entrée en France le 16 juin 2010. Elle a été autorisée à y séjourner du 10 septembre 2012 au 9 septembre 2013 en raison de son état de santé, puis du 29 octobre 2014 au 28 octobre 2017 en qualité d'épouse d'un ressortissant français. Le 18 octobre 2017, elle a demandé le renouvellement de son titre de séjour. Le préfet du Loiret a rejeté sa demande par un arrêté du 28 février 2018, qui a en dernier lieu été annulé pour vice de forme le 4 octobre 2019 par la cour administrative d'appel de Nantes. Par un arrêté du 7 janvier 2020, le préfet a pris une nouvelle décision de rejet, assortie d'une obligation de quitter le territoire français et d'une décision fixant le pays à destination duquel Mme A... pourra être renvoyée d'office. Le préfet du Loiret relève appel du jugement du 4 août 2020 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a annulé cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes des stipulations de l'article 11 de la convention franco-malienne du 26 septembre 1994 visée ci-dessus : " Après trois années de résidence régulière et non interrompue, les nationaux de chacune des Parties contractantes établis sur le territoire de l'autre Partie, peuvent obtenir un titre de séjour de dix ans, dans les conditions prévues par la législation de l'Etat d'accueil (...) ".

3. Selon l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " est délivrée de plein droit à l'étranger qui justifie : 1° D'une résidence régulière ininterrompue d'au moins cinq ans en France au titre de l'une des cartes de séjour temporaires ou pluriannuelles ou de l'une des cartes de résident prévues au présent code (...) / 2° De ressources stables, régulières et suffisantes pour subvenir à ses besoins. Ces ressources doivent atteindre un montant au moins égal au salaire minimum de croissance. (...) ".

4. Enfin, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué, le juge peut procéder à la substitution demandée.

5. Le préfet du Loiret a refusé à Mme A... la délivrance d'une carte de résident, sur le fondement des dispositions de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile rappelées au point 3, au motif qu'elle avait divorcé le 21 décembre 2018, circonstance qui, comme l'a jugé à bon droit le tribunal administratif d'Orléans, ne pouvait légalement lui être opposée dans le cadre de l'application de ces dispositions. Toutefois, le préfet du Loiret demande, pour la première fois en appel, que soit substitué à ce motif erroné celui tiré de ce que l'intéressée ne justifiait pas de ressources stables, régulières et suffisantes.

6. Il ressort des pièces du dossier et n'est d'ailleurs pas contesté que Mme A..., qui est sans emploi, ne dispose pas de ressources suffisantes, au moins égales au salaire minimum de croissance, pour obtenir de plein droit une carte de résident sur le fondement des dispositions de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il résulte de l'instruction que le préfet du Loiret aurait pris la même décision s'il s'était fondé sur ce motif. Par suite, et dès lors que la substitution de motif demandée n'a pas privé Mme A... d'une garantie, il y a lieu d'y procéder. Il en résulte que c'est à tort que le tribunal administratif a annulé l'arrêté contesté au motif qu'il avait été pris en méconnaissance des dispositions de l'article L.314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... tant devant la cour que devant le tribunal administratif d'Orléans.

8. En premier lieu, l'arrêté contesté expose les circonstances de droit et de fait sur lesquelles il se fonde. Il est donc suffisamment motivé.

9. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme A... n'a pas demandé un titre de séjour en raison de son état de santé et que le préfet, qui n'y était pas tenu, n'a pas examiné d'office son droit au séjour sur ce fondement. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté aurait méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant. Dans ces conditions, cet arrêté, alors même qu'il ne mentionne pas les informations portées à la connaissance de l'administration par

Mme A... sur son état de santé, ne révèle pas un défaut d'examen de la situation particulière de celle-ci.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 314-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de résident est délivrée de plein droit : (...) / 3° A l'étranger marié depuis au moins trois ans avec un ressortissant de nationalité française, à condition qu'il séjourne régulièrement en France, que la communauté de vie entre les époux n'ait pas cessé depuis le mariage (...) ".

11. Il est constant que Mme A... a divorcé de son époux français le 21 décembre 2018. Par suite, à la date de l'arrêté contesté, date à laquelle le préfet du Loiret devait se placer pour tenir compte de sa situation, elle ne remplissait pas les conditions lui permettant d'obtenir de plein droit une carte de résident sur le fondement des dispositions rappelées au point précédent. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit donc être écarté.

12. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

13. A la date de l'arrêté contesté Mme A... était célibataire et sans charge de famille, elle ne justifiait d'aucune insertion particulière dans la société française et n'établissait pas être sans attache au Mali, où elle a vécu jusqu'à l'âge de 36 ans. Dans ces conditions, alors même qu'elle pouvait se prévaloir d'une durée de résidence en France de dix ans, cet arrêté n'a pas porté à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée, contraire aux stipulations rappelées au point précédent. Pour les mêmes raisons, il n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de Mme A....

14. En cinquième lieu, il résulte des dispositions des articles L. 312-1 et L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions permettant d'obtenir de plein droit un titre de séjour et auxquels il envisage de refuser le titre de séjour demandé, et non de celui de tous les étrangers qui sollicitent un tel titre.

Mme A... n'établissant pas, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, être en situation de bénéficier de plein droit d'un titre de séjour, le préfet du Loiret n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour.

15. En sixième lieu, il résulte de ce qui précède que la décision refusant à Mme A... le renouvellement de son titre de séjour n'est pas illégale et que, par voie de conséquence, la mesure d'éloignement contestée n'est pas privée de base légale.

16. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ".

17. S'il ressort des pièces produites par Mme A... que celle-ci souffre de diverses pathologies chroniques, aucun de ces documents ne permet d'établir qu'elle ne pourrait bénéficier effectivement du suivi médical et des soins dont elle a besoin au Mali. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit donc être écarté.

18. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté contesté du 7 janvier 2020.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

19. Le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Les conclusions présentées par Mme A... tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet du Loiret de lui délivrer une carte de résident ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, doivent donc être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, verse à Mme A... la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°2001077 du tribunal administratif d'Orléans du 4 août 2020 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif d'Orléans est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme E... A....

Copie sera adressée au préfet du Loiret.

Délibéré après l'audience du 17 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, présidente de chambre

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- M. C..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juillet 2021.

Le rapporteur

E. C... La présidente

I. PerrotLe greffier

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT02815


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT02815
Date de la décision : 02/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PERROT
Rapporteur ?: M. Eric BERTHON
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : HERVOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-07-02;20nt02815 ?
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