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02/07/2021 | FRANCE | N°20NT02758

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 02 juillet 2021, 20NT02758


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler les arrêtés du 2 juillet 2020 par lesquels le préfet d'Ille-et-Vilaine, d'une part, a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter sans délai le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle pourra, le cas échéant, être reconduite d'office et, d'autre part, l'a assignée à résidence.

Par un jugement n° 2002821 des 20 juillet et 12 octobre 2020 le tribunal administratif de Rennes a an

nulé les décisions de refus de délai de départ volontaire et d'assignation à résidence c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler les arrêtés du 2 juillet 2020 par lesquels le préfet d'Ille-et-Vilaine, d'une part, a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter sans délai le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle pourra, le cas échéant, être reconduite d'office et, d'autre part, l'a assignée à résidence.

Par un jugement n° 2002821 des 20 juillet et 12 octobre 2020 le tribunal administratif de Rennes a annulé les décisions de refus de délai de départ volontaire et d'assignation à résidence contestées et rejeté le surplus de la demande de Mme A....

Procédure devant la cour :

I - Par une requête enregistrée le 3 septembre 2020 sous le n° 20NT02758 Mme A..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes du 20 juillet 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine du 2 juillet 2020 lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixant la Mongolie comme pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de trois jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative la somme de 1 500 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la mesure d'éloignement contestée n'est pas suffisamment motivée et révèle un défaut d'examen de sa situation particulière ;

- le préfet d'Ille-et-Vilaine a méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision contestée a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale, protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est aussi entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 janvier 2021 le préfet d'Ille-et-Vilaine conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 septembre 2020.

II - Par une requête enregistrée le 3 janvier 2021 sous le n° 21NT00004 Mme A..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 12 octobre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine du 2 juillet 2020 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ;

3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de trois jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour n'est pas suffisamment motivée et révèle un défaut d'examen de sa situation particulière ;

- elle méconnait les dispositions des articles L. 313-11 (7°) et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 avril 2021 le préfet d'Ille-et-Vilaine conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués par Mme A... ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 novembre 2020.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante mongole née le 8 janvier 1985, est entrée en France le

9 mars 2011. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 13 décembre 2011, confirmée le 6 février 2013 par la Cour nationale du droit d'asile. Elle a bénéficié d'une carte de séjour temporaire en raison de son état de santé, valable du 31 juillet 2013 au 30 juillet 2014, qui n'a pas été renouvelée. Le

20 septembre 2017, elle a demandé la régularisation de sa situation administrative. Par un arrêté du 2 juillet 2020, le préfet d'Ille-et-Vilaine a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter sans délai le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être renvoyée d'office. Par un autre arrêté du même jour, il l'a assignée à résidence. Par des requêtes nos 20NT02758 et 21NT00004, qu'il y a lieu de joindre, Mme A... relève appel du jugement n° 2002821 des

20 juillet et 12 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Rennes, après avoir annulé les décisions de refus de délai de départ volontaire et d'assignation à résidence contestées, a rejeté le surplus de ses conclusions.

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein

droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...) ".

3. Mme A..., qui réside en France depuis 2011 avec ses trois enfants mineurs, nés en 2007, en 2012 et en 2017, établit par la production de nombreux témoignages, pétitions de soutien, attestations émanant d'associations et articles de presse son excellente insertion dans la société française. Il ressort aussi des pièces du dossier que ses enfants poursuivent avec succès leur scolarité en France et sont également très bien insérés. Enfin, Mme A... justifie avoir travaillé en 2019 et 2020 et se prévaut d'une promesse d'embauche crédible dans le secteur du maraîchage, de nature à lui permettre de subvenir aux besoins de sa famille. Dans ces conditions particulières, eu égard à l'ancienneté et à l'intensité de ses liens personnels et familiaux en France, l'arrêté contesté a porté au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme A... une atteinte disproportionnée, contraire aux dispositions rappelées au point précédent.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des requêtes, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du

2 juillet 2020 en tant qu'il lui refuse un titre de séjour, lui fait obligation de quitter le territoire français et fixe le pays de destination de sa reconduite.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Pour l'application des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative, l'annulation prononcée par le présent arrêt, eu égard au motif qui la fonde, implique que le préfet d'Ille-et-Vilaine délivre à Mme A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu d'adresser au préfet d'Ille-et-Vilaine une injonction en ce sens et de fixer à deux mois le délai imparti pour son exécution.

Sur les frais liés au litige :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser au conseil de Mme A... dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°2002821 du tribunal administratif de Rennes des 20 juillet et

12 octobre 2020 est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de Mme A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 juillet 2020 du préfet d'Ille-et-Vilaine portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination.

Article 2 : L'arrêté du 2 juillet 2020 du préfet d'Ille-et-Vilaine est annulé en tant qu'il porte refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et indication du pays de destination.

Article 3 : Il est enjoint au préfet d'Ille-et-Vilaine de délivrer à Mme A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros au conseil de Mme A... dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 17 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, présidente de chambre

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- M. B..., premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juillet 2021.

Le rapporteur

E. B...La président

I. PerrotLe greffier

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT02758, 21NT00004


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT02758
Date de la décision : 02/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PERROT
Rapporteur ?: M. Eric BERTHON
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : TUYAA BOUSTUGUE

Origine de la décision
Date de l'import : 20/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-07-02;20nt02758 ?
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