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02/07/2021 | FRANCE | N°20NT02159

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 02 juillet 2021, 20NT02159


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a saisi le tribunal administratif de Nantes d'un litige l'opposant à la commune des Rosiers-sur-Loire, devenue Gennes-Val de Loire (Maine-et-Loire), concernant l'achat d'un bien immobilier situé sur le territoire de cette commune.

Par une ordonnance n° 2002234 du 20 mai 2020, le président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 juillet 2020, M. E... C..., représenté par Me A...,

demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 20 mai 2020 du président de la 6ème...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a saisi le tribunal administratif de Nantes d'un litige l'opposant à la commune des Rosiers-sur-Loire, devenue Gennes-Val de Loire (Maine-et-Loire), concernant l'achat d'un bien immobilier situé sur le territoire de cette commune.

Par une ordonnance n° 2002234 du 20 mai 2020, le président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 juillet 2020, M. E... C..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 20 mai 2020 du président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la délibération du 16 décembre 2019 par laquelle le conseil municipal de la commune de Gennes-Val de Loire décide la cession, à la société Alter Eco, de la parcelle cadastrée BC 508 située 28 rue de la Croix aux Rosiers-sur-Loire afin d'y aménager un local professionnel ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Gennes-Val de Loire le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'ordonnance est irrégulière en ce qu'elle rejette sa demande dès lors que celle-ci comportait des moyens, conclusions et visait la délibération contestée qui était jointe ;

- par la voie de l'évocation, la délibération du 16 décembre 2019 du conseil municipal de Gennes-Val de Loire sera annulée en ce qu'il est décidé un changement d'utilisation du bien préempté et de son utilisation en méconnaissance des articles L. 210-1 et L. 213-11 du code de l'urbanisme ; sa motivation est insuffisante ; en méconnaissance de l'article L. 213-11 du code de l'urbanisme ni personnellement en sa qualité d'acquéreur évincé ni l'ancien propriétaire du bien ne se sont vus proposer à nouveau la vente de la parcelle.

Par lettre du 21 mars 2021, la commune de Gennes-Val de Loire a été mise en demeure de produire ses observations dans le délai de vingt-et-un jours, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 août 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C... a signé le 13 mars 2017 un compromis de vente avec la SCI Les Rhodos pour l'acquisition au prix de 76 000 euros d'une parcelle cadastrée BC 508 située 28 rue de la Croix sur le territoire de la commune des Rosiers-sur-Loire, devenue depuis Gennes-Val de Loire. Par une délibération du 21 mars 2017 le conseil municipal des Rosiers-sur-Loire a décidé de préempter cette parcelle en vue de la réalisation d'un programme d'habitat collectif et par une délibération du 4 mars 2019 ce même conseil municipal a autorisé la cession de cette parcelle à l'office public de l'habitat à loyers modérés (OPHLM) Saumur Habitat en vue de la réalisation d'un ensemble de neuf logements sociaux et d'un local commercial ou tertiaire. Cependant, par une nouvelle délibération du 16 décembre 2019, le conseil municipal a " annulé la délibération du 4 mars 2019 " et décidé de céder cette parcelle à la société Alter Eco pour y aménager un local professionnel. Par un courrier du 23 janvier 2020, M. C... a saisi le maire de cette commune d'un courrier manifestant son intérêt persistant à acquérir cette parcelle et lui a fait part de son étonnement de ne pas avoir été contacté à cette fin après l'abandon du projet initial. Par une lettre du 17 février 2020, le maire lui a répondu que la commune entendait poursuivre son projet de cession. M. C... a alors saisi le tribunal administratif de Nantes de ce litige. Par une ordonnance du 20 mai 2020, dont M. C... relève appel, le président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande comme manifestement irrecevable.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser (...) " et aux termes de l'article R. 411-1 du même code : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. (...) ". Par ailleurs, l'article R. 421-1 du même code dispose que " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. ".

3. Pour rejeter la demande de M. C... sur le fondement combiné des articles R. 222-1, R. 411-1 et R. 421-1 du code de justice administrative, le premier juge a retenu qu'elle ne comportait pas de moyens de droit ainsi qu'une argumentation susceptible d'établir l'illégalité d'une décision administrative et, en outre, qu'elle ne comportait aucune conclusion tendant à l'annulation d'une décision administrative identifiée. Toutefois, si la demande de M. C... ne comportait pas explicitement de moyen de droit, celui-ci avait joint en annexe à son écrit une copie d'un courrier du 23 janvier 2020 qu'il avait adressé au maire des Rosiers-sur-Loire, devenu Gennes-Val-de-Loire, où il exposait qu'alors qu'il avait signé un compromis de vente avec le propriétaire d'un local commercial, pour lequel la commune avait ensuite exercé son droit de préemption, il venait d'apprendre que cette collectivité avait décidé de le remettre en vente pour un autre motif, sans même lui proposer de l'acquérir alors qu'il demeurait intéressé par son achat. Il avait également joint à ses écritures la délibération du conseil municipal de Gennes-Val-de-Loire du 16 décembre 2019 décidant la cession de ce bien à un tiers et qui pouvait alors être regardée comme la délibération contestée. Sa demande satisfaisait donc, en particulier en l'absence d'avocat, aux prescriptions des articles R. 411-1 et R. 421-1 du code de justice administrative. Par suite, c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le premier juge du tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande comme irrecevable.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Nantes.

Sur la légalité de la délibération du 16 décembre 2019 du conseil municipal de Gennes-Val de Loire :

5. Aux termes de l'article R. 612-6 du code de justice administrative : " Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant ". Si, lorsque le défendeur n'a produit aucun mémoire, le juge administratif n'est pas tenu de procéder à une telle mise en demeure avant de statuer, il doit, s'il y procède, en tirer toutes les conséquences de droit et il lui appartient seulement, lorsque les dispositions précitées sont applicables, de vérifier que l'inexactitude des faits exposés dans les mémoires du requérant ne ressort d'aucune pièce du dossier.

6. Aux termes de l'article L. 213-11 du code de l'urbanisme : " Les biens acquis par exercice du droit de préemption doivent être utilisés ou aliénés pour l'un des objets mentionnés au premier alinéa de l'article L. 210-1, qui peut être différent de celui mentionné dans la décision de préemption. L'utilisation ou l'aliénation d'un bien au profit d'une personne privée autre que le concessionnaire d'une opération d'aménagement ou qu'une société d'habitations à loyer modéré doit faire l'objet d'une délibération motivée du conseil municipal ou, le cas échéant, d'une décision motivée du délégataire du droit de préemption. / Si le titulaire du droit de préemption décide d'utiliser ou d'aliéner pour d'autres objets que ceux mentionnés au premier alinéa de l'article L. 210-1 un bien acquis depuis moins de cinq ans par exercice de ce droit, il doit informer de sa décision les anciens propriétaires ou leurs ayants cause universels ou à titre universel et leur proposer l'acquisition de ce bien en priorité./ (...) Dans le cas où les anciens propriétaires ou leurs ayants cause universels ou à titre universel ont renoncé expressément ou tacitement à l'acquisition dans les conditions visées aux alinéas précédents, le titulaire du droit de préemption doit également proposer l'acquisition à la personne qui avait l'intention d'acquérir le bien. / Le titulaire du droit de préemption n'est tenu de respecter cette procédure que lorsque le nom de l'acquéreur était inscrit dans la déclaration mentionnée à l'article L. 213-2. ". Aux termes de l'article L. 210-1 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, à préserver la qualité de la ressource en eau, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement.(...) ". Et il résulte des dispositions de l'article L. 300-1 du même code que : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. (...) ".

7. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que par une délibération du 21 mars 2017 la commune des Rosiers-sur-Loire a décidé de préempter la parcelle cadastrée BC 508 située 28 rue de la Croix, que M. C... avait l'intention d'acquérir, afin de permettre " la réalisation d'un programme d'habitat collectif associé à une mixité de services publics et/ou privés utiles à la vie quotidienne des habitants dans un intérêt économique et social ". Puis après avoir décidé, par une délibération du 4 février 2019, de céder ce bien à l'OPHLM Saumur Habitat, son conseil municipal a, par la délibération contestée, renoncé à ce projet et décidé de céder ce bien à la société d'économie mixte Alter Eco afin qu'elle y aménage un local professionnel. Il y est précisé que cette entreprise, déjà implantée sur le territoire communal, est en recherche de locaux afin de répondre à son besoin d'extension et, qu'à défaut, elle devra se délocaliser. Par suite, en tout état de cause, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la délibération contestée est insuffisamment motivée au regard du premier alinéa de l'article L. 213-11 du code de l'urbanisme.

8. En deuxième lieu, il ressort explicitement du premier alinéa de l'article L. 213-11 du code de l'urbanisme que si les biens acquis par préemption doivent être utilisés ou aliénés pour l'un des objets mentionnés au premier alinéa de l'article L. 210-1 du même code, cet objet peut être différent de celui mentionné dans la décision de préemption. En l'espèce, si la commune des Rosiers-sur-Loire avait initialement décidé de préempter la parcelle cadastrée BC 508 pour la réalisation d'un programme d'habitat collectif, ces dispositions législatives lui permettaient ensuite de l'utiliser pour un objet distinct dès lors que celui-ci était compris dans le champ de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la délibération contestée serait irrégulière du fait d'un changement d'objet de l'utilisation de cette parcelle.

9. En troisième lieu, il résulte des dispositions combinées des articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme que le maintien ou l'extension d'une activité économique constituent l'une des opérations permettant l'exercice par une commune du droit de préemption. Au cas d'espèce ce motif de maintien et d'extension d'une entreprise pour un motif d'intérêt général fonde la délibération contestée. Aussi, M. C... ne peut utilement se prévaloir ensuite des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 213-11 du code de l'urbanisme, obligeant le titulaire du droit de préemption à proposer l'acquisition du bien préempté aux anciens propriétaires puis, en cas de renonciation de ceux-ci, à l'acquéreur évincé, dès lors qu'une telle obligation n'est applicable que dans l'hypothèse où la commune, par sa nouvelle décision de cession, poursuivrait un objet non mentionné au premier alinéa de l'article L. 210-1. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du deuxième alinéa de l'article L. 213-11 du code de l'urbanisme, ne peut qu'être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation de la délibération du 16 décembre 2019 par laquelle la commune de Gennes-Val de Loire a décidé de céder la parcelle cadastrée BC 508 située 28 rue de la Croix aux Rosiers-sur-Loire à la société Alter Eco. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : L'ordonnance n° 2002234 du 20 mai 2020 du président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Nantes est annulée.

Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Nantes et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C..., à Me A... et à la commune de Gennes-Val de Loire.

Délibéré après l'audience du 15 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. B..., président assesseur,

- Mme F..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juillet 2021.

Le rapporteur,

C. B...

Le président,

L. Lainé

La greffière,

V. Desbouillons

La République mande et ordonne au préfet du Maine-et-Loire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT02159


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT02159
Date de la décision : 02/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Christian RIVAS
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : CABINET AetE

Origine de la décision
Date de l'import : 20/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-07-02;20nt02159 ?
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