Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... F... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 28 juin 2017 par laquelle le ministre de l'intérieur a déclaré sa demande de naturalisation irrecevable et la décision du préfet de police du 23 mars 2017 ajournant à deux ans sa demande de naturalisation.
Par un jugement n° 1710857 du 2 juin 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 29 septembre 2020, et un mémoire enregistré le 8 mars 2021, Mme F..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 2 juin 2020 ;
2°) d'annuler la décision du 28 juin 2017, ainsi que la décision du préfet de police du 23 mars 2017 ;
3°) d'enjoindre au ministre chargé des naturalisations de réexaminer sa demande dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision attaquée est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- elle est entachée d'erreur de fait et de droit dès lors qu'elle réside en France de manière ininterrompue depuis cinq ans, l'annulation par le juge administratif du retrait de son titre de séjour ayant nécessairement eu pour effet de la régulariser avec effet rétroactif ;
- le ministre ne pouvait confirmer une décision préfectorale d'ajournement par une décision déclarant sa demande de naturalisation irrecevable ;
- la décision est entachée d'erreur d'appréciation dès lors qu'elle est parfaitement intégrée et remplit les conditions des autres articles du code civil.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 février 2021 le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la décision du 28 juin 2017 s'est entièrement substituée à la décision préfectorale ;
- les moyens soulevés par Mme F... ne sont pas fondés.
Mme F... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 août 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...
- et les observations de Me D..., substituant Me C..., représentant Mme F....
Considérant ce qui suit :
1. Mme F... relève appel du jugement du 2 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 28 juin 2017 par laquelle le ministre de l'intérieur a substitué à la décision d'ajournement du préfet de police du 23 mars 2017 une décision déclarant irrecevable sa demande de naturalisation.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision préfectorale :
2. En application des dispositions de l'article 45 du décret du 30 décembre 1993 visé ci-dessus, les décisions par lesquelles le ministre statue sur les recours préalables obligatoires se substituent à celles des autorités préfectorales qui lui sont déférées. Les conclusions de la requérante dirigées contre la décision préfectorale et renouvelées en appel sont, ainsi que l'a jugé le premier juge, irrecevables, sans que le requérant conteste cette irrecevabilité.
En ce qui concerne la décision du 28 juin 2017 :
3. D'une part, aux termes de l'article 21-15 du code civil : " Hors le cas prévu à l'article 21-14-1, l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger " et aux termes de l'article 48 du même décret : " (...) / Lorsque les conditions requises par la loi sont remplies, le ministre chargé des naturalisations propose, s'il y a lieu, la naturalisation ou la réintégration dans la nationalité française. Lorsque ces conditions ne sont pas remplies, il déclare la demande irrecevable (...) ".
4. D'autre part, aux termes de l'article 21-17 du code civil : " (...) la naturalisation ne peut être accordée qu'à l'étranger justifiant d'une résidence habituelle en France pendant les cinq années qui précèdent le dépôt de la demande ". Un étranger en situation irrégulière au regard des dispositions relatives au séjour et au travail des étrangers ne peut être regardé comme remplissant la condition de résidence posée par les dispositions précitées.
5. En l'espèce, pour déclarer irrecevable la demande de naturalisation présentée par Mme F..., le ministre de l'intérieur a, sur le fondement des dispositions de l'article 21-17 du code civil, estimé que l'intéressée ne justifiait pas, à la date de dépôt de sa demande de naturalisation, soit en 2013, de cinq ans de résidence continue et régulière en France, puisque sa situation administrative au regard du séjour avait été régularisée le 22 novembre 2012.
6. En premier lieu, les moyens tirés de ce que la décision attaquée ne serait pas suffisamment motivée et serait entachée d'un défaut d'examen particulier de la situation de Mme F... doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge.
7. En deuxième lieu, le ministre, qui peut légalement substituer une décision d'irrecevabilité à une décision d'ajournement s'est borné à faire application des dispositions des articles 21-15 à 21-17 du code civil.
8. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment de la fiche de Mme F... extraite de l'application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France (AGDREF) produite par le ministre, que Mme F..., ressortissante algérienne, a été placée sous autorisation provisoire de séjour du 27 juin 2008 au 25 décembre 2008. Elle a été de nouveau placée en situation régulière du 29 juillet 2009 au 20 octobre 2009, sous couvert d'une nouvelle autorisation provisoire de séjour. Elle a bénéficié ensuite d'un récépissé de demande de titre de séjour du 2 août 2010 au 1er novembre 2010 et d'un certificat de résidence algérien valable du 8 août 2010 au 1er août 2011, date à laquelle elle a à nouveau été placée sous récépissé jusqu'au 21 septembre 2011. Par un jugement définitif du 13 novembre 2012 le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du préfet de police du 3 juillet 2012 portant, d'une part, retrait de son certificat de résidence algérien valable du 8 août 2010 au 1er août 2011 et, d'autre part, refus de délivrance d'un titre de séjour. Le préfet de police a délivré, en exécution de ce jugement, un récépissé valable du 22 novembre 2012 au 19 février 2013 puis un certificat de résidence algérien valable du 19 février 2013 au 18 février 2014.
9. Si Mme F... soutient que l'annulation de l'arrêté du 3 juillet 2012 a eu pour effet de faire revivre le titre de séjour dont elle était titulaire, et qu'elle doit ainsi être regardée comme ayant été en situation régulière de manière ininterrompue durant les cinq années qui ont précédé sa demande de naturalisation en 2013, il ressort des pièces du dossier que la validité du titre de séjour retiré par l'arrêté du 3 juillet 2012 ne couvrait pas la totalité de la période allant du 29 septembre 2011 au 22 novembre 2012. Dans ces conditions, les pièces produites au dossier ne permettent pas d'établir que Mme F... a bénéficié de manière ininterrompue d'un droit au séjour durant les cinq années précédant sa demande de naturalisation et plus particulièrement au cours de la période allant du 29 septembre 2011 au 22 novembre 2012. Dans ces conditions, le ministre de l'intérieur a pu, sans erreur de fait ou de droit, déclarer sa demande irrecevable.
10. En quatrième et dernier lieu, Mme F... ne peut utilement soutenir qu'elle est insérée professionnellement dans la société, y a ses attaches familiales et remplit les autres conditions posées par le code civil, eu égard au motif retenu par le ministre pour déclarer irrecevable sa demande de naturalisation.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme F... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
12. Le présent arrêt, qui rejette la requête de Mme F..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de Mme F... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme F... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... F... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 8 juin 2021 à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- Mme A..., présidente assesseur,
- Mme E..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 juin 2021.
La rapporteure,
H. A...
Le président,
A. PÉREZ
La greffière,
A. BRISSET
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT03097