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24/06/2021 | FRANCE | N°20NT00254

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 24 juin 2021, 20NT00254


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Couverture Lubin a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'ordonner la restitution du crédit d'impôt en faveur des métiers d'art au titre des années 2011 à 2014, à hauteur de la somme totale de 50 484 euros.

Par un jugement n° 1802970 du 19 novembre 2019, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 janvier 2020, la SARL Couverture Lubin, représentée pa

r Mes Aurus et Lion, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Couverture Lubin a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'ordonner la restitution du crédit d'impôt en faveur des métiers d'art au titre des années 2011 à 2014, à hauteur de la somme totale de 50 484 euros.

Par un jugement n° 1802970 du 19 novembre 2019, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 janvier 2020, la SARL Couverture Lubin, représentée par Mes Aurus et Lion, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge et la restitution de ces cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés, au titre du bénéfice du crédit d'impôt en faveur des métiers d'art pour les années 2011 à 2014 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la vérification de comptabilité a duré plus de trois mois, en méconnaissance de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales et du paragraphe n° 60 de l'instruction référencée BOI-CF-PGR-20-30 du 4 février 2015 ;

- l'activité qu'elle exerce est éligible au crédit d'impôt en faveur des métiers d'art et pour les années 2013 et 2014, elle peut se prévaloir de l'instruction BOI-BIC-RICI-10-100 du 18 mars 2014 et de l'instruction référencée BOI-BIC-RICI-10-100 n° 20 du 7 juin 2017.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 juillet 2020, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour de rejeter la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'arrêté du 12 décembre 2003 fixant la liste des métiers de l'artisanat d'art ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) Couverture Lubin, qui a pour objet social l'activité de travaux de charpente, a déposé, le 24 juin 2014 et le 28 mai 2015, des demandes de crédit d'impôt en faveur des métiers d'art sur le fondement de l'article 244 quater O du code général des impôts, au titre des années 2011 à 2014. Le montant des crédits d'impôt obtenu par la société s'est élevé à la somme de 14 083 euros au titre de l'année 2011, 12 987 euros au titre de l'année 2012, 9 526 euros au titre de l'année 2013 et 13 888 euros au titre de l'année 2014. A l'issue d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a considéré que l'activité de la société n'ouvrait pas droit au crédit d'impôt et l'a assujettie à des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices 2011 à 2014. La SARL Couverture Lubin a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'ordonner la restitution de ce crédit d'impôt, à hauteur de la somme totale de 50 484 euros. Par un jugement du 19 novembre 2019, le tribunal a rejeté sa demande. La SARL Couverture Lubin fait appel de ce jugement.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales : " I. - Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois en ce qui concerne: / 1° Les entreprises industrielles et commerciales ou les contribuables se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes n'excède pas les limites prévues au I de l'article 302 septies A du code général des impôts (...) III. En cas de mise en oeuvre du I de l'article L. 47 A, le délai de trois mois prévu au I du présent article est suspendu jusqu'à la remise de la copie des fichiers des écritures comptables à l'administration. ". L'article L. 47 A du même livre dispose que : " I. - Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contribuable qui fait l'objet d'une vérification de comptabilité satisfait à l'obligation de représentation des documents comptables (...) en remettant au début des opérations de contrôle, sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget, une copie des fichiers des écritures comptables (...) ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que la vérification sur place des livres et documents mentionnée à l'article L. 52 débute à la date à laquelle le vérificateur commence à contrôler sur place la sincérité des déclarations fiscales et se trouve suspendue, dans le cas de remise incomplète des écritures comptables, jusqu'au jour de la remise complète des documents comptables informatisés de l'entreprise vérifiée.

3. Il est constant que la SARL Couverture Lubin a fait l'objet d'une vérification de comptabilité engagée par l'avis de vérification de comptabilité du 17 février 2016 prévoyant une première intervention le 8 mars 2016. Il ressort de la proposition de rectification du 20 juin 2016, sans que ces éléments soient contredits par la requérante, que " les fichiers des écritures comptables ont été remis à l'administration par le biais de la plate-forme d'échange Escale de la DGFIP le 9 mars 2016 pour les exercices 2013, 2014 et 2015 (procès-verbal remis en main propre le 23 mars 2016) et le 24 mars 2016 pour l'exercice 2012, concernant le crédit d'impôt en faveur des métiers d'art pour 2011 (procès-verbal remis en main propre le 6 avril 2016). ". La proposition de rectification mentionnait qu'elle portait notamment sur la " réclamation contentieuse de crédit d'impôt métiers d'art 2011 ", correspondant, en vertu du IV de l'article 244 quater O du code général des impôts, à l'exercice clos le 30 juin 2012, qui devait donc aussi faire l'objet de la vérification. Dès lors, le délai de trois mois prévu par les dispositions de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales citées au point 2, qui a couru à compter du 8 mars 2016, a été suspendu entre le 9 mars et le 24 mars 2016, date à laquelle ont été remis à l'administration les fichiers informatisés pour l'ensemble des exercices faisant l'objet de la vérification. Ainsi, à la date de la réunion de synthèse du 14 juin 2016, le délai de trois mois n'était pas expiré. Par conséquent, le moyen tiré du dépassement du délai de trois mois prescrit par les dispositions de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales doit être écarté.

4. En second lieu, la société requérante n'est pas fondée à se prévaloir du paragraphe n° 60 de l'instruction référencée BOI-CF-PGR-20-30 du 4 février 2015, dès lors qu'est en cause la régularité de la procédure d'imposition.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne les années 2011 et 2012 :

5. Aux termes de l'article 244 quater O du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " I. - Les entreprises mentionnées au III et imposées d'après leur bénéfice réel (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt égal à 10 % de la somme : / 1° Des salaires et charges sociales afférents aux salariés directement chargés de la conception de nouveaux produits dans un des secteurs ou métiers mentionnés au III et aux ingénieurs et techniciens de production chargés de la réalisation de prototypes ou d'échantillons non vendus ; (...) / 5° Des autres dépenses de fonctionnement exposées à raison des opérations de conception de nouveaux produits et à la réalisation de prototypes ; ces dépenses sont fixées forfaitairement à 75 % des dépenses de personnel mentionnées au 1° ; (...) / III. - Les entreprises pouvant bénéficier du crédit d'impôt mentionné au I sont : / 1° Les entreprises dont les charges de personnel afférentes aux salariés qui exercent un des métiers d'art énumérés dans un arrêté du ministre chargé des petites et moyennes entreprises représentent au moins 30 % de la masse salariale totale ; (...) / IV. - Quelle que soit la date de clôture des exercices et quelle que soit leur durée, le crédit d'impôt mentionné au I est calculé par année civile. (...) / VIII. - Le présent article s'applique aux crédits d'impôt calculés au titre des dépenses exposées par les entreprises mentionnées au III jusqu'au 31 décembre 2012. ". L'article 49 septies ZL de l'annexe III au même code prévoit, dans sa rédaction applicable, que : " Pour l'application des dispositions de l'article 244 quater O du code général des impôts, les opérations de conception de nouveaux produits s'entendent des travaux portant sur la mise au point de produits ou gamme de produits qui, par leur apparence caractérisée en particulier par leurs lignes, contours, couleurs, matériaux, forme, texture, ou par leur fonctionnalité, se distinguent des objets industriels ou artisanaux existants ou des séries ou collections précédentes ".

6. Il résulte de ces dispositions que, pour bénéficier du crédit d'impôt institué en faveur des métiers d'art, une partie des salariés de la société doit exercer un des métiers d'art énumérés par un arrêté du ministre chargé des petites et moyennes entreprises. En outre, les charges de personnel afférentes à ces salariés doivent représenter au moins 30 % de la masse salariale totale. Enfin, à supposer que ces deux conditions cumulatives soient remplies, la société ne peut bénéficier de ce crédit d'impôt qu'en ce qui concerne les charges relatives à la conception de produits nouveaux. D'une part, la seule circonstance qu'une entreprise artisanale exerce un ou plusieurs métiers d'art n'est pas suffisante pour lui permettre d'être éligible au crédit d'impôt et, d'autre part, les opérations de conception de nouveaux produits ouvrant droit au bénéfice du crédit d'impôt consistent en la mise en oeuvre de moyens visant à la production d'un travail de création original. A cet égard, la circonstance que des équipements seraient conçus et fabriqués sur mesure par des personnels mettant en oeuvre un savoir-faire exigeant pour répondre à la demande individuelle de chaque client, constituant ainsi autant d'ouvrages d'artisanat d'art différents et uniques, ne suffit pas à caractériser un travail de conception d'un nouveau produit au sens des dispositions citées au point 5.

7. L'administration reconnaît que la société requérante emploie des charpentiers et couvreurs, métiers liés à l'architecture et figurant sur la liste des métiers de l'artisanat d'art de l'arrêté du 12 décembre 2003. Toutefois, le seul fait de concevoir des équipements sur mesure, notamment en réalisant des couvertures correspondant à des contraintes techniques spécifiques à chaque chantier et ayant des apparences différentes, ne saurait suffire à caractériser l'existence d'un nouveau produit. Les fiches chantier et photographies versées au dossier n'établissent pas que les charpentes réalisées seraient, par leurs lignes, contours, couleurs, matériaux, formes, textures et fonctionnalités, distinctes de celles déjà commercialisées. Dans ces conditions, la société requérante ne peut prétendre au bénéfice du crédit d'impôt prévu par l'article 244 quater O du code général des impôts.

En ce qui concerne les années 2013 et 2014 :

8. Aux termes des dispositions de l'article 244 quater O du code général des impôts, dans leur rédaction applicable aux années 2013 et 2014 : " I.- Les entreprises mentionnées au III et imposées d'après leur bénéfice réel (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt égal à 10 % de la somme : / 1° Des salaires et charges sociales afférents aux salariés directement affectés à la création d'ouvrages réalisés en un seul exemplaire ou en petite série. La création d'ouvrages uniques, réalisés en un exemplaire ou en petite série, se définit selon deux critères cumulatifs : / a) Un ouvrage pouvant s'appuyer sur la réalisation de plans ou maquettes ou de prototypes ou de tests ou encore de mise au point manuelle particulière à l'ouvrage ; / b) Un ouvrage produit en un exemplaire ou en petite série ne figurant pas à l'identique dans les réalisations précédentes de l'entreprise (...) / III .- Les entreprises pouvant bénéficier du crédit d'impôt mentionné au I sont : / 1° Les entreprises dont les charges de personnel afférentes aux salariés qui exercent un des métiers d'art énumérés dans un arrêté du ministre chargé des petites et moyennes entreprises représentent au moins 30 % de la masse salariale totale (...) ". Ces dispositions, issues de l'article 35 de la loi du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012, réservent désormais le bénéfice du crédit d'impôt en faveur des métiers d'art aux entreprises exerçant une activité de " création d'ouvrages uniques, réalisés en un exemplaire ou en petite série ", alors que pouvaient bénéficier de ce crédit d'impôt, dans la rédaction antérieure à cette loi, les activités de " conception de nouveaux produits ". Ainsi, il ressort des travaux parlementaires que cette modification a eu pour objet de restreindre les activités pouvant bénéficier de ce crédit d'impôt, en excluant du bénéfice de ce dispositif, par l'emploi du mot " ouvrage ", d'une part les activités de prestation de service, d'autre part celles conduisant à la production de biens immeubles ou de biens meubles incorporels.

9. En premier lieu, les couvertures produites par la SARL Couverture Lubin doivent être regardées comme des biens immeubles dès lors qu'elles ont vocation à faire partie intégrante d'un bâtiment. Ces biens sont ainsi exclus par nature du bénéfice du crédit d'impôt mentionné aux dispositions citées au point 8. En tout état de cause, il ne résulte pas de l'instruction, notamment des pièces et photographies produites, que les couvertures réalisées au cours des années 2013 et 2014 s'appuyaient systématiquement sur la réalisation de plans et ne figuraient pas à l'identique dans les réalisations précédentes de l'entreprise. Par conséquent, ils ne constituent pas des ouvrages uniques au sens des dispositions de l'article 244 quater O du code général des impôts.

10. En second lieu, d'une part, la SARL Couverture Lubin n'est pas fondée, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, à se prévaloir de l'instruction BOI-BIC-RICI-10-100 du 18 mars 2014, qui ne comporte pas une interprétation différente de la loi de celle dont il est fait application dans le présent arrêt. D'autre part, la société requérante ne peut pas se prévaloir de l'instruction référencée BOI-BIC-RICI-10-100 n° 20 du 7 juin 2017 dès lors que l'interprétation donnée par l'administration dans cette instruction a été publiée postérieurement à la date à laquelle le contribuable peut être réputé en avoir fait application, c'est-à-dire la date limite impartie pour souscrire la déclaration de résultats, soit le 2 novembre 2015 pour l'exercice clos le 30 juin 2015.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Couverture Lubin est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Couverture Lubin et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 10 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- M. Geffray, président assesseur,

- Mme A..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 juin 2021.

La rapporteure,

P. A...Le président,

F. Bataille

La greffière,

E. Haubois

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 20NT00254

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NT00254
Date de la décision : 24/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : CABINET FIDAL (ORLEANS)

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-06-24;20nt00254 ?
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