Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. H... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 22 juin 2017 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de naturalisation.
Par un jugement no 1707607 du 26 novembre 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 28 janvier, 26 août et 15 octobre 2020, M. C..., représenté par Me B..., doit être regardé comme demandant à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du 22 juin 2017 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de naturalisation ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui accorder la nationalité française ou, à défaut, de réexaminer sa demande, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 400 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le signataire de la décision contestée ne disposait pas d'une délégation valable de signature du ministre de l'intérieur ;
- cette décision est entachée d'erreur de fait dès lors qu'il n'a été condamné qu'à une peine de 5 mois d'emprisonnement avec sursis, et non à 5 mois d'emprisonnement ferme ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant aux infractions reprochées ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et d'erreur de droit quant à la mention du requérant dans les fichiers de police ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à la situation générale de l'intéressé.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 16 juin et 20 octobre 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le décret no 93-1362 du 30 décembre 1993 ;
- le décret no 2005-850 du 27 juillet 2005 ;
- le décret no 2013-728 du 12 août 2013 ;
- l'arrêté du 12 août 2013 portant organisation interne de la direction générale des étrangers en France ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant algérien né en 1988, marié depuis 2014 à une ressortissante française, a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 22 juin 2017 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de naturalisation. Il relève appel du jugement par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger ". Aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration dans la nationalité sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions ". En vertu de ces dispositions, il appartient au ministre de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la naturalisation à l'étranger qui la sollicite. Dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant.
3. Pour rejeter la demande d'acquisition de la nationalité française de M. C..., le ministre s'est fondé sur les motifs tirés de ce que l'intéressé, d'une part, a été l'auteur de blessures involontaires avec incapacité n'excédant pas 3 mois par conducteur de véhicule terrestre à moteur et circulation avec un véhicule terrestre à moteur sans assurance le 11 février 2012, faits pour lesquels il a été condamné à 5 mois d'emprisonnement et 300 euros d'amende par le tribunal correctionnel de Toulouse le 5 novembre 2013, et, d'autre part, a fait l'objet d'une procédure pour refus de se prêter à prise d'empreintes digitales ou photographies lors de la vérification d'identité le 3 décembre 2013 à Toulouse.
4. En premier lieu, aux termes de l'article 1er du décret no 2005-850 du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions (...) peuvent signer, au nom du ministre (...) l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : 1° (...) les directeurs d'administration centrale (...) ". Aux termes de l'article 3 du même décret : " Les personnes mentionnées aux 1° et 3° de l'article 1er peuvent donner délégation pour signer tous actes relatifs aux affaires pour lesquelles elles ont elles-mêmes reçu délégation : 1° (...) aux fonctionnaires de catégorie A (...) qui n'en disposent pas au titre de l'article 1er (...) ". Aux termes de l'article 8 du décret no 2013-728 du 12 août 2013 portant organisation de l'administration centrale du ministère de l'intérieur et du ministère des outre-mer, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) / La direction de l'accueil, de l'accompagnement et de la nationalité (...) élabore et met en oeuvre les règles en matière d'acquisition et de retrait de la nationalité française. / (...) ". Selon l'article 6 de l'arrêté du 12 août 2013 portant organisation interne de la direction générale des étrangers en France dans sa rédaction alors en vigueur : " La direction de l'accueil, de l'accompagnement des étrangers et de la nationalité comprend : (...) / - la sous-direction de l'accès à la nationalité française ; / (...) ". En vertu de l'article 8 du même arrêté : " La sous-direction de l'accès à la nationalité française comprend : / - le bureau des naturalisations ; / (...) ".
5. Par l'article 3 de la décision en date du 11 octobre 2016, régulièrement publiée le 12 octobre suivant au Journal officiel de la République française, Mme A... E..., nommée par un décret du 28 septembre 2016 dans les fonctions de directrice de l'accueil, de l'accompagnement des étrangers et de la nationalité au sein de la direction générale des étrangers en France à l'administration centrale du ministère de l'intérieur, a donné délégation à Mme F... G..., attachée d'administration de l'État, à l'effet de signer au nom du ministre de l'intérieur tous actes, arrêtés et décisions relevant de ses attributions au sein du bureau des naturalisations, celui-ci étant chargé, en application des dispositions précitées, des procédures de naturalisation. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée, qui manque en fait, doit dès être écarté.
6. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment du jugement correctionnel du 5 novembre 2013, versé pour la première fois en appel, que M. C... a été condamné par le tribunal correctionnel de Toulouse, outre à 300 euros d'amende, à une peine de 5 mois d'emprisonnement avec sursis, et non à 5 mois d'emprisonnement ferme. Dès lors, la décision contestée du ministre de l'intérieur, alors même qu'elle se fondait sur la mention erronée figurant sur le bulletin no 2 du casier judiciaire de l'intéressé, est entachée d'une erreur de fait.
7. Cependant, dans les circonstances de l'espèce, cette erreur de fait n'a pas eu d'incidence sur la décision contestée dès lors, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que c'est moins la peine prononcée que les faits pour lesquels M. C... a été reconnu coupable qui justifient cette décision, et que, d'autre part, il résulte de l'instruction que le ministre de l'intérieur, comme il le fait valoir en défense, aurait pris la même décision s'il s'était fondé sur les faits avérés d'une condamnation de M. C... à une peine de 5 mois d'emprisonnement avec sursis.
8. En troisième lieu, comme il a été dit, le ministre de l'intérieur pouvait légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant. Par suite, c'est sans erreur de droit que le ministre s'est fondé notamment sur le motif que M. C... avait fait l'objet d'une procédure pour refus de se prêter à prise d'empreintes digitales ou photographies lors de la vérification d'identité le 3 décembre 2013 à Toulouse. Par ailleurs, ni la circonstance que M. C... n'aurait pas été poursuivi pour ces faits, ni l'allégation du requérant, selon laquelle il aurait demandé s'il pouvait partir sans se prêter à la prise de ses empreintes digitales afin de ne pas arriver en retard au rendez-vous que lui avait fixé sa compagne pour son anniversaire, ne sont de nature à établir que ce motif serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
9. En outre, il ressort des pièces du dossier que M. C... a été l'auteur de blessures involontaires avec incapacité n'excédant pas 3 mois, en l'espèce 7 jours, lors d'un accident de la circulation à Toulouse le 11 février 2012 provoqué par le requérant alors qu'il circulait à scooter. Il a également été l'auteur, le même jour, des faits de circulation d'un véhicule terrestre à moteur sans assurance - infraction punie de 3 750 euros d'amende, et donc de nature délictuelle et non contraventionnelle en vertu des articles L. 324-2 du code de la route, 131-13 du code pénal et 381 du code de procédure pénale. Comme il a été dit, M. C... a été condamné, pour ces deux infractions, à 5 mois d'emprisonnement avec sursis et 300 euros d'amende par le tribunal correctionnel de Toulouse le 5 novembre 2013. Ces faits présentaient, contrairement à ce que soutient l'intéressé, un caractère encore relativement récent à la date de la décision contestée et une gravité certaine.
10. Alors même que M. C..., marié à une ressortissante française, est bien intégré à la société française et inséré tant professionnellement que socialement, le ministre chargé des naturalisations a pu, sans entacher sa décision d'erreur manifeste d'appréciation à la date de la décision contestée, eu égard au large pouvoir d'appréciation dont il dispose pour accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite, rejeter la demande de naturalisation présentée par M. C....
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Dès lors, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 4 juin 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Célérier, président de chambre,
- Mme Buffet, présidente-assesseure,
- M. D..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 juin 2021.
Le rapporteur,
F.-X. D...Le président,
T. Célérier
La greffière,
C. Popsé
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 20NT00326