Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 16 septembre 2019 par lequel le préfet du Loiret a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra, le cas échéant, être reconduite d'office.
Par un jugement n° 1903843 du 3 mars 2020, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Par une ordonnance du 22 juillet 2020, le président-assesseur de la 2ème chambre de la cour administrative d'appel de Versailles a transmis à la cour administrative d'appel de Nantes la requête formée par Mme C... et enregistrée le 22 juillet 2020 sous le numéro 20VE01663.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 12 juillet 2020 Mme C..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 3 mars 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Loiret du 16 septembre 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Loiret de lui délivrer un titre de séjour pour raisons médicales sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente, dans un délai de trois jours, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté contesté n'est pas suffisamment motivé ;
- il révèle un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- il n'est pas établi que l'avis rendu " par le médecin de l'ARS ", qui devrait être produit, est régulier ;
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations du 1° de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle procède d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur de droit, la mention de son entrée irrégulière sur le territoire étant erronée s'agissant d'un demandeur d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations du 1° de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle procède d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de destination est contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 24 novembre 2020 le préfet du Loiret conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante sierra-léonaise, née en 1989, est entrée irrégulièrement en France le 27 février 2012. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 10 septembre 2012 du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 6 février 2015. Elle a ensuite bénéficié d'un titre de séjour pour raisons médicales du 17 décembre 2015 au 16 décembre 2016, renouvelé jusqu'au 27 mars 2018. Par un arrêté du 16 septembre 2019, le préfet du Loiret a refusé de renouveler ce titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être renvoyée d'office. Mme C... relève appel du jugement du 3 mars 2020 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté son recours tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " (...) Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. / (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. (...) / L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. ". Enfin, l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 visé ci-dessus dispose : " L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ". Il appartient au préfet, lorsqu'il statue sur une demande de carte de séjour, de s'assurer que l'avis a été rendu par le collège de médecins conformément aux règles procédurales fixées par ces textes.
3. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'accès effectif ou non à un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires
4. Le préfet du Loiret a pris l'arrêté contesté en s'appuyant sur un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 6 août 2019 selon lequel l'état de santé de Mme C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que l'intéressée est en état de voyager vers son pays d'origine.
5. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des nombreux compte-rendu de consultations établis par le médecin hépato-gastro-entérologue qui suit Mme C... au centre hospitalier sud francilien, que cette dernière est affectée d'une hépatite post-virale B inactive ne nécessitant aucun traitement mais un simple suivi biologique biannuel. Si la requérante, qui ne saurait utilement faite valoir à ce titre la durée de son séjour en France, soutient qu'elle ne pourra pas bénéficier d'un suivi adapté en Sierra Leone, elle se borne à produire à l'appui de ses allégations des données très générales sur les défaillances du système de prise en charge de l'hépatite B dans ce pays, ainsi qu'un certificat médical de son médecin traitant, établi le 7 octobre 2019 et affirmant qu'une surveillance adaptée à l'état de santé de la patiente est impossible en Sierra Leone et qu'il existe un risque de réactivation virale qui ne pourrait pas y être traitée. Ces éléments ne suffisent pas à contredire l'avis du collège de médecins de l'OFII du 6 août 2019 quant à l'absence de conséquences d'une exceptionnelle gravité d'un défaut de traitement sur l'état de santé de l'intéressée ou sa capacité à voyager vers son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) ". Aux termes de l'article L. 312-2 du même code : " La commission est saisie par le préfet lorsque celui-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 ". Il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles L. 313-11, L. 314-11, L. 314-12 et L. 431-3 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions. Il résulte de ce qui a été dit plus haut que Mme C... n'établit pas qu'elle serait au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour sur le fondement de ces dispositions. Par suite, le préfet du Loiret n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
8. Si Mme C... se prévaut de la durée de son séjour en France et de la scolarisation de son fils, né en 2014 de sa relation avec un compatriote avec lequel elle dit partager une communauté de vie, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que la cellule familiale ne pourrait pas se reconstituer en Sierra Leone où elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt-trois ans et où résident ses trois autres enfants mineurs. Par suite, en dépit de l'activité professionnelle de l'intéressée, l'arrêté contesté n'a pas méconnu les stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. En quatrième lieu, aux termes du 1° de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions concernant les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
10. Il résulte de ce qui a été dit au point 8 que l'arrêté contesté n'aura pas pour effet de priver les enfants mineurs de la requérante de sa présence ou de celle de leur père. Par suite, cet arrêté n'a pas méconnu les stipulations rappelées au point précédent.
11. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
12. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5, le préfet du Loiret n'a pas méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en faisant à Mme C... obligation de quitter le territoire français.
13. En sixième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, le préfet du Loiret n'a pas, en faisant à Mme C... obligation de quitter le territoire français, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
14. En septième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points
5 et 8, le moyen tiré de ce que la décision contestée procèderait d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant doit être écarté.
15. En huitième lieu, selon l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
16. En se bornant à faire valoir qu'elle ne pourra pas bénéficier d'une prise en charge médicale adaptée en Sierra Leone, la requérante n'établit pas que la décision fixant le pays de destination méconnaîtrait les dispositions citées ci-dessus.
17. Pour le surplus, Mme C... se borne à reprendre devant le juge d'appel les mêmes moyens et les mêmes arguments que ceux invoqués en première instance, tirés de l'insuffisance de motivation de l'arrêté contesté, du défaut d'examen dont cet acte serait entaché et du défaut de production de " l'avis rendu par le médecin de l'ARS ", ainsi que de l'erreur de droit et de l'erreur de fait dont serait entachée la décision portant obligation de quitter le territoire français s'agissant des conditions d'entrée de la requérante sur le territoire français. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges.
18. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant au bénéfice des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet du Loiret.
Délibéré après l'audience du 3 juin 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme A..., présidente de chambre
- Mme Brisson, présidente-assesseure,
- M. Berthon, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juin 2021.
La présidente-rapporteure
I. A...La présidente-assesseure
C. BrissonLe greffier
R. Mageau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT02186