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18/06/2021 | FRANCE | N°20NT01505

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3eme chambre, 18 juin 2021, 20NT01505


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner l'établissement public médico-social du Château de Vaux à lui verser la somme de 15 981,83 euros en réparation des préjudices résultant du licenciement pour motif disciplinaire prononcé à son encontre par le directeur de cet établissement le 6 novembre 2018.

Par un jugement n° 1900596 du 13 mars 2020, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mé

moires enregistrés les 12 mai 2020, 22 octobre 2020, 8 janvier 2021, 29 mars 2021 et 14 mai 2021...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner l'établissement public médico-social du Château de Vaux à lui verser la somme de 15 981,83 euros en réparation des préjudices résultant du licenciement pour motif disciplinaire prononcé à son encontre par le directeur de cet établissement le 6 novembre 2018.

Par un jugement n° 1900596 du 13 mars 2020, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 12 mai 2020, 22 octobre 2020, 8 janvier 2021, 29 mars 2021 et 14 mai 2021 (non communiqué) Mme C... A..., représentée par

Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 13 mars 2020 du tribunal administratif de Caen ;

2°) de condamner l'établissement public médico-social du Château de Vaux à lui verser la somme de 15 981,83 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de sa réclamation préalable et de la capitalisation de ces intérêts ;

3°) de condamner cet établissement à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Elle soutient que :

- l'article 44 du décret du 6 février 1991 a été méconnu dès lors que les motifs du licenciement ne lui ont pas été notifiés lors de l'entretien du 6 novembre 2018, la privant ainsi de la possibilité de faire valoir utilement ses observations ;

- une erreur de fait a été commise, la seconde modification de ses horaires de travail n'est pas intervenue sur sa demande ; les retards reprochés et les répercussions sur le fonctionnement du service ne sont pas établis ;

- la sanction présente un caractère disproportionné ;

- la règle non bis in idem a été méconnue ; l'avertissement prononcé le 10 octobre 2018 a tenu compte de ses absences antérieures à cette date ; la décision critiquée ne peut donc s'y référer de nouveau ;

- un détournement de procédure a été commis, la décision est fondée sur la volonté de supprimer des postes d'agents contractuels pour permettre une réorganisation du service administratif de l'établissement et pour éviter de procéder à son reclassement ;

- la perte de revenus qu'elle subit doit être réparée par le versement de la somme de 5 528,83 euros ; elle a droit au versement de l'indemnité compensatrice de préavis, de l'indemnité de licenciement et à la réparation de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence.

Par des mémoires enregistrés les 27 août 2020, 18 mars 2021, 29 mars 2021, 2 avril 2021 et 13 avril 2021, l'établissement public médico-social du Château de Vaux, représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par Mme A... n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le décret n° 91-155 du 6 février 1991 ;

- le décret n° 2015-1434 du 5 novembre 2015 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... A... a été recrutée par l'établissement public médico-social du Château de Vaux en qualité d'adjoint administratif, pour occuper les fonctions de secrétaire de direction, par un contrat à durée déterminée pour la période allant du 14 février 2018 au 14 février 2019. Par une lettre du 6 novembre 2018, l'établissement lui a notifié son licenciement pour motif disciplinaire. Par une lettre du 20 décembre 2018, reçue le lendemain par l'établissement, Mme A... a sollicité l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de ce licenciement illégal. L'établissement a rejeté sa demande le 28 janvier 2019. Par un jugement du 13 mars 2020 dont Mme A... relève appel, le tribunal administratif de Caen a rejeté son recours indemnitaire.

Sur la faute de l'établissement public médico-social du Château de Vaux :

2. Aux termes de l'article 39 du décret du 6 février 1991 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Les sanctions disciplinaires susceptibles d'être appliquées aux agents contractuels sont les suivantes : / 1° L'avertissement ; / 2° Le blâme ; / 3° L'exclusion temporaire des fonctions avec retenue de traitement pour une durée maximale de six mois pour les agents recrutés pour une période déterminée et d'un an pour les agents sous contrat à durée indéterminée ; / 4° Le licenciement, sans préavis ni indemnité de licenciement. / La décision prononçant une sanction disciplinaire doit être motivée. Aux termes de l'article 39-2 du même décret : " Tout manquement au respect des obligations auxquelles sont assujettis les agents publics, commis par un agent contractuel dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, est constitutif d'une faute l'exposant à une sanction disciplinaire, sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par le code pénal. ".

3. En raisons de retards réitérés de Mme A... lors de ses prises de service matinales, la direction de l'établissement public médico-social du Château de Vaux a organisé le

24 juillet 2018 un entretien au cours duquel ont été rappelées à Mme A... ses obligations en matière de ponctualité professionnelle. Cependant, l'intéressée s'étant présentée les 8, 9 et 10 octobre 2018 à nouveau en retard à son travail, le directeur de l'établissement lui a adressé, le 10 octobre 2018, un avertissement pour manquements à la discipline de l'établissement dans lequel elle exerce ses fonctions. Puis, par un courrier du 22 octobre 2018, Mme A... a été convoquée à un entretien professionnel préalable à un licenciement pour faute disciplinaire en raison " des nouveaux retards constatés " postérieurement à l'avertissement du 10 octobre 2018. La décision en litige du 6 novembre 2018 portant licenciement est fondée sur ces retards.

4. L'existence d'un retard de 15 minutes le 11 octobre 2018 n'est pas contestée par l'intéressée. Par ailleurs, si Mme A... avait été autorisée à s'absenter au titre de ses congés annuels du 15 au 19 octobre 2018 de sorte qu'aucune méconnaissance de son obligation de respecter les horaires ne peut lui être reprochée au cours de ces 5 jours, le directeur de l'établissement a fait état d'un nouveau manquement dès son retour le 22 octobre 2018. Dans ces conditions, et alors que les horaires de travail de Mme A... avaient été aménagés, la réitération de retards, de nature à nuire au bon fonctionnement du service et à porter atteinte à l'image de l'administration auprès du public, pouvait justifier l'édiction d'une nouvelle sanction disciplinaire à l'encontre de la requérante.

5. Toutefois, en lui infligeant, pour deux retards constatés postérieurement à l'avertissement infligé le 10 octobre 2018, la sanction du licenciement soit la plus élevée prévue par le décret du 6 février 1991 pour les agents non titulaires de la fonction publique hospitalière, le directeur de l'établissement du Château de Vaux a appliqué une sanction sans proportion avec la gravité de la faute de la requérante.

6. Il s'ensuit que Mme A... est fondée à soutenir que la décision de licenciement prononcée à son encontre est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de son employeur.

Sur la réparation :

7. Un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente un lien de causalité.

8. En premier lieu, aux termes de l'article 42 du décret susvisé du 6 février 1991 : " En cas de licenciement des agents (...) dont le contrat à durée déterminée est rompu avant le terme fixé, les intéressés ont droit à un préavis de (...) 2°) un mois pour ceux qui ont au moins six mois et au plus deux ans de service (...) ". Comme il a été dit ci-dessus, le licenciement à titre disciplinaire de Mme A... n'étant pas justifié, cette dernière avait droit, en application de ces dispositions, à un préavis d'un mois. Ayant été illégalement privée du bénéfice de ce préavis, Mme A... a droit à la réparation du préjudice qui en est résulté. Il y a lieu de fixer en l'espèce à 1 300 euros la somme due à ce titre par l'EPSM.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article 47 du décret du 6 février 1991 : " En cas de licenciement n'intervenant pas à titre de sanction disciplinaire, une indemnité de licenciement est versée (...) 2° Aux agents engagés à terme fixe et licenciés avant ce terme ; (...) ". L'article 49 de ce même décret prévoit que : " La rémunération servant de base au calcul de l'indemnité de licenciement est la dernière rémunération nette des cotisations de sécurité sociale et, le cas échéant, des cotisations d'un régime de prévoyance complémentaire effectivement perçue au cours du mois civil précédant le licenciement. Elle ne comprend ni les prestations familiales, ni le supplément familial de traitement, ni les indemnités pour travaux supplémentaires ou autres indemnités accessoires. (...) et l'article 50 de ce décret précise que : " L'indemnité de licenciement est égale à la moitié de la rémunération de base définie à l'article précédent pour chacune des douze premières années de services, (...) ".

10. En l'espèce, il résulte de l'instruction que Mme A... était employée à temps plein, la dernière rémunération perçue par l'intéressée s'élevant à la somme mensuelle nette de 1 317,30 euros. L'intéressée a droit, déduction faite des sommes perçues au titre du supplément familial de traitement et de l'indemnité de sujétions spéciales s'élevant au total à 197,29 euros, à une indemnité de licenciement égale à 560 euros [(1 317,30 - 197,29) = 1 120 / 2].

11. En troisième lieu, en l'absence de service fait, Mme A... ne peut prétendre au rappel de son traitement jusqu'au terme normalement prévu de son contrat. En revanche, elle est fondée à demander à l'établissement public médico-social du Château de Vaux la réparation du préjudice qu'elle a réellement subi du fait de l'éviction irrégulière prononcée à son encontre. En l'espèce, le licenciement de Mme A... a eu pour effet de la priver de la rémunération qu'elle avait vocation à percevoir au cours de la période du 6 novembre 2018 au 14 février 2019, terme de son contrat. Il ressort de l'attestation de Pôle Emploi du

15 février 2019 que l'intéressée n'a pas perçu d'allocation de retour à l'emploi.

12. Compte tenu à la fois d'un montant mensuel net moyen de 1 300 euros perçu en 2018 avant son licenciement et d'un salaire net de 1 775 euros perçu à raison de la nouvelle activité professionnelle exercée par l'intéressée à compter du mois de janvier 2019 en qualité d'assistante en immobilier, il sera fait en l'espèce une juste appréciation du préjudice lié à la perte de revenus supportée par Mme A... à raison de son licenciement en l'évaluant à la somme de 3 500 euros.

13. Enfin, la mesure de licenciement contestée a pour l'intéressée été à l'origine d'un préjudice moral et de troubles dans ses conditions d'existence. Il convient, pour fixer l'indemnité à laquelle la requérante a droit à ce titre, de tenir compte de l'importance respective de la faute commise par l'administration et de celle imputable à la requérante tenant au caractère répété de ses retards. Il sera fait une équitable appréciation du préjudice subi à ce titre par Mme A... en l'évaluant à la somme de 1 000 euros.

14. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à demander la condamnation de l'établissement public médico-social Château de Vaux à lui verser la somme de 6 360 euros.

15. Mme A... a droit aux intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2018 date de réception de sa réclamation préalable. La capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année. En ce cas, cette demande ne prend effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière. Mme A... a sollicité la capitalisation des intérêts le 27 mars 2019. Il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 27 mars 2020, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Sur les frais de l'instance :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme A... qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées à ce titre par l'établissement public médico-social Château de Vaux ne peuvent dès lors être accueillies.

17. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'établissement public Château de Vaux la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1900596 du 13 mars 2020 du tribunal administratif de Caen est annulé.

Article 2 : L'établissement public médico-social Château de Vaux est condamné à verser à Mme A... la somme de 6 360 euros majorée des intérêts de droit à compter du 21 décembre 2018 et de leur capitalisation à compter du 27 mars 2020.

Article 3 : L'établissement public médico-social Château de Vaux versera à Mme A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions présentées par l'établissement public médico-social Château de Vaux sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et à l'établissement public médico-social du Château de Vaux.

Délibéré après l'audience du 3 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot présidente de chambre,

- Mme E..., président-assesseur,

- M. Berthon, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juin 2021.

La rapporteure

C. E...

La présidente

I. Perrot

Le greffier

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT01505


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3eme chambre
Numéro d'arrêt : 20NT01505
Date de la décision : 18/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PERROT
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SELARL CHRISTOPHE LAUNAY

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-06-18;20nt01505 ?
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