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18/06/2021 | FRANCE | N°20NT00444

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3eme chambre, 18 juin 2021, 20NT00444


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 3 avril 2019 par laquelle le directeur général du centre hospitalier universitaire de Caen-Normandie a prolongé son congé de maladie ordinaire au-delà de six mois à compter du 9 avril 2019.

Par une ordonnance n° 1801225 du 29 novembre 2019 le magistrat désigné du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 10 févr

ier et 2 juin 2020 Mme B..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler cette or...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 3 avril 2019 par laquelle le directeur général du centre hospitalier universitaire de Caen-Normandie a prolongé son congé de maladie ordinaire au-delà de six mois à compter du 9 avril 2019.

Par une ordonnance n° 1801225 du 29 novembre 2019 le magistrat désigné du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 10 février et 2 juin 2020 Mme B..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 29 novembre 2019 ;

2°) d'annuler la décision du 3 avril 2019 du directeur général du centre hospitalier universitaire de Caen;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Caen la somme de 2 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- l'ordonnance est irrégulière en ce qu'elle méconnaît les articles R. 222-1 et R. 611-7 du code de justice administrative puisque le moyen tiré de son défaut d'intérêt à agir n'a pas été invoqué par les parties et a été relevé par le juge en cours de délibéré alors qu'il lui appartenait de radier l'affaire du rôle et de communiquer le moyen aux parties ;

- elle présente un intérêt à agir ;

- elle n'a pas bénéficié de l'information prévue par l'article 7 du décret du 19 avril 1988 et par l'article 7 du décret du 14 mars 1986 et a ainsi été privée des garanties tenant à la possibilité de prendre connaissance de son dossier et de se faire entendre par le médecin de son choix ;

- la prolongation du congé maladie au-delà de 6 mois est intervenue sans qu'elle ait été initialement placée en position de congé statutaire de maladie.

Par des mémoires en défense enregistrés les 11 mai et 5 août 2020 le centre hospitalier universitaire de Caen, représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par Mme B... n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la fonction publique ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 88-386 du 9 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- les observations de Me C..., représentant Mme B... et de Me A..., représentant le centre hospitalier universitaire de Caen.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., aide-soignante employée depuis le 17 octobre 1987 par le centre hospitalier universitaire de Caen, a subi, en mai 2014, une intervention chirurgicale d'arthrodèse dorso-lombaire à raison de la discopathie qu'elle présentait et a été victime d'une rupture transfixiante du tendon supra épineux à l'épaule, diagnostiquée en juin 2016 et dont l'imputabilité au service a été reconnue par une décision du 12 décembre 2016. Après avoir été opérée de la coiffe des rotateurs le 23 janvier 2017, elle a repris son travail à temps partiel thérapeutique du 4 septembre 2017 au 4 septembre 2018. Le 15 octobre 2018, Mme B... a présenté au centre hospitalier universitaire une demande tendant à l'octroi d'un congé de longue maladie à compter du 9 octobre précédent, date de début d'un nouveau congé de maladie ordinaire. Après que le comité médical a émis un avis défavorable, dans sa séance du

6 novembre 2018, le centre hospitalier universitaire a rejeté sa demande, par une décision du 21 novembre 2018. Par une décision du 3 avril 2019 le centre hospitalier universitaire a accordé la prolongation au-delà de six mois du congé de maladie ordinaire dont Mme B... bénéficiait depuis le 9 octobre 2018.

2. Mme B... relève appel de l'ordonnance du 29 novembre 2019 par laquelle le magistrat délégué du tribunal administratif de Caen a, sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, rejeté comme manifestement irrecevable sa demande tendant à l'annulation de la décision du 3 avril 2019 du directeur du centre hospitalier universitaire de Caen prolongeant son congé de maladie ordinaire à compter du 9 avril 2019.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

3. En vertu du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, le président de la formation de jugement ou le juge statuant seul devant être regardé comme le président de la formation de jugement, au sens de cette disposition, peut, par ordonnance, rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens. Ni ces dispositions ni aucune autre du code de justice administrative, ni même aucun principe, ne font obstacle à ce que des requêtes soient jugées dans les formes prévues par l'article R. 222-1 du même code si les conditions d'application de cet article sont remplies.

4. Par ailleurs, les dispositions de l'article R. 611-7 du même code prévoient que l'obligation d'informer les parties de ce que la décision à intervenir est susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office n'est pas applicable lorsqu'il est fait application des dispositions de l'article R. 222-1.

5. Des dispositions ainsi rappelées il résulte, d'une part, que la circonstance qu'une procédure contradictoire d'instruction avait été engagée par le tribunal ne faisait pas obstacle à ce que la procédure soit close par une ordonnance du président de cette juridiction ou du magistrat délégué par lui et, d'autre part, que cette ordonnance pouvait être régulièrement prise sans notification préalable d'un moyen d'ordre public.

6. Toutefois, la décision de prolongation au-delà de six mois du congé de maladie ordinaire dont bénéficiait Mme B..., qui avait demandé le bénéfice d'un congé longue maladie, ne constitue pas, eu égard à sa portée et aux effets négatifs que cette décision est susceptible d'entraîner pour l'intéressée s'agissant notamment de son droit à rémunération, une décision favorable la privant de son intérêt pour agir. Par suite c'est à tort que le premier juge a déclaré irrecevable la demande présentée par Mme B.... Il s'ensuit que l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité et doit être annulée. Il y a lieu, pour la cour de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur les conclusions présentées par Mme B... devant le tribunal et devant la cour.

Sur la légalité de la décision du 3 avril 2019 :

7. Aux termes de l'article 7 du décret susvisé du 19 avril 1988 relatif aux conditions d'aptitude physique et aux congés de maladie des agents de la fonction publique hospitalière : " Les comités médicaux sont chargés de donner un avis à l'autorité compétente sur les contestations d'ordre médical qui peuvent s'élever à propos de l'admission des candidats aux emplois de la fonction publique hospitalière, de l'octroi et du renouvellement des congés de maladie, de longue maladie et de longue durée et de la réintégration à l'issue de ces congés. / (...). Ils sont consultés obligatoirement en ce qui concerne : / 1. La prolongation des congés de maladie au-delà de six mois consécutifs ;/ 2. L'octroi des congés de longue maladie et de longue durée (...) / Le secrétariat du comité médical informe le fonctionnaire : / de la date à laquelle le comité médical examinera son dossier ; / de ses droits relatifs à la communication de son dossier et à la possibilité de faire entendre le médecin de son choix ; / des voies de recours possibles devant le comité médical supérieur. / L'avis du comité médical est communiqué au fonctionnaire, sur sa demande. (...). ".

8. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

9. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... n'a pas été informée par l'administration, préalablement à la réunion du comité médical qui devait examiner son cas, de ses droits concernant la communication de son dossier ni de la faculté dont elle disposait de faire entendre un médecin de son choix ni des voies de recours possibles devant le comité médical supérieur. En conséquence, Mme B... a été privée d'une garantie. Par suite, elle est fondée à soutenir que la procédure suivie devant le comité médical a méconnu les dispositions de l'article 7 du décret du 19 avril 1988 et que la décision contestée du 3 avril 2019 se trouve, de ce fait, entachée d'irrégularité.

10. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à demander l'annulation de la décision du

3 avril 2019 par laquelle le directeur du CHU de Caen a décidé la prolongation de son congé de maladie ordinaire au-delà de six mois.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B... la somme que le CHU de Caen demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

12. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du CHU de Caen la somme de 1 500 euros qui sera versée à Mme B... au titre de frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 1801225 du 29 novembre 2019 est annulée.

Article 2 : La décision du directeur général du centre hospitalier universitaire de Caen du

3 avril 2019 est annulée.

Article 3 : Le centre hospitalier universitaire de Caen versera à Mme B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative par le centre hospitalier universitaire de Caen sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... B... et au centre hospitalier universitaire de Caen.

Délibéré après l'audience du 3 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot présidente de chambre,

- Mme D..., présidente-assesseure,

- M Berthon, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juin 2021.

La rapporteure

C. D...

La présidente

I. Perrot

Le greffier

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de la santé et des solidarités, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT00444


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3eme chambre
Numéro d'arrêt : 20NT00444
Date de la décision : 18/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PERROT
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : MINIER MAUGENDRE et ASSOCIEES

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-06-18;20nt00444 ?
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