Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Caen d'annuler la décision du 13 juillet 2018 de la ministre des armées rejetant sa demande de revalorisation de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation de ses infirmités et reconnaissance d'un taux d'invalidité de 10 % au titre d'une hypoacousie bilatérale.
Par un jugement n° 19/00001 du 20 septembre 2019, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Caen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 29 novembre 2019, 3 février 2020, 11 décembre 2020 et 14 janvier 2021, M. C..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Caen du 20 septembre 2019 ;
2°) d'annuler la décision du 13 juillet 2018 ;
3°) de fixer son taux d'invalidité à 20 % au titre des séquelles qu'il conserve à la suite de la fracture du tibia droit et à 25 % pour les séquelles concernant la jambe droite ;
4°) de fixer son taux d'invalidité au titre de l'hypoacousie bilatérale dont il est atteint à 10 %, de sorte que sa pension soit calculée sur la base d'un taux global de 55 % à compter du 5 juillet 2017 ;
5°) le cas échéant, d'ordonner une expertise aux fins de déterminer ses taux d'invalidité et le lien de causalité entre l'hypoacousie bilatérale dont il souffre et le service ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens ainsi que le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ; il ne motive pas le rejet de sa demande d'expertise ;
- son taux d'invalidité a évolué dans le temps ; ses déplacements qui requièrent l'usage de cannes anglaises sont limités ; ses douleurs se sont accrues ; ses taux d'invalidité doivent être fixés à 25 % pour sa jambe gauche et à 20 % pour sa jambe droite ;
- le traumatisme qu'il a subi en 1968 lors d'un exercice de tir est à l'origine d'une hypoacousie bilatérale importante ; elle a été constatée par le médecin en chef Hardelin, le 27 juillet 1993 ; le taux de cette infirmité doit être évalué à 10 %.
Par des mémoires, enregistrés les 13 octobre 2020, 4 janvier 2021 et 1er février 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ;
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., qui est né le 12 avril 1943, a intégré l'armée à la suite de son service militaire en 1965. Il a été rayé des contrôles au 1er janvier 1994 pour occuper les fonctions de directeur d'établissements privés de soins. Au cours de sa carrière militaire, il a été victime, le 2 mars 1970, d'une fracture du tibia droit et, le 13 septembre 1983, d'une fracture tibio-tarsienne au niveau de la jambe gauche. Par un arrêté du 11 mai 1982, une pension militaire d'invalidité lui a été concédée au taux de 25 %, à raison de 15 % pour les séquelles de la fracture tibia-tarsienne gauche, laquelle a été traitée par une ostéosynthèse à l'origine de sa raideur à la cheville, et de 10 % au titre des séquelles de la fracture du tibia droit. M. C... soutient également conserver des séquelles auditives à la suite des exercices de tir qu'il encadrait à Nantes entre 1966 et 1968. Le 5 juillet 2017, l'intéressé a sollicité la révision de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation de ses infirmités au niveau des membres inférieurs ainsi que la prise en compte de sa perte d'audition. Par une décision du 13 juillet 2018, la ministre des armées a rejeté ses deux demandes. L'intéressé a saisi le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Caen, lequel, par un jugement du 20 septembre 2019, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision et à la revalorisation de sa pension militaire d'invalidité. Le 29 octobre 2019, M. C... a relevé appel de ce jugement devant la cour régionale des pensions de Caen, laquelle a transféré ce dossier à la présente cour, devenue compétente pour statuer sur ce type de litige à compter du 1er novembre 2019 en vertu de la loi du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense.
2. Aux termes de l'article L. 154-1 du code des pension militaire d'invalidité et des victimes de guerre : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur./ Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée./ La pension définitive révisée est concédée à titre définitif. ".
3. S'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité, le demandeur de la pension doit apporter la preuve de l'existence d'une relation certaine et directe de cause à effet entre les troubles qu'il invoque et des circonstances particulières du service à l'origine de l'affection. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle, ni des conditions générales de service partagées par l'ensemble des militaires servant dans la même unité.
4. En premier lieu, pour examiner la demande de revalorisation de la pension militaire d'invalidité de M. C..., le docteur Tricaud a été désigné en qualité d'expert. Le 13 février 2018, ce médecin a constaté que l'intéressé présentait une voûte plantaire " accentuée ", qui pouvait être compensée par le port de semelles orthopédiques. Il a estimé que les douleurs ressenties à la marche par M. C... étaient liées à sa morphologie et non à sa fracture du tibia droit. L'expert n'a en outre constaté ni amyotrophie musculaire, ni une mobilité anormale de sa cheville. Au vu de ce constat et compte tenu des recommandations du guide-barème des invalidités, retenant un taux d'invalidité compris entre 0 et 10% pour des raideurs de l'articulation tibia-tarsienne " avec angle de mobilité favorable, le pied conservant des mouvements qui oscillent de 15° autour de l'angle droit ", l'expert a estimé que le taux de 10 % retenu pour cette infirmité n'était pas sous-évalué. S'agissant de la jambe gauche, l'expert a constaté qu'il existait une ankylose de la cheville pour les mouvements en varus ou valgus en rapport avec l'accident de 1983, que la flexion plantaire était conservée à 30° et la flexion dorsale à 10°. Au vu du guide-barème qui prévoit un taux de 10% à 30% pour des raideurs articulaires " avec angle de mobilité défavorable (pied talus ou équin) ", l'expert a considéré que le taux de 15 % précédemment retenu était évalué justement en raison de l'impossibilité pour le requérant de mettre le pied en varus ou valgus mais de l'absence d'équin ou de talus.
5. Pour contester cette expertise, le requérant se prévaut notamment d'une attestation de son médecin traitant, datée du 2 juin 2017, dans laquelle il est indiqué qu'il présente " une aggravation de ses douleurs du pied droit et de la cheville gauche ", sans aucune autre précision. Il produit également un certificat d'un rhumatologue en date du 23 novembre 2016 se bornant à lui prescrire des semelles orthopédiques ainsi qu'un nouveau traitement médicamenteux destinés à réduire ses douleurs aux chevilles. Par suite, le requérant n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, d'une aggravation de ses douleurs et infirmités aux membres inférieurs. En outre, contrairement à ce que soutient M. C..., il ne ressort pas des pièces du dossier que l'expertise réalisée par le docteur Tricaud n'aurait pas été menée sérieusement et dans des conditions satisfaisantes, par un médecin compétent, quand bien même celui-ci n'était ni rhumatologue, ni chirurgien orthopédiste.
6. En second lieu, M. C..., qui se plaint d'une hypoacousie qu'il impute à son exposition entre 1966 et 1968 à des tirs répétés sans protection auditive, a été examiné le 27 mars 2018 par le docteur Rupin, expert oto-rhino-laryngologiste (ORL). Lors de son audiogramme effectué le jour même, ce spécialiste a constaté des pertes auditives moyennes de 18,75 décibels à droite et de 16,25 décibels à gauche, insuffisantes pour lui accorder un taux d'invalidité au vu des recommandations du guide-barème des invalidités. Ce spécialiste a également constaté que, sur la meilleure oreille, M. C... présentait une perte de sélectivité venant majorer de 10% son taux d'invalidité à la condition cependant d'établir le lien de causalité direct et certain entre cette infirmité et les circonstances particulières du service.
7. Pour contester les résultats de cette expertise et la décision du 13 juillet 2018 lui refusant l'octroi d'une pension militaire d'invalidité pour cette infirmité, M. C... ne se prévaut d'aucun fait précis. Il soutient seulement avoir été soumis à une exposition prolongée à des tirs d'entraînement et plus particulièrement avoir subi un traumatisme sonore en 1968 à la suite duquel il serait resté sourd d'une oreille " pendant plus d'une heure ". Il est toutefois constant que l'intéressé n'a fait l'objet d'aucun constat médical contemporain à cette date, ni d'aucune inscription au registre des constatations au cours de ces deux années. Le bon de consultation du service des armées en date du 27 juillet 1993 dont il se prévaut ne fait en effet état que d'un " examen ORL systématique " et d'une " visite de départ ". Par ailleurs, le requérant produit un certificat de son médecin généraliste du 5 novembre 1996 indiquant qu'il présente une hypoacousie nécessitant un examen en commission de réforme ainsi qu'un exemplaire de sa demande présentée en ce sens le 14 novembre 1996. Cependant si, l'audiogramme réalisé par le docteur Bézard le 2 octobre 1997 montre des pertes auditives moyennes de 10 décibels à droite et de 6,25 décibels à gauche, ce seul document ne permet pas d'établir un quelconque lien entre cette infirmité et le service, alors qu'il est constant que M. C... avait quitté l'armée au 31 décembre 1993, soit plusieurs années auparavant, et qu'il était alors âgé de 54 ans. Dans ces conditions, M. C... ne peut être regardé comme apportant la preuve qui lui incombe de l'imputabilité au service de la perte auditive dont il est atteint.
8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise médicale, que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Caen a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. C... de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et à la ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 28 mai 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme B..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 juin 2021.
La rapporteure,
V. GELARDLe président,
O. GASPON
La greffière,
P. CHAVEROUX
La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT04579