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15/06/2021 | FRANCE | N°19NT03603

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6eme chambre, 15 juin 2021, 19NT03603


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes, en premier lieu, d'annuler la décision du 12 juillet 2017 par laquelle le président de l'université de Bretagne Sud a rejeté son recours gracieux du 23 juin 2017 introduit contre son état de service pour l'année 2016-2017, ensuite, d'enjoindre à cette autorité d'intégrer les 16 heures complémentaires de travaux dirigés dans son état de service et de procéder au paiement de ces heures, et enfin, de mettre à la charge de l'établissement la s

omme de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes, en premier lieu, d'annuler la décision du 12 juillet 2017 par laquelle le président de l'université de Bretagne Sud a rejeté son recours gracieux du 23 juin 2017 introduit contre son état de service pour l'année 2016-2017, ensuite, d'enjoindre à cette autorité d'intégrer les 16 heures complémentaires de travaux dirigés dans son état de service et de procéder au paiement de ces heures, et enfin, de mettre à la charge de l'établissement la somme de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1704080 du 9 juillet 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de Mme A....

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés le 9 septembre 2019, 16 juillet 2020, 16 février, 7 avril et 3 mai 2021 Mme D... A..., représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 9 juillet 2019 ;

2°) d'annuler la décision du 12 juillet 2017 du président de l'université de Bretagne Sud ;

3°) d'enjoindre au président de l'université de Bretagne Sud de réexaminer sa demande tendant à la révision de son état de service et au paiement de 16 heures de travaux dirigés litigieuses ;

4°) de mettre à la charge de l'université de Bretagne Sud le versement d'une somme de 3000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce qu'il a omis de préciser les règles de constitution des groupes de travaux dirigés au sein de l'Université de Bretagne Sud conduisant à retenir qu'elle avait réalisé les heures en litige sans autorisation de sa hiérarchie ;

- l'université n'a jamais produit la décision du conseil d'administration en formation restreinte aux enseignants-chercheurs qui aurait imposé la règle fixant à 40 le nombre d'étudiants par groupe de TD dans les matières UE1 (" gestion des ressources humaines ") et UE4 (" communiquer et s'exprimer ") en cause pour l'année universitaire 2016/2017 ; le tribunal ne pouvait tenir pour acquise la règle opposée par l'université à la demande de Mme A..., qui la contestait, sans rechercher si cette règle, dont on ignore toujours l'origine, avait effectivement été adoptée par le conseil d'administration ; elle n'a pas créé 3 groupes de TD " sans autorisation de sa hiérarchie " ; cette situation était connue depuis plusieurs années sans jamais avoir été remise en cause notamment par son directeur de département qui l'avalisait tacitement d'année en année au mois de novembre de l'année universitaire en cours ; cette pratique était en effet justifiée par les spécificités de l'enseignement en cause et le nombre d'étudiants inscrits ;

- la décision de défalquer 16 heures de ses états de service sur les 48 heures programmées et effectuées n'a pas été précédée de l'avis motivé prévu par l'article 1er du décret du 6 juin 1984 fixant les dispositions statutaires communes applicables aux enseignants-chercheurs et portant statut particulier du corps des professeurs des universités et du corps des maîtres de conférences ;

- cette décision qui ne procède pas de l'application des règles définies par la formation restreinte du conseil d'administration réunissant les représentants des enseignants chercheurs prévues par l'article 7 de ce décret est en outre, entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; la spécificité de cet enseignement demande une contribution orale importante et l'utilisation d'outils médias difficilement conciliables avec des groupes de plus de 40 étudiants.

Par un mémoire en défense et des mémoires complémentaires, enregistrés le 29 juin 2020, 1er février, 8 mars et 16 avril 2021, l'Université de Bretagne Sud conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme A... la somme de 2500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens présentés par Mme A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 84-431 du 6 juin 1984 ;

- l'arrêté du 25 mai 2016 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Coiffet, président-assesseur,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,

- et les observations de Mme A... et de Me C..., substituant Me F..., représentant l'université de Bretagne Sud.

Une note en délibéré, enregistrée le 2 juin 2021, a été produite pour Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., maître de conférences à l'université de Bretagne Sud, était directrice des études de la deuxième année de licence " Action sociale et de santé " (ASS) au sein de l'unité de formation et de recherche (UFR) " Lettres, langues, sciences humaines et sociales " pour l'année universitaire 2016-2017. Mme A... a décidé de répartir les élèves de licence en trois groupes de travaux dirigés (TD) dans les matières des unités d'enseignement 1 et 4. Elle a assuré elle-même une partie de ces travaux dirigés - soit 16 heures sur 20 heures par groupe de TD - dans la matière " Communication et expression ", enseignements qui se sont déroulés sur le semestre 6, soit après la session d'examen de janvier 2017. Par un courriel du 9 mars 2017, le directeur de l'UFR " Lettres, langues, sciences humaines et sociales " a annoncé aux enseignants intervenant dans les unités d'enseignement concernées que seules les heures d'enseignement correspondant à deux groupes de travaux dirigés seraient payées. Le 23 juin 2017, Mme A... a présenté un recours gracieux pour contester son état de service validé, dans lesquels 16 heures de travaux dirigés assurées par elle-même n'apparaissaient pas, en sollicitant que cet état de service, tel que prévu selon elle lors de la rentrée universitaire, soit validé afin que ces heures lui soient payées. Par une décision du 12 juillet 2017, le président de l'université de Bretagne Sud a rejeté le recours gracieux formé par Mme A....

2. Mme A... a, le 12 septembre 2017, saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant à l'annulation de la décision du 12 juillet 2017 du président de l'université de Bretagne Sud et à ce qu'il soit enjoint à cette autorité d'intégrer les 16 heures complémentaires de travaux dirigés dans son état de service et de procéder au paiement de ces heures. Elle relève appel du jugement du 9 juillet 2019 par lequel cette juridiction a rejeté sa demande.

Sur la légalité de la décision du 12 juillet 2017, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

3. Aux termes de l'article L. 954-1 du code de l'éducation : " Le conseil d'administration définit, dans le respect des dispositions statutaires applicables et des missions de formation initiale et continue de l'établissement, les principes généraux de répartition des obligations de service des personnels enseignants et de recherche entre les activités d'enseignement, de recherche et les autres missions qui peuvent être confiées à ces personnels. ". Selon les termes de l'article L. 952-4 du même code : " La répartition des fonctions d'enseignement et des activités de recherche au sein d'un même établissement fait l'objet d'une révision périodique. Les enseignants-chercheurs, les enseignants et les chercheurs ont compétence exclusive pour effectuer cette répartition. ". Aux termes de l'article 7 du décret du 6 juin 1984 fixant les dispositions statutaires communes applicables aux enseignants-chercheurs et portant statut particulier du corps des professeurs des universités et du corps des maîtres de conférences : " (...) III. Dans le respect des principes généraux de répartition des services définis par le conseil d'administration en formation restreinte ou par l'organe en tenant lieu, le président ou le directeur de l'établissement arrête les décisions individuelles d'attribution de services des enseignants-chercheurs dans l'intérêt du service, après avis motivé, du directeur de l'unité de recherche de rattachement et du directeur de la composante formulé après consultation du conseil de la composante, réuni en formation restreinte aux enseignants. Ces décisions prennent en considération l'ensemble des activités des enseignants-chercheurs. (...) Le tableau de service de chaque enseignant-chercheur lui est transmis en début d'année universitaire et peut être adapté pour chaque semestre d'enseignement. / Le service d'un enseignant-chercheur peut être modulé pour comporter un nombre d'heures d'enseignement inférieur ou supérieur au nombre d'heures de référence mentionné au I. Cette modulation est facultative et ne peut se faire sans l'accord écrit de l'intéressé. (...) ".

4. Pour fonder la décision du 12 juillet 2017, portant rejet du recours gracieux formé par Mme A... qui contestait " la non prise en compte de 16 heures de TD pourtant effectuées correspondant à un 3ème groupe de TD validées en début d'année universitaire ", le président de l'Université de Bretagne Sud a rappelé les termes des courriels adressés à l'intéressée les 13 et 24 janvier 2017 qui, d'une part, lui faisait observer " qu'il ne comprenait pas pourquoi sa matière comprenait trois TD alors que toutes les autres (sauf salles info ) n'en ont que deux ", et, d'autre part, que " l'UFR avait décidé que les TD étaient dédoublés à 24 pour les groupes dans les salles informatiques, à 25 lorsqu'il s'agissait d'un enseignement en langues vivantes avec participation orale des étudiants, 35 pour les étudiants de LANSAD. Et qu'il n'avait jamais été décidé que le type d'enseignement en litige pouvait bénéficier de conditions différentes ". La règle de répartition des étudiants en deux groupes de TD, sauf exceptions dans lesquelles les enseignements de Mme A... n'entraient pas, est ainsi le motif fondant la décision contestée, en l'absence de toute autorisation donnée permettant d'y déroger. L'université rappelle également dans ses mémoires des 29 juin 2020 et 1er février 2021 que " la règle de 40 étudiants par groupe de TD a toujours été posée par la composante UFR LLSHS ", " qu'elle est une pratique constante que sont tenus de respecter les directeurs d'étude et que " la règle de subdivision des groupes de TD avait été largement posée et connue de la requérante ". Toutefois, il ne ressort d'aucun élément du dossier, ainsi que l'a soutenu à plusieurs reprises la requérante, que le conseil d'administration en formation restreinte aux enseignants-chercheurs de l'université se serait prononcé et aurait fixé par une délibération, conformément aux dispositions citées au point de l'article 7 précité du décret du 6 juin 1984, la règle arrêtant à 40 le nombre d'étudiants par groupe de TD conduisant à n'imposer que deux groupes de TD dans les enseignements des matières UE1 (" gestion des ressources humaines ") et UE4 (" communiquer et s'exprimer ") dispensés par Mme A.... La référence par l'université au livret de l'étudiant L2ASS pour l'année universitaire 2016-2017, qui précise que " les cours sont donnés (...) sous forme de TD (travaux dirigés) pour des groupes d'environ 40 étudiants ", dénuée de toute portée juridique, comme le rappel de la règle de deux groupes de TD lors du conseil de la faculté qui s'est tenu le 9 novembre 2019, soit postérieurement à la décision contestée, demeurent à cet égard sans incidence. Mme A... est ainsi fondée à soutenir que la décision du 12 juillet 2017 est entachée d'illégalité et doit être annulée.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement attaqué, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision du 12 juillet 2017 du président de l'université de Bretagne Sud.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

6. Le présent arrêt qui retient l'illégalité de la décision du 12 juillet 2017 du président de l'université de Bretagne Sud implique, ainsi que le demande expressément Mme A..., qu'il soit enjoint au président de l'université de Bretagne Sud de réexaminer la demande qu'elle a présentée tendant à la révision de son état de service et au paiement de 16 heures de travaux dirigés litigieuses.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à l'université de Bretagne Sud de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cet établissement le versement à Mme A... d'une somme de 1500 euros au même titre.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1704080 du tribunal administratif de Rennes du 9 juillet 2019 et la décision du 12 juillet 2017 du président de l'université de Bretagne Sud sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au président de l'université de Bretagne Sud de réexaminer la demande présentée par Mme A... tendant à la révision de son état de service et au paiement de 16 heures de travaux dirigés litigieuses.

Article 3 : L'université de Bretagne Sud versera la somme de 1500 euros à Mme A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... et à l'université de Bretagne Sud.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme B..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 juin 2021.

Le rapporteur

O. COIFFETLe président

O. GASPON

La greffière,

P. CHAVEROUX

La République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 19NT03603 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6eme chambre
Numéro d'arrêt : 19NT03603
Date de la décision : 15/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : SELARL VALADOU JOSSELIN et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-06-15;19nt03603 ?
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